mardi 15 avril 2025

Surface de 105,3 m² délivrée à l'acquéreur représentant une différence supérieure à la marge d'erreur de 5 % = réduction du prix

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 avril 2025




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 190 F-D

Pourvoi n° T 23-20.555




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025

La société [Adresse 3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 23-20.555 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2023 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1er section), dans le litige l'opposant à la société Thélétimax, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société [Adresse 3], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Thélétimax, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 27 juin 2023), la société [Adresse 3] a vendu à la société Thélétimax un appartement en l'état futur d'achèvement.

2. Estimant que le bien livré était d'une surface habitable moindre que celle convenue, la société Thélétimax a assigné la société [Adresse 3] en réduction du prix de vente.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Résidence Médicis fait grief à l'arrêt de fixer la surface non délivrée à 11,97 m² et de la condamner à payer à l'acquéreur une certaine somme au titre de la réduction du prix de vente, alors :

« 1°/ que l'acte de vente d'une construction en état futur d'achèvement doit comporter en annexes, ou par référence à des documents déposés chez un notaire, les indications utiles relatives à la consistance de l'immeuble et l'indication des surfaces de chacune des pièces et des dégagements ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a admis qu'en cas de différence entre les stipulations du contrat de réservation et celles de l'acte authentique, ces dernières prévalaient, mais a objecté que la superficie de 117 m² indiquée dans le contrat de réservation devait être retenue pour la raison qu'elle était la seule surface lisible dans les pièces contractuelles, avec une tolérance de 5 % ; qu'en statuant ainsi sans constater que l'acte de vente se référait aux indications du contrat de réservation relatives à la consistance de l'immeuble et que ce contrat avait été déposé chez un notaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 261-10, L 261-11, R. 263-13 et R 261-25 du code de la construction ;

2°/ que l'exposante faisait valoir que, selon les stipulations de l'acte notarié de vente, les acquéreurs avaient accepté, en le régularisant, "vouloir se référer aux seules spécifications du plan ci-annexé sans qu'aucune indemnité ne puisse être réclamée du fait de la disparité", de telle sorte que seul prévalait le dernier plan annexé à l'acte et notifié aux acquéreurs, indiquant une surface de 110,09 m² ; qu'en écartant ce plan comme illisible sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel a retenu que l'acte authentique et la procuration pour vendre ne précisaient pas la contenance du lot vendu et que les plans annexés à cet acte notarié étaient illisibles, seul le contrat de réservation mentionnant clairement une surface de 117 m² environ.

5. Elle en a souverainement déduit, répondant aux conclusions prétendument délaissées, que la surface contractuellement convenue était celle figurant au contrat de réservation et que, la surface de 105,3 m² délivrée à l'acquéreur représentant une différence supérieure à la marge d'erreur de 5 % tolérée, l'acquéreur était fondé à demander une réduction du prix.

6. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société [Adresse 3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Résidence Médicis et la condamne à payer à la société Thélétimax la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300190

Libération de la retenue de garantie par le maître de l'ouvrage à un sous-traitant subordonnée à la "réception" des travaux

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 avril 2025




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 189 F-D

Pourvoi n° X 23-19.248




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025

La société Entreprise Luciani, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 23-19.248 contre l'arrêt rendu le 27 avril 2023 par la cour d'appel de Nouméa (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société [Adresse 3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Entreprise Luciani, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société [Adresse 3], après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 27 avril 2023), la société [Adresse 3], pour la réalisation d'une opération immobilière, a confié le marché terrassement, voiries et réseaux divers (VRD) à la société Pose système épuration (PSE), qui a sous-traité les travaux de terrassement à la société Entreprise Luciani (la société Luciani).

2. L'ensemble des factures émises par la société Luciani a été réglé par la société [Adresse 3], à l'exception de la retenue de garantie de 5 %.

