Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 22-86.894
- ECLI:FR:CCASS:2023:CR00972
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mardi 12 septembre 2023
Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 07 novembre 2022Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 22-86.894 FS-B
N° 00972
ECF
12 SEPTEMBRE 2023
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 SEPTEMBRE 2023
La société [3] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-2, en date du 7 novembre 2022, qui, pour blessures involontaires et contravention de blessures involontaires, l'a condamnée à 20 000 euros et 1 000 euros d'amendes et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Goanvic, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [3], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Goanvic, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, MM. Samuel, Sottet, Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Desportes, premier avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Pour un chantier de travaux dans un stade, la société [3], maître d'ouvrage délégué, a conclu une mission de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé avec la société [5], qui a rédigé un plan général de coordination (PGC).
3. Par ailleurs, la société [3] a confié le lot électricité à la société [1], laquelle a conclu un contrat de sous-traitance avec la société [2] pour la réalisation de certains de ces travaux électriques.
4. Le 11 juillet 2019, trois salariés de la société [2] ont été blessés alors qu'ils travaillaient sur une armoire électrique qui n'avait pas été mise hors tension.
5. La société [3] a été poursuivie des chefs de délits et contravention de blessures involontaires, commis dans le cadre du travail, par maladresse, imprudence, inattention, négligence, manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce en omettant de respecter ses obligations relatives à l'évaluation des risques en matière d'installations électriques.
6. Le tribunal correctionnel l'a déclarée coupable et a prononcé sur les intérêts civils.
7. La société et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [3] coupable de blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois dans le cadre du travail et de blessures involontaires avec incapacité inférieure à trois mois dans le cadre du travail, alors :
« 1°/ que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'il incombe au coordonnateur en matière de sécurité, dans la phase de réalisation de l'ouvrage, d'anticiper les situations de risque pouvant résulter des dispositions prises par les entreprises intervenant sur le chantier ; qu'il n'est pas contesté en l'espèce que la société [3], maître d'ouvrage délégué a mandaté la société [5] aux fins d'assurer la coordination en matière de sécurité et de protection de la santé du chantier au cours duquel l'intervention de plusieurs entreprises était prévue, et qu'elle a expressément sollicité le coordonnateur de sécurité, par courriel du 14 mai 2019, d'organiser au plus vite une visite d'inspection commune avec la société [1] "pour travaux électriques de raccordement d'installation, d'éclairage, de sonorisation, de chauffage pour la pelouse et de luminothérapie" ; que pour retenir néanmoins la responsabilité de la société [3] du chef de blessures involontaires, l'arrêt attaqué reproche à son dirigeant de ne pas avoir "veillé à ce que le plan général de coordination rédigé par son coordonnateur mentionne bien ce risque électrique et soit diffusé auprès de toutes les sociétés intervenantes" ; qu'en imputant ainsi au maître d'ouvrage délégué de ne pas avoir veillé à la mention du risque électrique dans le plan général de coordination quand l'obligation d'évaluation du risque électrique ne pouvait incomber qu'au seul coordonnateur de sécurité, contractuellement mandaté par le maître d'ouvrage pour procéder à cette évaluation des risques, la cour d'appel a tenu la société [3] pour responsable d'une faute imputable au seul coordonnateur, en violation des termes du contrat conclu entre la société [3] et la société [5], du principe de la responsabilité personnelle, des articles 121-1, 229-19, alinéa 1, et R. 625-2 du code pénal, des articles L. 4532-2 et suivants du code du travail ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que la contradiction ou l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte des dispositions du code du travail rappelées par l'arrêt attaqué, qu'il incombe au maître d'ouvrage de désigner un coordonnateur de sécurité pour tout chantier de bâtiment de génie civil où sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, aux fins de faire établir par ce dernier un plan général de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé, en prenant toutes les dispositions nécessaires pour lui assurer l'autorité et les moyens indispensables à l'exercice de sa mission ; qu'il résulte en l'espèce des propres énonciations de l'arrêt attaqué que le maître d'ouvrage avait bien désigné un coordonnateur de sécurité, lequel avait bien réalisé un plan général de coordination sans qu'aucun élément ne permette d'établir que le maître d'ouvrage ne lui aurait pas assuré l'autorité et les moyens nécessaires à l'exercice de sa mission ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité pénale de la société, maître d'ouvrage délégué, du chef de blessures involontaires du fait des manquements commis par le coordonnateur en violation de ses engagements contractuels et du mandat exprès qui lui avait été confié aux fins d'évaluer les risques, quand il résultait pourtant de ses propres constatations que le maître d'ouvrage n'avait commis aucun manquement aux obligations particulières de sécurité mises à sa charge par le code du travail, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'imposaient, privant de ce fait sa décision de toute base légale au regard des articles 222-19, alinéa 1, et R. 625-2 du code pénal, des articles L. 4532-4 et L. 4532-5 du code du travail, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que les articles 229-19, alinéa 1, et R. 625-2 du code pénal exigent, pour
