vendredi 28 janvier 2022

En statuant ainsi, par des motifs inintelligibles équivalant à un défaut de motifs, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 janvier 2022




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 28 F-D

Pourvoi n° A 20-10.936






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2022

1°/ le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 11], représenté par son syndic en exercice, la société Trilogie, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ la société Rio Pantanal, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ M. [O] [F],

4°/ Mme [R] [V], épouse [F],

tous deux domiciliés [Adresse 8],

5°/ M. [Y] [EA],

6°/ Mme [I] [E], épouse [EA],

tous deux domiciliés [Adresse 7],

7°/ Mme [Z] [L], épouse [P],

8°/ M. [J] [P],

tous deux domiciliés [Adresse 6],

9°/ Mme [S] [A],

10°/ M. [C] [A],

tous deux domiciliés [Adresse 9],

11°/ M. [W] [B],

12°/ M. [D] [M], épouse [B],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

13°/ M. [X] [L],

14°/ Mme [T] [K], épouse [L],

tous deux domiciliés [Adresse 5],

15°/ M. [C] [N], domicilié [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° A 20-10.936 contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2019 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société [H], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 10], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 11], de la société Rio Pantanal, de M. et Mme [F], de M. et Mme [EA], de M. et Mme [P], de M. et Mme [A], de M. et Mme [B], de M. et Mme [L] et de M. [N], de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [H], après débats en l'audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 24 septembre 2019), la SCI Rio Pantanal, M. et Mme [F], M. et Mme [EA], M. et Mme [P], M. et Mme [A], M. et Mme [B], M. et Mme [L] et M. [N] (les acquéreurs) ont conclu avec la société civile de construction vente Les Bleuets (le vendeur) des contrats de réservation de plusieurs lots d'un bien immobilier, en l'état futur d'achèvement avec garantie intrinsèque.

2. Les actes authentiques de ventes ont été reçus le 31 décembre 2010 au profit de M. et Mme [EA], M. et Mme [P], M. et Mme [A], M. et Mme [B], M. et Mme [L] et M. [N] et le 28 mars 2012 au profit de la SCI Rio Pantanal, M. et Mme [F] par M. [H] (le notaire), associé de la SCP [H], devenue la SCP [H] (la SCP notariale).

3. Le bien immobilier n'a pas été livré à la date convenue et le vendeur a été placé en redressement puis en liquidation judiciaire.

4. Reprochant notamment au notaire d'avoir manqué à son obligation d'assurer l'efficacité des actes par lui instrumentés en attestant, à tort, que les conditions de la garantie intrinsèque d'achèvement étaient réunies ainsi qu'à son obligation d'information et de conseil, les acquéreurs et le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 11] ont assigné la SCP notariale en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

5. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

7. Pour rejeter l'ensemble des demandes des acquéreurs et du syndicat des copropriétaires, après avoir relevé que le notaire avait instrumenté les ventes du 31 décembre 2010, alors que les conditions d'application de la garantie intrinsèque n'étaient pas réunies contrairement aux ventes du 28 mars 2012, l'arrêt énonce, d'une part, qu'il ne peut être retenu de lien de causalité direct entre le manquement du notaire à son devoir d'information et quant à la réalisation de la garantie intrinsèque et l'absence d'achèvement du bien qui est la conséquence de difficultés rencontrées avec les entreprises de construction et de la liquidation judiciaire du vendeur, d'autre part, que la faute commise par le notaire dans la vérification de l'efficacité de la garantie intrinsèque a eu pour conséquence directe de priver de chance les acquéreurs de ne pas conclure le contrat de vente et le contrat de prêt immobilier mais qu'ils ne fournissent aucun élément quant à la détermination de la valeur du bien et de la perte de valeur de ce dernier et ne sont pas fondés à obtenir une indemnisation au titre de la perte de loyers, enfin, que, bien que le non-respect de l'obligation d'information du notaire sur le caractère inexistant de la garantie intrinsèque d'achèvement ait pu causer un préjudice moral aux acquéreurs, ils ne justifient pas de l'effectivité de ce dernier.