3. La société Luciani a assigné la société [Adresse 3] en paiement de la retenue de garantie.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. La société Luciani fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes relatives à l'existence d'une réception et en paiement d'une somme correspondant à la restitution de la retenue de garantie assortie des intérêts capitalisés, alors « que la réception tacite peut résulter de toutes circonstances de nature à établir que le maître de l'ouvrage a entendu prendre possession de l'ouvrage et en payer le prix, même en présence de non-conformités de nature à justifier des réserves ; qu'en se bornant pour écarter toute réception tacite, à faire référence au rapport de conformité de 2015 et à considérer que le décompte général définitif établi le 30 septembre 2013 ne suffisait pas à établir que la réception des travaux était intervenue et que le présent litige sur la retenue de garantie contredirait l'idée même que la SCI [Adresse 3] ait pu approuver les travaux réalisés par l'entrepreneur principal et reconnu leur conformité, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la réception tacite des travaux de terrassement de la voirie et des plates-formes du centre commercial et de la résidence [Adresse 4] ne résultait pas d'une part, du fait que la société [Adresse 3] avait payé l'intégralité de ses factures, d'autre part du fait que la société [Adresse 3] avait cédé tous les lots du programme immobilier et que la société Super U [Adresse 3] avait débuté son activité dans le centre commercial objet des travaux de terrassement en 2016 et, enfin, du fait que des travaux de VRD de la résidence [Adresse 4], confiés à la société Entreprise Luciani le 9 février 2015 sur le même emplacement et dont la réalisation n'était possible qu'une fois les travaux de terrassement des plateformes achevés, avaient eux-mêmes fait l'objet d'une réception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles des articles 1792-6 du code civil et 2 de loi n° 71-584 du 16 juillet 1971. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792-6 du code civil :

5. En application de ce texte, la réception peut être tacite si la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter cet ouvrage est établie, avec ou sans réserves.

6. Pour rejeter la demande en paiement de la société Luciani, l'arrêt, après avoir énoncé que la libération de la retenue de garantie par le maître de l'ouvrage à un sous-traitant est subordonnée à la réception des travaux, retient que, selon le rapport de conformité de travaux établi en février 2015 par le maître d'oeuvre, la réception n'avait pas pu être prononcée dans l'attente de la transmission des récolements des travaux pour s'assurer de leur conformité et que le litige contredit l'idée même que la société [Adresse 3] aurait approuvé les travaux réalisés par l'entrepreneur principal et reconnu leur conformité, de sorte qu'aucune réception tacite de l'ouvrage ne peut être admise.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la réception tacite des travaux de terrassement de la voirie et des plates-formes du centre commercial et de la résidence [Adresse 4] ne résultait pas du paiement par la société [Adresse 3] des factures et de la cession de tous les lots du programme immobilier, laquelle supposait une prise de possession préalable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée ;

Condamne la société [Adresse 3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300189

Contrat d'assistance à la maîtrise d'ouvrage pour toutes les questions techniques, notamment en ce qui concerne les matériaux

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 avril 2025




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 188 F-D

Pourvoi n° P 23-21.080




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025


M. [B] [S], domicilié [Adresse 7], a formé le pourvoi n° P 23-21.080 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [K] [F],

2°/ à Mme [J] [M], épouse [F],

tous deux domiciliés [Adresse 5],

3°/ à M. [C] [V], domicilié [Adresse 2],

4°/ à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publiques, (SMABTP), dont le siège est [Adresse 8],

5°/ à Mme [Z] [L], domiciliée [Adresse 3],

6°/ à la société [A], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

7°/ à la société Sèle, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],

8°/ à la société Aurige, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement M. [A],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. [S], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [V] et de Mme [L], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de M. et Mme [F], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publiques et des sociétés Sèle et Aurige, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er juillet 2022), M. et Mme [F] ont confié à la société Sèle, assurée auprès de la SMABTP, la réalisation de travaux de réfection des façades de leur château, sous la maîtrise d'oeuvre d'exécution de M. [V].

2. Ont également participé à cette opération de construction Mme [L], en charge de l'établissement du dossier de permis de construire, du contrôle architectural du projet et de l'assistance aux opérations de réception, et M. [S], chargé d'une mission d'assistance à la maîtrise d'ouvrage.

3. Se plaignant de désordres, M. et Mme [F] ont, après expertise, assigné les intervenants à l'opération de construction et leurs assureurs en résolution des marchés de travaux et indemnisation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. [S] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. et Mme [F], certaines sommes, in solidum, d'une part avec la société Sèle, la SMABTP et M. [V], d'autre part avec la société Sèle et la SMABTP, alors « que le juge ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées et doit viser celles-ci avec l'indication de leur date ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est prononcée au visa de conclusions déposées par M. [S] le 15 octobre 2019 ; que cependant celui-ci avait déposé ses dernières conclusions d'appel le 17 février 2022 ; que la cour d'appel, qui s'est ainsi prononcée au visa de conclusions antérieures aux dernières conclusions de M. [S], a donc violé les articles 455, alinéa 1er, et 954, alinéa 2, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il ne ressort pas des productions que les conclusions de M. [S] datées du 17 février 2022 ont été notifiées via le réseau privé virtuel avocats (RPVA).

