mardi 25 mars 2025

Diagnostic technique annexé à la promesse de vente : l'acquéreur doit faire procéder aux travaux de mise en conformité

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL




COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 mars 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 146 FS-B

Pourvoi n° D 23-18.472






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MARS 2025

Le syndicat mixte de production d'eau potable et de traitement des déchets du Gers-Trigone, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° D 23-18.472 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2023 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [P] [O], épouse [Z], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à Mme [F] [J], épouse [I], domiciliée [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Mme [O] a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guillaudier, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat du syndicat mixte de production d'eau potable et de traitement des déchets du Gers-Trigone, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [O], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Guillaudier, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, Mme Abgrall, MM. Pety, Brillet, Mme Foucher-Gros, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte au syndicat mixte de production d'eau potable et de traitement des déchets du Gers-Trigone du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [I].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 26 avril 2023), par acte authentique du 9 décembre 2014, Mme [I] a vendu à Mme [Z] une maison d'habitation.

3. L'acte de vente mentionnait la présence d'une installation autonome de type fosse septique et se référait à un rapport du 28 mars 2012 du syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable Auch Nord, désormais intégré au syndicat mixte de production d'eau potable et de traitement des déchets du Gers-Trigone (le syndicat mixte), concluant que le système était conforme, satisfaisant, complet et en bon état de fonctionnement.

4. Se plaignant de dysfonctionnements de l'installation, Mme [Z] a, après expertise, assigné Mme [I] et le syndicat mixte en réparation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. Le syndicat mixte fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme [Z] une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que, s'agissant d'une créance de dommage, la prescription quadriennale des créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public prévue par la loi du 31 décembre 1968 commence à courir le premier jour de l'année au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué ; qu'en fixant dès lors le point de départ de la prescription quadriennale à la date à laquelle Mme [Z] avait eu connaissance de son dommage au cours de l'année 2015, quand elle constatait que le fait générateur de celui-ci résultait d'une faute commise lors de la réalisation, le 28 mars 2012, du contrôle de l'installation d'assainissement du bien qu'elle avait acquis ultérieurement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public.

8. Aux termes de l'article 3 de cette loi, la prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement.

9. Il résulte de ces textes que, si le point de départ de la prescription quadriennale est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué, la prescription ne peut courir tant que la victime n'a pas eu connaissance du dommage, fondant sa créance en réparation.

10. La cour d'appel, qui a constaté que le rapport de contrôle des installations d'assainissement, réalisé le 28 mars 2012 et joint à l'acte de vente, était erroné et que Mme [Z] avait acquis la maison le 9 décembre 2014, faisant ainsi ressortir qu'elle ignorait l'existence de sa créance en réparation avant cette date, en a déduit, à bon droit, qu'ayant assigné le syndicat mixte en référé expertise les 11 et 16 octobre 2018, la prescription quadriennale, qui avait été interrompue par cette assignation, n'était pas expirée à la date de son assignation au fond.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de condamner le syndicat mixte à lui payer la seule somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que
le préjudice causé par les erreurs contenues dans un diagnostic relatif à une installation d'assainissement non collectif est certain ; qu'en jugeant que le manquement du syndicat mixte Trigone qui n'avait pas effectué de façon effective le contrôle de l'installation d'assainissement et avait conclu que le dispositif était conforme avait causé un préjudice « constitué par la perte d'une chance d'obtenir un prix de vente moins élevé, en raison du défaut de conformité et de fonctionnement de l'installation d'assainissement », la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble les articles L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation dans sa version alors applicable, et L. 1331-11-1 du code de la santé publique dans sa version alors applicable. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction alors applicable :

13. Selon ce texte, le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l'acte authentique de vente d'un immeuble comprend le document établi à l'issue du contrôle des installations d'assainissement non collectif et, en cas de non-conformité de celles-ci lors de la signature de l'acte authentique de vente, l'acquéreur doit faire procéder aux travaux de mise en conformité dans un délai d'un an après l'acte de vente.

14. Il en résulte que les préjudices liés au caractère erroné du document établi à l'issue du contrôle des installations d'assainissement non collectif revêtent un caractère certain.

15. Pour limiter à une certaine somme l'indemnisation de Mme [Z], l'arrêt retient que son préjudice s'analyse en une perte de chance d'obtenir un prix de vente moins élevé en raison du défaut de conformité et de fonctionnement de l'installation d'assainissement.

