mardi 28 novembre 2023

Quand le syndic de copropriété est maître d'œuvre des travaux...

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 novembre 2023




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 741 F-D

Pourvoi n° N 22-21.144




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7], dont le siège est [Adresse 5], représenté par son syndic la société RI syndic, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° N 22-21.144 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à la société Funel et associés, société d'exercice libéral, dont le siège est [Adresse 6], anciennement dénommée société Traddei-Funel, prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Home fermeture,

3°/ à la société Cabinet LVS, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

4°/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandjean, conseiller, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7], de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Cabinet LVS, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Generali IARD, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grandjean, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Axa France IARD et Funel et associés.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 juin 2022), en 2009, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] (le syndicat des copropriétaires) a commandé des travaux de pose de garde-corps, suppression d'un escalier extérieur et pose de deux échelles de toit à la société Home fermetures qui a abandonné le chantier, puis fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 6 août 2009.

3. Le 31 juillet 2009, la société Cabinet LVS, syndic de la copropriété (le syndic) a fait dresser un procès-verbal de constat révélant des mal-façons et des non-façons dans les travaux réalisés.

4. Après une expertise judiciaire, le syndicat des copropriétaires a assigné le syndic en responsabilité contractuelle et celui-ci a appelé en garantie son assureur, la société Generali.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

5. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande à l'encontre du syndic et de mettre hors de cause l'assureur de celui-ci, alors :

« 2° / que responsable à l'égard du syndicat des copropriétaires, des fautes commises dans l'exercice de ses fonctions, le syndic engage sa responsabilité à l'égard de ce dernier à raison de manquements à son obligation de conseil et de diligence ; que la cour d'appel a déclaré que le constat fait par l'expert, selon lequel M. [G] « qui intervenait en tant que syndic et aussi en tant que Maître d'oeuvre » ne pouvait ignorer la réalité des travaux réalisés, leur conditions de mise en oeuvre et d'exécution ainsi que les dommages avérés apparus durant le chantier, ne suffisait pas à caractériser une ou des fautes susceptibles d'engager sa responsabilité ; qu'en statuant par ce motif inopérant relatif à la responsabilité de M. [G], cependant que le syndic était la société Cabinet LVS, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 1992 du code civil ;

3°/ que responsable à l'égard du syndicat des copropriétaires, des fautes commises dans l'exercice de ses fonctions, le syndic engage sa responsabilité à l'égard de ce dernier à raison de manquements à son obligation de conseil et de diligence ; que les premiers juges ont considéré, que le syndicat des copropriétaires ne démontrait pas, d'une part, que la société Cabinet LVS avait manqué à son devoir de conseil en n'alertant pas les copropriétaires sur la nécessité de s'adjoindre effectivement le concours d'un maître d'oeuvre ou d'un ingénieur en structures au regard de l'importance du chantier, d'autre part, que la société Cabinet LVS avait signé sans précaution le marché de travaux litigieux ; qu'en se bornant à postuler ainsi que le syndic n'encourait aucune responsabilité de ces chefs, sans rechercher de surcroît, comme elle y était invitée par le syndicat des copropriétaires, si la société Cabinet LVS ne pouvait se voir reprocher un défaut dans le suivi de l'exécution des travaux et dans la surveillance du chantier, de même que l'importance des paiements effectués à l'entreprise qui, intervenue en juin 2009, avait, le 3 juin 2009, déjà perçu 57 177,50 euros sur un montant de marché de 65 051,30 euros, la cour d'appel, qui a par ailleurs constaté les multiples malfaçons et non-façons relevées par l'expert judiciaire, a, si elle a adopté les motifs des premiers juges, privé sa décision de base légale au regard de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 1992 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 :

6. Il résulte de ce texte que le syndic est responsable à l'égard du syndicat des copropriétaires des fautes commises dans l'accomplissement de sa mission.

7. Pour rejeter la demande du syndicat des copropriétaires à l'encontre du syndic, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le syndicat des copropriétaires ne démontre pas que le syndic a manqué à son devoir de conseil, en n'attirant pas l'attention des copropriétaires sur la nécessité de s'adjoindre le concours d'un maître d'oeuvre, ou d'un ingénieur en structures, au regard de l'importance du chantier, qu'il n'établit pas que le syndic ait signé sans précaution le marché de travaux litigieux et que l'avis de l'expert, selon lequel M. [G] qui intervenait en tant que syndic et aussi en tant que maître d'oeuvre selon le marché de travaux, ne pouvait ignorer la réalité des travaux réalisés, leurs conditions de mise en oeuvre et d'exécution ainsi que les dommages apparus durant le chantier, est insuffisant à caractériser une faute de celui-ci.