8. En statuant ainsi, par des motifs inintelligibles équivalant à un défaut de motifs, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'irrecevabilité tirée de la prescription de l'action intentée par M. et Mme [EA], M. et Mme [P], M. et Mme [A], M. et Mme [A], M. et Mme [B], M. et Mme [L] et M.[N], l'arrêt rendu le 24 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy autrement composée ;

Condamne M. [H] et la SCP [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 11], la société Rio Pantanal, M. et Mme [F], M. et Mme [EA], M. et Mme [P], M. et Mme [A], M. et Mme [B], M. et Mme [L] et M. [N]

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté le syndicat des copropriétaires, la SCI RIO PANTANAL, les consorts [F]-[V], [EA]-[E], [P]-[L], [A]-[A], [B]-[M], [L]-[K] et Monsieur [N] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la SCP [H] ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l'existence d'une faute de la SCP [H] ; à titre liminaire, i1 convient de relever que les parties s'accordent pour relever une erreur de fondement dans le jugement de première instance, en ce qu' il est fait référence à une faute contractuelle de la part du notaire, ce qui est inexact puisque ce dernier en cas de vente en état futur d'achèvement doit répondre d'une responsabilité quasi-délictuelle reposant sur l'interprétation dc l'article 1382 du code civil en sa version applicable aux faits de l'espèce ; le jugement entrepris sera ainsi infirmé à cet égard ; la recherche de responsabilité du notaire, rédacteur de l'acte, suppose la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité; deux fautes sont imputées à la société des notaires; la première porte sur 1'application de la garantie intrinsèque, la seconde relève de leur obligation d'information et de conseil ; Sur l'application de la garantie intrinsèque ; il est constant que le notaire, rédacteur d'acte doit s'assurer de l'efficacité des actes qu'il reçoit et informer les parties sur la portée de leurs engagements et ce quelles que soient les compétences des parties, en présence d'une garantie intrinsèque ; aux termes de l'article R. 261-18 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction aux faits de l'espèce, que "la garantie d'achèvement résulte de l'existence de conditions propres à l'opération lorsque cette dernière répond à l'une ou l'autre des situations suivantes : 1° Si l'immeuble est mis hors d'eau et n'est grevé d'aucun privilège, hypothèque ou gage immobilier ; 2° Si les trois conditions suivantes sont réunies : a) Les fondations sont achevées, b) Le financement de l'immeuble ou des immeubles compris dans un même programme est assuré à hauteur de 75 % du prix des ventes prévues par : - les fonds appartenant au vendeur déjà investis dans l'opération ou disponibles pour la financer, à l'exclusion des dations en paiement et des fonds issus d'emprunts, - le montant du prix des ventes déjà conclues et pour lesquelles l'acquéreur a fourni une attestation bancaire précisant qu'il dispose des fonds ou valeurs nécessaires à l'achat ou d'un crédit confirmé, - les crédits confirmés des banques ou établissements financiers habilités à faire des opérations de crédit immobilier, déduction faite des prêts transférables aux acquéreurs des logements déjà vendus. Ne sont considérés comme crédits confirmés au sens du présent article que les crédits certains, irrévocables et maintenus jusqu'à l'achèvement de l'opération. Toutefois, le taux de 75 % est réduit à 60 % lorsque le financement est assuré à concurrence de 30 % du prix des ventes par les fonds appartenant au vendeur. Pour l'appréciation du montant du financement ainsi exigé, il est tenu compte du montant du prix des ventes conclues sous la seule condition suspensive de la justification de ce financement dans les six mois suivant l'achèvement des fondations, c) Le vendeur a ouvert un compte unique, propre à l'opération, auprès d'un établissement de crédit et s'engage à y centraliser les fonds assurant le financement du ou des immeubles" ; la SCP [H] affirme que la vente est suspendue à la constitution de la garantie intrinsèque dans les six mois de l'achévement des fondations de l'immeuble et que la première condition de cette garantie, à savoir la réalisation des fondations, est satisfaite depuis [le] 26 janvier 2011 ; en l'espèce, il ressort effectivement de l'acte du 31 janvier 2011 portant constatation de réalisation de condition suspensive, que les fondations ont été achevées à la date du 26 janvier 2011 selon l'attestation du maître d'oeuvre annexée au document ; en revanche ce document n'est pas produit aux débats ; il résulte également des actes de vente en date du 31 décembre 2010 conclus par chacun des époux [EA], [P], [A], [B], [L] et M. [N] et rédigés par Me [H], à la page 6, qu'à la date du 29 décembre 2010, les fondations n'étaient pas coulées ; en l'état des éléments versés au dossier, il n'est donc pas justifié de la réalisation des fondations à la date de régularisation des actes de vente pour les époux [EA], [P], [A], [B], [L] et M. [N] ; le notaire en régularisant les actes de vente en 1'absence de l'une des conditions de la garantie intrinsèque, a par conséquent commis une faute dans l'application de l'article R. 216-18 du code de la construction et de l'habitation, ce qui a pour effet de rendre la garantie inefficace ; en ce qui concerne les lots de M. et Mme [F] et la SCI RIO PANTANAL qui ont conclu l'acte de vente le 28 mars 2012, il est indiqué dans l'acte de vente que " les biens et droits immobiliers présentement vendus en sont actuellement au stade "achèvement de la dalle haute du dernier étage" ainsi qu'il résulte d'une attestation établie par le maître d'oeuvre [X] [G] en date du 18 mai 2011 (annexe non versée aux débats) ; pour ces actes, il apparaît par conséquent, que la condition relative à la réalisation des fondations est réalisée ; concernant la seconde condition de la mise en oeuvre de la garantie intrinsèque reposant sur le montant constitué, la SCP [H] fait valoir que le promoteur justifie d'un prix de vente total pour les ventes conclues de manière définitive pour 139.000 euros et que le promoteur justifiait un financement de 600.000 euros, soit un total de 12.839000 euros, ce qui correspond à 138 % du montant de la garantie intrinsèque ; en réplique, les intimes exposent que le programme de financement ne devait pas se rattacher à un bâtiment mais à l'ensemble des deux immeubles, ces derniers ne constituant pas des entités autonomes en raison de nombreuses parties communes et de la présence d'un règlement de copropriété ; i1 résulte de l'interprétation de l'article R. 216-18 du code de la construction et de l'habitation qu'un même programme peut comporter un seul ou plusieurs immeubles, que tous les documents d'informations du projet par le promoteur "Triologie patrimoine", les actes de vente dresses par Maitre [H] présentent le projet immobilier comme un ensemble immobilier dénommé [Adresse 11], le contrat de réservation indique bien la présence de deux bâtiments de 14 logements chacun, 22 garages et 6 places de parking ; qu'au regard de ces présentations, les deux immeubles A et B visés dans le programme initié par la SCCV LES BLEUETS constitue un seul un même programme et non pas des tranches comportant une entité autonome comme le présente l'appelante ; il ressort également du document de constatation de réalisation de la condition suspensive en date