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mardi 6 mai 2025

Prescription biennale du code des assurances et obligation d'information pesant sur l'assureur

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 30 avril 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 218 F-D

Pourvoi n° V 23-22.880

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [P].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 27 septembre 2023.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025

M. [G] [P], domicilié [Adresse 8], majeur sous tutuelle représenté par ses co-tutrices Mmes [F] [P] et [S] [P], a formé le pourvoi n° V 23-22.880 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [A] [U], domiciliée [Adresse 7],

2°/ à M. [C] [D], domicilié [Adresse 6],

3°/ à la société L'Auxiliaire, dont le siège est [Adresse 1],

4°/ à la société Les Chalets des écrins, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

5°/ à la société J.P Louis et [E] [I], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de Mme [E] [I], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Chalets des écrins,

6°/ à la société Jego, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 9],

7°/ à la société Les Mandataires, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], prise en la personne de M. [N] [J], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Jego,

8°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [P], représenté par ses co-tutrices Mmes [F] et [S] [P], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Gan assurances, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société L'Auxiliaire, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 14 juin 2022), Mme [U] a fait construire par lots séparés une maison individuelle sous la maîtrise d'oeuvre de M. [P], assuré auprès de la société L'Auxiliaire.

2. Se plaignant de désordres, elle a, après expertise, assigné le maître d'oeuvre, les intervenants à l'opération de construction et leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [P], représenté par ses co-tutrices Mmes [F] et [S] [P], fait grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société L'Auxiliaire, alors :

« 1°/ que l'article R. 112-1 du code des assurances, dans sa rédaction en vigueur au moment de la souscription du contrat d'assurance litigieux le 9 août 2001, prévoyait que « Les polices d'assurance des entreprises mentionnées au 5° de l'article L. 310-1 doivent (?) rappeler les dispositions des titres Ier et II du livre Ier de la partie législative du présent code concernant (?) la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance » ; que le 5° de l'article L. 310-1 du code des assurances, dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 janvier 1994, visait « Les entreprises d'assurances de toute nature » ; qu'à la date de souscription du contrat d'assurance litigieux, l'article L. 310-1 du code des assurances avait été réécrit par la loi du 4 janvier 1994 et ne comportait plus de 5°, mais visait « 1° les entreprises qui sous forme d'assurance directe contractent des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine, s'engagent à verser un capital en cas de mariage ou de naissance d'enfants, ou font appel à l'épargne en vue de la capitalisation et contractent à cet effet des engagements déterminés ; 2° les entreprises qui sous forme d'assurance directe couvrent les risques de dommages corporels liés aux accidents et à la maladie ; 3° les entreprises qui sous forme d'assurance directe couvrent d'autres risques y compris ceux liés à une activité d'assistance (?) » ; qu'ainsi, à la suite de la refonte de l'article L. 310-1 du code des assurances opérée par la loi du 4 janvier 1994 et modifiant la classification des catégories des entreprises soumises au contrôle de l'Etat, le 5° a été supprimé de sorte que ce qui relevait de cette catégorie s'est trouvé englobé dans les première, deuxième et troisième catégories, sans qu'aucune modification de l'article R. 112-1 du code des assurances ne soit intervenue ; qu'il s'ensuit que le contrat d'assurance litigieux, souscrit auprès de la société d'assurance L'Auxiliaire, était soumis aux dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances ; qu'en jugeant au contraire que cet article n'aurait pas été applicable, aux motifs qu'il renvoyait au 5° de l'article L. 310-1 du code des assurances, qui avait disparu depuis la loi du 4 janvier 1994, la cour d'appel a violé les articles R. 112-1 et L. 310-1 du code des assurances, dans leur rédaction applicable au litige ;

2°/ que le contrat d'assurance litigieux, souscrit auprès d'une société d'assurance, devait rappeler explicitement et précisément, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1 du code des assurances, les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code ; qu'en jugeant au contraire, pour opposer à M. [P] le délai de l'article L. 114-1 du code des assurances, qu'il ne saurait être fait grief à la société L'Auxiliaire de n'avoir inséré dans les dispositions diverses des conditions générales, à l'article 27, une mention plus explicite que celle selon laquelle « toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance, dans les termes des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 114-1, alinéa 1er, L. 114-2 et R. 112-1, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2006-740 du 27 juin 2006, du code des assurances :

4. Aux termes du premier de ces textes, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

5. Selon le deuxième, la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. Elle peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.

6. Selon le troisième, les polices d'assurance des entreprises mentionnées au 5° de l'article L. 310-1 doivent indiquer la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance.

7. Il est jugé, d'abord, qu'à la suite de la refonte de l'article L. 310-1 du code des assurances opérée par la loi n° 94-5 du 4 janvier 1994 et modifiant la classification des catégories des entreprises soumises au contrôle de l'Etat, le 5° de cet article a été supprimé, de sorte que ce qui relevait de cette catégorie s'est trouvé englobé dans les première, deuxième et troisième catégories (2e Civ., 7 mai 2009, pourvoi n° 08-16.500), ensuite, que l'obligation d'information prévue par l'article R. 112-1 du code des assurances s'inscrit dans le devoir général d'information de l'assureur lui imposant de porter à la connaissance des assurés cette disposition qui est commune à tous les contrats d'assurance (2e Civ., 17 mars 2011, pourvoi n° 10-15.864, 10-15.267 ; 2e Civ., 21 novembre 2013, pourvoi n° 12-27.124), enfin, que ce texte oblige l'assureur à rappeler dans le contrat d'assurance les dispositions des titres I et II du livre I de la partie législative de ce code concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance et donc les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale (3e Civ., 28 avril 2011, pourvoi n° 10-16.269, publié).