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. M. [S] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. et Mme [F] certaines sommes, in solidum, d'une part avec la société Sèle, la SMABTP et M. [V], d'autre part avec la société Sèle et la SMABTP, alors :

« 1°/ que le contrat du 14 novembre 2008 signé avec M. [F] était un contrat d'assistance du maître de l'ouvrage qui avait confié à M. [S] une mission d'assistance du maître d'ouvrage lors de la mise au point et de l'exécution du marché pour toutes les questions techniques notamment en ce qui concerne les préconisations du fabricant, des entreprises et du maître d'oeuvre d'exécution, ce qui ne correspond en aucun cas à une mission de maîtrise d'oeuvre et de prescription ; qu'en exécution de ce contrat, M. [S] devait s'assurer avec la maîtrise d'oeuvre que les travaux et les produits prescrits dans le cadre de l'expertise judiciaire étaient bien conformes et mis en oeuvre conformément au marché, étant sous-entendu que cette mission ne pouvait être assurée que sur documents


puisque le conseil technique n'était pas sur place et n'avait pas de budget de déplacement ; que la mission de M. [S] restait donc une mission de conseil du maître d'ouvrage et que M. [S] n'avait pas été intégré à la maîtrise d'oeuvre d'exécution ; que cependant, pour apprécier la responsabilité de M. [S] dans la survenance des désordres, la cour d'appel a inclus celui-ci dans la maîtrise d'oeuvre en considérant, "Sur la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre", que "l'architecte est responsable contractuellement envers le maître de l'ouvrage de ses fautes dans la conception de l'ouvrage, dans l'exécution de sa mission de contrôle des travaux, dans l'exécution de sa mission de direction, de suivi et de coordination des travaux et de ses manquements au devoir de conseil lui incombant"; qu'ainsi qu'il résulte du contrat du 14 novembre 2008 signé le 2 avril 2009, M. [S] n'avait cependant pas la qualité d'architecte et n'est pas intervenu en qualité de maître d'oeuvre ; qu'en appréciant ainsi la responsabilité de M. [S] dans le cadre général de celle de la maitrise d'oeuvre, la cour d'appel a dénaturé le contrat d'assistance du 14 novembre 2008, en violation de l'article 1134 du code civil en sa version applicable antérieure au 1er octobre 2016, d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, et du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents qui lui sont soumis, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à ladite ordonnance ;

2°/ que tout jugement doit être motivé ; que les juges du fond ne doivent pas procéder par voie de simples affirmations ; que, pour retenir la responsabilité de M. [S], la cour d'appel s'est bornée à retenir la compétence et l'expérience de celui-ci sans se référer à la moindre stipulation du contrat d'assistance le liant au maître de l'ouvrage, a seulement mentionné sa qualité d'ingénieur conseil sans faire référence à aucune pièce ou élément du dossier d'où elle déduisait sa compétence et son expérience, n'a pas précisé les pièces ou éléments du dossier desquels elle déduisait que son attention avait été appelée sur la difficulté du chantier, circonstance qui en outre était impropre à caractériser une défaillance dans l'accomplissement de sa mission, et n'a pas précisé les circonstances ou les pièces desquelles elle déduisait que le choix de la technique de finition s'agissant des glacis et des soubassements devait être imputé à M. [S] ; qu'en statuant ainsi par voie de simples affirmations sans autre précision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 code civil en sa version applicable antérieure au 1er octobre 2016, d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, et 1147 du code civil, dans sa version antérieure à ladite ordonnance, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge ne doit pas dénaturer les documents qui lui sont soumis ; que, pour retenir la responsabilité de M. [S], la cour d'appel, après avoir retenu qu'il résultait des pièces du marché que le devis initial du 3 mars 2009 prévoyait expressément l'application, tant sur les glacis que sur les parements verticaux, d'enduits à la chaux, et que le CCTP, en page 11, stipulait un "enduit au mortier de chaux des parements verticaux", a considéré que M. [S] avait manqué à son obligation de conseil en ne vérifiant pas la composition des enduits à appliquer qui se sont révélés dépourvus de chaux, "alors que les pièces du marché, ses propres observations préalables au démarrage des travaux et les recommandations du fabricant prescrivaient l'utilisation d'enduit de mortier traditionnel à base de chaux comme nécessaire à la respiration des murs et à éviter l'apparition de fissurations" et qu'il "n'ignorait donc pas l'importance de la présence de chaux dans la composition du mortier à appliquer"; que cependant ledit devis de la société Sèle du 3 mars 2009, qui prévoyait l'application sur les glacis d'un enduit d'imperméabilisation sans préciser s'il devait être ou non à la chaux, n'imposait pas la chaux dans la composition des enduits, et qu'il en résultait que la nature de l'enduit à appliquer sur les glacis n'était pas précisée et devait être déterminée lors des essais de convenance avec l'aide du fabricant ; qu'il s'en déduisait que l'absence de préconisation de la chaux dans ladite composition ne pouvait être rattachée à un manquement de M. [S] à son obligation de conseil ; que, par suite, la cour d'appel, en retenant néanmoins la responsabilité de M. [S], a donc dénaturé ce devis en violation du principe énoncé ci-dessus. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel, qui a relevé, sans dénaturation du contrat d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, que M. [S] avait reçu pour mission d'assister les maîtres d'ouvrage lors de la mise au point et de l'exécution du marché pour toutes les questions techniques, notamment en ce qui concerne les matériaux, a souverainement retenu qu'ayant participé au choix des enduits tant au cours de l'expertise judiciaire ayant précédé les travaux de reprise que lors des essais de convenance réalisés en 2009, il n'ignorait pas l'importance de la présence de chaux dans la composition du mortier à appliquer pour éviter l'apparition de fissurations.

