mercredi 12 février 2025

Portée d'une expertise privée

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 janvier 2025




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 63 F-D

Pourvoi n° E 23-15.414




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025

La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 23-15.414 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2023 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [E] [Y],

2°/ à Mme [F] [X], épouse [Y],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

3°/ à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 5],

4°/ à la société Compagnie d'études et de recherches techniques du bâtiment (CERTBAT), société à responsabilité limitée unipersonnelle, exerçant sous le nom commercial Euro'Etanche, dont le siège est [Adresse 6],

5°/ à la société [D] [Z] MJO, mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], ayant un établissement secondaire [Adresse 4], prise en la personne de M. [D] [Z], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Compagnie d'études et de recherches techniques du bâtiment,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et de la société Compagnie d'études et de recherches techniques du bâtiment, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. et Mme [Y], après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 mars 2023), M. et Mme [Y] ont confié à la société Compagnie d'études et de recherches techniques du bâtiment (la société CERTBAT), assurée auprès de la SMABTP et de la société Axa France IARD (la société Axa), des travaux de réfection de l'étanchéité et de l'isolation de leur toiture-terrasse.

2. Se plaignant d'infiltrations, M. et Mme [Y] ont, après expertise, assigné la société CERTBAT, la SMABTP et la société Axa en indemnisation de leurs préjudices.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Axa fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à M. et Mme [Y] une certaine somme au titre de la reprise des désordres liés aux infiltrations, alors :

« 1°/ que seuls les désordres compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination dans les dix ans à compter de la réception relèvent de la garantie décennale ; que la cour d'appel a constaté que ressortait du rapport d'expertise judiciaire déposé le 16 janvier 2017 l'absence d'infiltrations dans l'angle nord-ouest du séjour le 11 janvier 2017 suite à la mise en eau de la terrasse sur une hauteur de cinq à six centimètres pendant quarante-huit heures, aucune trace de fluorescéine adjointe à l'eau n'étant apparue dans l'immeuble, ce qui avait conduit l'expert à conclure à l'absence de désordres, et que le rapport complémentaire d'expertise déposé le 28 juin 2022 n'avait permis de constater que la présence d'auréoles sèches affectant ledit plafond, sans aucune possibilité d'investigations complémentaires quant à l'existence de désordres affectant les travaux de la société CERTBAT ; qu'en retenant néanmoins, pour condamner la société Axa à verser à M et Mme [Y] la somme de 6 922,48 euros au titre de la reprise des désordres liés aux infiltrations dans le séjour et la chambre de l'étage, l'existence de désordres de nature décennale affectant les travaux de la société CERTBAT, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1792 du code civil ;

2°/ que le juge ne peut se fonder sur une expertise privée réalisée à la demande de l'une des parties pour asseoir la preuve des faits dont l'existence est débattue qu'à la condition qu'elle soit corroborée par d'autres éléments de preuve objectifs ; qu'en retenant, pour juger que la preuve de l'existence de désordres de nature décennale qui auraient affecté les travaux de la société CERTBAT était rapportée par le rapport d'expertise privée de M. [B], qu'il était corroboré par le rapport de la société Arthex, quand cette dernière s'était contentée de procéder à des relevés d'humidité sur les plafonds du salon des époux [Y], et à une visite de la terrasse sans procéder à aucune investigation de nature à mettre en évidence l'existence de désordres affectant les travaux de la société CERTBAT à l'origine des infiltrations, de sorte que son rapport, qui procédait par voie de pure affirmation, ne pouvait en aucun cas corroborer les conclusions de M. [B] relatives à l'existence de tels désordres, la cour d'appel a derechef violé l'article 1792 du code civil ;

3°/ que la cour d'appel, qui s'est fondée sur un rapport d'expertise privée que rien ne venait corroborer, sinon un autre rapport d'expertise privée, a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel, qui a constaté que l'expert judiciaire avait fait état, dans ses deux rapports successifs, de traces d'anciennes infiltrations, sans pouvoir les imputer à la société CERTBAT, a relevé, d'une part, que la société Arthex mentionnait, dans son rapport amiable, un taux d'humidité important au plafond du séjour et concluait que l'infiltration se produisait au niveau de la partie de l'étanchéité située près de la naissance de l'évacuation des eaux pluviales, d'autre part, que, dans son rapport d'expertise privée, M. [B] confirmait l'existence d'une humidité dans l'angle du plafond du séjour et qu'il avait constaté, après un test de mise en eau, une infiltration dans l'angle nord-ouest au droit de l'évacuation des eaux pluviales.