recevoir application, qu'il soit constaté que la faute reprochée à la société prévenue ait concouru, de façon certaine, aux blessures des victimes ; que pour déclarer la société [3] coupable des délits et contravention de blessures involontaires qui lui étaient reprochées en sa qualité de maître d'ouvrage, l'arrêt attaqué relève que "si ce PCG avait été transmis à [1], et à [2] et s'il avait pris en compte le risque électrique résultant de l'intervention des employés de la société [2] sur des installations qui devaient avoir été nécessairement consignées par les employés de la SAS [1], il aurait défini un protocole permettant d'identifier précisément la cellule à consigner, les règles de sécurité à respecter et le rôle respectif de chacune des entreprises dans le but d'éviter l'accident qui s'est finalement produit" ; qu'en se déterminant ainsi par ces motifs hypothétiques, s'abstenant de prendre en considération les conclusions du rapport d'expertise selon lesquelles la survenance du dommage était exclusivement imputable à la négligence des salariés de la société [1] dans la procédure de consignation et de contrôle des équipements électriques sur lesquels travaillaient les salariés de son sous-traitant, en méconnaissance de la procédure de consignation connue de tous les intervenants, cumulée à la négligence des salariés victimes de la société [2] dans la vérification de la mise hors tension des appareils, en méconnaissance des règles élémentaires de sécurité qu'ils connaissaient parfaitement, la cour d'appel n'a pas établi en quoi l'absence de manquement dans l'évaluation du risque électrique dans le plan général de coordination, aurait nécessairement permis d'éviter la survenance de l'accident, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard des articles 222-19, alinéa 1, et R. 625-2 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Pour caractériser les fautes de la société [3] dans l'organisation de la coordination de sécurité et la déclarer coupable de blessures involontaires, l'arrêt attaqué énonce que le PGC établi le 25 avril 2019 par la société [5], en sa qualité de coordonnateur de sécurité, ne mentionnait aucun risque électrique.
10. Les juges ajoutent qu'en méconnaissance de l'article R. 4532-44 du code du travail, le PGC n'a pas été remis par la société [3] à la société [1] avant les travaux.
11. Ils relèvent qu'en application des articles L. 4532-6 et R. 4532-11 de ce code, l'intervention du coordonnateur ne modifie ni la nature ni l'étendue des responsabilités qui incombent, en application des autres dispositions du même code, à chacun des participants aux opérations de bâtiments et de génie civil et que le coordonnateur exerce ses missions sous la responsabilité du maître de l'ouvrage.
12. Ils précisent qu'il appartenait, en application de l'article R. 4532-43 dudit code, à la société [3] de s'assurer que le PGC mentionnait un risque électrique dès lors que celui-ci était manifeste, s'agissant de travaux qualifiés « d'adaptation de l'éclairage sportif de l'[4] : pelouse, sono, éclairage ».
13. Les juges retiennent que, si le PGC avait pris en compte le risque électrique lié à l'intervention des employés de la société [2] sur des installations qui devaient être préalablement mises en sécurité par la société [1] et s'il avait été transmis à ces deux sociétés, un protocole aurait permis d'identifier la cellule à mettre hors tension, les règles de sécurité à respecter et le rôle respectif de chacune des entreprises.
14. Ils en déduisent que le dirigeant de la société [3] a commis pour le compte de celle-ci des manquements à des obligations de prudence ou de sécurité prévues par la loi ou le règlement, en l'espèce les articles R.4532-43 et R. 4532-44 du code du travail, en s'abstenant d'accomplir les diligences normales qui s'imposaient compte tenu de la nature de ses missions, de ses compétences, du pouvoir et des moyens à sa disposition, puisqu'il ne pouvait ignorer la nature électrique des travaux à effectuer ni les risques associés et qu'il n'a pas veillé à ce que le PGC, rédigé par son coordonnateur, mentionne ce risque et soit diffusé auprès de toutes les entreprises intervenantes.
15. En statuant ainsi la cour d'appel a justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
16. En premier lieu, elle a caractérisé, à l'encontre du maître d'ouvrage délégué, la méconnaissance des dispositions de l'article R. 4532-44 du code du travail pour n'avoir pas remis le PGC, avant les travaux, à son cocontractant, la société [1].