9. Ayant constaté que le produit finalement appliqué n'en contenait pas et que le choix de la technique de finition, s'agissant des glacis et des soubassements n'était pas adapté, elle a pu en déduire, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, qu'en ne vérifiant pas la composition des enduits à appliquer, il avait manqué à son obligation de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage et le condamner, en conséquence, in solidum avec d'autres, à réparation.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [S] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [S] à payer à M. et Mme [F] la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300188

Le délai biennal de l'art. 1648 pour intenter l'action en garantie à raison des vices cachés de la chose vendue est un délai de prescription susceptible de suspension

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 avril 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 187 F-D

Pourvoi n° G 23-15.693




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025

1°/ M. [D] [Z],

2°/ Mme [T] [S], épouse [Z],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° G 23-15.693 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2023 par la cour d'appel de Rouen (1ère chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [E] [I], épouse [L], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à la société Adelys immo, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], représentée par son liquidateur amiable, M. [Y] [H],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guillaudier, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [Z], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [I], après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Guillaudier, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 15 mars 2023), par acte authentique du 21 août 2014, Mme [I] (la venderesse) a vendu une maison d'habitation à M. et Mme [Z] (les acquéreurs).

2. Un diagnostic de performance énergétique avait été effectué par la société Adelys immo (le diagnostiqueur).

3. Estimant que la consommation énergétique de la maison ne correspondait pas à celle indiquée dans le diagnostic, les acquéreurs en ont fait réaliser un autre le 12 mars 2015.

4. Par acte du 24 novembre 2015, ils ont saisi le juge des référés qui a ordonné une expertise le 23 décembre 2015.

5. L'expert a déposé son rapport le 4 janvier 2019.

6. Par actes des 3 et 4 juillet 2019, les acquéreurs ont assigné la venderesse et le diagnostiqueur en indemnisation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur action en garantie des vices cachés à l'encontre de la venderesse, alors « que le délai prévu à l'article 1648, alinéa 1er, du code civil pour exercer l'action en garantie des vices cachés est un délai de prescription susceptible de suspension en application de l'article 2239 de ce code ; qu'en jugeant tardive l'action en garantie exercée par les époux [Z] le 4 juillet 2019 cependant qu'elle constatait qu'ils avaient eu connaissance du vice le 12 mars 2015 et qu'une ordonnance de référé du 23 décembre 2015 avait ordonné une mesure d'expertise judiciaire exécutée le 4 janvier 2019, jour de dépôt du rapport d'expertise, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1648 et 2239 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1648, alinéa 1er, et 2239 du code civil :

9. Le délai biennal prévu par le premier de ces textes pour intenter l'action en garantie à raison des vices cachés de la chose vendue est un délai de prescription susceptible de suspension en application du second de ces textes (Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvoi n° 21-15.809, publié).

10. Pour déclarer irrecevable l'action des acquéreurs en garantie des vices cachés, l'arrêt retient que le point de départ du délai biennal prévu à l'article 1648 du code civil est la date du 12 mars 2015, qu'il a été interrompu par l'assignation en référé-expertise du 24 novembre 2015 jusqu'à la désignation de l'expert judiciaire le 23 décembre 2015, date à laquelle ce délai a de nouveau couru, et qu'à défaut de nouvel acte interruptif de forclusion dans ce nouveau délai qui expirait le 23 décembre 2017, les acquéreurs, qui ont engagé tardivement leur action contre la venderesse le 4 juillet 2019, sont forclos.