8. En se déterminant ainsi, alors que le syndicat des copropriétaires invoquait des manquements dans le suivi des travaux et dans les paiements faits à l'entreprise, et sans constater que le syndic avait accompli toutes les diligences lui incombant dans la gestion des travaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne les sociétés Cabinet LVS et Generali IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Cabinet LVS et Generali IARD et les condamne à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] la somme de 3 000 euros ;

Le sous-traité frappé de nullité relative est susceptible de confirmation ne pouvant résulter de la seule exécution des travaux

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 novembre 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 754 FS-B

Pourvoi n° J 22-21.463







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023

La société Uni-Marbres, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 22-21.463 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Boistech, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Uni-Marbres, de la SCP Spinosi, avocat de la société Boistech, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2022) et les productions, le 27 mars 2017, la société Boistech, qui avait été chargée de travaux de construction, a sous-traité à la société Uni-Marbres des travaux de fourniture et pose de marbre.

2. La société Boistech n'a pas fourni de caution à la société Uni-Marbres lors de la conclusion du contrat de sous-traitance.

3. Se plaignant du non paiement de surcoûts et travaux supplémentaires, la société Uni-Marbres a assigné la société Boistech en nullité du contrat de sous-traitance et indemnisation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Uni-Marbres fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de sous-traitance est valide et de rejeter toutes ses demandes, alors « qu'il résulte de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance que le sous-traité est nul dès l'origine du fait de l'absence de fourniture d'une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur auprès d'un établissement agréé, sauf délégation du maître de l'ouvrage, lors de sa conclusion, sans qu'il importe que le sous-traitant ait rempli sa mission avant de contester la validité du sous-traité ; qu'en l'espèce la cour d'appel, qui a expressément constaté qu'aucune garantie de paiement des sommes dues à la société Uni-Marbres, sous-traitant, n'avait été donnée par caution, délégation de paiement ou tout autre moyen par la société Boistech, aurait dû en déduire qu'il y avait lieu de déclarer nul le contrat de sous-traitance ; qu'en le déclarant néanmoins valide, elle n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

5. La violation des formalités de l'article 14, alinéa 1er, de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, lesquelles ont pour finalité la protection des intérêts du sous-traitant, étant sanctionnée par une nullité relative, le sous-traité est susceptible de confirmation en application de l'article 1182 du code civil.

6. La confirmation de l'acte nul, qui ne peut résulter de la seule exécution des travaux, doit être caractérisée, à défaut d'une confirmation expresse, par leur exécution volontaire en connaissance de la cause du vice l'affectant.

7. Ayant retenu que la société Uni-Marbres avait exécuté volontairement le contrat de sous-traitance en connaissance de la cause de nullité du contrat tenant à l'absence de délivrance de la caution, elle en a exactement déduit que le sous-traitant avait confirmé le contrat et ne pouvait dès lors plus se prévaloir de sa nullité.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Uni-Marbres aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Uni-Marbres et la condamne à payer à la société Boistech la somme de 3 000 euros ;

lundi 27 novembre 2023

Procédure d'appel et formalisme atténué

 Chronique, L. Veyre, SJ G 2023, p. 2050, sur cass. 21-01.431, 21-24.821, 21-15.842, 20-22.58, 20-18.169.

Marché de construction : dommage : recours provoqué par l'action récursoire d'un autre responsable mis en cause par la victime

 Conformément à l'article 2224 du code civil, le constructeur auquel la victime des dommages demande en justice la réparation de son préjudice doit former ses actions récursoires contre les autres constructeurs et sous-traitants dans un délai de cinq ans courant à compter de cette demande. Il n'est pas fait exception à cette règle lorsque le recours est provoqué par l'action récursoire d'un autre responsable mis en cause par la victime

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 novembre 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 753 FS-B

Pourvoi n° B 22-20.490




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023

La société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 2], [Localité 5], a formé le pourvoi n° B 22-20.490 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2022 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Artelia ville et transports, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 6],

2°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

3°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 1], [Localité 4],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.




Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mutuelle des architectes français, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Artelia ville et transports et des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 28 juin 2022), l'office public d'aménagement et de construction de la Savoie (l'OPAC) a confié à M. [P], assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de travaux d'urbanisme d'une zone d'aménagement concerté à Chambéry.

2. M. [P] a sous-traité des études de voirie et réseaux divers à la société Etudes et projets, aux droits de laquelle vient la société par actions simplifiée Artelia ville et transport (la société Artelia), assurée auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA).

3. A la suite d'affaissements de la voirie, la juridiction administrative a ordonné une expertise, rendue commune à la MAF par ordonnance du 15 avril 2005.

4. Par requête du 22 décembre 2010, l'OPAC a saisi la juridiction administrative au fond pour voir notamment condamner M. [P], la MAF, la société Artelia, la commune de [Localité 7] et la société Eurovia à l'indemniser de son préjudice. La société [P] architectes (la société [P]) a déclaré venir aux droits de M. [P]. La juridiction administrative a condamné la société [P], la commune de [Localité 7] et la société Eurovia à payer diverses sommes à l'OPAC. L'intervention de la société Axa France IARD (la société Axa), assureur de la commune de [Localité 7], a été déclarée non admise. Les demandes de garantie formées par la société [P] contre la société Artelia et la MAF ont été rejetées comme formées devant une juridiction incompétente.

5. Par acte du 5 mars 2010, l'OPAC a assigné son assureur la société Sagena, devant un tribunal de grande instance. Par acte du 3 janvier 2011, la société Sagena a notamment appelé en intervention forcée la société [P] et son assureur la MAF. Par conclusions des 2 et 5 juillet 2012, la MAF a demandé la garantie des sociétés Artelia et MMA.

6. Par ordonnance du 23 octobre 2018, le juge de la mise en état a constaté le désistement de l'OPAC et l'absence d'objet des recours subséquents.

7. Par acte du 29 janvier 2019, la société Axa a notamment assigné la MAF, en sa qualité d'assureur de M. [P] et de la société [P], en paiement de diverses sommes.

8. Par acte du 8 février 2021, la MAF a appelé en garantie les sociétés Artelia et MMA.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

9. La MAF fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite l'action qu'elle a engagée le 8 février 2021, en sa qualité d'assureur tant de M. [P] que de la société [P] contre les sociétés Artelia et MMA et de dire éteinte cette action, alors :

« 1°/ que lorsque l'assureur d'un constructeur assigne l'assureur d'un autre constructeur en paiement de sommes qu'il a payées au titre de la responsabilité de son assuré, le délai de prescription du recours de l'assureur ainsi assigné contre d'autres constructeurs et/ou leurs assureurs commence à courir à compte de cette assignation ; qu'en l'espèce, pour juger prescrite l'action de la MAF qui avait sollicité, par assignation du 8 février 2021, la garantie de la société Artelia et de son assureur pour les sommes réclamées par la société Axa France IARD dans une assignation du 29 janvier 2019 au titre de ce qu'elle avait payé en qualité d'assureur de la commune de [Localité 7], la cour a retenu que le délai de prescription de cette action avait commencé à courir le 15 avril 2005, date à laquelle lui avaient été rendues communes les opérations d'expertises, et qu'il s'était achevé le 18 juin 2013 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ;

2°/ que le délai de prescription de l'action d'un constructeur et/ou de son assureur tendant à obtenir la garantie d'un autre constructeur et/ ou de son


assureur commence à courir à la date à laquelle le demandeur en garantie a fait l'objet d'une action en paiement ; qu'en l'espèce, la cour a jugé que le point de départ du délai de prescription de l'action de la MAF devait être fixé à la date de l'ordonnance lui ayant rendu communes les opérations d'expertise ; qu'en statuant ainsi, la cour a violé l'article 2224 du code civil ;


3°/ que le point de départ d'une prescription qui a commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ne peut être déterminé au regard de dispositions de l'article 2224 du code civil : qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que l'ordonnance du 15 avril 2005 ayant étendu l'expertise à la MAF marquait la date à laquelle elle avait eu connaissance des faits permettant d'exercer son action récursoire et que la prescription était acquise le 18 juin 2013 ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 2224 du code civil ;


