jeudi 28 septembre 2023

Responsabilité du contrôleur technique

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 septembre 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 603 FS-D

Pourvoi n° T 22-13.375




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 SEPTEMBRE 2023

1°/ la société Etablissements Armand Mondiet, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],

2°/ la société Passe temps II, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° T 22-13.375 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [N] [W], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la société BTP consultants, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9],

3°/ à la société Gan assurances IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8],

4°/ à la société Les Carreleurs du bassin, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

5°/ à la société Mutuelle des architectes français, dont le siège est [Adresse 1],

6°/ à la société SMA, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7],

7°/ à la société Swisslife assurance de biens, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], assureur des établissements [W],

défendeurs à la cassation.

La société BTP Consultants a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident et un pourvoi provoqué éventuel contre le même arrêt ;

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, trois moyens de cassation ;

La demanderesse au pourvoi incident et au pourvoi provoqué éventuel invoque, à l'appui de ses recours, un moyen de cassation ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la société Etablissements Armand Mondiet, de la société civile immobilière Passe temps II, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mutuelle des architectes français, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Gan assurances IARD, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société BTP consultants, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Swisslife assurance de biens, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, conseiller référendaire ayant voix délibérative, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société civile immobilière Passe temps II (la SCI) et à la société Etablissements Armand Mondiet du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Mutuelle des architectes français (la MAF), la société SMA, M. [W], la société Swisslife assurance de biens (la société Swisslife) et la société Gan assurances IARD (la société Gan).

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 13 janvier 2022), la SCI a entrepris la restructuration d'un bâtiment en quatre logements indépendants.

3. La société BTP consultants a été chargée d'une mission de contrôle technique et la société Les Carreleurs du bassin, assurée auprès de la société Gan, du lot carrelage. La société Swisslife assurait l'entreprise chargée du lot gros oeuvre.

4. La réception a été prononcée sans réserves le 24 juillet 2009 et l'immeuble a ensuite été acquis par la société Etablissements Armand Mondiet.

5. Se plaignant de désordres, la SCI et la société Etablissements Armand Mondiet ont, après expertise, assigné les intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs en réparation.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. La SCI et la société Etablissements Armand Mondiet font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre de la société BTP consultants, alors :

« 1°/ que le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage, à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1, et 1792-2, du code civil et est responsable de plein droit, envers le maître de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en relevant, pour débouter la SCI Passe Temps II et la société Etablisements A. Mondiet de leurs demandes formées à l'encontre de la société BTS Consultant en réparations des désordres à caractère décennal constatés par l'expert judiciaire, qu'elle avait été empêchée d'accomplir sa mission, cependant que cette circonstance n'était pas de nature à caractériser une cause étrangère de nature à exonérer le contrôleur technique pour des désordres relevant de sa mission, la cour d'appel a violé les articles L. 111-24, devenu L. 125-2 du code de la construction et de l'habitation et 1792 du code civil ;

2°/ qu'en toute hypothèse, le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage, à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1, et 1792-2, du code civil et est responsable de plein droit, envers le maître de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en écartant la responsabilité du contrôleur technique au seul motif qu'il avait été empêché d'accomplir sa mission, sans constater que les désordres en cause n'étaient pas de nature décennale ou ne relevaient pas de sa mission, la cour d'appel a privé sa décisions de base légale au regard des articles L. 111-24, devenu L. 125-2 du code de la construction et de l'habitation et 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792 du code civil et l'article L. 111-24, devenu L. 125-2, du code de la construction et de l'habitation :

7. En application de ces textes, le contrôleur technique est, dans les limites de la mission à lui confiée, responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le contrôleur technique prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

8. Pour rejeter les demandes formées à l'encontre de la société BTP consultants, l'arrêt relève que, si la convention de contrôle technique a été conclue le 16 octobre 2008, celle-ci n'avait reçu aucun dossier de conception digne de ce nom lui permettant de rédiger un rapport initial de contrôle technique et n'avait été sollicitée pour la première fois qu'au mois d'avril 2010, plus de huit mois après la réception, de sorte qu'elle n'avait pu procéder à aucune constatation utile au cours des opérations de construction, n'ayant pu consigner, après achèvement, que les défauts de conformités, manques de finition, et désordres.

9. Il ajoute que son rapport initial n'aurait pas pu être établi au vu de « simples plans généraux » et qu'il est manifeste que, même si elle avait réclamé les pièces qui lui étaient nécessaires, elle n'en n'aurait pas obtenu davantage que l'expert judiciaire qui, malgré la durée des opérations d'expertise, n'a pu obtenir que des documents très partiels.

10. Il en déduit que le contrôleur technique ayant été ainsi empêché d'exécuter sa mission, la SCI et la société Etablissements Armand Mondiet ne justifient d'aucun manquement à sa mission en relation de cause à effet avec les préjudices dont elles se plaignent.