8. Il en résulte que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale, les termes de l'article L. 114-1 du code des assurances et les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code, la seule référence à ces deux articles étant insuffisante à satisfaire à son obligation d'information (3e Civ., 16 novembre 2011, pourvoi n° 10-25.246, publié).

9. Pour rejeter la demande de garantie de M. [P] à l'encontre de son assureur, l'arrêt retient que, si l'article 27 des conditions générales de la police se borne à rappeler que toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y a donné naissance dans les termes des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances, M. [P] ne peut pas se prévaloir de l'inopposabilité de la prescription biennale, dès lors que le contrat litigieux n'était pas soumis à l'obligation d'information prévue par l'article R. 112-1 du code des assurances en vigueur lors de sa conclusion, celui-ci visant des polices d'assurance d'entreprises mentionnées au 5° de l'article L. 310-1, catégorie disparue à la suite de la réécriture de cet article par la loi n° 94-5 du 4 janvier 1994.

10. En statuant ainsi, alors que l'obligation d'information prévue à l'article R. 112-1 susvisé s'applique à tous les contrats d'assurance et qu'il ressortait de ses constatations que les conditions générales de la police se bornaient à faire référence, sans autre précision, aux articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation du chef de dispositif rejetant les demandes de M. [P] à l'encontre de la société L'Auxiliaire emporte celle condamnant M. [P] à payer à la société L'Auxiliaire une certaine somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, les autres condamnations prononcées au titre de cet article étant justifiées par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

Recevabilité de la demande de mise hors de cause examinée d'office

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 16 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 982 du code de procédure civile.

13. La société Gan assurances a constitué avocat le 25 novembre 2024 et a présenté une demande de mise hors de cause par mémoire en défense notifié le 29 novembre 2024, alors que le mémoire ampliatif lui a été signifié par acte du 27 mars 2024.

14. Le mémoire en défense n'ayant pas été déposé dans les deux mois de la signification du mémoire ampliatif, la demande de mise hors de cause de la société Gan assurances est irrecevable en application de l'article 982 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. [P] à l'encontre de la société L'Auxiliaire et le condamne à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Déclare irrecevable la demande de mise hors de cause de la société Gan assurances ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne la société L'Auxiliaire aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société L'Auxiliaire à payer à la société civile professionnelle Marlange et de La Burgade la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300218

mercredi 15 janvier 2025

Devoir d'information du conseil en assurances

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 décembre 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1210 F-D

Pourvoi n° R 22-15.765




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 DÉCEMBRE 2024

M. [U] [E], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 22-15.765 contre l'arrêt n° RG : 20/15892 rendu le 4 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

2°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [E], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 avril 2022), afin de bénéficier de la réduction d'impôts sur le revenu prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts, au titre du dispositif dit « Girardin industriel », M. [E] a souscrit à un projet, monté par la société Diane et proposé par la société Gesdom, consistant en un investissement dans des centrales photovoltaïques sur l'Île de La Réunion par l'intermédiaire de sociétés en participation (SEP).

2. M. [E] a ainsi versé à la société Diane la somme de 21 888 euros et a bénéficié d'une réduction d'impôts sur ses revenus 2010 de 30 400 euros.

3. Cependant, l'administration fiscale a estimé qu'une installation dans le secteur photovoltaïque devait être considérée comme constitutive d'un investissement réalisé, ouvrant droit à réduction d'impôt, uniquement à compter de la date de raccordement au réseau électrique ou du dépôt d'un dossier complet de demande de raccordement. Dans la mesure où ces démarches n'avaient pas été effectuées au 31 décembre de l'année considérée pour l'installation concernée par les investissements de M. [E], une procédure de rectification a été engagée contre lui.

4. M. [E], estimant avoir subi un préjudice du fait des sociétés Diane et Gesdom, a assigné en indemnisation l'assureur de ces dernières, la société Covea Risks, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (l'assureur).

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

5. M. [E] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à fixer des dommages et intérêts au titre du préjudice financier à son bénéfice, de dire que la police « CNCIF » n° 112.788.909 n'est pas applicable au litige, de limiter le montant de la fixation du préjudice à la charge in solidum des sociétés MMA en paiement à son bénéfice à la somme de 21 888 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2018, de constater l'épuisement de la garantie de la police responsabilité civile n° 120 137 363, de dire n'y avoir lieu à condamner in solidum les sociétés MMA à garantir le paiement de la créance de responsabilité civile et de rejeter toutes ses autres demandes, alors :

5/ « que le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en ne répondant pas aux conclusions de M. [E] soutenant que la société Gesdom était, non un simple intermédiaire, mais un acteur à part entière du montage, eu égard notamment à la circonstance que, postérieurement à la souscription du portefeuille litigieux, cette société, par un courrier-type du 17 décembre 2010, avait conseillé à chaque investisseur de demander à l'administration fiscale une réduction des versements provisionnels ou des mensualités en raison de l'avantage fiscal à venir, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6/ qu'en laissant sans réponse les conclusions de M. [E] soutenant que, dès 2008, la constitution de la société SFER par les fondateurs des sociétés Diane et Gesdom pour fournir les centrales photovoltaïques aux sociétés de portage, rechercher les exploitants locaux et réaliser les démarches techniques et administratives pour l'installation des centrales, révélait une collaboration entre ces sociétés dès la conception du montage, bien en amont de sa commercialisation, et que le rôle central de la société Gesdom dans le montage était, en outre, corroboré par la domiciliation à son siège des sociétés intervenantes (SFER, SMCP, Factdom), ce dont il se déduisait que la société Gesdom était intervenue dans le montage de l'opération de défiscalisation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

6. Tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

7. Pour rejeter les demandes formées par M. [E] au titre de la responsabilité de la société Gesdom, l'arrêt énonce que l'investissement a été proposé par la société Institut du patrimoine et non par la société Gesdom, laquelle a commercialisé le produit de défiscalisation monté par le cabinet Diane. Il ajoute que si le dossier de souscription comporte en son en-tête le nom de Gesdom, toutes les obligations sont clairement souscrites par la société Diane et que les conditions générales ne remettent pas en cause le contenu des obligations, dans la mesure où aucun élément ne vient démontrer son implication dans le montage et que ces dispositions délimitent son rôle d'intermédiaire, en précisant le rôle dévolu au cabinet Diane, percepteur des fonds et gérant des SEP. Il expose encore que la brochure présentant la société Gesdom et ses propositions commerciales n'est pas un document contractuel permettant d'engager la société Gesdom, en tant que partie au montage.

8. Il en déduit que la société Gesdom est intervenue en qualité de simple intermédiaire, lors de la souscription, et que son rôle s'est arrêté à ce stade.

9. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [E] qui faisait valoir que, par une lettre-type qu'il produisait, la société Gesdom avait conseillé aux investisseurs de faire certaines démarches auprès de l'administration fiscale, compte tenu des avantages fiscaux à venir, et que le rôle central de cette société dans le montage du produit était corroboré par la constitution de la société SFER par les fondateurs des sociétés Diane et Gesdom et par la domiciliation à son siège de cette société, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa huitième branche

Enoncé du moyen

10. M. [E] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il appartient au juge de tirer les conséquences légales de ses propres constatations ; qu'en constatant que la société Diane était intervenue en qualité de monteur et réalisateur d'une opération de défiscalisation à caractère immobilier outre-mer sans en tirer la conséquence que cette société exerçait, à cet égard, une activité d'ingénierie financière, mentionnée dans la liste des activités assurées par la police d'assurance n° 112.788.909 (CNCIF), la cour d'appel a violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

11. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

12. Pour dire que le contrat d'assurance n° 112.788.909 n'est pas applicable au litige, l'arrêt expose que l'activité de monteur d'une opération de défiscalisation ne constitue pas une activité d'ingénierie financière, telle que mentionnée dans la liste des activités assurées. Il ajoute que si ce contrat vise, parmi les activités assurées, les activités d'ingénierie financière et l'assistance ou l'accompagnement concernant les déclarations fiscales, ne sont assurées que les activités qui se rattachent à une activité de conseiller en investissements financiers, démarcheur bancaire et financier, intermédiaire en opérations de banque, ce qui écarte l'application de la garantie au cas d'espèce.

13. En statuant ainsi, alors que le contrat d'assurance litigieux prévoit que sont assurées, outre l'activité de conseil en investissements financiers, celle d'ingénierie financière, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen relevé d'office

14. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 124-1-1 du code des assurances :

15. Les dispositions du texte susvisé consacrant la globalisation des sinistres
ne sont pas applicables à la responsabilité encourue par un professionnel
en cas de manquements à ses obligations d'information et de conseil, celles-ci, individualisées par nature, excluant l'existence d'une cause technique, au sens de ce texte, permettant de les assimiler à un fait dommageable unique.

16. Pour constater l'épuisement de la garantie de la police responsabilité civile n° 120 137 363 et dire n'y avoir lieu à condamner in solidum l'assureur à garantir le paiement de la créance de responsabilité civile, l'arrêt énonce qu'aux termes de l'article L. 124-1-1 du code des assurances, constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations, que le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage et qu'un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique.

17. L'arrêt retient que le fait générateur doit s'entendre, non des circonstances de temps et de lieu propres à chaque réclamation, mais de la cause technique qui est commune et que les différentes réclamations formées à l'encontre de la responsabilité de la société Diane ont la même cause, consistant dans le fait de ne pas s'être assurée de l'éligibilité de son produit au dispositif Girardin et, plus précisément, de la condition du raccordement au réseau EDF.

18. En statuant ainsi, alors qu'elle retenait que la société Diane avait manqué à son obligation d'information, ce dont il résultait que la responsabilité de l'assurée était engagée au titre de ses manquements dans l'exécution d'obligations dont elle était spécifiquement débitrice à l'égard de M. [E], la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

19. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif rejetant les demandes formées par M. [E] au titre de la responsabilité de la société Gesdom entraîne la cassation des chefs de dispositif disant que le contrat d'assurance n° 112.788.909 n'est pas applicable au litige et fixant le préjudice à la charge in solidum des sociétés MMA au bénéfice de l'investisseur à la somme de 21 888 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2018, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

