mardi 13 mai 2025

Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 7 mai 2025




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 245 F-D

Pourvoi n° X 23-21.042




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025

Mme [P] [H], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 23-21.042 contre l'arrêt rendu le 19 avril 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 2), dans le litige l'opposant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], représenté par son syndic M. [L] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de Me Occhipinti, avocat de Mme [H], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 avril 2023), le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] (le syndicat des copropriétaires) a assigné Mme [H] en paiement d'un arriéré de charges de copropriété.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. Mme [H] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture et de statuer au fond, alors « qu'une partie doit pouvoir répondre aux conclusions de son adversaire pour que le débat soit contradictoire ; que la cour d'appel a constaté que le syndicat avait déposé des conclusions le 13 janvier 2023, que l'ordonnance de clôture avait été rendue le 25 janvier 2023 et qu'il résultait d'un certificat médical du 17 janvier 2023 que le conseil de Mme [H] n'avait pas pu assurer ses obligations professionnelles dans des conditions optimales jusqu'au 28 février 2023 ; qu'en estimant ne pas devoir révoquer l'ordonnance de clôture car cet avocat aurait pu répondre aux conclusions du syndicat ou demander le report de la clôture avant la visite médicale du 17 janvier, sans pour autant constater que, dès le 13 janvier, l'avocate de Mme [H] savait qu'elle serait malade à compter du 17 et devait donc agir avant, la cour d'appel a privé Mme [H] de la possibilité de répondre aux conclusions du syndicat, violant ainsi les articles 16 et 803 du code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

3. Selon ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

4. Pour rejeter la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, l'arrêt retient que le conseiller de la mise en état a adressé aux parties le 29 décembre 2022 un avis indiquant le calendrier retenu et fixant la clôture au 25 janvier 2023 à 13 heures, et que, si l'avocate de Mme [H] communique un certificat médical du 17 janvier de la même année indiquant que son état de santé ne lui permettait pas d'assurer ses obligations professionnelles dans des conditions optimales jusqu'au 28 février suivant, elle était en mesure, dès la réception des conclusions additionnelles du syndicat des copropriétaires le 13 janvier 2023 et avant sa visite médicale du 17 janvier, soit de saisir le conseiller de la mise en état d'un incident, soit de conclure au fond, soit de solliciter le report de la clôture voire la date de plaidoirie.

5. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que Mme [H] avait disposé d'un temps suffisant pour répondre aux dernières conclusions du syndicat des copropriétaires ou demander un report de l'ordonnance de clôture, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le sept mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300245

Nouveaux dommages procédant d'un même désordre précédent

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
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Arrêt du 7 mai 2025




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 238 F-D

Pourvoi n° E 23-19.324




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025

La société Jean Jaurès, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 2], a formé le pourvoi n° E 23-19.324 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MAAF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], [Localité 5],

2°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

3°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 1], [Localité 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société civile immobilière Jean Jaurès, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société MAAF assurances, et des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er juin 2023) et les productions, M. [L] a entrepris des travaux en vue de la division d'un immeuble. Le lot « menuiseries extérieures et intérieures » a été confié à la société Établissements Meyzié, assurée auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA IARD), le lot « carrelage sols-revêtements » étant confié à M. [O], assuré auprès de la société MAAF assurances.

2. Les travaux ont été réceptionnés le 20 novembre 2000. L'immeuble a été soumis au statut de la copropriété et la société civile immobilière Jean Jaurès (la SCI), qui a acquis un lot le 22 octobre 2009, a entrepris des travaux de rénovation qui ont révélé des désordres justifiant un arrêté de péril pris par le maire de la commune le 22 janvier 2010.

3. Une expertise a été ordonnée en référé le 4 mars 2010 à la demande notamment du syndicat des copropriétaires de l'immeuble et de la SCI, le premier ayant, après le dépôt de son rapport par l'expert, assigné les constructeurs et leurs assureurs aux fins d'indemnisation de ses préjudices devant un tribunal judiciaire.

4. Par un jugement du 4 juillet 2017, confirmé sur ces points par un arrêt du 28 janvier 2021, les sociétés MMA IARD et MAAF assurances ont été condamnées à payer diverses sommes au syndicat des copropriétaires.

5. Par acte du 28 septembre 2021, la SCI a assigné les sociétés MMA IARD et MAAF assurances afin d'être indemnisée de l'ensemble des préjudices personnellement subis suite aux désordres constatés dans son lot en 2009 et 2010, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs.