5. Ces deux rapports d'expertise privée se corroborant l'un l'autre tant sur la persistance du désordre après l'expertise judiciaire initiale que sur l'existence d'un lien entre l'humidité récurrente et l'évacuation des eaux pluviales située dans l'angle du toit-terrasse, sur laquelle la société CERTBAT était intervenue, la cour d'appel a pu en déduire que celle-ci avait engagé sa responsabilité décennale.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Axa France IARD à payer à M. et Mme [Y] la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300063

L'assureur dommages-ouvrage doit préfinancer une réparation efficace et pérenne. Pertes locatives et procédure à suivre

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 janvier 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 61 F-D

Pourvoi n° J 23-13.325




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025

M. [W] [R], domicilié [Adresse 3], [Localité 11], a formé le pourvoi n° J 23-13.325 contre les arrêts rendus le 10 mars 2022 et le 16 décembre 2022 par la cour d'appel de Saint-Denis (chambre civile TGI), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [V] [D],

2°/ à Mme [F] [G], épouse [D],

tous deux domiciliés [Adresse 13], [Localité 5],

3°/ à la société Toitures services Réunion, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 14], [Localité 10],

4°/ au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 15], [Adresse 1], [Localité 9], représenté par son syndic la société Toquet immobilier, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], [Localité 9],

5°/ à la société XL Insurance Company Se, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], [Localité 8], venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions Assurance,

6°/ à la société Catalina London Limited, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 12],

7°/ à la société Entreprise générale de peinture Brigy, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 11],

défendeurs à la cassation.

Les sociétés XI Insurance Company Se et Catalina London Limited ont, chacune, formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La société XI Insurance Company Se invoque, à l'appui de son recours, un
moyen de cassation.

La société Catalina London Limited invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [R], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. et Mme [D], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Catalina London Limited, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société XL Insurance Company Se, de Me Laurent Goldman, avocat du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 15], après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [R] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Toitures services Réunion.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Saint-Denis, 10 mars et 16 décembre 2022), la société Lovena a fait édifier un immeuble à usage d'habitation, qui a été placé sous le statut de la copropriété.

3. Sont notamment intervenus à l'opération de construction M. [R], en qualité de maître d'oeuvre, et la société Entreprise générale de peinture Brigy (la société EGP), en charge du lot peinture-étanchéité, assurée auprès de la société XL Insurance Company, venant aux droits de la société Axa Corporate Solution (la société XL Insurance).

4. Une police dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la société Catalina London Limited, venant aux droits de la société Alea London Limited (la société Catalina).

5. Se plaignant de désordres affectant les parties communes et l'appartement de M. et Mme [D], le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 15] (le syndicat des copropriétaires) a, après expertise, assigné la société Catalina et M. [R]. Les autres intervenants à l'opération de construction et leurs assureurs ont été appelés en garantie. M. et Mme [D] sont intervenus volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches, et sur le premier moyen du pourvoi provoqué de la société Catalina, pris en sa première branche

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

7. M. [R] fait grief à l'arrêt du 10 mars 2022 de le condamner, solidairement avec les sociétés Catalina, EGP et XL Insurance, à payer à M. et Mme [D] une certaine somme, arrêtée en avril 2017, puis celle de 767 euros par mois jusqu'à la réalisation des travaux réparant les désordres constatés et permettant de rendre le logement de nouveau salubre et louable, alors « que dans ses conclusions d'appel, M. [R] a également soutenu qu'il ne disposait d'aucun pouvoir pour engager les travaux réparatoires de nature à éradiquer les préjudices locatifs de M. et Mme [D], qu'il ne pouvait être condamné à réparer ces préjudices jusqu'à leur cessation, cet événement ne dépendant pas de lui, et qu'une telle condamnation était infondée en l'absence de lien de causalité entre son activité et le préjudice ; que pour confirmer sa condamnation à payer à M. et Mme [D] la somme de 767 euros par mois jusqu'à la réalisation des travaux réparant les désordres constatés et permettant de rendre le logement de nouveau salubre et louable, la cour d'appel s'est bornée à retenir que M. et Mme [D] justifiaient avoir subi un préjudice de jouissance en lien avec les infiltrations rendant inhabitables leur bien donné en location pour un loyer mensuel de 767 euros ; qu'en se déterminant par ces seuls motifs, sans répondre au moyen pertinent de M. [R] invoquant l'absence de lien de causalité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

9. Pour condamner l'architecte à indemniser M. et Mme [D] de leurs pertes locatives jusqu'à la réalisation des travaux de reprise des désordres, l'arrêt relève que ces derniers justifient, au travers des différents contrats de location, de l'assurance locative et des constats, avoir subi un préjudice de jouissance en lien avec les infiltrations rendant inhabitable leur bien donné en location.