20. La cassation de ces chefs de dispositif n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'assureur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :
- infirme le jugement en ce qu'il a retenu l'application de la police n° 112.788.909 et condamné in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. [E] la somme de 2 904 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,
- dit n'y avoir lieu à fixer des dommages et intérêts au titre du préjudice financier au bénéfice de M. [E], dit que la police « CNCIF » n° 112.788.909 n'est pas applicable au litige, fixe le préjudice à la charge in solidum des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles au bénéfice de M. [E] à la somme de 21 888 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2018, constate l'épuisement de la garantie de la police responsabilité civile n° 120 137 363, dit n'y avoir lieu à condamner in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à garantir le paiement de la créance de responsabilité civile et rejette les demandes formées par M. [E] au titre de la responsabilité de la société Gesdom,

l'arrêt rendu le 4 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et les condamne in solidum à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C201210

mercredi 9 novembre 2022

Devoir d'information et de conseil de l'assureur

 Note A. Pimbert, RGDA 2023, n° 1-2, p. 17.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 octobre 2022




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1112 F-D

Pourvoi n° U 21-14.476





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 OCTOBRE 2022

1°/ M. [O] [N],

2°/ Mme [X] [L] [H], épouse [N],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° U 21-14.476 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2021 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [W] [B], domicilié [Adresse 1],

2°/ à la société Alma services assurances, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à la société Axa France Iard, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. et Mme [N], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France Iard, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. [B] et la société Alma services assurances, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 5 janvier 2021) et les productions, M. et Mme [N], propriétaires d'un château classé monument historique, ont souscrit le 6 octobre 2011 un contrat d'assurance avec la société Axa France Iard (l'assureur), par l'intermédiaire de M. [B], agent général d'assurances, puis de la société Alma services assurances, courtier d'assurance.

2. Le 30 juillet 2013, un incendie s'est déclaré et la charpente du château a été endommagée.

3. Après avoir refusé la proposition d'indemnisation faite par l'assureur, M. et Mme [N], invoquant l'inadéquation de leur contrat d'assurance et la violation de l'obligation d'information et de conseil de l'assureur et des intermédiaires en assurance, les ont assignés devant un tribunal de grande instance en réparation de leur préjudice.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [N] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :

« 1°/ qu'il incombe à l'assureur d'apporter la preuve qu'il a fourni à son assuré, avant la conclusion du contrat, directement ou par la voie de son agent, tous les éléments d'information pertinents dont il disposait et qui étaient de nature à influer sur la détermination du risque devant être garanti ; qu'en l'espèce, après avoir constaté qu'il n'était pas établi que le rapport de visite du 14 avril 2011 de l'agent d'assurance [B] avait été communiqué aux exposants lors du processus contractuel, la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer, pour considérer que l'assureur avait fourni aux assurés tous les éléments leur permettant de connaître l'évaluation des bâtiments assurés ,« que les devis joints à l'étude personnalisée établie en mai 2011, de même qu'une nouvelle tarification établie à la suite de la réduction de la surface développée étaient de nature à éclairer très directement sur les évaluations du bâtiment (pour le bâtiment principal entre 720 000 et 7 740 000 euros, pour les autres bâtiments d'habitation à 468 000 euros, pour les dépendances à 992 000 euros) et sur l'écart, de 27 % à 35 %, entre la limite contractuelle d'indemnisation proposée et in fine retenue (3 000 000 euros) et lesdites évaluations », sans vérifier ni constater que l'assureur apportait la preuve que ces éléments avaient été effectivement portés à la connaissance de M. et Mme [N], ce qui était contesté, qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieur à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ qu'il incombe à l'assureur d'apporter la preuve qu'il a fourni à son assuré, avant la conclusion du contrat, tous les éléments d'information pertinents dont il disposait et qui étaient de nature à influer sur la détermination du risque devant être garanti ; que dès lors, en retenant, pour considérer que les assurés avaient eu connaissance, à la date de souscription du contrat, du coût de reconstruction du château et de l'inadéquation de la police d'assurance, que M. [N] avait indiqué à la presse le lendemain du sinistre que « les primes étaient si élevées que le château était assuré à seulement 30 % de sa valeur totale », la cour d'appel s'est fondée sur des propos tenus postérieurement, non seulement à la conclusion du contrat, mais également postérieurement à la visite des experts de l'assureur le lendemain du sinistre, au cours de laquelle ils avaient indiqué aux assurés que le montant des travaux dépasserait la somme de 7 millions d'euros, propos qui étaient donc parfaitement inopérants à établir que les assurés avaient eu connaissance de la valeur de reconstruction des bâtiments à la date de conclusion du contrat, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ qu'en outre, le seul fait que l'assuré ait mené une négociation afin de réduire le montant de la prime annuelle, au besoin en diminuant légèrement la garantie, et ait une certaine connaissance des mécanismes de l'assurance, n'est pas une circonstance de nature à établir qu'il avait connaissance de l'ensemble des éléments pertinents pour prendre une décision éclairée et, notamment, du fait que le coût de reconstruction du bâtiment assuré excédait largement le plafond de la garantie ; que dès lors, en déduisant du fait que M. [N] avait personnellement mené une négociation avec l'assureur afin de faire baisser autant que possible le montant de la prime annuelle, et qu'il avait connaissance des mécanismes de l'assurance, qu'il aurait nécessairement eu connaissance de la valeur de son bien et de son coût de reconstruction évalué par l'assureur a minima à 7 millions d'euros, la cour d'appel, qui s'est fondée sur une circonstance inopérante, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ qu'au demeurant, le juge ne peut se borner à procéder par voie de simple affirmation sans analyser, même sommairement, ni viser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu'en l'espèce, en énonçant, pour considérer que la société Axa n'avait pas manqué à son obligation d'information à l'égard de M. [N] , que, « sauf à supposer, ce qui n'est pas vraisemblable, que le candidat à l'assurance ignorait totalement la valeur de son bien et n'avait aucune idée du coût de reconstruction d'un bâtiment aussi ancien considérable, il y a lieu de retenir qu'en réalité sa principale préoccupation était de réduire autant que possible montant de la prime annuelle, y compris en diminuant la garantie immobilière », la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer que M. [N] aurait eu connaissance du coût de reconstruction de son château sans s'expliquer sur les éléments de preuve de nature à établir cette connaissance, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'en tout état de cause, manque à son devoir de conseil l'assureur qui n'avertit pas l'assuré que la police qu'il lui propose ne couvre pas une partie des risques auxquels celui-ci est exposé, alors même que l'assureur en a pleinement conscience ; que dès lors, en se bornant à retenir que les modalités de l'assurance avaient été contractuellement élaborées de manière claire, sur la base notamment de la volonté de M. [N] dont rien ne démontrait qu'il n'était pas capable d'apprécier ses propres intérêts ni la pertinence de ses choix, sans constater que l'assureur avait effectivement rempli son devoir de conseil et l'avait préalablement mis en garde contre le risque d'insuffisance de la garantie en cas de destruction du château, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