6. Les sociétés MMA IARD et MAAF assurances ont saisi le juge de la mise en état d'une fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme forclose son action, alors « que l'assignation du syndicat des copropriétaires en réparation des désordres affectant l'immeuble interrompt le délai de forclusion de l'action d'un copropriétaire aux fins de réparation des préjudices personnels subis à raison desdits désordres, même si ce copropriétaire n'a pas été partie à l'instance introduite par le syndicat ; qu'en l'espèce, la SCI Jean Jaurès faisait valoir qu'une action avait été engagée par le syndicat de copropriété et par d'autres copropriétaires ayant donné lieu à un jugement rendu le 4 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Périgueux et à un arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Bordeaux, qui avaient reconnu la responsabilité des entreprises ayant réalisé les travaux et la garantie de leurs assureurs, dont les sociétés MAAF et MMA, et qu'elle avait bénéficié de l'interruption du délai d'action en résultant, de sorte que l'action qu'elle avait engagée par actes des 28 et 30 septembre 2021 contre la sociétés MAAF assurances et les MMA, assureur respectivement de M. [O] et de la société Etablissements Meyzié, n'était pas prescrite ; qu'en jugeant néanmoins que puisque la SCI Jean Jaurès n'avait pas été partie à l'instance engagée par le syndicat des copropriétaires faute d'y être intervenue volontairement, elle ne pouvait opposer ces décisions qui n'avaient pas produit d'effet interruptif de forclusion à son égard, la cour a violé les articles 15 de la loi du 10 juillet 1965, 1792-4-1 et 2241 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1792-4-1 et 2241, alinéa 1er, du code civil et l'article 15, alinéa 1er, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 :

8. Selon le premier de ces textes, toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux.

9. Aux termes du deuxième, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

10. Aux termes du troisième, le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble.

11. Il en résulte que l'effet interruptif de forclusion attaché à l'assignation délivrée par un syndicat des copropriétaires ayant agi en réparation d'un dommage affectant les parties communes bénéficie au copropriétaire agissant en réparation d'un dommage affectant ses parties privatives lorsque ces dommages procèdent d'un même désordre, peu important que le copropriétaire n'ait pas été partie à l'instance engagée par le syndicat des copropriétaires.

12. Pour déclarer irrecevable comme forclose l'action de la SCI, l'arrêt retient que celle-ci n'était pas partie à la procédure, initiée par le syndicat des copropriétaires, ayant conduit à la reconnaissance de la responsabilité des entreprises et à la garantie de leurs assureurs par jugement du 4 juillet 2017 et arrêt d'appel du 28 janvier 2021, de sorte que ces décisions ne lui sont pas opposables et n'ont pas produit d'effet interruptif de forclusion à son égard.

13. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les dommages dont la SCI sollicitait la réparation ne trouvaient pas leur origine dans les mêmes désordres que ceux ayant affecté les parties communes pour la réparation desquels le syndicat des copropriétaires avait agi en justice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne les sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et MAAF assurances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et MAAF assurances et les condamne à payer à la société civile immobilière Jean Jaurès la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le sept mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300238

mardi 6 mai 2025

Vente immobilière et notion de clause abusive

 

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CC



COUR DE CASSATION
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Arrêt du 30 avril 2025




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 227 F-D

Pourvoi n° U 23-21.499




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025

1°/ M. [Z] [G],

2°/ Mme [O] [K], épouse [G],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° U 23-21.499 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2023 par la cour d'appel de Cayenne (chambre civile), dans le litige les opposant à la société Pako, société civile de construction vente, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [G], après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 28 juin 2023) et les productions, M. et Mme [G] (les acquéreurs) ont conclu un contrat de vente en l'état futur d'achèvement avec la société civile de construction vente Pako (la SCCV), stipulant une livraison de l'immeuble le 30 mars 2019.

