vendredi 29 juillet 2022

Prescription trentenaire de l'action en démolition d'une construction en violation du cahier des charges d'un lotissement

 Note JL Bergel, RDI 2022, p. 390, sur cass. n° 21-13.894.

Note JL Bergel, RDI 2022, p. 390.

Quelle obligation d'assurance construction en cas de vente en l'état de l'immeuble inachevé ?

 Etude, A. Galland, RDI 2022, p. 368.

Avant-projet de réforme du contrat d'entreprise et de la responsabilité des constructeurs

 Résumé, RDI 2022, pp.  365 et 366.

HOMMAGE A JEAN-PIERRE BERDAH

 

HOMMAGE A JEAN-PIERRE BERDAH

 

Jean-Pierre Berdah était tout d’abord un avocat !

Et quel avocat !

Mais aussi, quel parcours universitaire brillant !

Moi, je voudrais juste évoquer rapidement une amitié fidèle de plus de 50 années…

Au sein de la FNUJA, dans les années 70, nos activités syndicales nous avaient déjà révélé combien nous étions proches.

C’est que nous étions tous deux nés sous le Signe du Taureau, quasiment le même jour, mais moi, un an plus tôt, d’où j’ai toujours déduit, qu’il me devait le respect…

Je ne pense pas l’avoir vraiment convaincu…

Nous nous sommes encore mieux connus dans les années 80, car, tous deux quadragénaires, pleins d’ardeur et forts d’un ego de bonne dimension, nous nous sommes affrontés pendant quelques 10 années, dans un contentieux répétitif de quelques 500 dossiers de vice de matériau de construction, lui intervenant en cours de route comme soutien d’une brochette de confrères parisiens.

Il y arrivait sur le tard, en défense, dans l’intérêt du fabricant du matériau défectueux, une multinationale américaine et ses filiales d’Europe et de France.

J’étais en demande pour l’ensemble des assureurs construction français et leurs assurés.

J’entends encore le début de sa première plaidoirie d’appelant dans l’une de ces affaires, devant une chambre spécialisée de la Cour de Paris :

«  C’est avec beaucoup d’humilité que, modeste avocat de province, je me présente devant vous, face à mon éminent confrère, dont la réputation… etc, etc ! », mais il en venait rapidement à l’essentiel : développer sur le fond un argumentaire aussi rigoureux qu’implacable, ce qui ne vous surprendra pas …

Ainsi, de proche en proche sur tous ces dossiers, il m’a progressivement « grignoté »… Mais, au fil de toutes ces procédures nos relations exigeantes d’amitié ne se sont jamais démenties,  aboutissant au bout de 10 ans, –– à une solution transactionnelle globale pour ces 500 dossiers,

Un protocole d’accord faisait même de nous deux les arbitres exclusifs, émetteurs d’avis irrévocables réglant définitivement toutes difficultés d’exécution… L’idée était de lui ou de moi, je ne sais plus … Mais cela a fonctionné.

En mai dernier, fêtant nos anniversaires, une fois encore,  nous évoquions ces vieilles batailles, tels d’anciens combattants, paradant devant leurs épouses, chacun prétendant avoir été le meilleur…

Car on se voyait souvent et à chaque fois, on s’offrait des livres. Notamment, aussi passionné que nous pour le jeu de SCRABBLE, il nous en avait offert le dictionnaire officiel, avec - de son écriture fine – la dédicace suivante :

« La médiation étant à l’ordre du jour, et sachant certains penchants (masculins) à une relative bonne foi, cet ouvrage amènera paix et sérénité dans des parties endiablées… auxquelles nous pourront peut-être participer ! ».

En réalité, on ne jouait plus beaucoup, car il gagnait tout le temps, ayant manifestement quasiment appris ce dictionnaire par cœur…

Cette affection avait aussi fait de chacun le témoin de  la vie personnelle de l’autre et parfois son confident, voire son conseiller…

Je me rappelle aussi Jean-Pierre, lors de quelques vacances :

En Corse, Jean-Pierre argumentant méthodiquement et convainquant Joaquim, mon fils cadet, alors âgé de 4 ans, d’avaler un médicament particulièrement rébarbatif.