16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

17. La cassation du chef de dispositif limitant la condamnation du syndicat mixte à la somme de 10 000 euros n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt le condamnant aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second grief du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation du syndicat mixte de production d'eau potable et de traitement des déchets du Gers-Trigone à la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 26 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne le syndicat mixte de production d'eau potable et de traitement des déchets du Gers-Trigone aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat mixte de production d'eau potable et de traitement des déchets du Gers-Trigone et le condamne à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300146

vendredi 21 mars 2025

Résolution des Conseils de l'Ordre de Bruxelles et de Paris

 

Résolution des Conseils de l'Ordre de Bruxelles et de Paris

Le 18 mars 2025
Mis à jour le 19 mars 2025

Les conseils de l’Ordre des avocats des barreaux de Bruxelles francophone et de Paris, en leur séance commune du 18 mars 2025, adoptent la présente résolution.


CONSIDERANT que les récentes attaques du président Donald Trump contre différents cabinets (20) tirent la sonnette d’alarme d’une dérive inquiétante. Menacer celles et ceux qui défendent les principes fondamentaux de la justice, c’est s’en prendre à l’essence même de la démocratie. En ciblant les avocats qui ne font que leur métier en représentant leurs clients, le Président américain ne remet pas seulement en cause le droit à la défense mais met en péril tout le système judiciaire.


CONSIDERANT que ce qui se passe actuellement aux États-Unis et ailleurs dans le monde, dans l’indifférence internationale la plus totale, est très inquiétant. Car lorsque l’État de droit est attaqué dans la plus grande démocratie du monde, c’est une alerte pour toutes les autres. 


CONSTATANT que partout dans le monde, l’État de droit est menacé. Les juges et les avocats deviennent de plus en plus souvent la cible des gouvernements qui refusent d’être contrariés par des acteurs de justice indépendants. Des avocats sont poursuivis et emprisonnés pour avoir défendu des causes qui leurs déplaisent. Assimilés aux clients qu’ils défendent, ils sont la cible de l’opinion publique et des médias. Des juges sont sanctionnés ou démis de leurs fonctions pour avoir rendu des décisions courageuses, qui ne conviennent pas au pouvoir en place.


CONSIDERANT que le respect de la séparation des pouvoirs et du rôle essentiel des juges ainsi que de l’indépendance des avocats sont des piliers fondamentaux d’un État de droit démocratique. Le droit de consulter un avocat sans ingérence du gouvernement et l’accès à un juge indépendant sont des droits fondamentaux. Accepter que ces valeurs démocratiques fondamentales soient bafouées, c’est ouvrir la voie à l’arbitraire. Jamais nous ne tolérerons que des avocats ou des membres du pouvoir judiciaire soient la cible d'attaques personnelles, d'intimidations, de licenciements et de rétrogradations pour le simple fait d'exercer leurs fonctions.


CONSIDERANT qu’en qualité d’avocats, nous ne pouvons pas laisser passer de telles dérives

 

LES CONSEILS DE L’ORDRE DE BRUXELLES ET PARIS 


Rappellent que sans avocats libres et juges indépendants, il n’y a ni justice ni démocratie.


Appellent les autorités belges, françaises et européennes à se mobiliser et à rappeler à l’ordre les gouvernements qui ne respectent pas l’Etat de droit et la séparation des pouvoirs.
 

mardi 18 mars 2025

La propriété ne s'éteint pas par le non-usage

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 mars 2025




Rejet


M. SOULARD, premier président



Arrêt n° 134 FS-B

Pourvoi n° G 24-12.891




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 MARS 2025

M. [K] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 24-12.891 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2024 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5, procédure gracieuse), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en cette qualité en son parquet général [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de M. [R], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Teiller, président, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des présidents et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 janvier 2024), par requête reçue le 26 septembre 2022, M. [R] a demandé au président d'un tribunal judiciaire de constater qu'il avait acquis, par usucapion, la propriété de diverses parcelles qu'il occupe et dont les propriétaires ne sont, selon lui, pas identifiables en l'absence d'information actualisée détenue par les services chargés de la publicité foncière.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. M. [R] fait grief à l'arrêt de rejeter sa requête alors :