du 31 janvier 2011 que le notaire atteste de la réalisation du financement de la part de la société LES BLEUETS ; toutefois, selon les actes de vente en date du 31 janvier 2010 conclus par les époux [EA], [P], [A], [B], [L] et M. [N], que [sic] le prix de vente prévu pour tout 1'immeuble B dont dépendent les lots vendu s'élève à la somme d'un 1.776.000 euros et le vendeur justifie aussi avoir le financement à concurrence de la somme de 600.000 euros; ainsi, le financement ne concerne que le bâtiment, B, aucune vente n'est accordée ni aucun financement n'est mentionné pour le bâtiment A ; en revanche selon les actes de vente établis le 28 mars 2012 pour les époux [F] et la SCI RIO PANTANAL, Maître [H] a constaté la réalisation à titre définitif de diverses ventes dans l'opération immobilière objet des présentes, pour un montant au moins égal à la somme de 957.000 euros, somme supérieure au montant minimum exigé, ce qui permet l'application de la garantie intrinsèque ; dès lors que ces actes ne comportent pas de précision quant à l'affectation des fonds sauf à ce qu'elles concernent l'opération immobilière sans distinction, il en résulte que la garantie intrinsèque répond pour ces actes au montant du financement ; par conséquent, les conditions de l'article R. 261-18 du code de la construction et de l'habitation sont réunies à cet égard ; Sur l'obligation d'information et de conseil du notaire ; les intimés reprochent également au notaire d'avoir manqué à ses obligations d'information et de conseil et partant d'avoir engagé sa responsabilité délictuelle ; en réponse, la SCP [H] affirme avoir respecté son obligation d'autant plus que M. [F], gérant de la SCP PANTANAL, est 1'agent immobilier chargé de la commercialisation du programme et que les époux [F], parent de ce dernier, peuvent être considérés comme avertis tout comme les époux [EA] puisque M. [EA] exerce la profession de négociateur immobilier ; il résulte de l'interprétation de l'article 1382 du code civil en sa version applicable aux faits de l'espèce, que le notaire est tenu, dans le cadre de ses obligations générales qui incombent au rédacteur d'un acte, d'accomplir toutes les diligences afin d'être en mesure d'informer les parties sur son efficacité juridique ; que s'agissant d'une vente en l'état futur d'achèvement, contrat soumis à une règlementation spécifique et particulièrement technique pour un acheteur profane, l'information due à celui-ci a notamment pour objet de lui permettre de donner son consentement en parfaite connaissance de cause, compte tenu de la probabilité, inhérente à la nature même de l'opération de non achèvement des travaux ; en l'espèce, il est mentionné dans les actes de vente du 31 janvier 2010 qu'en application de l'article R. 261-20 du code de la construction et dc l'habitation, l'acheteur reconnaît être averti de la teneur de la garantie d'achèvement fournie ; en outre, ces actes reproduisent les articles R. 261-17, R. 261-18, R. 261-20, R. 261-21 et R. 261-24 du code de la construction et de l'habitation ; néanmoins, les acquéreurs à l'exception de la SCI PANTANAL et des époux [F] n'étaient pas présents à la signature de l'acte mais étaient représentés par un clerc de notaire ; il appartenait alors au notaire d'insister auprès d'eux sur l'importance de leur présence pour leur expliquer la complexité du mécanisme et d'attirer leur attention par tout moyen sur le caractère limite de la garantie intrinsèque ; qu'outre la mention dans les actes de vente, le notaire ne prouve aucune diligence en ce sens d'autant plus qu'il a été démontré que les conditions de cette garantie n'étaient pas réunies au moins partiellement, il y a lieu de considérer que le notaire a manqué à son obligation d'information pour tous les acquéreurs, étant précisé que les notaires ne justifient pas en quoi les époux [F] et M. [N] ainsi que les époux [EA] aient des compétences particulières en la matière, sauf mention de leur profession ; la faute des notaires a généré pour les acquéreurs un préjudice, résultant de ce qu'en l'absence d'achèvement de l'immeuble et d'une garantie intrinsèque, ils ont acquis un bien inachevé pour lequel ils ont contracté un emprunt qu'ils remboursent et ne tirent pas de celui-ci les revenus annoncés ; dès lors la responsabilité de la SCP [H] est engagée à raison de leur faute et des dommages causés ; en conséquence, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a retenu une faute imputable à Maîtres [H] et [U] ; Sur l'évaluation des préjudices ; les acquéreurs demandent une indemnisation de 395.617 euros au titre du surcoût lié à l'absence de livraison des ouvrages dans les délais convenus, mais aussi une somme relative à la perte de loyer de chacun et des somme liées à la mise en location des biens ; or comme le soulève la SCP [H], il ne peut être retenu de lien de causalité direct entre le manquement du notaire à son devoir d'information et quant à la réalisation de la garantie intrinsèque et l'absence d'achèvement du bien qui est la conséquence de difficultés rencontrées avec les entreprises de construction mais aussi de la liquidation judiciaire de la SCCV LES BLEUETS par jugement du 7 avril 2017 ; dès lors, le jugement de première instance accordant cette indemnisation sous réserve d'une évaluation par expertise judiciaire sera infirmé ; ainsi la demande du syndicat de copropriétaires et des acquéreurs portant sur une indemnisation de 395.617 euros, correspondant au surcout lié à l'absence de livraison des ouvrages dans les délais convenus, sera rejetée ; en revanche, la faute commise par le notaire dans la vérification de l'efficacité de la garantie intrinsèque a eu pour conséquence directe de priver de chance les acquéreurs de ne pas conclure le contrat de vente et le contrat de prêt immobilier ; or, le syndicat de copropriété, ainsi que les acquéreurs ne fournissent aucun élément quant à la détermination de la valeur du bien et de la perte de valeur de ce dernier ; le jugement de première instance a ordonné une mesure d'expertise judiciaire ; cependant, en application de l'article 146 alinéa 2 du code dc procédure civile, " en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve"; dès lors, le jugement de première instance ordonnant une mesure d'expertise quant à l'évaluation des chefs de préjudices financiers subis par les demandeurs sera infirmé ; en l'absence d'éléments probants, leur demande d‘indemnisation sera rejetée ; en outre, la cour rejettera la demande au titre de la perte de loyers puisqu'il convient de considérer que si la perte de chance est celle de ne pas avoir contracté et qu'en l'absence d'acquisition, il n'y aurait pas eu de perception de loyer, les acquéreurs ne sont pas fondés à obtenir une indemnisation à ce titre ; enfin, bien que le non-respect de l'obligation d'information du notaire sur le caractère inexistant de la garantie intrinsèque d'achèvement ait pu causer un préjudice moral aux acquéreurs, ces derniers ne justifient pas de l'effectivité de ce dernier, ce qui justifie de les débouter de ce chef ; en conséquence, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 11], la SCI RIO PANTANAL, M. [O] [F] et son épouse [R] [V], [Y] [EA] et son épouse [I] [E], [J] [P] et son épouse [Z] [L], [C] [A] et son épouse [S] [A], [W] [B] et son épouse [D] [M], [X] [L] et son épouse [T] [K] et [C] [N] seront déboutés de l'ensemble dc leurs demandes à l'encontre de la SCP [H] » (arrêt pp. 10 à 14) ;