2. Un procès-verbal de livraison des travaux a été établi le 7 octobre 2019.

3. Les acquéreurs ont assigné la SCCV en réparation des préjudices résultant du retard de livraison de l'immeuble.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [G] font grief à l'arrêt de rejeter toutes leurs demandes, alors :

« 1°/ qu'est abusive la clause qui a pour objet ou pour effet de donner aux obligations du professionnel un caractère imprécis ou lui permet de s'exonérer de sa responsabilité dans des hypothèses pas précisément définies ; qu'en affirmant que la clause du contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu entre le professionnel et les exposants stipulant que le délai de livraison était "convenu sous réserve de survenance d'un cas de force majeure ou d'une cause légitime de suspension de délai telle que les intempéries entre autres et que, pour l'appréciation de ces événements, les parties d'un commun accord déclarent s'en rapporter dès à présent à un certificat établi par l'architecte ayant la direction des travaux, sous sa propre responsabilité" n'était pas abusive au motif inopérant que "l'architecte est un professionnel qualifié, tiers au contrat de VEFA, qui a produit des attestations basées sur des données météorologiques publiques, vérifiables et contestables par M. et Mme [G]" quand il s'évinçait d'une telle stipulation que le professionnel n'était tenu de son obligation d'effectuer les travaux dans le délai stipulé qu'en l'absence de toute "cause légitime de suspension " et d'"intempéries", dont la clause litigieuse ne définissait ni la nature ni les critères, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

2°/ qu'est abusive la clause qui fait dépendre l'étendue des obligations du professionnel envers le consommateur de l'appréciation d'un tiers dont l'indépendance et l'impartialité ne sont pas garanties ; qu'en retenant que la clause du contrat de vente en l'état futur d'achévement conclu entre le professionnel et les exposants stipulant que le délai de livraison était "convenu sous réserve de survenance d'un cas de force majeure ou d'une cause légitime de suspension de délai telle que les intempéries entre autres et que, pour l'appréciation de ces événements, les parties d'un commun accord déclarent s'en rapporter dès à présent à un certificat établi par l'architecte ayant la responsabilité des travaux, sous sa responsabilité" n'était pas abusive, au motif que "l'architecte est un professionnel qualifié, tiers au contrat de VEFA, qui a produit des attestations basées sur des données météorologiques publiques, vérifiables et contestables par M. et Mme [G]", sans rechercher si ce professionnel présentait des garanties d'indépendance et d'impartialité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a relevé, d'une part, que le contrat de vente en l'état futur d'achèvement prévoyait que le délai de livraison était convenu sous réserve de survenance d'un cas de force majeure ou d'une cause légitime de suspension de délai, telle que les intempéries, d'autre part, procédant à la recherche prétendument omise, que l'architecte, qui avait produit des attestations basées sur des données météorologiques publiques, vérifiables et contestables par les acquéreurs, était un professionnel qualifié, tiers au contrat.

6. Elle en a exactement déduit que cette clause, qui n'avait ni pour objet, ni pour effet, de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, n'était pas abusive.

7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300227

Marché - contestation sur travaux dits supplémentaires - référé - évidence et contestation sérieuse

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 30 avril 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 225 F-D

Pourvoi n° W 23-18.856




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025

La société Paprec CRV, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 23-18.856 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Patriarca entreprise, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Paprec CRV, de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la société Patriarca entreprise, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 juin 2023), rendu en référé, le syndicat mixte du département de l'Oise a conclu avec un groupement d'entreprises, comprenant notamment la société Paprec CRV, un marché public global de performance portant sur la conception, la réalisation et l'exploitation d'un centre de tri.

2. La société Paprec CRV a sous-traité des travaux à la société Patriarca entreprise (la société Patriarca).

3. Le juge des référés a désigné un expert à la demande de la société Paprec CRV, pour qu'il donne notamment son avis sur les décalages de calendrier et non-conformités et sur le caractère nécessaire des travaux supplémentaires dont la sous-traitante réclamait le paiement.