11. En statuant ainsi, alors que le délai biennal, interrompu le 24 novembre 2015, avait été suspendu par l'ordonnance du juge des référés du 23 décembre 2015 jusqu'au 4 janvier 2019, date de dépôt du rapport d'expertise, de sorte qu'il n'était pas expiré au jour de l'assignation au fond, le 4 juillet 2019, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action en garantie des vices cachés intentée par M. et Mme [Z] à l'encontre de Mme [I] et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 15 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne Mme [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300187

Le marché de la piscine confié à la société Piscines services 46 et l'ordre de service correspondant avaient été signés par le représentant légal de la société AM2L

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 avril 2025




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 184 F-D

Pourvoi n° V 23-18.671




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025


La société AM2L, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 23-18.671 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2023 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Piscines service 46, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société civile immobilière AM2L, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Piscines service 46, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Foucher-Gros, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 29 mars 2023), soutenant être intervenue au titre de la réalisation d'une piscine sous la maîtrise d'ouvrage de la société civile immobilière AM2L (la SCI), la société Piscines services 46 a obtenu une ordonnance portant injonction de payer le solde du prix de son marché, à laquelle la SCI a formé opposition.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La société AM2L fait grief à l'arrêt de dire que la résiliation du marché de travaux entre elle et la société Piscines services 46 lui est imputable et de la condamner à payer à cette société les sommes de 4 204,76 euros TTC et de 6 000 euros, alors :

« 1°/ que la vérification d'écriture doit être faite au vu de l'original de l'écrit contesté ; qu'en décidant que la signature figurant sur l'écrit contesté est celle du représentant de la société AM2L, sans qu'il ne ressorte d'aucune pièce de la procédure que la société Piscines services 46 ait produit l'original de cet acte, la cour d'appel, qui a nécessairement statué sur le fondement d'une copie, a violé l'article 1373 du code civil et les articles 287 et 288 du code de procédure civile ;

2°/ que l'acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant 1 500 euros doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique ; qu'à supposer que la cour d'appel ait adopté les motifs par lesquels le tribunal a retenu que l'existence d'un contrat entre la société AM2L et la société Piscines service 46 résultait du fait que plusieurs personnes avaient attesté que la société AM2L avait missionné la société Piscines service 46 pour des travaux, que des comptes rendus des réunions de chantier auxquelles la société Piscines service 46 a participé ont été adressés à la société AM2L et que celle-ci n'a pas protesté, et que la société AM2L ne prouvait pas que l'architecte aurait outrepassé son mandat en signant des marchés ou des ordres de service à sa place, elle aurait, en statuant par de tels motifs, impropres à établir l'existence d'un contrat, violé l'article 1359 du code civil ;

3°/ que le silence ne vaut pas, à lui seul, acceptation ; qu'en jugeant, par motifs adoptés, que l'absence de protestation de la société AM2L lors de la réception des comptes rendus des réunions de chantier auxquelles la société Piscines service 46 a participé permettait d'établir l'existence d'un contrat entre ces deux sociétés, la cour d'appel a violé l'article 1120 du code civil ;

4°/ que le contrat de louage d'ouvrage conclu avec un maître d'oeuvre ne confère pas de plein droit à celui-ci un mandat de représenter le maître de
l'ouvrage ; qu'en jugeant, par motifs adoptés, que la société AM2L ne rapportait pas la preuve que l'architecte aurait outrepassé son mandat en signant des marchés ou des ordres de service à sa place, sans constater l'existence d'un mandat spécial donné par celle-ci à l'architecte à l'effet de passer commande de travaux supplémentaires, la cour d'appel a violé l'article 1984 du code civil ;

5°/ qu'en jugeant que les travaux correspondant à l'installation d' « un jeu de tuyaux vannes gaines câbles électriques pour proj(sic) petit matériel ; un raccordement hydraulique, [?] et un « passage tuyaux prévision chauffage (tuyaux + main d'oeuvre) [?] ne figura[ie]nt pas sur la facture de la société Pro Piscines », qui mentionne la fourniture et l'installation d'un « Kit raccordement hydraulique », d'un « Kit hydraulique Local Optimisé » comprenant des « Courbes », des « Coudes », des « Vannes anti block », d'un « Tuyau souple D50 [?] à la demande du client en prévision d'une pompa à chaleur », la cour d'appel a dénaturé cette facture, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause. »

Réponse de la Cour

3. En premier lieu, la société AM2L n'ayant pas contesté en cause d'appel que les actes produits par la société Piscines services 46 fussent les originaux du marché de travaux et de l'ordre de service, le moyen, qui postule que la cour d'appel a nécessairement statué sur le fondement d'une copie, est inopérant.