1/ ALORS QUE le notaire est tenu d'assurer l'efficacité de l'acte qu'il instrumente ; que la faute commise par le notaire, qui régularise des actes de vente prévoyant une garantie intrinsèque, destinée à pallier la défaillance du vendeur d'immeuble en l'état futur d'achèvement, sans s'assurer que sont réunies les conditions de cette garantie, est en relation de causalité directe avec le préjudice subi par les copropriétaires-acquéreurs et le syndicat de copropriétaires qui, du fait de la défaillance ultérieure du vendeur, et de l'inefficacité de la garantie intrinsèque, ne peuvent obtenir l'achèvement de l'immeuble sans exposer un important surcoût ; que, pour écarter la responsabilité de la SCP [H] et débouter le syndicat de copropriétaires et les copropriétaires de leur demande indemnitaire à hauteur de 395.617 €, correspondant au coût des travaux nécessaires pour terminer l'ouvrage, la cour d'appel affirme qu'il ne peut être retenu de lien de causalité direct entre le manquement du notaire quant à la réalisation de la garantie intrinsèque, et l'absence d'achèvement du bien qui est la conséquence de difficultés rencontrées avec les entreprises de construction mais aussi de la liquidation judiciaire de la SCCV LES BLEUETS (arrêt p. 13) ; qu'en statuant ainsi, quand la faute commise par le notaire, dont elle constatait qu'il ne s'était pas assuré de la réunion des conditions légales de la garantie intrinsèque au jour de la régularisation des actes de vente, et donc de l'efficacité de cette garantie (arrêt p. 11), était en lien de causalité avec le préjudice subi par le syndicat de copropriétaires et les copropriétaires qui, du fait que cette garantie contractuellement prévue était inefficace, n'avaient pu pallier la défaillance de la SCCV LES BLEUETS et obtenir l'achèvement de l'immeuble, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