11. En se déterminant ainsi, après avoir constaté que l'expert avait noté que la présence du bureau de contrôle technique était requise dés le début des travaux et que celui-ci avait établi quatre factures, sans rechercher si certains désordres qui lui étaient imputés n'étaient pas de nature décennale ni caractériser la cause étrangère, laquelle ne peut résulter des fautes commises par les autres intervenants à l'opération de construction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. La SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer certaines sommes aux sociétés Les Carreleurs du bassin et la société BTP consultants, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en relevant, pour confirmer le jugement en ce qu'il avait condamné la SCI Passe Temps II à payer un solde de factures aux sociétés les Carreleurs du Bassin et BTP Consultants que si ces chefs de jugement étaient visés dans l'acte d'appel, aucune prétention relativement à ces condamnations n'était reprise dans le dispositif des conclusions d'appel de la SCI, cependant que dans ce dispositif, la SCI Passe Temps II avait demandé la réformation du jugement en toutes ses dispositions autres que celle concernant la recevabilité des demandes des appelantes et avait demandé que les sociétés les Carreleurs du Bassin et BTP Consultants soient déboutées de leurs demandes, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la SCI Passe Temps II et a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

13. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

14. Pour confirmer le jugement qui avait condamné la SCI à payer certaines sommes aux sociétés BTP consultants et Les Carreleurs du bassin au titre de soldes de marché, l'arrêt retient que celle-ci ne formule aucune prétention relativement à ces condamnations dans le dispositif de ses conclusions.

15. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la SCI demandait que le jugement fût réformé de ces chefs et que les demandes, fins et prétentions des sociétés BTP consultants et Les Carreleurs du bassin fussent rejetées, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen du pourvoi incident éventuel de la société BTP consultants

Enoncé du moyen

16. La société BTP consultants fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande subsidiaire tendant à condamner les sociétés Swisslife, Les Carreleurs du Bassin, et Gan à la garantir et la relever intégralement indemne de toutes condamnations éventuellement prononcées à son encontre, alors « que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'en cas de cassation de l'arrêt attaqué et de renvoi de la société BTP consultants devant la cour de renvoi, susceptible de remettre en cause les demandes formées contre elle, la cassation sera étendue au chef de dispositif rejetant ses appels en garantie contre les parties susvisées, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

17. Aux termes de ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

18. La cassation du chef de dispositif rejetant les demandes de la SCI et de la société Etablissement Armand Mondiet à l'encontre de la société BTP consultants entraîne la cassation du chef de dispositif critiqué par le moyen, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

Mise hors de cause

19. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la MAF et la société Swisslife, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la société civile immobilière Passe temps II et de la société Etablissements Armand Mondiet à l'encontre de la société BTP consultants, en ce qu'il condamne la société civile immobilière Passe temps II à payer la somme de 1 739 euros à la société Les Carreleurs du bassin et la somme de 1 315,60 euros à la société BTP consultants, au titre du solde de leurs marchés, et en ce qu'il condamne la société civile immobilière Passe temps II et la société Etablissements Armand Mondiet aux dépens d'appel, l'arrêt rendu le 13 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Met hors de cause la Mutuelle des architectes français et la société Swisslife assurance de biens ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne les sociétés BTP consultants et Les Carreleurs du bassin aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes, condamne la société BTP consultants à payer la somme globale de 3 000 euros à la société civile immobilière Passe temps II et à la société Etablissements Armand et rejette les autres demandes ;

En se déterminant sans caractériser en quoi les éléments fabriqués par la société Carrier étaient de la nature de ceux visés à l'article 1792-4 du code civil, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 septembre 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 618 F-D

Pourvoi n° J 22-17.001







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 SEPTEMBRE 2023

La société Carrier, société en commandite simple, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° J 22-17.001 contre l'arrêt rendu le 22 février 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Réseau de transport d'électricité (RTE), société anonyme à directoire, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à la société Waroude Automation, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],

3°/ à la société CAP Ingelec, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

4°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

5°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

6°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 2],

7°/ à la société Etablissements Jean Carcelles, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],

défenderesses à la cassation.

La société Waroude Automation a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La société Etablissements Jean Carcelles a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La société CAP Ingelec a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation ;

La société Waroude Automation, demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation ;

La société Etablissements Jean Carcelles, demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation ;

La société CAP Ingelec, demanderesse au pourvoi provoqué invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Carrier, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société CAP Ingelec, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Réseau de transport d'électricité, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Waroude Automation, de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Etablissements Jean Carcelles, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Carrier du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Allianz IARD.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 février 2022), la société Réseau de transport d'électricité (la société RTE) a confié à la société Cap Ingelec la maîtrise d'oeuvre du remplacement d'installations de climatisation d'un bâtiment technique.

3. L'exécution des travaux a été confiée à la société Waroude Automation, assurée auprès de la société Allianz IARD.

4. Cette entreprise a sous-traité une partie des travaux à la société Établissements Jean Carcelles (la société Carcelles), assurée auprès de la société Covea Risks, aux droits de laquelle se trouvent les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA).

5. La société Carrier a fourni à la société Carcelles des groupes frigorifiques.

6. La réception de l'ouvrage est intervenue le 1er septembre 2010.

7. Se plaignant de désordres, la société RTE a, après expertise judiciaire, assigné les sociétés Cap Ingelec, Waroude Automation et Allianz IARD en indemnisation de ses préjudices. Les sociétés Carcelles et MMA ont été appelées en intervention forcée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Carrier

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen du pourvoi incident de la société Waroude Automation

Enoncé du moyen

9. La société Waroude Automation fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à la condamnation de la société Carcelles et des sociétés MMA à la relever et à la garantir indemne de toutes les condamnations prononcées à son encontre, alors « qu'en déboutant, dans le dispositif de l'arrêt attaqué, la société Waroude Automation de ses demandes tendant à la condamnation de la société Établissements Jean Carcelles, de la société MMA Iard et de la société MMA Iard assurances mutuelles à la relever et à la garantir indemne de toutes les condamnations prononcées à son encontre, quand elle avait retenu, dans les motifs de son arrêt, que ces demandes étaient fondées, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif et a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Il résulte des motifs de l'arrêt que la cour d'appel a entendu condamner les sociétés Carcelles et MMA in solidum à garantir la société Waroude Automation de toutes les condamnations prononcées à son encontre.