4. La société Patriarca a, par la suite, assigné la société Paprec CRV en référé aux fins de paiement par provision du solde du prix de ses travaux.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société Paprec CRV fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Patriarca diverses sommes à titre de provision, alors « que dans un marché de travaux qui n'est pas à forfait, l'entrepreneur ne peut obtenir la condamnation du maître de l'ouvrage à lui payer le prix de travaux supplémentaires qu'il a réalisés que s'il établit que ce dernier a expressément commandé les travaux supplémentaires avant leur réalisation ou les a acceptés sans équivoque après leur exécution ; que pour juger que l'obligation de paiement de l'exposante au titre des travaux supplémentaires ne se heurtait à aucune contestation sérieuse à hauteur de la somme de 855 989,32 euros HT, la cour d'appel s'est bornée à relever que « le rapport d'expertise a mis en évidence que [?] la majorité des travaux supplémentaires indispensables [a] été validée », que « l'expert a retenu, sans être contredit sur ce point, que le marché litigieux est un marché sur bordereau de prix de sorte que si le prix unitaire est définitivement fixé dans le contrat, le paiement s'effectue au regard des quantités exactes réalisées », que « l'expert a [?] chiffré les travaux supplémentaires indispensables à la somme de 855 989,32 euros HT » et qu' « au regard de ces éléments, la réalité des travaux supplémentaires et leur utilité pour la bonne réalisation de l'ouvrage étant établies, le principe de l'obligation de paiement de la société Paprec CRV ne se heurte à aucune contestation sérieuse » ; qu'en statuant par de tels motifs qui ne suffisent pas à établir que l'intégralité des travaux supplémentaires au titre desquels l'exposante a été condamnée à payer une provision avaient été expressément commandés par elle ou le SMDO avant leur réalisation ou acceptés sans équivoque après leur exécution, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 873 du code de procédure civile et des articles 1103 et 1113 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1103 du code civil :

7. Il résulte de ce texte que, quelle que soit la qualification du marché retenue, les travaux supplémentaires ne donnent lieu à paiement que s'ils ont été soit commandés avant leur exécution, soit acceptés sans équivoque après leur exécution.

8. Pour condamner la société Paprec CRV au paiement d'une provision à valoir sur le prix de travaux supplémentaires, l'arrêt retient que, la réalité de ces travaux et leur utilité pour la bonne réalisation de l'ouvrage étant établies, le principe de l'obligation de paiement de cette société ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

9. En se déterminant ainsi, sans constater que les travaux supplémentaires avaient été soit commandés avant leur exécution, soit acceptés sans équivoque après leur exécution, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. La société Paprec CRV fait le même grief à l'arrêt, alors « que le défendeur n'a pas à démontrer avec l'évidence requise en référé le bien-fondé de la contestation qu'il oppose à la demande de provision, mais seulement que sa contestation est sérieuse ; qu'en accueillant les demandes de provisions de la société Patriarca en dépit des contestations de l'exposante tirées d'un trop-versé et de non-conformités contractuelles au motif qu'« au regard des pièces produites et, notamment du rapport d'expertise, la société Paprec CRV ne démontre pas avec l'évidence requise en référé être créancière de la société Patriarca entreprise tant au titre d'un trop-versé que de manquements que cette dernière aurait commis », cependant qu'en sa qualité de défenderesse aux demandes de provisions, l'exposante n'avait pas à démontrer avec l'évidence requise en référé le bien-fondé de ses contestations mais seulement que ces dernières étaient sérieuses, la cour d'appel a violé l'article 873 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour

Vu l'article 873 du code de procédure civile :

11. Selon ce texte, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

12. Pour condamner la société Paprec CRV au paiement de provisions, l'arrêt retient qu'au regard des pièces produites et notamment du rapport d'expertise, celle-ci ne démontre pas avec l'évidence requise en référé être créancière de la sous-traitante tant au titre d'un trop-versé que de manquements que cette dernière aurait commis.

13. En statuant ainsi, alors que le juge des référés, saisi d'une demande de paiement du solde du prix d'un marché, est tenu d'examiner si le droit invoqué par le défendeur pour s'y opposer constitue une contestation sérieuse, sans qu'il soit exigé de celui-ci que le bien-fondé du droit opposé à la demande soit démontré avec l'évidence requise en référé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare les juridictions de l'ordre judiciaire compétentes pour connaître du litige opposant les sociétés Patriarca entreprise et Paprec CRV et en ce qu'il dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes de la société Patriarca entreprise, l'arrêt rendu le 23 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Patriarca entreprise aux dépens aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300225 

Portée d'une expertise amiable

 

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RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
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Arrêt du 30 avril 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 220 F-D

Pourvoi n° G 23-18.729




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025

1°/ M. [E] [L], domicilié [Adresse 4],

2°/ Mme [X] [L], épouse [U], domiciliée [Adresse 3],

3°/ M. [M] [L], domicilié [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° G 23-18.729 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2023 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [I] [V], épouse [H], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à M. [Y] [H], domicilié [Adresse 1],

3°/ à M. [K] [H], domicilié [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. [E] et [M] [L] et de Mme [L], de Me Occhipinti, avocat de Mme [V] et de MM. [Y] et [K] [H], après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 27 avril 2023), en 2014, Mme [X] [L] et MM. [E] et [M] [L] (les consorts [L]) ont procédé à la saisie des parts détenues par leur débiteur, M. [Y] [H], dans trois sociétés civiles immobilières, dont la société civile immobilière Le 2 bis (la SCI).