4. En deuxième lieu, la cour d'appel ayant, après comparaison des éléments qui étaient produits, souverainement retenu que le marché de la piscine confié à la société Piscines services 46 et l'ordre de service correspondant avaient été signés par le représentant légal de la société AM2L, les deuxième, troisième et quatrième branches sont inopérantes pour critiquer des motifs surabondants.

5. En troisième lieu, c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, rendue nécessaire par les termes techniques et ambigus de la facture de la société PRO piscines, que la cour d'appel a retenu que la demande en paiement de la société Piscines services 46 était justifiée.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société civile immobilière AM2L aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300184

La SCI avait, par sa mauvaise volonté et son obstruction, empêché la levée des réserves par la société Isi Elec

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 avril 2025




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 183 F-D

Pourvoi n° B 23-18.470




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025


La société de la Licorne, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 23-18.470 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2023 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige l'opposant à la société Isi Elec, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société civile immobilière de la Licorne, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Isi Elec, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Foucher-Gros, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 10 mai 2023), la société civile immobilière de la Licorne (la SCI), maître d'ouvrage de la construction d'un bâtiment à usage professionnel, a confié à la société Isi Elec l'exécution des travaux d'électricité, qui ont été réceptionnés avec réserves.

2. La SCI a fait opposition à l'ordonnance portant injonction de payer le solde du prix du marché de la société Isi Elec et a présenté des demandes reconventionnelles au titre, notamment, des pénalités de retard.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le second moyen, pris en sa seconde branche

3. En application de l'article 1014 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivé sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant au paiement de pénalités de retard dans la levée des réserves, alors :

« 2°/ que c'est à l'entrepreneur qu'il appartient de prouver que des travaux de reprise intéressant des réserves exprimées lors d'une réception antérieure ont été correctement réalisés ou, le cas échéant, qu'il a été empêché de les effectuer en raison d'un comportement obstructeur ou fautif du maître de l'ouvrage ; qu'en adhérant aux allégations de la société Isi Elec selon lesquelles elle aurait été empêchée d'effectuer les travaux qui lui auraient permis de lever les réserves en raison d'une prétendue mauvaise foi et d'une attitude d'obstruction fautive de la SCI de la Licorne, sans préciser sur quels éléments objectifs elle se fondait et en se bornant à relever que cette entreprise avait toujours affirmé et continuait d'affirmer qu'elle interviendrait dès que possible, dès que le maître de l'ouvrage le lui permettrait, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil ;

3°/ qu'en tout état de cause, le maître de l'ouvrage est fondé à refuser des travaux de reprise proposés par l'entrepreneur de façon incomplète ou de mauvaise foi ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si les propositions d'intervention de la société Isi Elec n'avaient pas été émises sans sérieux et de mauvaise foi, puisque, outre leur caractère tardif, cette entreprise se prévalait, de manière irrégulière, d'une exception d'inexécution disproportionnée, et si la SCI de la Licorne n'était donc pas légitimement fondée à s'y opposer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Ayant souverainement retenu, procédant à la recherche prétendument omise et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la SCI avait, par sa mauvaise volonté et son obstruction, empêché la levée des réserves par la société Isi Elec, la cour d'appel en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que, le retard dans la levée des réserves n'étant pas le fait de cette dernière, la demande de condamnation formée par le maître de l'ouvrage contre elle au titre des pénalités contractuelles de retard ne pouvait être accueillie.

6. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant au paiement de pénalités de retard dans la remise du dossier des ouvrages exécutés (DOE), alors « que tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se fondant sur les témoignages de M. [X] et de M. [F] et en retenant qu'ensemble ces témoignages concordants suffisaient à établir la preuve que le DOE aurait été remis en main propre le 8 août 2016, sans répondre à l'articulation, péremptoire, selon laquelle l'attestation de M. [F] ne pouvait pas exprimer la vérité, dans la mesure où, son entreprise ayant été convoquée, ce jour-là, à 15 heures, il ne pouvait pas être présent à 16 heures 15 lors de la réception des travaux de la société Isi Elec, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. Ayant constaté que la société Isi Elec produisait le témoignage de [J] [X], son salarié, qui, l'ayant représentée le 8 août 2016 aux opérations de réception, déclarait avoir remis en main propre le dossier des ouvrages exécutés, et celui d'[R] [F] attestant avoir été le témoin de la remise de ce document, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a souverainement retenu que la concordance de ces deux témoignages établissait la réalité du fait et a pu rejeter, en conséquence, la demande de la SCI au titre des pénalités de retard.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300183