11. La demande de garantie n'est pas spécifiquement rejetée dans le dispositif.

12. Le vice allégué par le moyen procède d'une omission matérielle dont la rectification sera ci-après ordonnée en application de l'article 462 du code de procédure civile.

13. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal de la société Carrier, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société Carrier à payer diverses sommes à la société RTE

Enoncé du moyen

14. La société Carrier fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec la société Waroude Automation, la société Cap Ingelec, la société Carcelles et les sociétés MMA à payer diverses sommes à la société RTE, alors « qu'un fabricant ne peut être solidairement responsable des obligations mises à la charge du locateur d'ouvrage sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil que si l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou l'élément d'équipement qu'il a fabriqué a été conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance et qu'il a été mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles qu'il a lui-même édictées ; qu'en se contentant de retenir, pour juger que la responsabilité de la société Carrier était engagée sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil, que les travaux litigieux consistaient dans le remplacement des installations de production de froid et de climatisation dans un bâtiment technique R22, qu'ils passaient par la réalisation de réseaux hydrauliques nouveaux, la mise en place de canalisations nouvelles nécessitant des percements et de liaisons électriques nouvelles, qu'ils entraient dans le cadre d'une réhabilitation du bâtiment et que les installations de climatisations concernées avaient une importance capitale pour l'activité du maître de l'ouvrage, de sorte que compte tenu de leur nature, de leur ampleur et leur importance, ces travaux étaient à tout le moins un élément constitutif de l'ouvrage, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les machines fournies par la société Carrier dans le cadre de ces travaux avaient été spécialement conçues pour répondre aux besoins de la réhabilitation du bâtiment litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-4 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792-4, alinéa 1er, du code civil :

15. Aux termes de ce texte, le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré.

16. Pour condamner la société Carrier à indemniser la société RTE, l'arrêt relève que les travaux litigieux consistent dans le remplacement des installations de production de froid et de climatisation dans un bâtiment technique, passant par la réalisation de réseaux hydrauliques nouveaux, la mise en place de canalisations nouvelles nécessitant des percements, et de liaisons électriques nouvelles.

17. Il retient que ces travaux sont d'une importance capitale pour l'activité du maître de l'ouvrage et que, compte tenu de leur nature, de leur ampleur et de leur importance, ils sont un élément constitutif de l'ouvrage.

18. Il en déduit que la responsabilité de la société Carrier, fabricant « du matériel », est engagée de plein droit sur le fondement de l'article susvisé.

19. En se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi les éléments fabriqués par la société Carrier étaient de la nature de ceux visés à l'article 1792-4 du code civil, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal de la société Carrier, sur le moyen du pourvoi provoqué de la société Cap Ingelec, sur le moyen du pourvoi incident de la société Carcelles et sur le premier moyen du pourvoi incident de la société Waroude Automation, rédigés en termes similaires, réunis

Enoncé des moyens

20. Par son troisième moyen, la société Carrier fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec les sociétés Waroude Automation, Cap Ingelec, Carcelles et MMA à payer à la société RTE la somme de 23 356,53 euros HT au titre des honoraires réglés à M. [W] et des sommes versées à la société Becice et de la condamner à relever et garantir les sociétés Cap Ingelec, Waroude Automation, Carcelles et MMA des condamnations prononcées à leur encontre à ce titre, alors « que les frais non compris dans les dépens ne constituent pas un préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en énonçant, pour condamner à payer à titre de dommages et intérêts à la société RTE la somme de 23 356,53 euros HT, correspondant aux honoraires réglés à M. [W] et aux sommes versées à la société Becice, que M [W] avait accompagné la société RTE pendant les opérations d'expertise et que la société Becice avait réalisé des études et devis dans le cadre des opérations d'expertise, la cour d'appel qui a qualifié de préjudice réparable les frais non compris dans les dépens engagés par la société RTE dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire a violé, par refus d'application, l'article 700 du code de procédure civile. »

21. Par son moyen la société Cap Ingelec fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec les sociétés Carrier, Waroude Automation, Carcelles et MMA à payer à la société RTE la somme de 23 356,53 euros HT au titre des honoraires réglés à M. [W] et des sommes versées à la société Becice, alors « que les frais non compris dans les dépens ne constituent pas un préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en énonçant, pour condamner la société Cap Ingelec à payer à titre de dommages-intérêts à la société RTE la somme de 23 356,53 euros HT, correspondant aux honoraires réglés à M. [W] et aux sommes versées à la société Becice, que M. [W] avait accompagné la société RTE pendant les opérations d'expertise et que la société Becice avait réalisé des études et devis dans le cadre des opérations d'expertise, la cour d'appel, qui a qualifié de préjudice réparable les frais non compris dans les dépens engagés par la société RTE dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire, a violé, par refus d'application, l'article 700 du code de procédure civile. »