Quelque part en Méditerranée, Jean-Pierre, sur son bateau, loup de mer et capitaine au long cours, tentant de me rassurer sur l’évolution d’une météo plutôt grise, en citant un adage dont je ne saisis toujours pas toute la portée :

« Ciel pommelé et femme fardée sont toujours de courte durée… ».

Et si souvent, encore, la voix, le ton et les premiers mots de  Jean-Pierre m’appelant sur mon portable :   « Bonjour Albert, est-ce que je te dérange ?... »

Non tu ne m’as jamais dérangé !

Ou plutôt : Si, tu nous déranges en partant comme ça, brutalement, sans prévenir.

Ce n’est pas correct.

Ça ne se fait pas …

Ce n’est pas humainement possible !

Ce n’est pas toi…

Et Bernadette et moi sommes inconsolables de savoir qu’on ne t’entendra plus jamais.

                                                          

                                                                       Albert Caston

jeudi 21 juillet 2022

15èmes Rencontres de l'assurance construction : Jeudi 24 novembre 2022

 

Face à l’actualité, le programme des 15èmes Rencontres de l'assurance construction sera disponible début septembre

Jeudi 24 novembre 2022

Plus que jamais, face à une actualité débordante, ne manquez pas ces
15èmes rencontres de l'assurance construction, qui se tiendront au :
Grand Amphithéâtre de la Sorbonne
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*éligible à la formation continue pour les avocats

 
N’attendez pas les inscriptions sont déjà ouvertes !
 

Présidée et animée par Pascal DESSUET

Intervenant pour la formation continue de l’École des Ponts ParisTech ; Professeur à l’ICH ; Chargé d’enseignements aux Universités de Paris Est Créteil (UPEC) et de Paris I Panthéon Sorbonne ; AON France - Directeur Délégué Construction Immobilier...

CAROLINE RHEIMS-CHEMLAL
Cheffe de projet  du domaine Bâtiments, construction durable et immobilier
Tel. 06 43 36 68 45

caroline.rheims-chemlal@fc-enpc.fr

mardi 19 juillet 2022

1) Lotissement : violation du cahier des charges, obligation de démolir et principe de proportionnalité; 2) Notion de "professionnel de la construction" (SCI)

 Dans le même sens, sur les deux points :  21-16.407, rendu le même jour.

Note P. Genicon, D. 2022, p. 1647.

Note H. Périnet- Marquet, SJ G 2022, p. 1311. 

Note JL Bergel, RDI 2022, p. 591.

Commentaire de la Cour de cassation :

Proportionnalité de la démolition d’une construction édifiée en contravention aux stipulations du cahier des charges d’un lotissement

3E CIV., 13 JUILLET 2022, POURVOI N° 21-16.407, PUBLIÉ AU BULLETIN

En cas de violation du cahier des charges d’un lotissement, la jurisprudence, se fondant sur la règle selon laquelle l’exécution forcée en nature du contrat constitue un droit pour le créancier, juge que le propriétaire a le droit de demander que ce qui a été fait par contravention à l’engagement résultant du cahier des charges soit détruit, indépendamment de l’existence ou de l’importance du préjudice, dès lors que, l’infraction aux clauses du cahier des charges étant établie, aucune impossibilité d’exécution de la démolition n’est invoquée ou caractérisée.

Au visa de l’article 1143 ancien du code civil, la jurisprudence excluait donc tout contrôle de proportionnalité en la matière et considérait qu’il y avait lieu d’accueillir la demande de démolition, quelles que fussent la gravité du défaut constaté et les conséquences de la mise en conformité.

Toutefois, la réalisation d’un bilan coût/avantages en cas de demande d’exécution en nature d’une obligation contractuelle est désormais imposée par l'article 1221 du code civil qui, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, et modifiée par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 portant ratification de cette ordonnance, dispose que « le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier ».

Ces dispositions ne sont pas applicables aux contrats antérieurs au 1er octobre 2016 mais, dès avant la réforme, la Cour de cassation avait infléchi sa jurisprudence en admettant que certaines demandes pussent se heurter au principe de proportionnalité, même en dehors d'une atteinte à un droit fondamental. Elle en avait jugé ainsi pour les demandes de démolition consécutives à une annulation du contrat de construction de maison individuelle, ou les demandes de démolition et de reconstruction d'ouvrages affectés de vices.