« 1°/ que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ; que s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance ; qu'il en résulte que le juge qui fait droit à la requête en usucapion du requérant ne prive pas l'hypothétique propriétaire de la parcelle immobilière, non identifié, d'agir en référé-rétractation afin de provoquer une discussion contradictoire et défendre son droit de propriété ; qu'en estimant que la décision sollicitée, en ce qu'elle aurait pour effet de reconnaître un droit réel de propriété immobilière, ne peut par son essence même être rendue de manière provisoire, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 493 du code de procédure civile ;

2°/ que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ; que l'inexistence ou l'impossibilité d'identifier un défendeur constitue un motif légitime à agir par voie de requête ; qu'après avoir constaté que les fiches d'immeubles délivrées par le service de la publicité foncière ne contenaient aucune mention permettant d'identifier un propriétaire pour les parcelles revendiquées, la cour d'appel devait en déduire qu'il n'y avait aucun propriétaire identifiable pour ces parcelles et qu'il était nécessairement fondé à ne pas appeler une hypothétique partie, sauf à méconnaître le sens et la portée de l'article 493 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article 493 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

5. Selon l'article 2227 du code civil, le droit de propriété est imprescriptible.

6. Il est jugé que la propriété ne s'éteint pas par le non-usage (3e Civ., 5 juin 2002, pourvoi n° 00-16.077, Bull. 2002, III, n° 129 et 3e Civ., 9 juillet 2003, pourvoi n° 02-11.612, Bull. 2003, III, n° 156).

7. Les articles 539 et 713 du code civil ainsi que les articles L. 1122-1 et L. 1123-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques organisent la dévolution des biens immobiliers dont les propriétaires sont décédés sans héritiers, ou dont les successions sont abandonnées, ainsi que celle des biens sans maître ou présumés sans maître.

8. Il a été jugé que l'acquisition par l'Etat des biens visés aux articles 539 et 713 du code civil, dans sa version antérieure, pour ce dernier texte, à la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, se produisait de plein droit même en l'absence de toute formalité d'envoi en possession ou de déclaration de vacance (1re Civ., 14 novembre 2006, pourvoi n° 03-13.473, Bull. 2006, I, n° 491).

9. Il en résulte que celui qui se prévaut d'une usucapion oppose toujours son droit à un autre propriétaire.

10. Par ailleurs, les articles 809 et suivants du code civil permettent à tout intéressé de faire nommer un curateur à succession vacante lorsqu'il ne se présente personne pour réclamer une succession.

11. Dès lors, le défaut de mention du nom d'un propriétaire sur les fiches d'immeubles délivrées par le service de la publicité foncière ne constitue pas, pour celui qui soutient avoir acquis la propriété d'un bien par usucapion, un motif légitime à ne pas appeler d'adversaire et ne l'autorise donc pas à former une demande en constatation d'une usucapion par voie de requête.

12. Le moyen, qui postule le contraire en sa deuxième branche et qui critique des motifs surabondants en sa première branche, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [R] aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le premier président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300134

mardi 11 mars 2025

Eléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage.

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 mars 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 119 FS-B

Pourvoi n° J 23-20.018




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 MARS 2025


La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-20.018 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2023 par la cour d'appel de Rennes (4ème chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Société de lavage automobile (SDLA), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à la société Pum, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la société [T] [M], entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Pum, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseilller doyen, Mme Abgrall, MM. Pety, Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Axa France IARD (la société Axa) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Pum.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er juin 2023), la Société de lavage automobile (la SDLA) a confié à la société [T] [M], assurée auprès de la société Axa, des travaux de terrassement, de voirie et de réseaux d'une station de lavage.

3. Se plaignant de débordements d'eaux non filtrées sur les pistes de lavage, la SDLA a assigné la société [T] [M] en indemnisation de ses préjudices, laquelle a appelé son assureur en garantie.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Axa fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir la société [T] [M] des condamnations prononcées à son encontre sur le fondement de la responsabilité décennale, alors « que ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 du code civil les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage ; qu'en l'espèce, pour juger que la responsabilité décennale de la société [T] [M] était engagée et condamner la société Axa à la garantir, la cour d'appel a retenu que le séparateur d'hydrocarbures n'était pas un élément d'équipement dont la fonction exclusive est de permettre l'activité de la station de lavage mais un équipement de traitement des eaux potentiellement chargées de boues et d'hydrocarbures générées par l'utilisation de la station de lavage ; qu'il s'en évinçait que ce séparateur d'hydrocarbures était étranger à la fonction construction et que sa présence n'était justifiée que par l'exploitation de la station de lavage ; qu'en statuant ainsi, quand la présence du séparateur d'hydrocarbures ne s'expliquait que par l'activité professionnelle exercée dans l'ouvrage générant des eaux chargées de boues qu'il y avait lieu de traiter, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1792-7 du code civil, qu'elle a violé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792-7 du code civil :