2/ ALORS QUE le notaire est tenu d'assurer l'efficacité de l'acte qu'il instrumente ; que la faute commise par le notaire, qui régularise des actes de vente prévoyant une garantie intrinsèque d'achèvement sans s'assurer de la réunion des conditions de cette garantie, qui a pour objet de pallier la défaillance du vendeur d'immeuble en l'état futur d'achèvement, est en relation de causalité directe avec les préjudices subis par les acquéreurs qui, du fait de la défaillance du vendeur et de l'inefficacité de la garantie contractuellement prévue, exposent des frais importants liés au remboursement de leur emprunt immobilier (intérêts intercalaires et frais d'assurance), mais ne bénéficient ni des revenus attendus des loyers des biens acquis, ni des avantages fiscaux attendus de l'opération ; que, pour débouter les copropriétaires de leurs demandes indemnitaires à ce titre, la cour d'appel énonce que la faute commise par le notaire dans la vérification de l'efficacité de la garantie intrinsèque a eu pour conséquence directe de « priver de chance les acquéreurs de ne pas conclure le contrat de vente et le contrat de prêt immobilier » (arrêt p. 14) ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait par ailleurs que la faute des notaires avait généré pour ces acquéreurs un préjudice résultant de ce qu'en l'absence d'achèvement de l'immeuble et d'une garantie intrinsèque, ils avaient acquis un bien inachevé pour lequel ils avaient contracté un emprunt qu'ils remboursaient et ne tiraient pas de celui-ci les revenus annoncés (arrêt p. 13), ce dont il résultait que le préjudice subi par les acquéreurs, en relation de causalité avec le manquement du notaire à son obligation d'assurer l'efficacité de l'acte qu'il instrumente, ne pouvait se limiter à une perte de chance de ne pas conclure le contrat, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et elle a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