Par le présent arrêt, la Cour de cassation approuve les juges du fond d'avoir recherché si la demande de démolition d'un ouvrage ne respectant pas certaines stipulations du cahier des charges du lotissement était proportionnée, au regard de son coût pour le maître de l'ouvrage et du préjudice subi par les colotis. Les juges, qui avaient fait ressortir le caractère manifestement disproportionné de la démolition, pouvaient retenir une autre sanction de la violation de l'obligation contractuelle. On voit ainsi que l'exigence de proportionnalité est un principe de portée générale, aujourd'hui consacré par l'article 1221 nouveau du code civil, mais qui lui préexistait.

Par le même arrêt, la Cour de cassation précise qu'une société civile immobilière ne peut être considérée comme une professionnelle de la construction du seul fait que son objet social est d'acquérir et de construire tous biens immobiliers, puis de les gérer. La qualité de professionnelle de la construction suppose des connaissances et des compétences techniques spécifiques dans ce domaine. Il est, ainsi, de nouveau rappelé que les qualités de professionnel de l'immobilier et professionnel de la construction ne se confondent pas et que pour se voir attribuer la seconde, il ne suffit pas de faire construire des immeubles à titre professionnel.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 juillet 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 569 FS-B

Pourvoi n° U 21-16.408




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2022

1°/ M. [J] [Y],

2°/ Mme [N] [O], épouse [Y],

domiciliés tous deux [Adresse 5], [Localité 3],

ont formé le pourvoi n° U 21-16.408 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [X] [F], domicilié Le Caoupré d'Alvine, [Adresse 2], [Localité 4],

2°/ à la société Domaine du Cap, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3],

défendeurs à la cassation.

La société Domaine du Cap a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation également annexé au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. et Mme [Y], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [F], de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Domaine du Cap, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 mars 2021), le 21 mars 2000, M. et Mme [Y] ont acquis le lot n° 16 du lotissement de la Haute Garonnette, constitué d'une maison d'habitation bâtie sur un terrain de 1 658 m².

2. Le 15 décembre 2011, la société civile immobilière Domaine du cap (la SCI) est devenue propriétaire du lot n° 18.

3. En vertu d'un permis de construire du 12 mars 2008 et d'un permis modificatif du 22 décembre 2011, elle a entrepris, sous la maîtrise d'oeuvre de M. [F], la construction d'un immeuble de six logements avec piscine.

4. Invoquant la violation du cahier des charges du lotissement, M. et Mme [Y] ont assigné la SCI et M. [F] aux fins d'obtenir, à titre principal, la démolition des ouvrages édifiés et, subsidiairement, des dommages-intérêts.


Examen des moyens

Sur le moyen, pris en ses quatrième à sixième branches, du pourvoi principal et sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. M. et Mme [Y] font grief à l'arrêt de dire que, par la construction contrevenant au cahier des charges, la SCI ne leur a causé qu'un préjudice dont elle leur doit réparation à concurrence d'une somme de 20 000 euros, alors :