4°/ que des conclusions constituent une demande en justice qui interrompent le délai de prescription jusqu'à l'extinction de l'instance, date à laquelle un nouveau délai commence à courir, l'interruption étant non avenue lorsque le demandeur se désiste de sa demande ; qu'en l'espèce, la cour a jugé que l'acceptation par la MAF du désistement de l'OPAC de Savoie ayant donné lieu à l'extinction de l'instance suivant ordonnance du juge de la mise en état en date du 29 octobre 2018 emportait désistement par la MAF de son appel en garantie formé en qualité d'assureur de la société [P] Architectes, de sorte qu'était non avenu l'effet interruptif des conclusions sollicitant la garantie de la société Artelia et de son assureur prises les 2 et 5 juillet 2012, soit avant le terme du délai de prescription qu'elle a fixé au 18 juin 2013, et que l'appel en garantie exercé par la MAF le 8 février 2021 était prescrit ; que pourtant, la seule acceptation par la MAF du désistement de l'OPAC de Savoie ne pouvait emporter désistement de l'appel en garantie formé contre la société Artelia et son assureur, d'autant qu'il résultait des conclusions par lesquelles elle avait accepté ce désistement qu'elle demandait au juge de la mise en état de dire que la procédure se poursuivrait entre elle, la société [P] Architectes, la société Artelia et son assureur, si bien qu'un nouveau délai de 5 ans pour former un recours en garantie avait commencé à courir à compter de l'ordonnance du 29 octobre 2018 et que l'action ainsi exercée le 8 février 2021 n'était pas prescrite ; qu'en déclarant néanmoins cette action prescrite, la cour d'appel a violé les articles 2224, 2242 et 2243 du code civil. »

Réponse de la Cour

10. Le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l'article 2224 du code civil et se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, publié).

11. La demande d'expertise, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur ou de l'assureur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié).

12. Le constructeur auquel la victime des dommages demande en justice la réparation de son préjudice doit former ses actions récursoires contre les autres constructeurs et sous-traitants dans un délai de cinq ans courant à compter de cette demande. Il n'est pas fait exception à cette règle lorsque le recours est provoqué par l'action récursoire d'un autre responsable mis en cause par la victime.

13. La cour d'appel ayant constaté, d'une part, que, par requête du 22 décembre 2010, l'OPAC avait saisi le tribunal administratif pour que soit engagée la responsabilité de M. [P] et de son assureur la MAF et que celle-ci, en cette qualité, n'avait agi en garantie contre les sociétés Artelia et MMA que le 8 février 2021, dès lors que les demandes formées par conclusions des 2 et 5 juillet 2012 l'avaient été par la MAF en sa qualité d'assureur de la société [P] et non de M. [P], elle a exactement retenu que l'action récursoire de la MAF, en sa qualité d'assureur de M. [P], était prescrite.

14. Ayant constaté, d'autre part, que, par acte du 3 janvier 2011, la MAF, en sa qualité d'assureur de la société [P], avait été assignée en garantie par la société Sagena, elle-même recherchée par l'OPAC, et ayant retenu, par une interprétation souveraine de la motivation et des dispositions ambiguës de l'ordonnance du juge de la mise en état du 9 novembre 2021, que la MAF s'était désistée de ses propres demandes reconventionnelles de garantie, de sorte qu'en application de l'article 2243 du code civil, l'interruption résultant des conclusions des 2 et 5 juillet 2012 était non avenue, elle a exactement retenu que l'action récursoire de la MAF, en sa qualité d'assureur de la société [P], était prescrite.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Mutuelle des architectes français aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Mutuelle des architectes français et la condamne à payer aux sociétés Artelia ville et transports, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles la somme de globale de 3 000 euros ;

Sous-traitance : délégation : les parties peuvent déroger à l'interdiction faite au délégué d'opposer au délégataire les exceptions tirées des rapports entre le délégant et le délégataire

Note, J. François, D. 2024, p. 88.