2. En 2017, avant d'être dissoute et liquidée, la SCI a vendu un immeuble, qui avait été acquis en 2005 au prix de 120 000 euros, à M. [K] [H], frère de M. [Y] [H] et associé par moitié avec lui dans la SCI, et à Mme [V], son épouse, moyennant la somme de 75 000 euros.

3. Les consorts [L] ont alors assigné MM. [Y] et [K] [H] ainsi que Mme [V], en réparation en invoquant notamment une fraude paulienne.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Les consorts [L] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de condamnation solidaire de M. [K] [H] et Mme [V] à leur payer une certaine somme correspondant au montant de leur créance à l'égard de M. [Y] [H], alors « que les juges ne peuvent se fonder exclusivement sur une expertise amiable même réalisée par un expert inscrit sur la liste des experts judiciaires agréés par la cour d'appel ; qu'en se fondant exclusivement sur une estimation réalisée par M. [J] [S], expert judiciaire, à la demande des consorts [H], pour retenir que le prix de revente de la maison appartenant à la SCI liquidée était conforme au prix du marché, quand les consorts [L] contestaient expressément qu'il puisse leur être opposé une expertise amiable réalisée de façon non contradictoire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, §1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

5. En application de ce texte, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties.

6. Pour rejeter la demande indemnitaire des consorts [L] correspondant au montant de leur créance à l'égard de M. [Y] [H], l'arrêt constate que la vente a été consentie à un prix qui, après ajout du coût des travaux facturés depuis la vente, est conforme à l'estimation, produite par MM. [H] et Mme [V], réalisée à titre privé par un expert inscrit sur les listes judiciaires.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée exclusivement sur le rapport d'expertise non judiciaire établi à la demande de MM. [H] et Mme [V], sans relever l'existence d'autres éléments de preuve le corroborant, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts présentée par Mme [X] [L] et MM. [E] et [M] [L] correspondant au montant de leur créance à l'égard de M. [Y] [H], l'arrêt rendu le 27 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Condamne MM. [Y] et [K] [H] et Mme [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [Y] et [K] [H] et Mme [V] et les condamne in solidum à payer à Mme [L] et MM. [E] et [M] [L] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300220

L'absence de justificatif d'assurance décennale pour l'ensemble des activités prévues au devis litigieux justifiait la résolution du contrat

Texte intégral

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



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Arrêt du 30 avril 2025




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 219 F-D

Pourvoi n° A 23-21.574




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025

La société Araujo Pereira bâtiment, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 23-21.574 contre l'arrêt rendu le 3 août 2023 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à l'association AGC, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Araujo Pereira bâtiment, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 3 août 2023), l'Association de gestion des centres de loisirs et centre social du territoire de Valréas (l'AGC) a confié, par devis du 4 mars 2020, à la société Araujo Pereira bâtiment (la société Araujo) des travaux de rénovation d'un bâtiment.

2. Invoquant l'absence de justification par celle-ci de la souscription d'une assurance décennale couvrant l'ensemble de ses activités, l'AGC a, par lettre du 22 septembre 2020, résilié le contrat.

3. Se prévalant d'une rupture abusive des relations contractuelles, la société Araujo a assigné l'AGC en paiement d'un acompte et de diverses indemnités.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. La société Araujo fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes et de prononcer à ses torts la résolution du contrat conclu avec l'AGC, alors « que la mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat ; qu'en jugeant que l'association AGC avait "procédé à la résolution du contrat la liant à la SAS Araujo Pereira bâtiment sans faute ni aucun abus" par courriers des 8 et 22 septembre 2020 sans rechercher si la mise en demeure mentionnait expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation dans un délai raisonnable, le créancier serait en droit de résoudre le contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1226 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel, qui a énoncé, à bon droit, que, par application de l'article L. 241-1 du code des assurances, la justification par un constructeur, à l'ouverture du chantier, de la souscription d'une assurance décennale, était une obligation d'ordre public, et que son défaut constituait un manquement de gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat aux torts de celui-ci, par application de l'article 1224 du code civil, a relevé que, la société Araujo n'ayant pas produit d'attestation d'assurance décennale à l'ouverture du chantier, en août 2020, les parties s'étaient rapprochées pour trouver un accord afin que les prestations de construction, y compris l'activité de maîtrise d'oeuvre, soient garanties par une assurance décennale et que, par lettre motivée du 8 septembre 2020, l'AGC avait réclamé l'attestation d'assurance décennale pour l'ensemble des activités prévues, laquelle n'avait pas été produite au 22 septembre suivant.