10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [R], qui soutenait que, ne disposant d'aucun pouvoir pour engager les travaux réparatoires, le préjudice locatif subi par M. et Mme [D] jusqu'à ce que leur appartement soit remis en état était sans lien de causalité avec sa faute, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Sur le premier moyen du pourvoi provoqué de la société Catalina, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

11. La société Catalina fait le même grief à l'arrêt du 10 mars 2022, alors « que seul le préjudice qui résulte directement du fait dommageable doit être réparé ; qu'en condamnant, outre la somme de 27 612 euros, la société Catalina, solidairement avec M. [R], la société EGP et la société Axa corporate solution à payer à M. et Mme [D] celle de 767 euros par mois jusqu'à la réalisation des travaux réparant les désordres constatés et permettant de rendre le logement de nouveau salubre et louable, soit une somme totale déterminée par la seule volonté des créanciers, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil, anciennement 1382 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1147, 1165, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1382, devenu 1240, du code civil :

12. Aux termes du premier de ces textes, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

13. Il est jugé que l'assureur dommages-ouvrage manque à ses obligations contractuelles en ne préfinançant pas une réparation efficace et pérenne de nature à mettre fin aux désordres (3e Civ., 11 février 2009, pourvoi n° 07-21.761, Bull. 2009, III, n° 33).

14. En application des deux derniers textes, il est jugé que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Ass. plén., 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255, publié, Ass. plén., 13 janvier 2020, pourvoi n° 17-19.963, publié).

15. Pour condamner l'assureur dommages-ouvrage à indemniser M. et Mme [D] de leurs pertes locatives jusqu'à la réalisation des travaux de réparation, l'arrêt relève que les travaux préconisés par l'expert désigné par la société Catalina n'avaient pas permis de remédier efficacement aux remontées humides ayant rendu insalubre l'appartement de M. et Mme [D] et que ce manquement contractuel était en lien avec leur préjudice consistant en la perte de loyers jusqu'à la cessation de ces désordres.

16. En se déterminant ainsi, sans caractériser le lien de causalité entre la perte locative subie par les copropriétaires jusqu'à la réalisation effective des travaux de reprise des désordres matériels affectant les parties communes à raison desquels le syndicat des copropriétaires, seul à pouvoir les entreprendre, a obtenu une indemnisation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le second moyen du pourvoi principal, sur le second moyen du pourvoi provoqué de la société Catalina et sur le moyen du pourvoi provoqué de la société XL Insurance, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé des moyens

17. M. [R], les sociétés Catalina et XL Insurance font grief à l'arrêt du 16 décembre 2022 de déclarer recevable la demande formée par M. et Mme [D] en actualisation de l'indemnisation du syndicat des copropriétaires au titre du désordre n° 2 et de dire que la condamnation solidaire de M. [R], les sociétés Catalina, EGP Brigy et XL Insurance, à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 7 567,35 euros au titre de la reprise du désordre n° 2 sera actualisée en fonction de l'indice BT01, alors « qu'un copropriétaire n'a pas qualité à agir en paiement du coût de travaux de remise en état de parties communes rendus nécessaires par une atteinte portée à celles-ci par un tiers à la copropriété ; qu'il ne peut davantage agir seul pour demander la réactualisation de sommes allouées au syndicat des copropriétaires ; que dès lors, en l'espèce, en déclarant recevable la demande formée par M. et Mme [D] en actualisation de l'indemnisation du syndicat des copropriétaires au titre du désordre n° 2 et, en conséquence, en décidant que la condamnation à ce titre sera actualisée en fonction de l'indice BT01, la cour d'appel a violé l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 15, alinéa 1er, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 :

18. Aux termes de ce texte, le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble.

19. Il est jugé que, si un copropriétaire peut, lorsque l'atteinte portée aux parties communes, par un tiers à la copropriété, lui cause un préjudice propre, agir seul pour la faire cesser, il n'a pas qualité à agir en paiement du coût des travaux de remise en état rendus nécessaires par cette atteinte, qu'il revient au seul syndicat des copropriétaires de percevoir et d'affecter à la réalisation de ces travaux (3e Civ., 8 juin 2023, pourvoi n° 21-15.692, publié).