3/ ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies ; que la cour d'appel constate que la faute des notaires avait généré pour les acquéreurs un préjudice résultant de ce qu'en l'absence d'achèvement de l'immeuble et d'une garantie intrinsèque, ils avaient acquis un bien inachevé pour lequel ils avaient contracté un emprunt qu'ils remboursaient et ne tiraient pas de ce bien les revenus annoncés (arrêt p. 13), ainsi qu'une perte de chance de ne pas signer les contrats de vente et de prêt immobilier (arrêt p. 14) ; qu'en affirmant toutefois, pour refuser d'indemniser ces préjudices, que le syndicat de copropriétaires et les copropriétaires ne fournissaient aucun élément quant à la détermination de la valeur du bien et de la perte de valeur de ce dernier, et qu'en l'absence d'éléments probants, leur demande d'indemnisation devait en conséquence être rejetée, la cour d'appel, qui a refusé de statuer sur l'indemnisation de préjudices dont elle constatait l'existence, a violé l'article 4 du code civil.

4/ ALORS QUE le juge qui constate l'existence d'un préjudice moral ne peut refuser de le réparer au prétexte d'une insuffisance de preuve ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui constate elle-même que le non-respect de l'obligation d'information du notaire sur le caractère inexistant de la garantie intrinsèque d'achèvement a pu causer un préjudice moral aux acquéreurs, ne pouvait les débouter de ce chef au prétexte que « ces derniers ne justifient pas de l'effectivité de ce dernier » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 4 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2022:C100028

Délaissement, par le juge, des dernières conclusions et d'une nouvelle pièce = violation des articles 455, alinéa 1er, et 954, alinéas 3 et 4, du code de procédure civile

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 janvier 2022




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 33 F-D

Pourvoi n° C 20-10.961








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2022

1°/ M. [R] [F], domicilié [Adresse 4],

2°/ Mme [X] [F], épouse [S], domiciliée [Adresse 6],

3°/ M. [W] [F], domicilié [Adresse 5],

4°/ Mme [Y] [F], domiciliée [Adresse 3],

5°/ Mme [T] [F], domiciliée [Adresse 4],

6°/ M. [C] [F], domicilié [Adresse 1],

agissant tous six tant en leur nom personnel qu'en qualité d'héritiers de [D] [F],

ont formé le pourvoi n° C 20-10.961 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2019 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige les opposant à Mme [B] [I], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de MM. [R], [W], [C] [F] et de Mmes [X], [Y] et [T] [F], de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [I], après débats en l'audience publique du 16 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 19 novembre 2019) et les productions, le 6 juin 1995, [D] [F] et Mme [I] ont acquis en indivision, à concurrence des trois-quarts pour [D] [F] et d'un quart pour Mme [I], un terrain et une maison d'habitation.

2. Des difficultés étant survenues lors de la liquidation et du partage de l'indivision, [D] [F] a assigné Mme [I] en partage.