« 1°/ que le propriétaire d'un lot dans un lotissement a le droit de demander que ce qui a été fait par contravention à l'engagement contractuel résultant du cahier des charges soit détruit, indépendamment de l'existence ou de l'importance du préjudice, dès lors que, la réalisation de la violation des clauses du cahier des charges étant établie, il n'existe aucune impossibilité d'exécution de la démolition ; qu'en considérant, pour refuser d'ordonner la démolition de la construction litigieuse, que le juge restait libre d'apprécier si la démolition était adaptée au préjudice prouvé par la partie qui la demandait ou si une réparation indemnitaire était suffisante à réparer le dommage intégral, quand, la violation des clauses du cahier des charges étant établie, elle ne pouvait refuser la démolition qu'à raison d'une impossibilité d'exécution de celle-ci, la cour d'appel a violé l'article 1143 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que le propriétaire d'un lot dans un lotissement a le droit de demander que ce qui a été fait par contravention à l'engagement contractuel résultant du cahier des charges soit détruit, indépendamment de l'existence ou de l'importance du préjudice, dès lors que, la réalisation de la violation des clauses du cahier des charges étant établie, il n'existe aucune impossibilité d'exécution de la démolition ; que l'expulsion et la démolition sont les seules mesures de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien ; qu'en ajoutant que la démolition était « en pratique impossible en ce que les six logements construits par la SCI étaient occupés », quand il n'en résultait en toute hypothèse aucune impossibilité d'exécution de la démolition, la cour d'appel a violé l'article 1143 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que le propriétaire d'un lot dans un lotissement a le droit de demander que ce qui a été fait par contravention à l'engagement contractuel résultant du cahier des charges soit détruit, indépendamment de l'existence ou de l'importance du préjudice, dès lors que, la réalisation de la violation des clauses du cahier des charges étant établie, il n'existe aucune impossibilité d'exécution de la démolition ; que la démolition ne peut en aucun cas constituer une sanction disproportionnée ; qu'en ajoutant encore qu'il était totalement disproportionné de demander la destruction d'un immeuble d'habitation collective uniquement pour éviter aux propriétaires d'une villa le désagrément d'un voisinage moins bourgeois, le bâtiment en question ayant été construit dans l'esprit du règlement du lotissement et seuls M. et Mme [Y] se plaignant de cette construction qui ne leur occasionnait aucune perte de vue ou aucun vis-à-vis, quand la démolition ne pouvait constituer une sanction disproportionnée, la cour d'appel a violé l'article 1143 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a constaté que, si la construction violait l'article 8 du cahier des charges du lotissement, dès lors qu'elle n'était pas implantée dans un carré de trente mètres sur trente mètres, le cahier des charges, qui n'avait pas prohibé les constructions collectives, autorisait la construction d'un édifice important sur le lot acquis par la SCI et que la construction réalisée, située à l'arrière de la villa de M. et Mme [Y], n'occultait pas la vue dont ils bénéficiaient, l'expert étant d'avis qu'il n'en résultait pas une situation objectivement préjudiciable mais seulement un ressenti négatif pour M. et Mme [Y] en raison de la présence, en amont de leur propriété, d'un ensemble de six logements se substituant à une ancienne villa.

8. Ayant retenu qu'il était totalement disproportionné de demander la démolition d'un immeuble d'habitation collective dans l'unique but d'éviter aux propriétaires d'une villa le désagrément de ce voisinage, alors que l'immeuble avait été construit dans l'esprit du règlement du lotissement et n'occasionnait aucune perte de vue ni aucun vis-à-vis, la cour d'appel, qui a fait ressortir l'existence d'une disproportion manifeste entre le coût de la démolition pour le débiteur et son intérêt pour les créanciers, a pu déduire, de ces seuls motifs, que la demande d'exécution en nature devait être rejetée et que la violation du cahier des charges devait être sanctionnée par l'allocation de dommages-intérêts.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

10. La SCI fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de M. [F] à la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « qu'en se bornant à énoncer pour opérer un partage de responsabilité que la SCI Domaine du Cap, même constituée entre époux, avait une compétence professionnelle certaine en matière de construction dès lors que son objet social était précisément d'acquérir et de construire tous biens immobiliers puis de les gérer quand cette constatation ne suffisait pas à lui conférer la qualité de professionnel de la construction, qui seule serait de nature à la faire considérer comme étant intervenue à titre professionnel à l'occasion du contrat de maîtrise d'oeuvre litigieux dès lors que le domaine de la construction faisait appel à des connaissances ainsi qu'à des compétences techniques spécifiques, la cour d'appel a méconnu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

11. Selon ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

12. Pour limiter la condamnation de M. [F] à garantir la SCI des condamnations prononcées contre elle, l'arrêt retient que M. [F] peut légitimement demander que sa responsabilité soit atténuée en raison de la qualité de professionnelle de la SCI, maître de l'ouvrage, dont l'objet social est précisément d'acquérir et de construire tous biens immobiliers, puis de les gérer, la circonstance qu'elle soit constituée entre époux ne suffisant pas à anéantir la présomption de sa compétence de constructeur immobilier.

13. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir la qualité de professionnel de la construction de la SCI, laquelle suppose des connaissances et des compétences techniques spécifiques, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen du pourvoi incident, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le chef de dispositif du jugement ayant condamné M. [F] à garantir la société civile immobilière Domaine du parc de la condamnation prononcée contre elle au titre de la violation du cahier des charges du lotissement, il limite la condamnation de M. [F] à payer à cette société la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du dommage causé par ses manquements, l'arrêt rendu le 11 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne M. et Mme [Y] aux dépens du pourvoi principal et M. [F] à ceux du pourvoi incident ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Responsabilité décennale : sort des éléments d'équipement "non destinés à fonctionner"

 Note FX Ajaccio, bull. assur. 2022-327, p. 3.

Note P. Dessuet, RGDA 2022-9, p. 37.

Note Pagès-de-Varenne, Constr.-urb. 2022-10, p. 30.

Note E Ménard, RCA 2022-10, p. 33.

Note JP Karila, SJ G 2022, p. 2033.

Note C. Cerveau-Colliard, GP 2022-38, p. 60.

Note J. Roussel, RDI 2022, p. 606.

Cour de cassation - Chambre civile 3

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 juillet 2022




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 571 FS-B

Pourvoi n° G 19-20.231

Aide juridictionnelle partielle en demande
au profit de Mme [R].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 8 juin 2020.

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [Y].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 21 novembre 2019.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2022

1°/ M. [L] [R],

2°/ Mme [Z] [P], épouse [R],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° G 19-20.231 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2019 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [N] [Y],

2°/ à Mme [M] [S], épouse [Y],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. et Mme [R], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. et Mme [Y], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, M. Jacques, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 30 avril 2019), par acte du 6 août 2012, M. et Mme [Y] ont acquis de M. et Mme [R] une maison d'habitation sur laquelle ceux-ci avaient réalisé des travaux de rénovation en 2006.

2. Se plaignant de remontées d'humidité affectant notamment le carrelage et des cloisons en plaques de plâtre, M. et Mme [Y] ont, après expertise, assigné les vendeurs en réparation.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 1792 du code civil :

4. Aux termes de ce texte, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

5. Il est jugé, en application de ce texte, que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (3e Civ., 15 janvier 2017, pourvoi n°16-19.640, Bull. 2017, III, n°71 ; 3e Civ., 14 septembre 2017, pourvoi n° 16-17.323, Bull. 2017, III, n° 100 ; 3e Civ., 26 octobre 2017, n°16-18.120, Bull. 2017, III, n° 119 ; 3e Civ.,7 mars 2019, pourvoi n°18-11.741).

6. Cette règle ne vaut cependant, s'agissant des éléments adjoints à l'existant, que lorsque les désordres trouvent leur siège dans un élément d'équipement au sens de l'article 1792-3 du code civil, c'est-à-dire un élément destiné à fonctionner (3e Civ., 13 février 2020, pourvoi n° 19-10.249, publié).

7. Il en résulte que les désordres, quel que soit leur degré de gravité, affectant un élément non destiné à fonctionner, adjoint à l'existant, relèvent exclusivement de la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur ou réputé constructeur.

8. Pour condamner M. et Mme [R] sur le fondement de la responsabilité décennale, l'arrêt retient que, si le carrelage collé sur une chape et les cloisons de plaques de plâtre sont des éléments dissociables de l'ouvrage, dès lors que leur dépose et leur remplacement peuvent être effectués sans détérioration de celui-ci, les désordres les affectant rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.

9. En statuant ainsi alors qu'un carrelage et des cloisons, adjoints à l'existant, ne sont pas destinés à fonctionner, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne M. et Mme [Y] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Décompte final, travaux supplémentaires et réception

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 juillet 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 576 F-D

Pourvoi n° C 21-16.025




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2022

La société Entreprise de bâtiment Moresk, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° C 21-16.025 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [B] [U],

2°/ à Mme [V] [M], épouse [U],

domiciliés tous deux [Adresse 7],

3°/ à l'association syndicale libre maison Saint-Vincent de Paul, dont le siège est [Adresse 5],

4°/ au syndicat des copropriétaires de l'Immeuble maison Saint-Vincent de Paul, dont le siège est [Adresse 2], représenté par son syndic la société Nexity Lamy, domicilié [Adresse 3],

5°/ à la société Mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 8],

6°/ à la société Opus 5 architectes, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6],

7°/ à la société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Bech, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Entreprise de bâtiment Moresk, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Opus 5 architectes et de la société Mutuelle des architectes français, après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bech, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mars 2021), par un marché signé le 1er mars 2005, l'association syndicale libre Maison Saint-Vincent de Paul (l'ASL) a confié la restauration d'un immeuble à la société Entreprise de bâtiment Moresk (la société Moresk).