7. Elle en a déduit, procédant à la recherche prétendument omise, que, l'entreprise ayant été parfaitement informée de ce que l'absence de justificatif d'assurance décennale pour l'ensemble des activités prévues au devis litigieux justifiait la résolution du contrat, ses demandes en réparation pour résolution abusive et brutale ne pouvaient être accueillies.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Araujo Pereira bâtiment aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300219

Prescription biennale du code des assurances et obligation d'information pesant sur l'assureur

 

Texte intégral

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



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Arrêt du 30 avril 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 218 F-D

Pourvoi n° V 23-22.880

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [P].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 27 septembre 2023.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025

M. [G] [P], domicilié [Adresse 8], majeur sous tutuelle représenté par ses co-tutrices Mmes [F] [P] et [S] [P], a formé le pourvoi n° V 23-22.880 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [A] [U], domiciliée [Adresse 7],

2°/ à M. [C] [D], domicilié [Adresse 6],

3°/ à la société L'Auxiliaire, dont le siège est [Adresse 1],

4°/ à la société Les Chalets des écrins, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

5°/ à la société J.P Louis et [E] [I], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de Mme [E] [I], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Chalets des écrins,

6°/ à la société Jego, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 9],

7°/ à la société Les Mandataires, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], prise en la personne de M. [N] [J], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Jego,

8°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [P], représenté par ses co-tutrices Mmes [F] et [S] [P], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Gan assurances, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société L'Auxiliaire, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 14 juin 2022), Mme [U] a fait construire par lots séparés une maison individuelle sous la maîtrise d'oeuvre de M. [P], assuré auprès de la société L'Auxiliaire.

2. Se plaignant de désordres, elle a, après expertise, assigné le maître d'oeuvre, les intervenants à l'opération de construction et leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [P], représenté par ses co-tutrices Mmes [F] et [S] [P], fait grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société L'Auxiliaire, alors :

« 1°/ que l'article R. 112-1 du code des assurances, dans sa rédaction en vigueur au moment de la souscription du contrat d'assurance litigieux le 9 août 2001, prévoyait que « Les polices d'assurance des entreprises mentionnées au 5° de l'article L. 310-1 doivent (?) rappeler les dispositions des titres Ier et II du livre Ier de la partie législative du présent code concernant (?) la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance » ; que le 5° de l'article L. 310-1 du code des assurances, dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 janvier 1994, visait « Les entreprises d'assurances de toute nature » ; qu'à la date de souscription du contrat d'assurance litigieux, l'article L. 310-1 du code des assurances avait été réécrit par la loi du 4 janvier 1994 et ne comportait plus de 5°, mais visait « 1° les entreprises qui sous forme d'assurance directe contractent des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine, s'engagent à verser un capital en cas de mariage ou de naissance d'enfants, ou font appel à l'épargne en vue de la capitalisation et contractent à cet effet des engagements déterminés ; 2° les entreprises qui sous forme d'assurance directe couvrent les risques de dommages corporels liés aux accidents et à la maladie ; 3° les entreprises qui sous forme d'assurance directe couvrent d'autres risques y compris ceux liés à une activité d'assistance (?) » ; qu'ainsi, à la suite de la refonte de l'article L. 310-1 du code des assurances opérée par la loi du 4 janvier 1994 et modifiant la classification des catégories des entreprises soumises au contrôle de l'Etat, le 5° a été supprimé de sorte que ce qui relevait de cette catégorie s'est trouvé englobé dans les première, deuxième et troisième catégories, sans qu'aucune modification de l'article R. 112-1 du code des assurances ne soit intervenue ; qu'il s'ensuit que le contrat d'assurance litigieux, souscrit auprès de la société d'assurance L'Auxiliaire, était soumis aux dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances ; qu'en jugeant au contraire que cet article n'aurait pas été applicable, aux motifs qu'il renvoyait au 5° de l'article L. 310-1 du code des assurances, qui avait disparu depuis la loi du 4 janvier 1994, la cour d'appel a violé les articles R. 112-1 et L. 310-1 du code des assurances, dans leur rédaction applicable au litige ;