5. Aux termes de ce texte, ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage.

6. Pour admettre la responsabilité décennale de la société [T] [M] et, par suite, la garantie de la société Axa, l'arrêt relève que les travaux de voirie et de réseaux réalisés par la société [T] [M] participent de la réalisation d'un ouvrage et que les débordements d'eaux non filtrées sur les pistes de lavage sont consécutifs à l'inadaptation du séparateur d'hydrocarbures mis en place lors de ces travaux et retient que, ce dernier n'étant pas un élément d'équipement dont la fonction exclusive est de permettre l'activité de station de lavage, il ne relève pas des dispositions de l'article 1792-7 du code civil.

7. En statuant ainsi, après avoir constaté que le séparateur d'hydrocarbures constituait un équipement de traitement des eaux potentiellement chargées de boues et d'hydrocarbures générées par l'utilisation de la station de lavage, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Axa France IARD à garantir la société [T] [M] des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt rendu le 1er juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne la société [T] [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300119

Référé, contestation sérieuse et trouble de voisinage

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 février 2025




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 111 F-D

Pourvoi n° X 23-22.284




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2025

Mme [X] [M], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 23-22.284 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2023 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 2e chambre, section B), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [H] [G], domiciliée [Adresse 4],

2°/ à Mme [J] [W], domiciliée [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [M], après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme [M] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [G].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 juillet 2023), rendu en référé, Mme [M] est propriétaire d'une parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 5], contiguë à celle cadastrée section A n° [Cadastre 1], dont Mme [W] est devenue propriétaire, par donation de Mme [G], sa grand-mère.

3. Ces deux parcelles sont séparées par un mur ancien.

4. Dénonçant l'absence d'entretien de cet ouvrage et la présence dans un ruisseau situé sur sa propriété de pierres s'en étant descellées, Mme [M] a assigné Mme [G], puis Mme [W], en retrait de ces gravats et reconstruction ou consolidation du mur.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. Mme [M] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de Mme [W] à procéder à l'enlèvement des gravats tombés dans le ruisseau séparant leurs parcelles respectives et à reconstruire le mur de soutènement qui retient les terres de la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 1] ou à le conforter afin d'éviter de nouveaux éboulements, alors « que l'atteinte à la jouissance d'un bien par un tiers constitue un trouble manifestement illicite pour son propriétaire ; qu'en jugeant, pour rejeter la demande de mesures conservatoires et de remise en état du mur litigieux formée par Mme [M], que cette dernière n'avait pas subi de trouble manifestement illicite, et, partant, de trouble anormal du voisinage, après avoir pourtant constaté que Mme [W] était débitrice d'une obligation non sérieusement contestable d'entretien, que le mauvais état du mur était attesté par des procès-verbaux faisant état de multiples éboulements dans le ruisseau, de blocs de pierres décelés et sur le point de tomber et que la présence de pierres provenant du mur litigieux sur la propriété de Mme [M] lui générait un trouble, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que cette dernière subissait un trouble manifestement illicite dans la jouissance de son bien et a violé l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, ensemble l'article 544 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, le président du tribunal judiciaire, même en présence d'une contestation sérieuse, peut prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

7. Pour rejeter les demandes formées par Mme [M], l'arrêt énonce, d'abord, que le trouble manifestement illicite invoqué par celle-ci s'analyse comme un trouble anormal de voisinage, lequel suppose un dépassement d'un seuil de tolérance et est souverainement apprécié par le juge.

8. Il retient, ensuite, que si la présence de pierres issues du mur en litige génère un trouble, il n'est démontré ni que celui-ci est manifestement illicite ni qu'il affecte la jouissance du bien immobilier de Mme [M] au point de constituer, à ce titre, un trouble anormal et manifeste de voisinage.