20. Pour déclarer recevable la demande de M. et Mme [D] en actualisation du montant des travaux de reprise des désordres alloué au syndicat des copropriétaires, l'arrêt relève que M. et Mme [D] disposaient du droit d'agir pour la préservation des droits afférents à l'immeuble conjointement avec le syndicat des copropriétaires, qu'ils subissaient un préjudice personnel à raison des conséquences des infiltrations provoquées sur leurs parties privatives et que le syndicat des copropriétaires était dans la cause.

21. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

22. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt du 10 mars 2022 condamnant M. [R] et la société Catalina à payer à M. et Mme [D] au titre de leur préjudice de jouissance la somme de 27 612 euros arrêtés en avril 2017, puis à hauteur de 767 euros par mois jusqu'à la réalisation des travaux réparant les désordres constatés et permettant de rendre le logement de nouveau salubre et louable entraîne la cassation des chefs de dispositif des arrêts des 10 mars et 16 décembre 2022 condamnant M. [R] à garantir les condamnations prononcées à l'encontre de la société Catalina et rejetant la demande de garantie de M. [R] à l'encontre de la société Catalina, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

23. En revanche, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt du 10 mars 2022 condamnant M. [R] et la société Catalina à payer à M. et Mme [D] au titre de leur préjudice de jouissance la somme de 27 612 euros arrêtés en avril 2017, puis à hauteur de 767 euros par mois jusqu'à la réalisation des travaux réparant les désordres constatés et permettant de rendre le logement de nouveau salubre et louable ne s'étend pas aux chefs de dispositif condamnant, au titre du même préjudice, la société EGP Brigy et la société Axa Corporate Solution, aux droits de laquelle vient la société XL Insurance, et les condamnant in solidum à garantir les condamnations prononcées à l'encontre de M. [R] dans la limite de 50 %, faute de lien d'indivisibilité ou de lien de dépendance nécessaire.

24. En outre, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt du 16 décembre 2022 déclarant recevable la demande formée par M. et Mme [D] en actualisation de l'indemnisation du syndicat des copropriétaires au titre du désordre n°2 et disant que la condamnation solidaire des sociétés Catalina, EGP Brigy, XL Insurance et de M. [R] en paiement des travaux de reprise sera actualisée en fonction de l'indice BT01 n'emporte pas la cassation du chef de dispositif de l'arrêt du 10 mars 2022 prononçant à leur encontre la condamnation à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 7 567,35 euros.

25. La cassation de ces chefs de dispositif n'emportent pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils :
- condamnent solidairement l'assureur dommages-ouvrage, la société Catalina London Limited, venant aux droits de la société Alea London Limited, et M. [R] à payer à M. et Mme [D] au titre de leur préjudice de jouissance la somme de 27 612 euros arrêtés en avril 2017, puis à hauteur de 767 euros par mois jusqu'à la réalisation des travaux réparant les désordres constatés et permettant de rendre le logement de nouveau salubre et louable,
- condamnent M. [R] à garantir les condamnations prononcées à l'encontre de la société Catalina London Limited, venant aux droits de la société Alea London Limited,
- rejettent la demande de garantie de M. [R] à l'encontre de la société Catalina London Limited, venant aux droits de la société Alea London Limited,
- déclarent recevable la demande formée par M. et Mme [D] en actualisation de l'indemnisation du syndicat des copropriétaires au titre du désordre n° 2,
- disent que la condamnation solidaire de la société Cataline London Limited, venant aux droits de la société Alea London Limited, de M. [R], la société EGP Brigy et la société Axa Corporate Solution, aux droits de laquelle vient la société XL Insurance Company, à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 15], pris en la personne de son syndic en exercice, la somme de 7 567,35 euros au titre de la reprise du désordre n° 2 sera actualisée en fonction de l'indice BT01,
les arrêts rendus les 10 mars et 16 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis autrement composée ;

Condamne M. et Mme [D] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300061

Prescription de l'action de l'entrepreneur principal contre son sous-traitant

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 janvier 2025




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 60 F-D

Pourvoi n° B 23-16.768




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025

La société Brunel entreprise, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 23-16.768 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2023 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Auvergne bétons spéciaux, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Brunel entreprise, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Foucher-Gros, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 4 avril 2023), la société Brunel entreprise (la société Brunel) a participé à la construction d'une station d'épuration pour la commune de [Localité 3].