La convention par laquelle le sous-traitant de premier rang délègue au sous-traitant de second rang, non pas le maître de l'ouvrage, comme le prescrit l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, mais l'entreprise principale, ne constitue pas la délégation de paiement au sens de ce texte. La délégation de l'entreprise principale au paiement du sous-traitant est soumise aux seules dispositions supplétives de l'article 1275 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et désormais à celles de l'article 1338 de ce code, de sorte que les parties peuvent déroger à l'interdiction faite au délégué d'opposer au délégataire les exceptions tirées des rapports entre le délégant et le délégataire

Texte de la décision

CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 novembre 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 758 FS-B

Pourvoi n° N 22-17.027




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023

La société Alf productions, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-17.027 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2022 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Spie Batignolles Grand Ouest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de la société Alf productions, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre,


la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 mars 2022), la société Chartres développements immobiliers, agissant comme maître de l'ouvrage, a confié à la société Spie Batignolles Grand Ouest (la société Spie Batignolles) des travaux de construction.

2. La société Spie Batignolles a sous-traité une partie de son marché à la société Atelier métallerie du golfe (la société AMG), qui a elle-même sous-traité la fourniture de menuiseries à la société Alf productions (la société Alf).

3. La société AMG, sous-traitante de premier rang, a délégué la société Spie Batignolles, entreprise principale, dans le paiement de la société Alf, sous-traitante de second rang.

4. Après la mise en liquidation judiciaire de la société AMG, la société Alf a mis en demeure la société Spie Batignolles de lui payer le solde de sa créance puis l'a assignée en paiement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

6. La société Alf fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre la société Spie Batignolles et de la condamner aux dépens de première instance et d'appel, alors :

« 2°/ que le délégué ne peut opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre le délégant et le délégataire ; qu'en l'espèce dès lors que l'acte de délégation de paiement pour la commande n° 0116 03320 stipulant un ordre irrévocable donné par la société AMG (entrepreneur délégant) à la société Spie Batignolles Grand Ouest (maître d'ouvrage, débiteur délégué) de payer la société Alf productions (fournisseur sous-traitant, délégataire), la société Spie Batignolles Grand Ouest (délégué) ne pouvait opposer à la société Alf productions (délégataire), aucune exception tirée de ses rapports avec la société AMG (entrepreneur délégant) ; qu'elle ne pouvait donc faire valoir que son obligation ne naissait qu'après acceptation de la facture par AMG ; qu'en statuant en sens contraire au motif que « Les factures dont le paiement est demandé par la société Alf n'ont pas (été) acceptées par la société AMG, en contradiction avec les dispositions de l'article 5 (sic en réalité article 4) de la délégation de paiement, qui prévoyait que le "maître de l'ouvrage" s'engageait à payer le fournisseur suivant "factures acceptées par l'entrepreneur". Le paiement en a été demandé directement par la société Alf à la société Spie Batignolles après le placement en liquidation judiciaire de la société AMG (…) Elle (la délégation de créances) ne peut dès lors être considérée comme une preuve de l'engagement de la société Spie Batignolles Grand Ouest de payer à la société Alf des factures de menuiseries lui ayant été adressées directement par cette dernière. », la cour d'appel a violé ensemble les articles 14 de la loi du 31 décembre 1975, 1134 et 1275 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, désormais respectivement articles 1103 et 1336 du code civil ;

3°/ que le maître d'ouvrage est celui envers lequel l'entrepreneur s'engage à fournir un ouvrage dans le cadre d'un contrat d'entreprise ; que la société Spie Batignolles Grand Ouest qui avait entendu, par un courrier du 10 janvier 2017, formuler des réserves sur les menuiseries livrées par la société Alf productions, conformément à la commande n° 0116 02320, visée à la délégation de paiement, et pour laquelle la société Spie Batignolles Grand Ouest s'était engagée irrévocablement en qualité de maître d'ouvrage à payer directement le fournisseur, avait la qualité de maître d'ouvrage à l'opération de construction exécutée à son profit ; qu'en statuant en sens contraire en disant que la délégation de créances « vise l'article 14 de la loi de 1975, alors que la société Spie Batignolles n'est pas maître de l'ouvrage, - elle présente la société Spie Batignolles comme maître de l'ouvrage, ce qu'elle n'est pas (…) », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, désormais article 1103 du code civil, ensemble l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975. »

Réponse de la Cour

7. Pour l'application des dispositions de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, le maître de l'ouvrage est celui qui conclut le contrat d'entreprise ou le marché public avec l'entrepreneur principal, y compris à l'égard des sous-traitants de cet entrepreneur, quel que soit leur rang.