17. En deuxième lieu, après avoir souverainement apprécié que le PGC devait intégrer le risque électrique inhérent à la nature des travaux en cause, elle a statué par des motifs dont il résulte qu'en application des articles L. 4532-6, R. 4532-11 et R. 4532-43 du code du travail, il appartenait au maître d'ouvrage délégué de faire remédier à l'insuffisance manifeste de ce document résultant de l'absence de prise en compte de ce risque.
18. Enfin, elle a souverainement apprécié, par des motifs dénués de tout caractère hypothétique, que ces manquements ont contribué à la survenance du dommage et a ainsi caractérisé, à l'encontre du maître d'ouvrage délégué, des fautes entrant dans les prévisions des articles 121-3, 222-19 et R. 625-2 du code pénal.
19. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
20. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [3] au paiement d'une amende de 20 000 euros pour les délits de blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois dans le cadre du travail, et au paiement d'une amende de 1 000 euros pour la contravention de blessures involontaires avec incapacité inférieure à trois mois dans le cadre du travail, alors :
« 1°/ qu'une seule peine doit être prononcée lorsque des délits et des contraventions sont compris dans la même poursuite et que les faits de la prévention procèdent d'une même action coupable ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a condamné la société [3] à deux peines d'amende, l'une d'un montant de 20 000 euros, pour les délits de blessures involontaires, l'autre, d'un montant de 1 000 euros pour la contravention de blessures involontaires ; qu'en prononçant ainsi, quand les délits de blessures involontaires et la contravention de blessures involontaires, qui procédaient d'une même action coupable, ne pouvaient être punis séparément, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des articles 132-3, 132-7, 222-19 et R. 625-2 du code pénal, et le principe ci-dessus rappelé. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 132-3, 132-7, 222-19 et R. 625-2 du code pénal :
21. En application de ces textes, une seule peine doit être prononcée lorsque des délits et des contraventions sont compris dans la même poursuite et que les faits de la prévention procèdent d'une même action coupable.
22. En condamnant la société [3] au paiement de deux amendes, d'une part, de 20 000 euros pour le délit de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois et, d'autre part, de 1 000 euros au titre de la contravention de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à trois mois, alors que ces infractions procédaient d'une même action coupable et ne pouvaient être punies séparément, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
23. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
24. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 7 novembre 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:CR00972
N° E 22-86.894 FS-B
N° 00972
ECF
12 SEPTEMBRE 2023
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 SEPTEMBRE 2023
La société [3] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-2, en date du 7 novembre 2022, qui, pour blessures involontaires et contravention de blessures involontaires, l'a condamnée à 20 000 euros et 1 000 euros d'amendes et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Goanvic, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [3], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Goanvic, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, MM. Samuel, Sottet, Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Desportes, premier avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Pour un chantier de travaux dans un stade, la société [3], maître d'ouvrage délégué, a conclu une mission de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé avec la société [5], qui a rédigé un plan général de coordination (PGC).
3. Par ailleurs, la société [3] a confié le lot électricité à la société [1], laquelle a conclu un contrat de sous-traitance avec la société [2] pour la réalisation de certains de ces travaux électriques.
4. Le 11 juillet 2019, trois salariés de la société [2] ont été blessés alors qu'ils travaillaient sur une armoire électrique qui n'avait pas été mise hors tension.
5. La société [3] a été poursuivie des chefs de délits et contravention de blessures involontaires, commis dans le cadre du travail, par maladresse, imprudence, inattention, négligence, manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce en omettant de respecter ses obligations relatives à l'évaluation des risques en matière d'installations électriques.