9. En statuant ainsi, alors que la chute de pierres provenant de l'éboulis d'un mur privatif situé sur un fonds contigu, en ce qu'elle porte atteinte au droit de propriété, constitue un trouble manifestement illicite pour le propriétaire du fonds la subissant, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2023 entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne Mme [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [W] à payer à Mme [M] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300111

Les conclusions distinguaient, de manière claire et lisible, les prétentions et les moyens soutenus en appel à leur appui

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 février 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 106 F-D

Pourvoi n° W 23-13.290




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2025

La société Auerbach junior, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 23-13.290 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 - chambre 3), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société JMD immobilier, société à responsabilité limitée,

2°/ à la société Chich'immo, société civile immobilière,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grall, conseiller, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de la société civile immobilière Auerbach junior, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société JMD immobilier et de la société civile immobilière Chich'immo, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grall, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société civile immobilière Auerbach junior (la SCI) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société civile immobilière Chich'immo.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 janvier 2023), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 24 novembre 2021, pourvoi n° 20-14.277), par acte authentique du 17 mars 2005, la société civile immobilière Chich'immo a vendu à la SCI les lots n° 2 et 38 d'un ensemble immobilier en copropriété.

3. Par acte sous seing privé du 17 mars 2005, la SCI a confié la gestion de ce bien à la société JMD immobilier (l'agent immobilier). Le 30 novembre 2011, par l'intermédiaire de ce dernier, la SCI l'a donné à bail d'habitation.

4. Par arrêté du 16 octobre 2014, le préfet de Paris, considérant que les lieux loués étaient impropres à l'habitation, a mis en demeure la SCI de faire cesser définitivement cette occupation.

5. La SCI a assigné l'agent immobilier en indemnisation de ses préjudices.
Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts formée contre l'agent immobilier, alors « que sont conformes aux exigences de l'article 954 du code de procédure civile les conclusions qui énoncent, de manière distincte, l'énoncé des faits et de la procédure, le dispositif récapitulant les prétentions, et des développements correspondant aux moyens de fait et de droit articulés au soutien de ses prétentions, peu important que ne figure pas expressément la mention « discussion » ; qu'en retenant que les dernières conclusions de la société Auerbach junior, précitées, ne comportent aucune "discussion", mais seulement trois chapitres intitulés : - Les faits et la procédure - Le droit - La responsabilité civile de la société JMD » et qu'« à défaut de "discussion", la cour ne pourra donc examiner aucun des moyens invoqués dans ses conclusions par cette société au soutien de ses prétentions telles qu'énoncées au dispositif, moyens qui doivent donc être considérés comme n'étant pas expressément énoncés », la cour d'appel a violé le texte précité. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

7. Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière distincte.

8. Selon le troisième alinéa, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

9. Ces dispositions, qui imposent la présentation, dans les conclusions, des prétentions ainsi que des moyens soutenus à l'appui de celles-ci, ont pour finalité de permettre, en introduisant une discussion, de les distinguer de l'exposé des faits et de la procédure, de l'énoncé des chefs de jugement critiqués et du dispositif récapitulant les prétentions. Elles tendent à assurer clarté et lisibilité des écritures des parties.

10. Elles n'exigent pas que les prétentions et les moyens contenus dans les conclusions d'appel figurent formellement sous un paragraphe intitulé « discussion ». Il importe que ces éléments apparaissent de manière claire et lisible dans le corps des conclusions (2e Civ., 29 juin 2023, pourvoi n° 22-14.432, publié).

11. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par la SCI contre l'agent immobilier, l'arrêt retient que les dernières conclusions de la SCI ne comportent aucune « discussion », mais seulement trois chapitres, intitulés « - Les faits et la procédure - Le droit - La responsabilité civile de la société JMD » et qu'à défaut de « discussion », la cour d'appel ne pourra examiner aucun des moyens invoqués dans ses conclusions par la SCI au soutien de ses prétentions telles qu'énoncées au dispositif, moyens qui doivent être considérés comme n'étant pas invoqués au soutien de sa demande.

12. En statuant ainsi, alors que les conclusions de la SCI devant elle distinguaient, de manière claire et lisible, les prétentions et les moyens soutenus en appel à leur appui, la cour d'appel, qui y a ajouté une condition qu'il ne prévoit pas, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts formée par la société civile immobilière Auerbach junior contre la société JMD immobilier, l'arrêt rendu le 12 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société JMD immobilier aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300106