6°/ qu'en tout état de cause, le seul fait que l'assuré ait mené une négociation afin de réduire le montant de la prime annuelle, au besoin en diminuant légèrement la garantie, n'est pas une circonstance de nature à établir qu'il n'aurait pas accepté de payer une prime plus élevée s'il avait eu connaissance du fait que le coût de reconstruction du bâtiment excédait très largement le plafond de la garantie proposée ; que dès lors en retenant, pour considérer qu'en tout état de cause le défaut d'information de l'assureur quant au coût de reconstruction de l'immeuble n'aurait causé aux assurés aucun préjudice, la cour d'appel, qui a retenu qu'au regard des échanges des parties, rien ne prouvait que M. et Mme [N] auraient accepté de payer une prime plus élevée pour bénéficier d'une meilleure assurance, s'est fondée sur une circonstance inopérante et a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

7°/ qu'en tout état de cause, dans leurs conclusions d'appel, M. et Mme [N] faisaient valoir que le manquement de la société Axa et de son agent à leuross obligations d'information et de conseil leur avait fait perdre une chance de contracter un contrat d'assurance leur permettant une indemnisation juste de leur préjudice ; que dès lors, en se bornant à énoncer qu'au regard des échanges des parties, rien ne prouvait que M. [N] aurait accepté de payer une prime plus élevée pour bénéficier d'une meilleure assurance, sans rechercher s'ils n'avaient pas néanmoins été privés de la possibilité de le faire, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Pour rejeter les demandes de M. et Mme [N], l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les modalités de l'assurance ont été contractuellement élaborées de manière claire, sur la base notamment de la volonté de l'assuré, M. [N] , dont rien ne démontre qu'il n'était pas capable d'apprécier ses propres intérêts ni la pertinence de ses choix.

6. Il énonce que les assurés étaient en mesure de connaître les conditions précises du contrat souscrit, qu'ils ont pu négocier, sans méconnaissance démontrée des limites de garantie, de l'incidence directe des éléments de surface, de la nature de la garantie, de la valeur globale du mobilier et des ordres de grandeur des valeurs de reconstruction immobilière.

7. L'arrêt ajoute qu'un manquement d'information de l'assureur ou de l'agent général à son obligation d'information ou à son devoir de conseil est d'autant moins établi que la limite contractuelle d'indemnisation de 3 000 000 euros était un choix économiquement raisonnable au regard de la valeur vénale immobilière du bien, estimée par l'expert judiciaire, très inférieure au coût de remise en état, qu'un niveau de prime très supérieur à celui convenu contractuellement aurait permis de couvrir le coût de reconstruction et que tout démontre qu'en toute connaissance de cause M. et Mme [N] avaient souhaité contenir le niveau de prime retenu.

8. En l'état de ses constatations, dont il résulte que M. et Mme [N] ont souscrit, en parfaite connaissance de cause, une garantie adaptée à leurs exigences et limitée en son montant, notamment pour le risque d'incendie, la cour d'appel, qui n'était pas tenue, dès lors, de procéder à la recherche prétendument omise sur la perte de chance invoquée, a pu décider qu'aucun manquement à l'obligation d'information et de conseil ne pouvait être reproché à l'assureur ou à son agent général.

9. Le moyen, dont la première branche manque en fait et dont les troisième, quatrième et sixième branches critiquent des motifs surabondants, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [N], les condamne in solidum à payer à la société Axa France Iard la somme de 1 500 euros, et les condamne à payer à M. [B] et à la société Alma services assurances la somme globale de 1 500 euros ;

mercredi 16 septembre 2020

Non-respect par l'assureur de son obligation d'information précontractuelle

Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 20 mai 2020, 19-11.892, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 mai 2020




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 434 F-D

Pourvoi n° U 19-11.892




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020

La société Inora Life, société de droit étranger, dont le siège est [...] (Irlande), ayant un établissement en France c/o Sogecap, [...] , a formé le pourvoi n° U 19-11.892 contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2018 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, civile), dans le litige l'opposant à M. S... V..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Inora Life, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. V..., après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller, et Mme Cos, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 7 décembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 5 octobre 2017, pourvoi n° 16-22.557), M. V... a adhéré le 7 mars 2007 à un contrat collectif d'assurance sur la vie, dénommé « Imaging », souscrit par la société Arca patrimoine auprès de la société Inora Life (l'assureur).

2. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 mai 2013, reçue le 21 mai 2013, M. V... a déclaré renoncer à ce contrat en invoquant le non-respect par l'assureur de son obligation d'information précontractuelle.

3. L'assureur ayant refusé de donner suite à sa demande, M. V... l'a assigné en restitution de la prime versée.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. V... la somme de 30 000 euros augmentée des intérêts majorés avec capitalisation, alors :

« 1°/ que pour apprécier le caractère abusif de l'exercice de la faculté de renonciation prévue par l'article L. 132-5-1 du code des assurances par le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie, il appartient aux juridictions du fond de se placer à la date à laquelle cette faculté a été exercée et de rechercher, au regard des informations dont l'assuré disposait « réellement » à cette date, de sa situation concrète et de sa qualité d'assuré profane ou averti, quelle était la finalité de l'exercice de son droit de renonciation et s'il n'en résultait pas l'existence d'un abus de droit (Civ. 2e, 7 février 2019, n° 17-27.223 ; Civ. 2e, 28 mars 2019, n° 18-15.612) ; que tout en faisant valoir que M. V... avait, avant la signature de son contrat, été fidèlement informé sur les caractéristiques de son contrat et sur les risques qui y étaient associés, la société Inora Life invitait la cour d'appel à tenir compte, en outre, des informations et des connaissances que M. V... avait pu acquérir au cours des six années pendant lesquelles il avait géré son contrat, notamment grâce à la communication de relevés de situation décrivant et expliquant les performances du support sur lequel celui-ci avait décidé d'investir ; que la société Inora Life faisait valoir que M. V... ne pouvait valablement prétendre avoir ignoré jusqu'au 11 septembre 2013, date à laquelle il avait prétendu renoncer à son contrat, les risques auxquels il était exposé et les caractéristiques de son investissement, et qu'en attendant le moment qu'il estimait opportun pour renoncer à son contrat, au prétexte d'un défaut d'information qui n'existait pas, il avait fait un usage abusif et déloyal de sa faculté de renonciation ; qu'en se bornant, pour exclure l'abus allégué, à se référer aux irrégularités entachant prétendument la documentation remise à M. V... et à analyser les informations qui avaient été communiquées à celui-ci à l'occasion de la signature de son contrat d'assurance-vie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances ;

2°/ que seule la méconnaissance, par l'assureur, des obligations mises à sa charge par les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances et les dispositions auxquelles ils renvoient peut justifier l'exercice, par le souscripteur, de la faculté de renonciation prévue par le premier de ces textes ; que la société Inora Life rappelait en l'espèce que l'annexe 2 de la notice d'information qui était consacrée à l'unité de compte sélectionnée par M. V... était, comme l'avaient retenu les premiers juges, en tous points régulière dans la mesure où, conformément à l'article A. 132-4 du code des assurances, elle décrivait fidèlement les caractéristiques principales du support sélectionné ; qu'en effet, comme le rappelait la société Inora Life (ibid), l'annexe 2 de la notice d'information précisait notamment la nature du titre sur lequel M. V... souhait investir (un EMTN), le seuil de garantie de remboursement du capital dont ce support bénéficiait (soit 45 %), sa date de départ (soit le 13 juin 2017), la durée de sa maturité (soit 10 ans), et la composition du panier de sous-jacents sur les performances desquels le support sélectionné était indexé (soit 30 actions internationales précisément listées) ; qu'en se fondant, sans autre forme d'explication, sur la « complexité » de ce document et le fait que la société Inora Life n'avait fourni aucune explication sur « le niveau des risques encourus et sur l'économie générale du type de support sélectionné » pour retenir que M. V... avait valablement renoncé à son contrat six ans après l'avoir souscrit, sans préciser en quoi la documentation établie par l'assureur méconnaissait les dispositions du code des assurances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, ensemble l'article A. 132-4 du code des assurances ;