6. Le tribunal correctionnel l'a déclarée coupable et a prononcé sur les intérêts civils.
7. La société et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [3] coupable de blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois dans le cadre du travail et de blessures involontaires avec incapacité inférieure à trois mois dans le cadre du travail, alors :
« 1°/ que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'il incombe au coordonnateur en matière de sécurité, dans la phase de réalisation de l'ouvrage, d'anticiper les situations de risque pouvant résulter des dispositions prises par les entreprises intervenant sur le chantier ; qu'il n'est pas contesté en l'espèce que la société [3], maître d'ouvrage délégué a mandaté la société [5] aux fins d'assurer la coordination en matière de sécurité et de protection de la santé du chantier au cours duquel l'intervention de plusieurs entreprises était prévue, et qu'elle a expressément sollicité le coordonnateur de sécurité, par courriel du 14 mai 2019, d'organiser au plus vite une visite d'inspection commune avec la société [1] "pour travaux électriques de raccordement d'installation, d'éclairage, de sonorisation, de chauffage pour la pelouse et de luminothérapie" ; que pour retenir néanmoins la responsabilité de la société [3] du chef de blessures involontaires, l'arrêt attaqué reproche à son dirigeant de ne pas avoir "veillé à ce que le plan général de coordination rédigé par son coordonnateur mentionne bien ce risque électrique et soit diffusé auprès de toutes les sociétés intervenantes" ; qu'en imputant ainsi au maître d'ouvrage délégué de ne pas avoir veillé à la mention du risque électrique dans le plan général de coordination quand l'obligation d'évaluation du risque électrique ne pouvait incomber qu'au seul coordonnateur de sécurité, contractuellement mandaté par le maître d'ouvrage pour procéder à cette évaluation des risques, la cour d'appel a tenu la société [3] pour responsable d'une faute imputable au seul coordonnateur, en violation des termes du contrat conclu entre la société [3] et la société [5], du principe de la responsabilité personnelle, des articles 121-1, 229-19, alinéa 1, et R. 625-2 du code pénal, des articles L. 4532-2 et suivants du code du travail ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que la contradiction ou l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte des dispositions du code du travail rappelées par l'arrêt attaqué, qu'il incombe au maître d'ouvrage de désigner un coordonnateur de sécurité pour tout chantier de bâtiment de génie civil où sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, aux fins de faire établir par ce dernier un plan général de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé, en prenant toutes les dispositions nécessaires pour lui assurer l'autorité et les moyens indispensables à l'exercice de sa mission ; qu'il résulte en l'espèce des propres énonciations de l'arrêt attaqué que le maître d'ouvrage avait bien désigné un coordonnateur de sécurité, lequel avait bien réalisé un plan général de coordination sans qu'aucun élément ne permette d'établir que le maître d'ouvrage ne lui aurait pas assuré l'autorité et les moyens nécessaires à l'exercice de sa mission ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité pénale de la société, maître d'ouvrage délégué, du chef de blessures involontaires du fait des manquements commis par le coordonnateur en violation de ses engagements contractuels et du mandat exprès qui lui avait été confié aux fins d'évaluer les risques, quand il résultait pourtant de ses propres constatations que le maître d'ouvrage n'avait commis aucun manquement aux obligations particulières de sécurité mises à sa charge par le code du travail, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'imposaient, privant de ce fait sa décision de toute base légale au regard des articles 222-19, alinéa 1, et R. 625-2 du code pénal, des articles L. 4532-4 et L. 4532-5 du code du travail, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que les articles 229-19, alinéa 1, et R. 625-2 du code pénal exigent, pour
recevoir application, qu'il soit constaté que la faute reprochée à la société prévenue ait concouru, de façon certaine, aux blessures des victimes ; que pour déclarer la société [3] coupable des délits et contravention de blessures involontaires qui lui étaient reprochées en sa qualité de maître d'ouvrage, l'arrêt attaqué relève que "si ce PCG avait été transmis à [1], et à [2] et s'il avait pris en compte le risque électrique résultant de l'intervention des employés de la société [2] sur des installations qui devaient avoir été nécessairement consignées par les employés de la SAS [1], il aurait défini un protocole permettant d'identifier précisément la cellule à consigner, les règles de sécurité à respecter et le rôle respectif de chacune des entreprises dans le but d'éviter l'accident qui s'est finalement produit" ; qu'en se déterminant ainsi par ces motifs hypothétiques, s'abstenant de prendre en considération les conclusions du rapport d'expertise selon lesquelles la survenance du dommage était exclusivement imputable à la négligence des salariés de la société [1] dans la procédure de consignation et de contrôle des équipements électriques sur lesquels travaillaient les salariés de son sous-traitant, en méconnaissance de la procédure de consignation connue de tous les intervenants, cumulée à la négligence des salariés victimes de la société [2] dans la vérification de la mise hors tension des appareils, en méconnaissance des règles élémentaires de sécurité qu'ils connaissaient parfaitement, la cour d'appel n'a pas établi en quoi l'absence de manquement dans l'évaluation du risque électrique dans le plan général de coordination, aurait nécessairement permis d'éviter la survenance de l'accident, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard des articles 222-19, alinéa 1, et R. 625-2 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Pour caractériser les fautes de la société [3] dans l'organisation de la coordination de sécurité et la déclarer coupable de blessures involontaires, l'arrêt attaqué énonce que le PGC établi le 25 avril 2019 par la société [5], en sa qualité de coordonnateur de sécurité, ne mentionnait aucun risque électrique.