Demande de démolition d'une construction édifiée en vertu d'un permis de construire non annulé

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VL6



COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 avril 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 179 F-D

Pourvoi n° M 23-15.213




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025


M. [C] [U], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 23-15.213 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [F] [R],

2°/ à Mme [B] [Z],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [U], après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller, et Mme Letourneur, greffier de chambre,


la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux , 2 mars 2023), M. [U], se plaignant de la construction d'un chalet en bois en limite de propriété par les propriétaires de la parcelle voisine, M. [R] et Mme [Z], les a assignés en démolition et indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, et sur le troisième moyen

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. M. [U] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de démolition sous astreinte du chalet et en réparation de son préjudice de jouissance, alors « qu'il appartient au juge judiciaire, saisi d'une action en démolition d'un immeuble dont l'édification a fait l'objet d'un permis de construire n'ayant pas été annulé pour excès de pouvoir, de se prononcer, lorsque cette action est fondée sur la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, sur la conformité des travaux réalisés au permis de construire ; qu'en rejetant la demande de démolition formée par M. [U] sur le fondement de la méconnaissance des règles d'urbanisme sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les travaux n'avaient pas été réalisés en violation du permis de construire délivré le 7 juillet 2015, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1240 du code civil et L. 480-13 du code de l'urbanisme. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme :

4. Selon ce texte, lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative.

5. Il est jugé qu'il appartient au juge judiciaire, auquel il est demandé de prononcer la démolition d'une construction édifiée en vertu d'un permis de construire qui n'a pas été annulé, de rechercher, lorsque l'action est fondée sur la violation des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, si la construction est conforme aux prescriptions du permis (3e Civ., 20 juillet 1994, pourvoi n° 92-21.801, publié ; 1re Civ., 14 avril 2016, pourvoi n° 15-13.194, publié).

6. Pour rejeter la demande de démolition du chalet, l'arrêt retient qu'en l'absence de toute décision d'une juridiction administrative, seule la violation de règles de droit privé est susceptible de fonder la demande en démolition devant le juge judiciaire.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la construction en cause avait été édifiée conformément aux prescriptions du permis de construire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. M. [U] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de M. [R] et Mme [Z] à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance résultant de la présence de l'ouvrage en limite de propriété, de l'arrachage de végétaux sur son terrain et de la dégradation d'un grillage et d'un poteau, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a débouté M. [U] de sa demande visant à ordonner sous astreinte la démolition du chalet de bois implanté en limite de propriété par M. [R] et Mme [Z] entraînera la cassation du chef de dispositif ayant infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné in solidum M. [R] et Mme [V] à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice, la cour d'appel s'étant bornée à retenir que « ne subissant dès lors aucun préjudice résultant de la présence de l'ouvrage en bois compte tenu des observations figurant ci-dessus, [M. [U]] ne saurait obtenir des dommages et intérêts à ce titre. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :


9. Selon ce texte, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

10. La cassation du chef de dispositif rejetant la demande de démolition du chalet en bois entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif ayant infirmé le jugement en ce qu'il a condamné Mme [Z] et M. [R] à payer la somme de 5 000 euros à M. [U] en réparation de son préjudice de jouissance.

Portée et conséquences de la cassation

11. Les cassations prononcées sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa première branche, n'entraînent pas la cassation des chefs de dispositif ayant rejeté les demandes de réparation des préjudices résultant de l'arrachage de végétaux sur le terrain de M. [U] et de la dégradation d'un grillage et d'un poteau qui, justifiés par des motifs non remis en cause, ne sont pas dans un lien de dépendance nécessaire avec les chefs de dispositif cassés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :
- confirme le jugement en ce qu'il rejette la demande visant à ordonner la démolition de la construction de M. [R] et Mme [Z],
- infirme le jugement en ce qu'il condamne in solidum M.[R] et Mme [Z] à payer à M. [U] la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance résultant de la présence de la construction,
- et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
l'arrêt rendu le 2 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne M. [R] et Mme [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [R] et Mme [Z] à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300179

lundi 14 avril 2025

L'absence de renvoi par les conclusions aux pièces produite n'est assortie d'aucune sanction

 Note C. Bohnert, D. 2025, p. 652.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 novembre 2024




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1184 F-B

Pourvoi n° T 22-16.664



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 NOVEMBRE 2024

M. [P] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 22-16.664 contre l'arrêt rendu le 23 février 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-4), dans le litige l'opposant à Mme [T] [F], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Waguette, conseiller, les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de M. [W], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [F], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Waguette, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 février 2022), Mme [F] a saisi un tribunal judiciaire d'une demande d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre elle et M. [W].