3°/ que dans ses conclusions d'appel (p. 17 et p. 21 à 25), la société Inora Life rappelait qu'elle avait inséré dans la notice d'information remise à M. V... un tableau présentant les valeurs de rachat dues sur les huit premières années d'exercice, ce tableau étant précédé, en caractère gras, d'une formule ainsi libellée : « Inora Life France ne s'engage que sur le nombre d'unités de compte, mais non sur leur contre-valeur en euros. La valeur de rachat des parts de FCP ou des coupures de Titre représentant les unités de compte n'est pas garantie et est sujette à des fluctuations à la hausse comme à la baisse, dépendant en particulier de l'évolution des marchés financiers » ; que la société Inora Life rappelait encore que le certificat d'adhésion de M. V... reprenait, en caractère gras, cette même formule et indiquait, en nombre d'unités de compte, la valeur de rachat minimale des unités de compte acquises à l'adhésion ; que, comme le rappelait encore la société Inora Life, l'annexe 2 de la notice d'information précisait que le support sélectionné par M. V... bénéficiait d'une garantie du capital limitée à 45 % seulement, que ce produit était risqué et qu'il s'adressait, pour cette raison, à des investisseurs expérimentés capables d'apprécier la nature des risques inhérents aux produits dérivés ; que d'une façon générale, la société Inora Life rappelait que l'évocation des risques auxquels le souscripteur était exposé était omniprésente dans la documentation qui lui avait été remise, que ce soit dans la notice d'information, les conditions générales, le bulletin d'adhésion ou le certificat d'adhésion, et que M. V... avait, dans son bulletin d'adhésion, expressément déclaré avoir pris connaissance de chacun de ces documents ; qu'en affirmant que l'attention de M. V... avait été insuffisamment attirée sur l'ampleur des risques auxquels il était exposé, sans s'expliquer, fût-ce sommairement, sur ces mentions, ni préciser en quoi elles étaient impropres à établir que M. V... avait été suffisamment informé sur les risques encourus, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que le caractère abusif de l'exercice, par l'assuré, de sa faculté de renonciation doit s'apprécier au regard des informations dont celui-ci disposait réellement à la date à laquelle il a renoncé à son contrat, de sa situation concrète et de sa qualité d'opérateur averti ; que dans ce cadre, le juge doit notamment tenir compte des déclarations spontanées effectuées par l'assuré auprès de son assureur, de son profil d'investisseur et des objectifs d'investissements qu'il a annoncés ; qu'en écartant tout abus dans l'exercice, par M. V..., de sa faculté de renonciation, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p.24 s.), si M. V... n'avait pas déclaré qu'il était familier des marchés actions, qu'il recherchait une performance élevée à long terme tout en acceptant un risque de contre-performance, qu'il était disposé à immobiliser les fonds investis sur dix ans, et qu'en cas de fortes fluctuations des marchés financiers ou en cas de baisse de la valeur du support, il entendait maintenir ses investissements, ni rechercher si ces déclarations ne révélaient pas une connaissance des investissements du type de celui qui avait été souscrit et si, compte tenu des objectifs spéculatifs ainsi annoncés, le fait que M. V... ait attendu six ans pour prétendre renoncer à son contrat d'assurance-vie, dans un contexte de pertes durables, ne révélait pas l'existence d'un usage détourné et abusif de la faculté de renonciation prévue par le code des assurances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances ;

5°/ qu'en retenant que les mentions par lesquelles M. V... avait expressément déclaré avoir « bien compris le mode de fonctionnement du support » et qu'il ne « souhaitait pas obtenir d'informations complémentaires sur ses caractéristiques ou les risques encourus » ne suffisaient pas à démontrer qu'il avait effectivement bien compris le fonctionnement du support et les risques qui y étaient associés sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 33), s'il ne résultait pas de ces déclarations que M. V... avait indiqué à son assureur qu'il s'estimait suffisamment informé pour s'engager et si dès lors le fait, pour celui-ci, d'avoir attendu six ans et de constater l'existence de pertes durables pour renoncer à son contrat en se prévalant, cette fois, d'un défaut d'information dont il aurait été victime ne révélait pas l'existence d'un abus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir relevé que l'assureur n'avait pas satisfait aux exigences de l'article L. 132-5-2 du code des assurances, dès lors qu'il n'avait pas remis à M. V... une notice d'information distincte des conditions générales et que l'encadré exigé par la loi ne se trouvait pas au début du livret informatif de 23 pages mais en page 10 de celui-ci, la cour d'appel a constaté, d'abord, qu'il n'était pas justifié que par sa formation ou par l'exercice de sa profession de dentiste, M. V... possédait des connaissances et une expertise particulières en matière de fonctionnement des marchés financiers et qu'il avait acquis des connaissances étendues sur les placements en unités de compte sous la forme de produits financiers complexes tels que celui sur lequel son épargne avait été investie.

6. Elle a constaté, ensuite, que la circonstance qu'avaient été cochées, dans un questionnaire préétabli, la case « oui » en réponse aux questions portant sur le fait d' « avoir déjà effectué des placements à risque » et d' « avoir bien compris le mode de fonctionnement du support et la nature des risques et moins values qu'il peut engendrer » et la case « non » en réponse à la question « souhaitez-vous obtenir des informations complémentaires sur le support», ne suffisait pas à certifier que M. V... avait parfaitement compris les caractéristiques financières du produit souscrit de type « ENTM », adossé à un panier sous-jacent de 30 actions internationales et reposant sur des formules mathématiques complexes.

7. Elle a, enfin, retenu qu'aucune explication sur le niveau de risque encouru et sur l'économie générale de ce type de produit n'avait été fournie à M. V... qui, s'il connaissait l'existence d'un risque propre à tout placement reposant sur des actions, n'était pas un professionnel de la finance et dont l'attention avait été insuffisamment attirée sur l'ampleur des risques, faute de respect par l'assureur des prescriptions édictées par le code des assurances .

8. En l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a pris en considération la situation concrète de l'assuré, son niveau d'information réel à la date d'exercice de son droit de renonciation eu égard à la complexité du produit d'assurance souscrit et à sa qualité d'assuré profane, a pu en déduire, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, que M. V... n'avait pas fait un usage abusif de ce droit dans le seul but d'échapper à l'évolution défavorable de son investissement.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Inora Life aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Inora Life et la condamne à payer à M. V... la somme de 3 000 euros ;

Non-respect par l'assureur de son obligation d'information précontractuelle

Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 20 mai 2020, 18-24.102, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 mai 2020




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 431 F-D

Pourvoi n° V 18-24.102




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020

M. V... C..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° V 18-24.102 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant à la société Inora Life, société de droit étranger, dont le siège est [...] défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. C..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Inora Life, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Le 17 décembre 2007, M. C... a adhéré à deux contrats collectifs d'assurance sur la vie, dénommés « Imaging », souscrits par la société Arca patrimoine auprès de la société Inora Life (l'assureur) et versé sur chacun de ces contrats une somme de 20 000 euros qui a été placée sur l'unité de compte « Fastuo Dynamic ».