2°/ que le contrat d'assurance litigieux, souscrit auprès d'une société d'assurance, devait rappeler explicitement et précisément, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1 du code des assurances, les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code ; qu'en jugeant au contraire, pour opposer à M. [P] le délai de l'article L. 114-1 du code des assurances, qu'il ne saurait être fait grief à la société L'Auxiliaire de n'avoir inséré dans les dispositions diverses des conditions générales, à l'article 27, une mention plus explicite que celle selon laquelle « toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance, dans les termes des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 114-1, alinéa 1er, L. 114-2 et R. 112-1, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2006-740 du 27 juin 2006, du code des assurances :

4. Aux termes du premier de ces textes, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

5. Selon le deuxième, la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. Elle peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.

6. Selon le troisième, les polices d'assurance des entreprises mentionnées au 5° de l'article L. 310-1 doivent indiquer la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance.

7. Il est jugé, d'abord, qu'à la suite de la refonte de l'article L. 310-1 du code des assurances opérée par la loi n° 94-5 du 4 janvier 1994 et modifiant la classification des catégories des entreprises soumises au contrôle de l'Etat, le 5° de cet article a été supprimé, de sorte que ce qui relevait de cette catégorie s'est trouvé englobé dans les première, deuxième et troisième catégories (2e Civ., 7 mai 2009, pourvoi n° 08-16.500), ensuite, que l'obligation d'information prévue par l'article R. 112-1 du code des assurances s'inscrit dans le devoir général d'information de l'assureur lui imposant de porter à la connaissance des assurés cette disposition qui est commune à tous les contrats d'assurance (2e Civ., 17 mars 2011, pourvoi n° 10-15.864, 10-15.267 ; 2e Civ., 21 novembre 2013, pourvoi n° 12-27.124), enfin, que ce texte oblige l'assureur à rappeler dans le contrat d'assurance les dispositions des titres I et II du livre I de la partie législative de ce code concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance et donc les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale (3e Civ., 28 avril 2011, pourvoi n° 10-16.269, publié).

8. Il en résulte que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale, les termes de l'article L. 114-1 du code des assurances et les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code, la seule référence à ces deux articles étant insuffisante à satisfaire à son obligation d'information (3e Civ., 16 novembre 2011, pourvoi n° 10-25.246, publié).

9. Pour rejeter la demande de garantie de M. [P] à l'encontre de son assureur, l'arrêt retient que, si l'article 27 des conditions générales de la police se borne à rappeler que toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y a donné naissance dans les termes des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances, M. [P] ne peut pas se prévaloir de l'inopposabilité de la prescription biennale, dès lors que le contrat litigieux n'était pas soumis à l'obligation d'information prévue par l'article R. 112-1 du code des assurances en vigueur lors de sa conclusion, celui-ci visant des polices d'assurance d'entreprises mentionnées au 5° de l'article L. 310-1, catégorie disparue à la suite de la réécriture de cet article par la loi n° 94-5 du 4 janvier 1994.

10. En statuant ainsi, alors que l'obligation d'information prévue à l'article R. 112-1 susvisé s'applique à tous les contrats d'assurance et qu'il ressortait de ses constatations que les conditions générales de la police se bornaient à faire référence, sans autre précision, aux articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation du chef de dispositif rejetant les demandes de M. [P] à l'encontre de la société L'Auxiliaire emporte celle condamnant M. [P] à payer à la société L'Auxiliaire une certaine somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, les autres condamnations prononcées au titre de cet article étant justifiées par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

Recevabilité de la demande de mise hors de cause examinée d'office

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 16 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 982 du code de procédure civile.

13. La société Gan assurances a constitué avocat le 25 novembre 2024 et a présenté une demande de mise hors de cause par mémoire en défense notifié le 29 novembre 2024, alors que le mémoire ampliatif lui a été signifié par acte du 27 mars 2024.

14. Le mémoire en défense n'ayant pas été déposé dans les deux mois de la signification du mémoire ampliatif, la demande de mise hors de cause de la société Gan assurances est irrecevable en application de l'article 982 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. [P] à l'encontre de la société L'Auxiliaire et le condamne à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Déclare irrecevable la demande de mise hors de cause de la société Gan assurances ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne la société L'Auxiliaire aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société L'Auxiliaire à payer à la société civile professionnelle Marlange et de La Burgade la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300218