2. La réception de l'ouvrage est intervenue avec des réserves le 19 février 2010. Un procès-verbal a été dressé à cette occasion par un huissier de justice.

3. Après le dépôt du rapport d'un expert désigné en référé, l'ASL et plusieurs copropriétaires ont assigné la société Moresk, en indemnisation de leurs préjudices. Celle-ci a demandé reconventionnellement le paiement du solde de son marché.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses trois dernières branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

5. La société Moresk fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en paiement, alors :

« 1°/ que le point de départ de la prescription quinquennale se situe à compter du jour le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de l'arrêt que « des travaux supplémentaires ont été commandés à l'entreprise après la réception » [du 19 février 2010] de sorte que le point de départ du délai de l'action en paiement du DGD ne pouvait être fixé à la date de la réception ; qu'en en décidant pourtant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article 2224 du code civil ;

2°/ que quand bien même certains des travaux postérieurs à la réception aient été réglés, ce règlement était intervenu, en toute hypothèse, postérieurement à la commande et à la réception du 19 février 2010 de sorte qu'il ne permettait pas à la société Moresk de réclamer le solde de ses travaux dès le 19 février 2010 ; qu'en conséquence, en retenant que « la société Moresk a eu connaissance, dès la réception des travaux intervenue le 19 février 2010 des éléments lui permettant d'établir son décompte général définitif » pour en déduire que « le point de départ du délai de cinq ans doit être fixé à cette date », la cour d'appel a, en toute hypothèse, statué par un motif inopérant, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cource

6. La cour d'appel a relevé que, si des travaux supplémentaires avaient été commandés à la société Moresk après la réception de l'ouvrage, ces travaux ne figuraient pas dans le décompte de l'entreprise qui faisait uniquement état de travaux supplémentaires résultant d'un avenant établi antérieurement à la réception de l'ouvrage.

7. Elle a retenu qu'il ressortait de ces éléments que la société Moresk avait eu connaissance, dès la réception de l'ouvrage, des éléments lui permettant d'établir son décompte.

8. Elle en a exactement déduit, abstraction faite d'un motif surabondant sur le règlement du coût des travaux supplémentaires commandés après la réception, que le point de départ de la prescription quinquennale devait être fixé à la date de la réception et que la demande en paiement de la société Moresk, formulée par conclusions du 14 juillet 2017, était irrecevable.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Entreprise de bâtiment Moresk aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

1) Acceptation délibérée des risques, par le maître de l'ouvrage; 2) Assurance et activité garantie; 3) Principe de réparation intégrale

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 juillet 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 577 F-D

Pourvoi n° J 21-16.376




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2022

M. [K] [J], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° J 21-16.376 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],

2°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à M. [O] [Y], domicilié [Adresse 2],

4°/ à la société Gaggioli, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

5°/ à M. [E] [B], domicilié [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Bech, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. [J], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Gaggioli, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bech, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 mars 2021), le 22 novembre 2010, M. [Y], propriétaire d'un terrain, a autorisé M. [J] à y déverser des terres de remblai, à charge pour celui-ci d'aménager gratuitement les remblais sans empiéter sur les propriétés voisines.

2. La mise en place des remblais a été effectuée par MM. [J] et [B].

3. Un contrôle des services communaux a révélé que les remblais avaient été déposés sur le terrain de M. [Y] et celui de M. [U], situé en contrebas, lesquels se trouvent dans un site classé au plan local d'urbanisme en aléa très élevé de mouvements de terrain pour les chutes de pierres et en aléa moyen concernant les reptations et ravinement. MM. [Y] et [U] ont été mis en demeure par la mairie de faire réaliser une étude géotechnique de leurs parcelles.