8. Dès lors, la convention par laquelle le sous-traitant de premier rang délègue au sous-traitant de second rang, non pas le maître de l'ouvrage, comme le prescrit l'article 14 de la loi précitée, mais l'entreprise principale, ne constitue pas la délégation de paiement au sens de ce texte.

9. La délégation de l'entreprise principale au paiement du sous-traitant est en conséquence soumise aux seules dispositions supplétives de l'article 1275 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et désormais à celles de l'article 1338 de ce code, de sorte que les parties peuvent déroger à l'interdiction faite au délégué d'opposer au délégataire les exceptions tirées des rapports entre le délégant et le délégataire.

10. La cour d'appel ayant relevé que le maître de l'ouvrage de l'opération de construction était la société Chartres développements immobiliers, qui avait confié l'exécution des travaux à la société Spie Batignolles, elle en a exactement déduit que celle-ci n'avait pas la qualité de maître de l'ouvrage, peu important la dénomination retenue dans l'acte de délégation.

11. Les dispositions impératives de la loi du 31 décembre 1975 n'étant pas applicables à la délégation litigieuse, elle a recherché si les conditions prévues par cette convention pour le paiement du délégataire étaient réunies et c'est par une interprétation souveraine de ses stipulations ambiguës que la cour d'appel a retenu que le délégué ne s'était pas engagé à payer les factures qui lui seraient adressées directement par le délégataire.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Alf productions aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Alf productions ;

Article 1224 du code civil : la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur

 Note O. Deshayes, SJ G 2023, p. 2016.

Note S. Tisseyre, D. 2023, p. 2169

Note M. Cormier, Gaz. Pal. 2024-1.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 octobre 2023




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 674 FP-B+R

Pourvoi n° U 20-21.579




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 OCTOBRE 2023

La société Calminia, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-21.579 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2020 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la Société de distribution et installation de matériel de levage et élévation - Sodileve, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de Me Descorps-Declère, avocat de la société Calminia, de la SCP Richard, avocat de la Société de distribution et installation de matériel de levage et élévation - Sodileve, et l'avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Darbois, doyen de la chambre, Mme Vaissette, M. Mollard, conseillers doyens, Mmes Vallansan, Poillot-Peruzzetto, Graff-Daudret, Bélaval, Daubigney, conseillers, MM. Blanc, Le Masne de Chermont, Boutié, conseillers référendaires, Mme Texier, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 421-4-1, second alinéa, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 22 septembre 2020) et les productions, la société Calminia, qui a pour activité la taille et le façonnage du calcaire et du marbre, a fait appel durant plusieurs années à la Société de distribution et installation de matériel de levage et élévation (la société Sodileve), spécialisée dans l'installation et l'entretien de machines et équipements mécaniques. En décembre 2016, la société Calminia a accepté un devis proposé par la société Sodileve relatif à une prestation de maintenance sur une scie comptant comme l'un de ses équipements majeurs. En dépit de différentes interventions sur cet outil, la société Calminia a indiqué être insatisfaite des réparations ou réglages effectués par la société Sodileve et les relations entre les parties se sont dégradées.

2. Par lettre du 22 mars 2017, la société Sodileve a indiqué à la société Calminia qu'en raison du comportement du dirigeant de cette dernière, elle n'entendait pas poursuivre sa prestation, puis l'a assignée en paiement de diverses factures.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La société Calminia fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Sodileve le montant des factures FA260327, FA26037 A, FA260343 et FA260365 pour un montant total de 8 275,20 euros TTC, le montant de la facture FA270107 de 8 484 euros TTC, et de rejeter toutes ses demandes contre cette société, alors « que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification ; que sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable ; la société Calminia rappelait que la rupture du contrat du 5 décembre 2016 n'avait été précédée d'aucun manquement grave de la société Calminia à ses obligations susceptible de justifier la résiliation et n'avait été précédée d'aucune mise en demeure de mettre un terme à un tel manquement ; qu'en jugeant que la société Calminia et son dirigeant auraient commis des manquements suffisamment graves pour que la société Sodileve mette unilatéralement fin à sa prestation contractuelle, sans relever que cette dernière aurait mis en demeure la société Calminia de mettre un terme aux dits manquements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1224 et 1226 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