22. Par son moyen, la société Carcelles fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec les sociétés Carrier, Waroude Automation, Carcelles et MMA à payer à la société RTE la somme de 23 356,53 euros HT au titre des honoraires réglés à M. [W] et des sommes versées à la société Becice, alors « que les frais non compris dans les dépens ne constituent pas un préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en énonçant, pour condamner in solidum la société Carrier, la société Waroude, la société Cap Ingelec, la société Carcelles et les sociétés MMA IARD à payer à titre de dommages-intérêts à la société RTE la somme de 23 356,53 euros HT, correspondant aux honoraires réglés à M. [W] et aux sommes versées à la société Becice, que M. [W] avait accompagné la société RTE pendant les opérations d'expertise et que la société Becice avait réalisé des études et devis dans le cadre des opérations d'expertise, la cour d'appel qui a qualifié de préjudice réparable les frais non compris dans les dépens engagés par la société RTE dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire a violé, par refus d'application, l'article 700 du code de procédure civile. »

23. Par son premier moyen, la société Waroude Automation fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec les sociétés Carrier, Cap ingelec, Carcelles et MMA à payer à la société RTE la somme de 23 356,53 euros hors taxes au titre des honoraires réglés de M. [W] et des sommes versées à la société Becice, alors « que les frais non compris dans les dépens ne constituent pas un préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en énonçant, pour condamner la société Waroude Automation à payer à la société Réseau de transport d'électricité la somme de 23 356,53 euros hors taxes, correspondant aux honoraires réglés à M. [E] [W] et aux sommes versées à la société Becice, que M. [E] [W] avait accompagné la société Réseau de transport d'électricité pendant les opérations d'expertise et que la société Becice avait réalisé des études et devis dans le cadre des opérations d'expertise, quand, en se déterminant ainsi, elle qualifiait de préjudice réparable les frais non compris dans les dépens engagés par la société Réseau de transport d'électricité dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 700 du code de procédure civile :

24. Selon ce texte, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

25. L'arrêt alloue à la société RTE, au titre des préjudices qu'elle a subis, diverses sommes qu'elle a déboursées pour se faire assister par un technicien et pour solliciter des études et devis lors de l'expertise judiciaire. Il accorde ensuite à la société RTE une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

26. En statuant ainsi, alors que les frais non compris dans les dépens ne constituent pas un préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

27. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le deuxième moyen du pourvoi principal de la société Carrier ne s'étend pas à la condamnation de cette société à relever et garantir les sociétés Cap Ingelec, Waroude Automation, Carcelles et MMA de toutes les condamnations prononcées à leur encontre, dès lors que cette condamnation, qui ne se trouve pas dans un lien de dépendance nécessaire avec le chef de dispositif cassé, est justifiée par des motifs non critiqués par le pourvoi.

28. En effet, la condamnation à garantie, qui ne se fonde pas sur les dispositions de l'article 1792-4 du code civil, ne dépend pas d'une condamnation préalable du fabricant au profit du maître de l'ouvrage.

29. La cassation de la condamnation des sociétés Carrier, Cap Ingelec, Waroude Automation et Carcelles à payer la somme de 23 356,53 euros s'étend à la condamnation prononcée in solidum du même chef contre les sociétés MMA, qui se sont associées aux moyens des sociétés Carrier et Waroude Automation.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Réparant l'omission matérielle affectant l'arrêt attaqué, en page 20, ajoute avant le dernier chef du dispositif :

« Condamne les sociétés Établissements Jean Carcelles, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles in solidum à garantir la société Waroude Automation de toutes les condamnations prononcées à son encontre ; »

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :
- condamne la société Carrier à payer à la société Réseau de transport d'électricité la somme de 104 176,78 euros HT au titre du remplacement du groupe froid 1 et la somme de 308 000 euros au titre de la perte de récupération de chaleur, lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,- condamne in solidum la société Waroude automation, la société Cap Ingelec, la société Établissements Jean Carcelles, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles venant aux droits de Covea Risks et la société Carrier à payer à la société Réseau de transport d'électricité la somme de 23 356,53 euros HT au titre des honoraires réglés à M. [W] et des sommes versées à la société Becice, ladite somme portant intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,
- condamne in solidum la société Waroude automation, la société Cap Ingelec, la société Établissements Jean Carcelles, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles venant aux droits de Covea Risks et la société Carrier à payer à la société RTE la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne in solidum la société Waroude Automation, la société Cap Ingelec, la société Établissements Jean Carcelles, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles venant aux droits de Covea Risks et la société Carrier au paiement des entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel, en ce compris les dépens de l'instance en référé et les frais d'expertise,
- condamne la société Carrier à relever et garantir la société Cap Ingelec, la société Waroude Automation, la société Établissements Jean Carcelles et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles venant aux droits de Covea Risks des condamnations prononcées à leur encontre au titre des dépens, des frais d'expertise et de l'article 700 du code de procédure civile,

l'arrêt rendu le 22 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne la société Réseau de transport d'électricité aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Photovoltaïque et responsabilité décennale

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 septembre 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 619 F-D

Pourvoi n° Y 22-12.989







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 SEPTEMBRE 2023

La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° Y 22-12.989 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Enfinity PV, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à M. [S] [T], domicilié [Adresse 7], mandataire judiciaire, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Enfinity France,

3°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme,

4°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 3], prise en leur qualité d'assureur des sociétés Eden Energy et Energy Prod,

5°/ à la société Kilowattsol, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

6°/ à la société Allianz IARD, dont le siège est [Adresse 1],

7°/ à la société QBE Insurance Europe Limited, dont le siège est [Adresse 5] (Royaume-Uni),

8°/ à la société QBE Europe NV/SA, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8],

défendeurs à la cassation.