4. Constatant qu'aucune étude géotechnique n'avait été effectuée et qu'aucune mesure n'avait été prise pour conforter les remblais, la commune a assigné en référé-expertise M. et Mme [U] et MM. [Y] et [J]. M. [Y] a assigné en intervention forcée la société Allianz IARD (la société Allianz), assureur de M. [J].

5. Une expertise a été ordonnée puis étendue à M. [B] et à la société Gaggioli terrassement (la société Gaggioli), l'une des entreprises ayant acheminé des terres de remblai sur le terrain de M. [J].

6. Après dépôt du rapport d'expertise, M. [Y] a assigné M. [J], la société Allianz, la société Gaggioli, son assureur, la société Axa France IARD (la société Axa), et M. [B] pour obtenir l'indemnisation de son préjudice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. M. [J] fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec M. [B], à payer à M. [Y] la somme de 208 122 euros en réparation de son préjudice matériel, alors « que constitue une faute engageant la responsabilité de son auteur l'acceptation délibérée des risques, par le maître de l'ouvrage, de l'opération projetée ; qu'en l'espèce, M. [J] soutenait dans ses conclusions que M. [Y], en toute connaissance de cause, avait pris le risque de mettre à disposition son terrain pour y déposer des remblais sans avoir obtenu aucune autorisation administrative, ni disposer d'une étude de sol, cependant qu'il n'ignorait évidemment pas la pente affectant sa parcelle ; qu'en retenant pourtant que M. [J], en sa qualité de professionnel ne pouvait ignorer les risques de l'opération et aurait dû solliciter les autorisations administratives préalables, sans rechercher si M. [Y], qui avait sciemment accepté les risques, n'avait pas lui-même commis une faute de nature à exonérer, serait-ce partiellement, l'exposant de sa responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel a relevé que M. [J], en sa qualité de professionnel, ne pouvait ignorer les risques inhérents au déversement d'importantes quantités de terres et de remblais, sans traitement adapté, sur un terrain en pente en contrebas duquel se trouvaient une route et des habitations.

9. Elle a retenu que M. [J] soutenait vainement que M. [Y] avait autorisé le dépôt des remblais en pleine connaissance de cause et sans avoir effectué une étude de sol préalable, dès lors, d'une part, que s'il estimait qu'une étude de sol était indispensable, il aurait dû le signaler au maître de l'ouvrage et, d'autre part, qu'il lui incombait de vérifier si une autorisation administrative était requise pour répandre des terres sur le terrain situé en zone de risque selon le plan local d'urbanisme, ce qu'il n'a pas fait.

10. Elle a ainsi légalement justifié sa décision de ce chef.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. M. [J] fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes d'indemnisation formées contre la société Allianz, alors :

« 1°/ qu'est nécessaire à l'exercice de l'activité de jardinier paysagiste la manipulation préalable de la terre sur laquelle est exercée l'activité; que ces opérations de manipulation de la terre sont donc consubstantielles à l'activité de jardinerie paysagiste quels que soient leur ampleur, les engins utilisés pour les réaliser et la déclivité du terrain sur lequel elles sont opérées ; que la cour d'appel a pourtant retenu en l'espèce que « compte tenu de l'ampleur de l'apport et de la répartition de 1 900 m3 de terre et de remblais, des circonstances dans lesquelles ces remblais ont été amenés puis répartis sur les lieux avec des engins permettant de tels travaux et de la configuration du terrain de M. [Y], il ne peut être considéré en l'espèce que [K] [J], exerçant à l'enseigne « Les Jardins d'Azur », a exécuté une simple activité de jardinier paysagiste » ; qu'en statuant ainsi quand ni l'ampleur du travail de répartition de la terre, ni l'utilisation d'engins pour la répartir, ni la pente sur le terrain duquel ces opérations étaient menées n'excluaient qu'elles aient été consubstantielles à l'activité assurée de jardinier paysagiste, la cour d'appel a statué par un motif impropre à établir que le sinistre n'entrait pas dans le champ de la garantie et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause ;