6. Selon l'article 1226 du même code, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

7. Une telle mise en demeure n'a cependant pas à être délivrée lorsqu'il résulte des circonstances qu'elle est vaine.

8. Après avoir relevé qu'il ressort d'attestations versées aux débats que les relations avec les personnels de la société Sodileve intervenant sur le chantier étaient devenues très tendues et conflictuelles, le dirigeant de la société Calminia ayant tenu des propos insultants et méprisants à l'égard de l'un des collaborateurs de la société Sodileve, mettant en cause sa capacité à faire et à suivre le chantier, donnant des ordres directs à l'un des salariés de celle-ci sans en informer sa hiérarchie, l'arrêt retient que si l'agacement de ce dirigeant de voir son outil professionnel hors de fonctionnement peut être compris, cette situation ne pouvait justifier une attitude inacceptable, qu'il s'agisse des propos tenus, ou du fait d'imposer des dates d'intervention non convenues. Il ajoute que ce comportement fautif ne permettait alors plus de poursuivre une intervention dans des conditions acceptables et justifiait le retrait des équipes de l'entreprise, empêchées dans leur exécution contractuelle. Il en déduit que, dans ce contexte d'extrême pression et de rupture relationnelle, la société Sodileve n'était pas en mesure de poursuivre son intervention.

9. En l'état de ces constatations et appréciations par lesquelles elle a fait ressortir que le comportement du dirigeant de la société Calminia était d'une gravité telle qu'il avait rendu manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de rechercher si une mise en demeure avait été préalablement délivrée à cette société, dès lors qu'elle eût été vaine, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Calminia aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Calminia et la condamne à payer à la Société de distribution et installation de matériel de levage et élévation - Solideve, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:CO00674

mardi 21 novembre 2023

Principe de concentration des demandes et irrecevabilité

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 novembre 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 728 F-D

Pourvoi n° P 22-13.371




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2023

1°/ la Société française de maisons individuelles (SFMI), dont le siège est [Adresse 1], en liquidation judiciaire,

2°/ la société [T] et associés, en la personne de M. [O] [T], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la Société française de maisons individuelles, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° P 22-13.371 contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [F] [I],

2°/ à Mme [X] [H],

domiciliés tous deux [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.



M. [I] et Mme [H] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Delbano, conseiller doyen, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la Société française de maisons individuelles et de la société [T] et associés, ès qualités, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [I] et de Mme [H], après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Delbano, conseiller doyen rapporteur, M. Boyer, conseiller, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à la société [T] et associés, en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société française de maisons individuelles (la SFMI), de sa reprise d'instance.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 11 janvier 2022) et les productions, Mme [H] et M. [I] (les maîtres de l'ouvrage) ont conclu avec la société ABC construction, devenue ADAG, aux droits de laquelle est venue la SFMI (le constructeur), depuis en liquidation judiciaire, un contrat de construction d'une maison individuelle avec fourniture de plan.

3. Par avenant, les maîtres de l'ouvrage se sont réservés la réalisation de certains travaux, dont le lot voirie, réseaux divers.

4. Se plaignant de désordres et non-conformités rendant selon eux la maison impropre à son habitation, ils ont refusé la réception de l'ouvrage.

Examen des moyens

Sur le premier et le second moyens du pourvoi principal

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

6. Les maîtres de l'ouvrage font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes relatives à l'indemnisation de leurs préjudices, alors « que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ; que tendent aux mêmes fins la demande en réparation en nature et celle en réparation par équivalent du préjudice résultant de la même faute du constructeur ; qu'en relevant, pour déclarer irrecevables les demandes de Mme [H] et de M. [I] tendant à la condamnation de la société SFMI à leur payer des dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices, qu'il s'étaient bornés en première instance à demander la démolition de la maison, cependant que les deux demandes tendaient à l'indemnisation des préjudices qu'ils avaient subis du fait des fautes retenues à l'encontre du constructeur, la cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel, qui a relevé que le tribunal avait rouvert les débats pour permettre aux maîtres de l'ouvrage de préciser l'ensemble des chefs de préjudices, faisant ainsi ressortir que celui-ci n'était pas dessaisi du litige sur ce point, en a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par le moyen, qu'ils ne pouvaient solliciter en appel l'indemnisation de leurs préjudices, ni une provision de ce chef, ces demandes n'ayant pas été débattues devant le premier juge, de sorte que celles-ci étaient irrecevables.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société [T] et associés, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la Société française de maisons individuelles, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;