La société QBE europe venant aux droits de la société QBE Insurance Europe Limited et la société Kilowattsol ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation ;

Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Enfinity PV, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Kilowattsol, QBE Insurance Europe Limited et de QBE Europe NV/SA, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz IARD, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 janvier 2022, rectifié par arrêt du 24 novembre 2022), la société Enfinity PV a confié la conception et la construction de quatre centrales photovoltaïques en toiture de bâtiment à la société Enfinity France, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), laquelle a sous-traité une partie des prestations aux sociétés Eden Energy et Energy Prod, assurées auprès des sociétés MMA IARD assurances et MMA IARD (les sociétés MMA).

2. La société Kilowattsol, investie par la société Enfinity PV d'une mission de conseil, a sous-traité l'assistance lors de la réception à la société Top Bis, ces deux sociétés étant assurées auprès de la société QBE europe venant aux droits de la société QBE Insurance Europe Limited (la société QBE).

3. Se plaignant de désordres et dysfonctionnements, la société Enfinity PV a, après expertise, assigné M. [T], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Enfinity France, et les sociétés Axa et MMA en indemnisation de ses préjudices. Les sociétés Kilowattsol, QBE et Top Bis ont été appelées en intervention.

Examen des moyens

Sur les troisième, quatrième et sixième branches du premier moyen du pourvoi principal, le second moyen du pourvoi principal, les troisième et quatrième branches du moyen du pourvoi incident

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur les premières branches du premier moyen du pourvoi principal et du moyen du pourvoi incident, rédigées en termes similaires et la deuxième branche du premier moyen du pourvoi principal, réunies

Enoncé du moyen

5. Par son moyen, la société Axa fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Enfinity France certaines sommes dont in solidum avec les sociétés Kilowattsol et QBE la somme de 61 257,72 euros, avec application du plafond de garantie et de la franchise, alors :

« 1°/ que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en affirmant, par reprise des conclusions de l'expert, que « le montage des centrales sur les toitures a été réalisé de façon parfois hasardeuse mais sans désordre structurel important et que toutefois quelques abergements, relevés d'étanchéités, faîtes et rives en tôle sont défectueux et provoquent quelques infiltrations d'eau (de niveau secondaire par rapport à celles infiltrant par les chéneaux existants) », sans relever une atteinte à la solidité de l'ouvrage ou constater que les dommages rendaient l'ouvrage impropre à sa destination, relevant au contraire seulement « quelques infiltration d'eau, de niveau secondaire », la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;

2°/ que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en retenant que l'absence de traitement anti-condensation des bacs pour les centrales Eden U1 et Filav constitue un désordre de nature décennale dès lors que des phénomènes de condensation « peuvent se manifester selon la destination des locaux » et affecter les plaques des faux plafonds qui, risquant de tomber, représentent un danger pour les occupants, et générer des écoulements à l'intérieur des locaux, sans préciser la destination des locaux à la date des travaux, ou celle que le maître de l'ouvrage entendait leur donner, partant convenue entre les parties, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1792 du code civil. »

6. Par leur moyen, les sociétés Kilowattsol et QBE font le même grief, alors « que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en ordonnant l'indemnisation, sur le fondement de la responsabilité décennale, du coût de reprise des toitures au motif qu'elles seraient atteintes d'anomalies engendrant des infiltrations, sans relever une atteinte à la solidité de l'ouvrage ou constater que les dommages rendaient l'ouvrage impropre à sa destination, mais en retenant au contraire seulement « quelques infiltration d'eau, de niveau secondaire », la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a relevé que les panneaux photovoltaïques formaient avec les bacs en acier un ensemble indissociable constituant la toiture du bâtiment et assurant son étanchéité, et que le matériel nécessaire à la réalisation des quatre centrales en toiture avait été défini et fourni, sans considération de l'usage des locaux situés au-dessous.

8. Puis elle a constaté que la réalisation défectueuse du montage des centrales en toiture avait provoqué quelques infiltrations d'eau, de niveau secondaire par rapport à celles provenant des chéneaux, et que l'absence de traitement anti-condensation des bacs posés sur deux des centrales avait entraîné des phénomènes de condensation pouvant affecter les plaques de faux-plafonds qui, risquant de tomber, présentaient un danger pour les occupants, ou généré des écoulements d'eau à l'intérieur des locaux.

9. En l'état de ces constations et appréciations, procédant aux recherches prétendument omises, elle a souverainement retenu que les infiltrations et les risques de condensation compromettaient l'usage du bâtiment à destination de stockage ainsi que la sécurité des personnes en raison de la dégradation et des risques de chute des dalles des faux-plafonds.

10. Ayant ainsi caractérisé l'impropriété du bâtiment à sa destination, quel que soit l'usage des locaux situés en-dessous, elle a légalement justifié sa décision.

Enoncé du moyen

Sur la cinquième branche du premier moyen du pourvoi principal et la deuxième branche du moyen unique du pourvoi incident, réunies

11. Par son moyen, la société Axa fait le même grief, alors « que viole l'article 1792 du code civil, la cour d'appel qui retient que « les défauts affectant le câblage portent atteinte à la solidité du bâtiment en raison des risques d'incendie », après avoir constaté que selon l'expert, aucun désordre portant sur les raccordements électriques des sites n'a été constaté ».