2. Le 1er juillet 2010, M. C... a transféré la totalité de son épargne vers le support obligataire « Arca Mutigestion + ».

3. Par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 20 juillet 2012, reçues le 26 juillet suivant, M. C... s'est prévalu de son droit de renonciation en invoquant le non-respect par l'assureur de son obligation d'information précontractuelle.

4. L'assureur ayant refusé de donner suite à sa demande, M. C... l'a assigné en restitution des sommes versées et en paiement de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. C... fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes, alors, « que le caractère éventuellement abusif de l'exercice par l'assuré du droit de renonciation à un contrat d'assurance collectif sur la vie ne répondant pas au formalisme informatif imposé par le code des assurances s'apprécie au regard de la situation concrète de celui-ci, de sa qualité d'assuré averti ou profane, et des informations dont il disposait effectivement au moment de la conclusion du contrat ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que M. C... avait exercé de manière abusive la faculté de renonciation prorogée aux contrats collectifs d'assurance-vie auxquels il avait adhéré auprès de la société Inora Life, après avoir examiné les mentions du bilan de situation patrimoniale et des bons d'adhésion, ainsi que certains des documents contractuels remis à l'adhérent, que ce dernier n'avait pas souffert d'un défaut d'information dans la période précontractuelle et qu'en réalité, ayant pris en toute connaissance de cause le risque d'une opération financière dans l'espoir d'un gain conséquent, il s'était emparé de manquements de l'assureur au formalisme imposé par la loi dans l'unique dessein de lui faire prendre en charge ses pertes financières, sans avoir recherché si M. C... était un investisseur averti ou profane ni en conséquence avoir examiné la connaissance qu'il avait pu avoir des caractéristiques essentielles de son investissement à l'aune de ses compétences personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-5-1, L. 132-5-2 et L. 132-5-3 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 applicable au litige ;

6. Si la faculté prorogée de renonciation prévue par le second de ces textes en l'absence de respect, par l'assureur, du formalisme informatif qu'il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, son exercice peut dégénérer en abus ;

7. Pour débouter M. C... de toutes ses demandes, après avoir constaté que l'assureur n'avait pas respecté les dispositions des articles L. 132-5-2 et A. 132-8 du code des assurances, de sorte que la possibilité de renoncer au contrat s'était trouvée prorogée, l'arrêt retient d'abord qu'il résulte du bilan de situation patrimoniale de M. C... qu'il avait réparti ses actifs en immobilier pour 30 %, en assurance vie sur des supports en unités de compte pour 50 % et en produits de taux pour 20 %, qu'il a indiqué que l'objectif de placement recherché était « une performance élevée à long terme en contrepartie du risque de contre-performance », ce qui signifie clairement qu'il acceptait le risque d'une perte, qu'il a coché la réponse « oui » aux questions suivantes : « êtes vous prêt(e) à immobiliser, sur une durée de 10 ans et plus, la part d'actifs financiers que vous souhaitez investir dans le support », « avez-vous déjà effectué des placements à risque et, plus particulièrement, êtes-vous familier des placements sur les marchés action », « avez-vous bien compris le mode de fonctionnement du support et la nature des risques de moins-values qu'il peut engendrer », « en cas de fortes fluctuations des marchés financiers ou en cas de baisse de la valeur du support, pensez-vous rester investi(e) jusqu'au terme du support » , qu'il a coché la réponse « non » à cette dernière question : « souhaitez-vous obtenir des informations complémentaires sur le support ».

8. L'arrêt relève ensuite que M. C... a choisi d'investir sur le titre Fastuo Dynamic qui est de type EMTN, que dans l'annexe 2 qui constitue la fiche technique de ce titre, il est indiqué notamment que sa maturité est de 10 ans, qu'il est constitué d'un panier de 20 actions internationales, que sa valeur évolue en fonction de formules mathématiques et qu'il bénéficie d'une garantie à échéance de 45 % du nominal, et qu'il résulte de cette fiche qu'il s'agit à l'évidence d'un produit complexe ainsi que le révèle la formule mathématique expliquant son fonctionnement, et risqué puisqu'il peut se solder par une perte de 55 % du capital investi.

9. L'arrêt énonce également que M. C... ne peut prétendre ne pas avoir eu connaissance des caractéristiques essentielles du support, la fiche relative à celui-ci précisant, par ailleurs, que « les investisseurs devront procéder à leur propre analyse des risques et devront si nécessaire, consulter préalablement leurs propres conseils juridiques, financiers, fiscaux, comptables ou tout autre professionnel », et les certificats d'adhésion mentionnant en caractères gras qu' « Inora Life ne s'engage que sur le nombre d'unités de compte mais non sur leur contre-valeur en euros ».

10. L'arrêt retient enfin que l'information essentielle, à savoir qu'il existait un risque de perte, a donc bien été, in fine, délivrée, et ce dans le délai d'exercice de la faculté de renonciation et que M. C..., ayant pris en toute connaissance de cause le risque d'une opération financière dans l'espoir d'un gain conséquent, s'est emparé de manquements de l'assureur au formalisme imposé par la loi dans l'unique dessein de lui faire prendre en charge ses pertes financières.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher si M. C... était un assuré averti ou profane afin d'apprécier, à la date d'exercice de sa faculté de renonciation, en fonction de sa situation concrète et des informations dont il disposait réellement au regard de ses compétences personnelles sur les caractéristiques essentielles de son investissement sur un produit complexe, quelle était la finalité de l'exercice de son droit de renonciation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Inora Life aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;