10. Les juges ajoutent qu'en méconnaissance de l'article R. 4532-44 du code du travail, le PGC n'a pas été remis par la société [3] à la société [1] avant les travaux.
11. Ils relèvent qu'en application des articles L. 4532-6 et R. 4532-11 de ce code, l'intervention du coordonnateur ne modifie ni la nature ni l'étendue des responsabilités qui incombent, en application des autres dispositions du même code, à chacun des participants aux opérations de bâtiments et de génie civil et que le coordonnateur exerce ses missions sous la responsabilité du maître de l'ouvrage.
12. Ils précisent qu'il appartenait, en application de l'article R. 4532-43 dudit code, à la société [3] de s'assurer que le PGC mentionnait un risque électrique dès lors que celui-ci était manifeste, s'agissant de travaux qualifiés « d'adaptation de l'éclairage sportif de l'[4] : pelouse, sono, éclairage ».
13. Les juges retiennent que, si le PGC avait pris en compte le risque électrique lié à l'intervention des employés de la société [2] sur des installations qui devaient être préalablement mises en sécurité par la société [1] et s'il avait été transmis à ces deux sociétés, un protocole aurait permis d'identifier la cellule à mettre hors tension, les règles de sécurité à respecter et le rôle respectif de chacune des entreprises.
14. Ils en déduisent que le dirigeant de la société [3] a commis pour le compte de celle-ci des manquements à des obligations de prudence ou de sécurité prévues par la loi ou le règlement, en l'espèce les articles R.4532-43 et R. 4532-44 du code du travail, en s'abstenant d'accomplir les diligences normales qui s'imposaient compte tenu de la nature de ses missions, de ses compétences, du pouvoir et des moyens à sa disposition, puisqu'il ne pouvait ignorer la nature électrique des travaux à effectuer ni les risques associés et qu'il n'a pas veillé à ce que le PGC, rédigé par son coordonnateur, mentionne ce risque et soit diffusé auprès de toutes les entreprises intervenantes.
15. En statuant ainsi la cour d'appel a justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
16. En premier lieu, elle a caractérisé, à l'encontre du maître d'ouvrage délégué, la méconnaissance des dispositions de l'article R. 4532-44 du code du travail pour n'avoir pas remis le PGC, avant les travaux, à son cocontractant, la société [1].
17. En deuxième lieu, après avoir souverainement apprécié que le PGC devait intégrer le risque électrique inhérent à la nature des travaux en cause, elle a statué par des motifs dont il résulte qu'en application des articles L. 4532-6, R. 4532-11 et R. 4532-43 du code du travail, il appartenait au maître d'ouvrage délégué de faire remédier à l'insuffisance manifeste de ce document résultant de l'absence de prise en compte de ce risque.
18. Enfin, elle a souverainement apprécié, par des motifs dénués de tout caractère hypothétique, que ces manquements ont contribué à la survenance du dommage et a ainsi caractérisé, à l'encontre du maître d'ouvrage délégué, des fautes entrant dans les prévisions des articles 121-3, 222-19 et R. 625-2 du code pénal.
19. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
20. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [3] au paiement d'une amende de 20 000 euros pour les délits de blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois dans le cadre du travail, et au paiement d'une amende de 1 000 euros pour la contravention de blessures involontaires avec incapacité inférieure à trois mois dans le cadre du travail, alors :
« 1°/ qu'une seule peine doit être prononcée lorsque des délits et des contraventions sont compris dans la même poursuite et que les faits de la prévention procèdent d'une même action coupable ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a condamné la société [3] à deux peines d'amende, l'une d'un montant de 20 000 euros, pour les délits de blessures involontaires, l'autre, d'un montant de 1 000 euros pour la contravention de blessures involontaires ; qu'en prononçant ainsi, quand les délits de blessures involontaires et la contravention de blessures involontaires, qui procédaient d'une même action coupable, ne pouvaient être punis séparément, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des articles 132-3, 132-7, 222-19 et R. 625-2 du code pénal, et le principe ci-dessus rappelé. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 132-3, 132-7, 222-19 et R. 625-2 du code pénal :
21. En application de ces textes, une seule peine doit être prononcée lorsque des délits et des contraventions sont compris dans la même poursuite et que les faits de la prévention procèdent d'une même action coupable.
22. En condamnant la société [3] au paiement de deux amendes, d'une part, de 20 000 euros pour le délit de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois et, d'autre part, de 1 000 euros au titre de la contravention de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à trois mois, alors que ces infractions procédaient d'une même action coupable et ne pouvaient être punies séparément, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
23. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
24. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 7 novembre 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille vingt-trois.
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