12. Par leur moyen, les sociétés Kilowattsol et QBE font le même grief, alors « que la responsabilité décennale ne s'applique qu'aux désordres graves apparus dans le délai décennal ; qu'en retenant que « les défauts affectant le câblage portent atteinte à la solidité du bâtiment en raison des risques d'incendie », après avoir constaté que selon l'expert « aucun désordre portant sur les raccordements électriques des sites n'a été constaté », la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

13. Ayant relevé, d'une part, que si aucun désordre portant sur les raccordements électriques des sites n'avait été constaté, un local technique avait été en surchauffe, d'autre part, que la non-conformité du câblage aux normes, l'absence de protection des câbles et leur dégradation étaient susceptibles de provoquer des surtensions et des surchauffes évoluant en départ d'incendie, la cour d'appel en a souverainement déduit qu'en raison des risques d'incendie, les défauts affectant le câblage portaient atteinte à la solidité du bâtiment.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes

Assurance - notion d'exclusion formelle et limitée

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 septembre 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 620 F-D

Pourvoi n° R 21-23.673







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 SEPTEMBRE 2023

La société Sud Ingénierie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-23.673 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (Chambre 1-3), dans le litige l'opposant à la société Acte Iard société anonyme à directoire et conseil de surveillance, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Sud Ingénierie, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Acte Iard après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er juillet 2021), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 26 novembre 2020, pourvoi n° 19-16.797), la société civile immobilière l'Estaque (la SCI l'Estaque) a confié la conception et la réalisation d'un bâtiment à usage industriel à la société Sud ingénierie, qui avait souscrit auprès de la société Acte IARD une assurance « responsabilité civile bâtiment et génie civil ».

2. La réception des travaux, réalisés en sous-traitance, est intervenue avec réserves.

3. La société Sud ingénierie, condamnée à payer à la SCI l'Estaque une certaine somme au titre des travaux de reprise, a demandé à bénéficier de l'extension de garantie prévue à l'article 1.111 de la convention spéciale « code 2 sous-traitants » aux termes de laquelle « se trouvent garanties les conséquences de la responsabilité encourue par l'assuré du fait des travaux donnés en sous-traitance. »

4. La société Acte IARD ayant dénié sa garantie en se prévalant, notamment, des dispositions de l'article 7.111 des conditions générales excluant « les dépenses engagées pour la réalisation ou la finition du marché de l'assuré », la société Sud ingénierie l'a assignée en exécution du contrat.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société Sud ingénierie fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors :

« 1°/ qu'une clause d'exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée ; qu'est ambigüe la clause d'exclusion de garantie, prévue à l'article 7.111 des conditions générales du contrat d'assurance, selon laquelle « sont exclus des garanties accordées par les titres 3 et 4 [?] les dépenses engagées pour la réalisation ou la finition de l'objet du marché de l'Assuré » ; que cette clause peut notamment être interprétée comme visant exclusivement les sommes directement engagées par l'assuré pour réaliser ou finir la construction et non les indemnités que l'assuré peut être condamné à verser en réparation de travaux mal exécutés ; qu'il en est d'autant plus ainsi que, dans une autre clause – l'article 7.112 des conditions générales – l'exclusion des indemnités compensant des dommages est expressément stipulée en sus des dommages eux-mêmes et des dépenses engagées pour la réparation des dommages ; qu'en retenant cependant que la clause 7.111 des conditions générales du contrat d'assurance était formelle et limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;

2°/ qu'une clause d'exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée ; qu'est ambigüe la clause d'exclusion de garantie, prévue à l'article 7.111 des conditions générales du contrat d'assurance, selon laquelle « sont exclus des garanties accordées par les titres 3 et 4 [?] les dépenses engagées pour la réalisation ou la finition de l'objet du marché de l'Assuré » ; que cette clause peut notamment être interprétée comme s'appliquant exclusivement aux dépenses engagées pour les travaux réalisés par l'assuré lui-même et non par ses sous-traitants ; qu'en retenant cependant que la clause 7.111 des conditions générales du contrat d'assurance était formelle et limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;

3°/ qu'une clause d'exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée ; qu'est ambigüe la clause d'exclusion de garantie, prévue à l'article 7.111 des conditions générales du contrat d'assurance, selon laquelle « sont exclus des garanties accordées par les titres 3 et 4 [?] les dépenses engagées pour la réalisation ou la finition de l'objet du marché de l'Assuré » ; que cette clause peut notamment être interprétée comme excluant uniquement les garanties accordées par les titres 3 et 4 des conditions générales et non celles prévues par une extension de garantie, relative aux sous-traitants, annexée au contrat d'assurance ; qu'en retenant cependant que la clause 7.111 des conditions générales du contrat d'assurance était formelle et limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;

4°/ que toute exclusion de garantie doit être formelle et limitée ; qu'elle ne doit pas aboutir à vider de sa substance une extension de garantie en la privant du supplément de garantie offert par rapport à la garantie de base initialement souscrite ; qu'en l'espèce, le contrat de base prévoyait, à l'article 3.221 des conditions générales, qu'étaient garanties « les conséquences pécuniaires de la responsabilité encourue par l'Assuré [?] en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés du fait des travaux donnés en sous-traitance » ; que l'extension de garantie relative aux sous-traitants souscrite par la société Sud ingénierie remplaçait cette disposition par une clause 1.111 aux termes de laquelle « se trouv[ai]ent garanties les conséquences pécuniaires de la responsabilité encourue par l'Assuré du fait des travaux donnés en sous-traitance » ; que, pour décider que la clause d'exclusion de garantie prévue à l'article 7.111 des conditions générales du contrat d'assurance, excluant « des garanties accordées par les titres 3 et 4 [?] les dépenses engagées pour la réalisation ou la finition de l'objet du marché de l'Assuré », « ne vid[ait] pas l'extension de garantie « sous-traitant » de sa substance », la cour d'appel a retenu que « la garantie resta[i]t acquise pour les dommages causés aux biens, aux ouvrages voisins? » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la garantie des dommages causés aux biens et aux ouvrages voisins était déjà prévue par le contrat de base, ce dont il résultait que l'exclusion privait de tout effet l'extension de garantie relative aux sous-traitants qui n'offrait plus de garantie supplémentaire par rapport au contrat de base, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances.