2. M. [W] a relevé appel du jugement rendu par le tribunal judiciaire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième et cinquième branches, le deuxième moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et sur les deuxième et troisième moyens, pris en leur deuxième branche

Enoncé des moyens

4. Par son premier moyen, M. [W] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à voir fixer le montant de la contribution de Mme [F] au titre du prêt immobilier de 200 000 euros et, en conséquence, de le débouter de sa demande tendant à ce que Mme [F] soit déclarée redevable à l'indivision d'une somme de 21 934,65 euros au titre de ce prêt, alors « que l'obligation pour les parties d'indiquer, pour chaque prétention, les pièces invoquées et leur numérotation, prévue à l'article 954 du code de procédure civile, n'est assortie d'aucune sanction ; qu'en rejetant néanmoins la demande de M. [W], motif pris que « dans les 12 pages que comptent les conclusions de M. [P] [W], appelant, aucun renvoi n'est fait aux 95 pièces figurant dans son dernier bordereau de pièces. La cour n'est donc pas mise en mesure de vérifier les calculs de l'appelant et les preuves des règlements qu'il prétend avoir effectués seul », la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

5. Par son deuxième moyen, M. [W] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à voir fixer le montant de la contribution de Mme [F] au titre du prêt relais (capital et intérêts) et, en conséquence, de le débouter de sa demande tendant à ce que Mme [F] soit déclarée redevable à l'indivision d'une somme de 73 372,21 euros au titre du prêt relais et d'une somme de 6 188,98 euros au titre de sa quote-part sur les intérêts du prêt relais, alors « que l'obligation pour les parties d'indiquer, pour chaque prétention, les pièces invoquées et leur numérotation, prévue à l'article 954 du code de procédure civile, n'est assortie d'aucune sanction ; qu'en rejetant néanmoins les demandes de M. [W] au motif que énoncé que dans les 12 pages que comptent ses conclusions, aucun renvoi n'est fait aux 95 pièces figurant dans son dernier bordereau de pièces, de sorte qu'elle n'est pas mise en mesure de vérifier les calculs de l'appelant et les preuves des règlements qu'il prétend avoir effectué, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

6. Par son troisième moyen, M. [W] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à voir fixer le montant de la contribution de Mme [F] au titre du prêt relais (capital et intérêts) et, en conséquence, de le débouter de sa demande tendant à ce que Mme [F] soit déclarée redevable à l'indivision d'une somme de 6 188,98 euros au titre de sa quote-part sur les intérêts du prêt relais, alors « que l'obligation pour les parties d'indiquer, pour chaque prétention, les pièces invoquées et leur numérotation, prévue à l'article 954 du code de procédure civile, n'est assortie d'aucune sanction ; qu'en rejetant néanmoins les demandes de M. [W] au motif que « dans les 12 pages que comptent les conclusions de M. [P] [W], appelant, aucun renvoi n'est fait aux 95 pièces figurant dans son dernier bordereau de pièces. La cour n'est donc pas mise en mesure de vérifier les calculs de l'appelant et les preuves des règlements qu'il prétend avoir effectués », la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 954, alinéa 1er, du code de procédure civile :

7. Selon le second de ces textes, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

8. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que dans les douze pages que comptent les conclusions de M. [W], aucun renvoi n'est fait aux quatre-vingt-quinze pièces figurant dans son dernier bordereau et qu'ainsi la cour d'appel n'est pas mise en mesure de vérifier les calculs de l'appelant et les preuves des règlements qu'il prétend avoir effectués.

9. En statuant ainsi, alors que, sauf à priver l'appelant du droit à l'accès à un tribunal consacré par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette absence de renvoi par les conclusions aux pièces produites, qui n'est assortie d'aucune sanction, ne la dispensait pas de son obligation d'examiner les pièces régulièrement versées aux débats par M. [W] et clairement identifiées dans les conclusions prises au soutien de ses prétentions, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Condamne Mme [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. ECLI:FR:CCASS:2024:C201184