2. La société Brunel a sous-traité son marché à la société Auvergne bétons spéciaux (la société Auvergne bétons).

3. La réception a eu lieu le 11 juin 2012.

4. Se plaignant du mauvais fonctionnement de la station, la commune de [Localité 3] a, sur requête du 28 janvier 2014, obtenu du juge des référés du tribunal administratif qu'un expert soit désigné, par ordonnance du 3 juin 2014.

5. Par acte du 20 mai 2021, la société Brunel a assigné la société Auvergne bétons devant un tribunal judiciaire afin d'être relevée et garantie par celle-ci des condamnations qui pourraient être prononcées à son égard.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La société Brunel fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, du fait de la prescription quinquennale, son recours en garantie contre son sous-traitant, alors « que le constructeur ne peut agir en garantie avant d'être lui-même assigné aux fins de paiement ou d'exécution de l'obligation en nature, de sorte qu'une assignation non accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription du recours en garantie ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action en garantie du constructeur contre le sous-traitant, l'arrêt attaqué a énoncé que le premier avait assigné le second « seulement le 20 mai 2021 », soit « bien au-delà du délai de cinq ans (?) depuis le 28 janvier 2014 », date de la procédure de référé-expertise introduite devant la juridiction administrative par le maître de l'ouvrage à l'encontre du constructeur, et « dans le meilleur des cas depuis le 12 février 2014 », date de son « mémoire en défense » devant cette juridiction ; qu'en statuant ainsi, quand les pièces régulièrement versées aux débats révélaient que l'assignation en garantie avait été délivrée bien moins de cinq ans après le recours de pleine juridiction adressé le 18 janvier 2021 à la juridiction administrative par le maître de l'ouvrage aux fins d'indemnisation, la cour d'appel a violé les articles 2219 et 2224 du code civil ainsi que l'article L 110-4 du code de commerce. »


Réponse de la Cour


Vu les articles 2219 et 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce :

7. Aux termes du premier de ces textes, la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.

8. Il résulte des deux derniers que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

9. Il en est ainsi du recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, publié).

10. Il est jugé (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié) que le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d'être lui-même assigné aux fins de paiement ou d'exécution d'une obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif, pour l'application de la prescription extinctive, avant l'introduction de ces demandes principales.

11. Dès lors, l'assignation, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures.

12. Pour déclarer irrecevables les demandes de la société Brunel, l'arrêt retient que cette société a assigné la société Auvergne bétons le 20 mai 2021, plus de cinq années après le 28 janvier 2014, date à laquelle la requête aux fins d'expertise la concernant avait été adressée au juge des référés du tribunal administratif par le maître de l'ouvrage, ou à tout le moins plus de cinq années après le 12 février 2014, date de son mémoire en défense devant le juge administratif, saisi en référé-expertise.

13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, à quelle date une demande indemnitaire avait été formée contre elle par le maître de l'ouvrage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne la société Auvergne bétons spéciaux aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300060

Est réputée constructeur, la personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 janvier 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 59 F-D

Pourvoi n° U 23-16.347




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025

1°/ Mme [B] [Z],

2°/ M. [E] [I],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° U 23-16.347 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2023 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [D] [X], épouse [U], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à M. [G] [U], domicilié [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseiller, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de Mme [Z] et de M. [I], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme [U], après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Foucher-Gros, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 29 mars 2023), le 13 mars 2015, M. [I] et Mme [Z] (les consorts [I]-[Z]) ont acquis de M. et Mme [U] une propriété sur laquelle M. [U] avait réalisé un mur de soutènement.