2°/ que, en tout état de cause, la cour d'appel a considéré, d'une part, que « les dommages invoqués par M. [Y] ne découlent pas du dépôt de 247 m3 de terres, mais de l'absence totale de traitement et de terrassement d'une quantité de 1 900 m3 de terre et de et de remblais accumulée sur son terrain » ; que la cour d'appel a également con sidéré, d'autre part, que « la répartition des terres et remblais sur le terrain en pente de M. [Y] constitue un début de terrassement » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs manifestement contradictoires quant à l'existence ou non d'un « début de terrassement », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour

12. La cour d'appel a relevé que, selon les conditions particulières du contrat d'assurance souscrit auprès de la société Allianz par M. [J], celui-ci était couvert au titre de sa responsabilité civile de chef d'entreprise pour l'activité déclarée de « jardinier paysagiste sans réalisation d'aires de jeux ni travaux de bâtiments et travaux publics » et que, dans un questionnaire rempli à la demande de la société Allianz, M. [J] avait précisé effectuer, au titre de son activité professionnelle, des travaux de jardinage et d'élagage.

13. Elle a retenu que, compte tenu de l'ampleur de l'apport et de la répartition de 1 900 m3 de terre et de remblais et des circonstances dans lesquelles ils avaient été apportés et répartis sur les lieux avec des engins permettant de tels travaux, il ne pouvait être considéré que M. [J] avait exécuté une simple activité de jardinier paysagiste.

14. Elle en a exactement déduit, abstraction faite d'un motif surabondant sur la réalité d'un début de terrassement, que la garantie faisant l'objet du contrat d'assurance n'était pas mobilisable.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

16. M. [J] fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec M. [B], à payer à M. [Y] la somme de 208 122 euros en réparation de son préjudice matériel, alors « que la cour d'appel a elle-même constaté qu'il résulte du rapport de l'expert [I] que le volume des remblais déversés sur la propriété de M. [Y] a « progressivement débordé sur la propriété de M. [U], voisine à l'aval » et qu'ainsi « 225 m3 a débordé sur la propriété de M. [U] » ; que la cour d'appel a encore constaté que les travaux préconisés par l'expert pour mettre un terme aux désordres consistaient à « évacuer à la décharge publique 1 100 m3 de remblais sur les 1 800 m3 à 1 900 m3 existants, et répartir les 700 à 800 m3 restant sur le site », à « dégager et reprofiler le talus à l'arrière de la maison [U] sur 400 m² », et à « cicatriser et stabiliser le talus de la maison [U] » ; qu'il en résultait qu'en partie au moins, les travaux devaient être réalisés sur le terrain [U], puisqu'il convenait d'évacuer et de répartir des remblais se trouvant pour partie sur ce terrain, et d'aménager le site à l'arrière de la maison [U] ; qu'en retenant pourtant que « les travaux préconisés par l'expert et chiffrés dans le devis susvisé doivent être effectués sur la propriété de M. [Y] », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de l'indemnisation intégrale du préjudice et l'article 1149 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

17. Il résulte de ce principe et de ce texte que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.

18. Pour condamner M. [J] au paiement de la somme de 208 122 euros en réparation du préjudice matériel subi par M. [Y], l'arrêt retient que les travaux de remise en état préconisés par l'expert et chiffrés dans le devis de l'entreprise consultée par lui doivent être effectués sur la propriété de M. [Y] et que leur coût s'élève à cette somme.
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19. En statuant ainsi, tout en relevant que 247 m3 de remblai avaient glissé sur la propriété de M. [U] et que l'expert avait préconisé, entre autres travaux de remise en état, de dégager et reprofiler le talus à l'arrière de la maison de M. [U] sur 400 m² et de cicatriser et stabiliser le même talus avec la pose de 400m² de géogrille fixée et plaquée par une résille de câbles munie de trente-trois ancrages, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé le principe et le texte susvisés.

Mise hors de cause

20. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause les sociétés Gaggioli, Axa et Allianz dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [J], in solidum avec M. [B], à payer à M. [Y] la somme de 208 122 euros en réparation de son préjudice matériel, l'arrêt rendu le 11 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Met hors de cause les sociétés Gaggioli terrassement, Axa France IARD et Allianz IARD ;

Condamne M. [Y] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;