5°/ que pour décider que la garantie n'était pas due, le tribunal s'est appuyé, en première instance, sur l'exclusion « de l'article 7 soit « Objet des engagements contractuels de l'Assuré » » ; que cependant, cette disposition ne constitue pas une clause d'exclusion mais seulement le titre d'une partie contenant plusieurs clauses d'exclusion énumérées de 7.111 à 7.114 ; qu'en adoptant ce motif du jugement, la cour d'appel a dénaturé l'article 7 des conditions générales du contrat d'assurance, violant le principe de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

6°/ qu'une clause d'exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée ; qu'est ambigüe une clause excluant de la garantie l' « Objet des engagements contractuels de l'Assuré » ; qu'en adoptant les motifs par lesquels le tribunal a retenu que l'article 7 des conditions générales du contrat d'assurance excluait de la garantie « l'objet des engagements contractuels de l'assuré » et que cette clause était « formelle et limitée », la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que le contrat de responsabilité civile garantissait les conséquences pécuniaires de la responsabilité de l'assuré en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers dans l'exercice de ses activités professionnelles d'entrepreneur de bâtiment, même s'il avait donné les travaux en sous-traitance en application de la convention spéciale intitulée « code 2 sous-traitant », sous réserve des exclusions, notamment de l'article 7 des conditions générales.

7. Puis, ayant relevé que l'article 7.111 des conditions générales excluait des garanties les dépenses engagées pour la réalisation ou la finition de l'objet du marché de l'assuré et que l'extension de garantie « sous-traitant » restait acquise pour les dommages causés aux biens et aux ouvrages voisins, elle a exactement retenu, par ces seuls motifs, que cette clause ne donnait pas lieu à interprétation et qu'elle ne vidait pas l'extension de garantie de sa substance.

8. Ayant ainsi fait ressortir le caractère formel et limité de cette clause d'exclusion, elle en a déduit à bon droit que celle-ci s'appliquait à l'indemnité judiciaire correspondant aux dépenses nécessaires à la finition des travaux réalisés en sous-traitance et que la garantie de la société Acte IARD n'était pas due.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. La société Sud ingénierie fait le même grief, alors « que l'assureur est tenu d'éclairer l'assuré sur l'adéquation des risques couverts par les stipulations du contrat d'assurance, fussent-elles claires et précises, à sa situation personnelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'assureur n'était « pas tenu d'attirer l'attention de l'assuré sur la clause d'exclusion litigieuse qui était claire et précise » et que l'assuré ne prouvait pas avoir « sollicité la garantie des travaux de finition des ouvrages ayant donné lieu à des réserves, qu'ils aient été exécutés par l'entreprise ellemême ou par un sous-traitant » ; qu'en se déterminant par ces motifs impropres, cependant que la société Sud ingénierie avait souscrit une extension de garantie spécifique afin de couvrir sa responsabilité du fait des travaux donnés en sous-traitance, de sorte qu'il incombait à l'assureur de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle, compte tenu de l'exclusion de la garantie en cas de condamnation de l'assuré à réparer l'inexécution ou la mauvaise exécution des travaux par les sous-traitants, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

11. Ayant, d'une part, constaté que la société Sud ingénierie ne prouvait pas avoir sollicité la garantie des travaux de finition des ouvrages ayant donné lieu à des réserves, que ceux-ci aient été exécutés par l'entreprise elle-même ou par un sous-traitant et, d'autre part, exactement retenu que la clause d'exclusion litigieuse étant claire et précise, l'assureur n'était pas tenu d'attirer l'attention de l'assuré sur son étendue, la cour d'appel a pu en déduire que la société Acte IARD n'avait pas manqué à son obligation de conseil.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sud ingénierie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Vente - garantie des vices cachés - notions d'apparence et de bonne foi

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 septembre 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 621 F-D

Pourvoi n° Y 22-16.623






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 SEPTEMBRE 2023

Mme [D] [U], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 22-16.623 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2022 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [L] [K],

2°/ à Mme [A] [R],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

3°/ à M. [Z] [U], domicilié [Adresse 5],

4°/ à Mme [F] [U], domiciliée chez M. [X] [W], [Adresse 3],

5°/ à Mme [S] [U], domiciliée [Adresse 4],

6°/ à M. [H] [U], domicilié chez M. [X] [W] 2136 [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [U], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [K] et de Mme [R], après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 3 mars 2022), par acte du 24 juillet 2010, [P] [U] et Mme [D] [U] ont vendu à M. [K] et à Mme [R] (les acquéreurs) une maison d'habitation avec piscine.

2. Ayant constaté l'apparition de fissures sur les murs et façades de leur maison, ainsi que sur la piscine, les acquéreurs ont, après expertise judiciaire, assigné les vendeurs aux fins d'indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de la garantie des vices cachés.