2. Se plaignant de désordres affectant ce mur, les consorts [I]-[Z] ont, après expertise, assigné M. et Mme [U] en réparation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

3. Les consorts [I]-[Z] font grief à l'arrêt de rejeter les demandes dirigées contre M. et Mme [U] fondées sur la responsabilité décennale, alors :

« 1°/ que toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du code civil est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ; qu'en retenant que les dommages observés ne pouvaient être considérés comme des dommages relevant de la garantie décennale et, partant, que l'aggravation ultérieure de ces dommages ne pouvait s'analyser comme constituant des dommages évolutifs dès lors que leur caractère n'avait pas été constaté initialement, de même que la qualification de désordres futurs ne pouvait être admise en ce que les dommages, dénoncés dans le délai d'épreuve de dix ans, ne présentaient pas initialement de caractère décennal, pas plus qu'au cours du délai d'épreuve de dix ans, le risque d'effondrement à court terme ne s'étant pas concrétisé dans le délai d'épreuve de dix ans, en prenant comme point de départ du délai décennal la date à laquelle « l'édification du mur s'est terminée », sans constater la réception de l'ouvrage à cette date, la cour d'appel a violé l'article 1792-4-1 du code civil ;

2°/ que la réception tacite suppose que soit caractérisée la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir les travaux, ce qui ne peut résulter du seul achèvement de l'ouvrage ; qu'au demeurant, en prenant ainsi comme point de départ du délai décennal la date à laquelle « l'édification du mur s'est terminée », ce dont il ne pouvait résulter une réception tacite des travaux, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;

3°/ que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en toute hypothèse, en retenant comme elle l'a fait que les dommages observés ne pouvaient être considérés comme des dommages relevant de la garantie décennale et, partant, que l'aggravation ultérieure de ces dommages ne pouvait s'analyser comme constituant des dommages évolutifs dès lors que leur caractère n'avait pas été constaté initialement, de même que la qualification de désordres futurs ne pouvait être admise en ce que les dommages, dénoncés dans le délai d'épreuve de dix ans, ne présentaient pas initialement de caractère décennal, pas plus qu'au cours du délai d'épreuve de dix ans, le risque d'effondrement à court terme ne s'étant pas concrétisé dans le délai d'épreuve de dix ans, tout en constatant que l'expert judiciaire avait envisagé une instabilité et une aggravation des dommages au regard des fissures existantes comme une éventualité et avait préconisé des travaux de renforcement du mur, ce dont il résultait l'existence d'un risque actuel d'effondrement, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. D'une part, les consorts [I]-[Z] n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel qu'il n'y avait pas eu de réception ni que le point de départ du délai d'épreuve ne pouvait être la date de l'achèvement du mur, le moyen, pris en ses deux premières branches, est nouveau, mélangé de fait et de droit.

5. D'autre part, ayant constaté qu'à la date des opérations d'expertise, le délai de garantie décennale était expiré et que le mur, qui ne s'était pas effondré, remplissait sa fonction et relevé qu'au regard des fissures identifiées par l'expert, une instabilité, une aggravation des dommages ou une impropriété à destination n'étaient envisagées que comme une éventualité, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que les conditions de la mise en oeuvre de la garantie décennale n'étaient pas réunies.

6. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus.

Mais sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

7. Les consorts [I]-[Z] font grief à l'arrêt de rejeter les demandes dirigées contre M. et Mme [U] fondées sur la responsabilité contractuelle de droit commun, alors « qu'étant réputée constructeur, la personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire est tenue d'une responsabilité pour faute prouvée en ce qui concerne les dommages intermédiaires ; qu'en tout état de cause, en écartant de la sorte la responsabilité contractuelle de M. et Mme [U], en tant qu'aucun contrat de construction ne liait les consorts [I]-[Z] à M. [U], voire à M. et Mme [U], quand les consorts [I]-[Z] pouvaient rechercher la responsabilité contractuelle de M. et Mme [U], en leur qualité de vendeurs après achèvement du mur, la cour d'appel a violé l'article 1792-1, 2° du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1792-1, 2°, et 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, du code civil :

8. Selon le premier de ces textes, est réputé constructeur la personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire.

9. Aux termes du second, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

10. Pour rejeter les demandes des consorts [I]-[Z], l'arrêt retient que les désordres constatés par l'expert n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 1792 du code civil et que les acquéreurs ne sont pas fondés à soutenir que la responsabilité de droit commun des vendeurs serait engagée, les parties n'étant pas liées par un contrat de construction mais par un contrat de vente.

11. En statuant ainsi, alors qu'étant réputée constructeur, la personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire est tenue, pendant les dix années suivant la réception de l'ouvrage, d'une responsabilité pour faute prouvée en ce qui concerne les dommages intermédiaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. [I] et Mme [Z] fondées sur la responsabilité contractuelle de droit commun de M. et Mme [U], l'arrêt rendu le 29 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne M. et Mme [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [U] et les condamne à payer à M. [I] et Mme [Z] la somme globale de 3 000 euros.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300059

Obligation du diagnostiqueur, en cas de doute : réaliser des prélèvements pour analyse

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 janvier 2025




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 54 F-D

Pourvoi n° T 23-14.069




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025

1°/ M. [H] [E],

2°/ Mme [K] [S], épouse [E],

tous deux domiciliés11 [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° T 23-14.069 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2022 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société Expertis immo, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de Me Ridoux, avocat de M. et Mme [E], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Expertis immo, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 14 novembre 2022), par acte authentique du 25 octobre 2018, M. et Mme [E] (les acquéreurs) ont fait l'acquisition d'un immeuble.

2. La société Expertis immo (le diagnostiqueur), chargée par les vendeurs de la réalisation du diagnostic amiante avant vente, a conclu à l'absence de ce minéral.

3. Les acquéreurs, qui ont repéré la présence d'amiante dans l'entrée de leur immeuble au cours de travaux de réhabilitation, ont assigné le diagnostiqueur en responsabilité et en paiement de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages-intérêts, alors « que la responsabilité du diagnostiqueur est engagée lorsque
l'état mentionné à l'article L. 1334-13 du code de la santé publique n'a pas
été réalisé conformément aux règles édictées et aux règles de l'art et qu'il
se révèle erroné ; que le repérage d'amiante doit notamment être effectué
sur les conduits de fluides, les enveloppes de calorifuges, et les dalles de sol ; que l'opérateur doit effectuer des vérifications et des sondages non destructifs, notamment sonores, de nature à détecter ou faire suspecter la
présence d'amiante ; que si un doute persiste sur la présence d'amiante dans les matériaux ou produits mentionnés dans la liste B visés à l'article R. 1334-21 du code de la santé publique, un ou plusieurs prélèvements de matériaux ou produits sont effectués par la personne réalisant la recherche et font l'objet d'analyses ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'immeuble présentait des matériaux amiantés au niveau d'un fourreau par lequel circulaient les conduites de chauffage, celui-ci étant enfoui sous le sol de l'habitation mais dont M. et Mme [E] précisaient qu'il était accessible par un regard situé dans l'entrée ; que, dès lors, en jugeant que la faute du diagnostiqueur n'était pas établie, aux motifs qu'il était nécessaire de savoir si l'ouverture de la trappe permettait à elle seule de repérer les matériaux amiantés, sans que l'opérateur doive procéder à des tests invasifs pour accéder à l'intérieur des tuyaux visibles à l'ouverture de la trappe ou dans des matériaux situés à l'intérieur du fourreau et non visibles depuis le regard, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue des obligations du diagnostiqueur à qui il appartenait de procéder à des vérifications et des sondages non destructifs, notamment sonores, en particulier des conduites de chauffage, du fourreau et de la dalle de sol accessibles depuis le regard, ainsi qu'à des prélèvements des matériaux ou produits qui les constituaient s'il existait un doute sur la présence d'amiante dans ces éléments, a violé les articles 1240 du code civil, L. 1334-13, R. 1334-15 et R. 1334-21 du code de la santé publique, dans leur rédaction respective applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1240 du code civil et R. 1334-13 et R. 1334-21 du code de la santé publique :

5. Aux termes du premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

6. Il résulte des deux autres que le repérage des matériaux et produits des listes A et B contenant de l'amiante, que les propriétaires d'immeubles d'habitation ne comprenant qu'un seul logement sont tenus de faire réaliser, en cas de vente, consiste notamment à rechercher la présence des matériaux et produits accessibles sans travaux destructifs, à identifier et localiser ceux qui contiennent de l'amiante et, lorsque la recherche révèle la présence de matériaux ou produits de la liste B et si un doute persiste sur la présence d'amiante dans ces matériaux ou produits, à faire effectuer un prélèvement aux fins d'analyse.

7. Pour rejeter la demande indemnitaire des acquéreurs, l'arrêt retient que, si l'immeuble renferme dans l'entrée des matériaux amiantés au niveau d'un fourreau enfoui sous le sol et contenant des conduites de chauffage, et si la trappe ouvrant un regard sur les canalisations peut être manipulée sans dommage, il n'est cependant pas possible, en l'état des éléments produits, de déterminer avec précision dans quels matériaux se trouve l'amiante ni où il est localisé, aucune faute ne pouvant être reprochée au diagnostiqueur si le repérage des matériaux nécessitait de procéder à des tests invasifs, peu important que l'amiante se trouve à l'intérieur des tuyaux visibles à l'ouverture de la trappe ou dans des matériaux situés à l'intérieur du fourreau et non visibles depuis le regard.