3. [P] [U] étant décédé en cours d'instance, les acquéreurs ont attrait à l'instance ses héritiers, MM. [H] et [Z] [U] et Mmes [S] et [F] [U].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. Mme [D] [U] fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement de diverses sommes en application de la garantie des vices cachés, alors :

« 1°/ que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de l'arrêt, fondées sur les rapports d'expertise versés aux débats - dont le rapport de l'expert judiciaire, M. [I] - que les « désordres [de la zone habitation] étaient apparents lors de la vente », l'expert ayant procédé aux mêmes constatations « sur la zone piscine » en relevant que « les fissures (?) étaient apparentes lors de la vente » ; que l'arrêt a également constaté que « les acquéreurs ne contestent pas avoir constaté lors de leurs visites préalables à la vente, la présence de traces de réparation de fissures sur les façades » ; qu'ayant ainsi constaté que le vice était apparent, la cour d'appel ne pouvait accueillir l'action des acquéreurs fondée sur le vice caché ; qu'en statuant pourtant de la sorte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les articles 1641 et 1642 du code civil ;

2°/ qu'en toute hypothèse, l'acquéreur qui constate l'existence d'un désordre apparent sur l'immeuble ne peut se réfugier derrière son ignorance de l'ampleur et des conséquences du vice s'il ne s'est pas enquis de l'origine de celui-ci ; qu'en l'espèce, après avoir expressément constaté que « les acquéreurs ne contestent pas avoir constaté lors de leurs visites préalables à la vente, la présence de traces de réparation de fissures sur les façades », la cour d'appel a retenu le caractère caché du vice affectant la maison des consorts [K]-[R] motif pris de ce que ceux-ci « ne pouvaient se convaincre du vice dans son ampleur et ses conséquences » ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si les acquéreurs avaient tenté de connaître la cause des fissures la cour d'appel a privé sa décision de base légale. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a constaté que les fissures affectant les murs porteurs, les cloisons, les carrelages et les plafonds, dont certaines traversantes, ainsi que les failles affectant la structure du bassin de la piscine, avaient pour origine l'inadaptation des fondations au sol d'assise et qu'elles présentaient un caractère évolutif, supposant une période d'observation d'au moins une année.

6. Elle a en outre relevé que si les acquéreurs avaient constaté, lors des visites préalables à la vente, la présence de traces de fissures sur les façades, ils ne pouvaient, n'étant ni des professionnels du bâtiment ni tenus de se faire accompagner par un homme de l'art, se convaincre du vice dans son ampleur et ses conséquences.

7. En l'état de ces constatations et appréciations, et sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, elle en a souverainement déduit que le vice ne présentait pas un caractère apparent et a ainsi légalement justifié sa décision.


Sur le moyen, pris en ses troisième à cinquième branches

Enoncé du moyen

8. Mme [D] [U] fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 3°/ que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ; qu'il peut donc se prévaloir d'une clause de non-garantie s'il est de bonne foi ; qu'en écartant en l'espèce la bonne foi de Mme [U] motif - adopté - pris de ce que « ayant habité la maison pendant 20 ans, ils ont nécessairement été confrontés à l'apparition des fissures » sans pour autant relever que les vendeurs connaissaient l'origine du vice, à savoir le défaut des fondations inadaptées à la nature du sol, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1643 du code civil ;

4°/ que le vendeur ne peut être tenu à garantie en présence d'une clause de non-garantie s'il est de bonne foi ; qu'en l'espèce, lors de la déclaration de sinistre à son assureur en février 2001, Mme [U] s'était vue opposer un refus de prise en charge par la raison que les désordres relevaient de la garantie décennale et ne pouvaient être rattachés à un phénomène de sécheresse ; qu'après avoir rappelé les termes de la lettre de l'assureur, la cour d'appel a retenu que les vendeurs étaient de mauvaise foi motif pris de ce qu'ils avaient adressé à leur assureur une déclaration de sinistre et n'avaient entrepris aucun travaux pour remédier « aux désordres à caractère décennal » quand les termes de la lettre de l'assureur étaient de nature à écarter toute cause climatique dans la survenance des désordres, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences égales de ses propres constatations et a violé l'article 1643 du code civil ;

5°/ que le vendeur ne peut être tenu à garantie en présence d'une clause de non-garantie s'il est de bonne foi ; qu'en écartant en l'espèce la bonne foi des vendeurs motif - adopté - pris de ce que l'acte de vente entre les précédents propriétaires et les époux [U] comportait une clause aux termes de laquelle ceux-ci « étaient informés de ce que l'immeuble vendu a fait l'objet d'une action en garantie décennale contre le constructeur » sans caractériser en quoi cette clause était de nature à informer les époux [U] de ce que les fissures étaient dues à une inadaptation des fondations au sol, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1643 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, d'abord retenu que les vendeurs, ayant occupé l'immeuble pendant vingt ans, avaient été nécessairement confrontés à l'apparition de fissures ayant un caractère évolutif, ensuite, qu'en réponse à une déclaration de sinistre faite courant 2000, leur assureur avait indiqué que les fissures présentaient un caractère décennal, et enfin que leur titre de propriété les informait de l'existence d'une action en garantie décennale en cours contre le constructeur.

10. En l'état de ses appréciations et constatations souveraines, elle en a déduit, à bon droit, que les vendeurs ayant connaissance de l'existence, de l'origine et de la gravité de ces fissures, n'étaient pas de bonne foi et ne pouvaient se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie des vices cachés, et a, ainsi, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [D] [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [U] et la condamne à payer à M. [K] et Mme [R] la somme globale de 3 000 euros ;