8. En statuant ainsi, après avoir constaté que la manipulation sans dommage de la trappe dans l'entrée de l'immeuble autorisait un regard sur le fourreau de conduites de chauffage, c'est-à-dire une vérification visuelle, sans travaux destructifs, d'un matériau mentionné dans la liste B, ce qui aurait dû conduire le diagnostiqueur, en cas de doute, à réaliser des prélèvements pour analyse, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société Expertis immo aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Expertis immo et la condamne à payer à M. et Mme [E] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300054

Le diagnostiqueur avait fautivement omis de signaler la présence d'amiante dans les toitures d'une dépendance et dans bien d'autres endroits

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 janvier 2025




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 53 F-D

Pourvoi n° Z 23-14.029




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025

M. [M] [O], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 23-14.029 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Yann Seguin expertise, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Hiscox, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Hiscox Insurance Compagny Limited,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [O], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés Yann Seguin expertise et Hiscox, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 26 janvier 2023), par acte authentique du 10 novembre 2014, M. [O] (l'acquéreur) a fait l'acquisition d'une maison d'habitation.

2. Les vendeurs ont préalablement confié à la société Yann Seguin expertise (le diagnostiqueur), assurée auprès de la société Hiscox (l'assureur), la réalisation d'un repérage des matériaux et produits pouvant contenir de l'amiante, le rapport ayant été déposé le 29 août 2014.

3. L'acquéreur a fait réaliser une nouvelle analyse par une autre entreprise, laquelle a révélé une présence plus étendue d'amiante dans l'immeuble et ses dépendances.

4. L'acquéreur, après expertise, a assigné le diagnostiqueur et son assureur en paiement de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'acquéreur fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement entrepris, de rejeter sa demande en paiement de la somme de 160 776,36 euros au titre des travaux de désamiantage et de condamner in solidum le diagnostiqueur et l'assureur à lui payer la seule somme de 40 000 euros de dommages-intérêts au titre de la perte de chance, alors « que le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l'acte authentique de vente d'un immeuble garantit l'acquéreur contre le risque ; que lorsque le diagnostic n'a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l'art, et qu'il se révèle erroné, la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée et les préjudices liés à la présence d'amiante non mentionnée revêtent un caractère certain devant, en tant que tels, être indemnisés à hauteur du coût des travaux de désamiantage ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que la SARL Yann Seguin expertise avait commis une faute dans l'exécution de sa mission pour n'avoir pas relevé un élément visible et accessible contenant de l'amiante, la cour d'appel a cependant retenu que « le préjudice doit être limité et ne peut correspondre (?) à la totalité des travaux de désamiantage » de sorte que « la condamnation liée à la faute du diagnostiqueur ne peut être constituée que de dommages-intérêts correspondant à la perte de chance de négocier une baisse du prix d'achat de la maison » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble les articles L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 1334-7 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1382, devenu 1240, du code civil, L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation et L. 1334-13 du code de la santé publique :

6. Aux termes du premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

7. Il résulte des deux autres que l'état mentionnant la présence ou l'absence de matériaux ou produits contenant de l'amiante annexé à la promesse de vente ou à l'acte authentique de vente d'un immeuble garantit l'acquéreur contre le risque d'amiante et que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n'a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l'art, et qu'il se révèle erroné (Ch. mixte, 8 juillet 2015, pourvoi n° 13-26.686, publié ; 3e Civ., 19 mai 2016, pourvoi n°15-12.408, publié).

8. Pour limiter à la somme de 40 000 euros le montant des dommages-intérêts dus à l'acquéreur par suite du caractère erroné de l'état avant vente de présence de matériaux et produits amiantés dressé par le diagnostiqueur, l'arrêt énonce que la nécessité de désamianter l'immeuble n'est pas établie et qu'il y a lieu de réparer le préjudice allégué au titre de la perte de chance de négocier une baisse du prix d'achat de l'immeuble.

9. En statuant ainsi, après avoir relevé que le diagnostiqueur avait fautivement omis de signaler la présence d'amiante dans les toitures d'une dépendance, de la chaufferie, du garage, des combles 1 et 2 et la toiture de la buanderie et de la cuisine, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne les sociétés Yann Seguin expertise et Hiscox aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Yann Seguin expertise et Hiscox et les condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300053