3. [D] [F] est décédé le 15 juin 2014, en laissant pour lui succéder ses six enfants, [R], [X], [W], [Y], [T] et [C] (les consorts [F]), qui sont intervenus volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Les consorts [F] font grief à l'arrêt, homologuant en tous points le rapport de l'expert judiciaire, de dire qu'ils sont redevables envers Mme [I] de la somme de 45 659 euros au titre de l'indemnité d'occupation, qu'ils ne sont créanciers envers l'indivision au titre du financement du bien immobilier commun que de la somme de 102 336,39 euros et, en conséquence, redevables, après compensation, de la somme de 82 421 euros au bénéfice de Mme [I], condamnant, en tant que besoin, ceux-ci au paiement de ladite somme, et de rejeter leurs demandes plus amples ou contraires, dont celle au titre de la plus-value que [D] [F] avait apportée au bien indivis, alors « qu'en se déterminant au visa des conclusions déposées par les consorts [F] le 26 septembre 2017, quand ceux-ci avaient fait signifier et déposer via le « réseau privé virtuel avocat », le 21 septembre 2018, leurs dernières conclusions datées du 17 septembre 2018, aux termes desquelles ils fondaient leur argumentation sur une nouvelle pièce régulièrement versée aux débats via le même réseau (pièce n° 88, facture ARCA du 30/12/1994 « diagnostic pour la réhabilitation d'une villa (devis) »), la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs dont il ne résulte pas qu'elle a pris en considération ces dernières conclusions et cette nouvelle pièce, a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 455, alinéa 1er, et 954, alinéas 3 et 4, du code de procédure civile :

5. Il résulte de ces textes que, s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date.

6. La cour d'appel s'est prononcée au visa des conclusions déposées le 26 septembre 2017 par les consorts [F].

7. En statuant ainsi, sans se référer aux nouvelles conclusions déposées le 21 septembre 2018 par les consorts [F] et à la production d'une nouvelle pièce le 24 septembre 2018, la cour d'appel, qui ne les a pas prises en considération dans sa motivation, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage, homologue le rapport d'expertise judiciaire en ce qu'il évalue le bien immobilier indivis à la somme de 246 000 euros hors droits et frais, dit que la masse active de l'indivision est fixée à la somme de 246 000 euros, dit que Mme [I] est créancière envers l'indivision de la somme de 25 936,11 euros au titre du financement du bien immobilier « commun » et rejette la demande de dommages-intérêts de Mme [I], l'arrêt rendu le 19 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France autrement composée ;

Condamne Mme [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [I] et la condamne à payer à Mme [X] [S], MM. [W], [R] et [C] [F] et Mmes [Y] et [T] [F] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour MM. [R], [W], [C] [F] et Mmes [X], [Y] et [T] [F]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir, homologuant en tous points le rapport de l'expert judiciaire, dit que les consorts [F] étaient redevables envers Mme [I] de la somme de 45.659 € au titre de l'indemnité d'occupation, dit qu'ils n'étaient créanciers envers l'indivision au titre du financement du bien immobilier commun que de la somme de 102.336,39 €, et en conséquence, redevables, après compensation, de la somme de 82.421 € au bénéfice de Mme [I], condamnant, en tant que besoin, ceux-ci au paiement de ladite somme, et débouté les consorts [F] de leurs demandes plus amples ou contraires, dont celle au titre de la plus-value que M. [D] [F] avait apportée au bien indivis ;

aux motifs que « sur l'indemnité d'occupation, les parties n'ont pas remis en cause la valeur locative telle qu'évaluée par l'expert immobilier commis ; que ce dernier l'a ainsi fixée à la somme de 1.100 euros par mois, valeur de juillet 2013 et selon indice ; que dans ces conditions, la cour confirme les termes du jugement entrepris de ce chef ; qu'il appartiendra donc au notaire de calculer le montant de cette indemnité d'occupation suivant les bases indiquées ; que sur la participation au financement du bien immobilier, les consorts [F] indiquent dans leurs écritures que « par souci d'apaisement, ils acceptent le montant fixé par l'expert, soit 25.936,00 euros » ; qu'ils ne soulèvent donc plus de contestation de ce chef et le jugement est donc confirmé de ce chef ; que sur la plus-value réclamée par les consorts [F], aux termes de l'article 815-13 du code civil, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation ; que les premiers juges ont rejeté la demande formée par les consorts [F] au titre d'une plus-value que leur auteur aurait apporté au bien du fait des travaux d'amélioration réalisés dans l'immeuble pendant son occupation ; que s'ils produisent quantité de factures à ce propos, il n'est pas démontré que les travaux ainsi réalisés sur une longue période aient consisté en des améliorations à l'existant ; qu'à la lecture de ces documents, il peut aussi bien s'agir de travaux de conservation et d'entretien ou de simples réparations ; que les consorts [F], en charge de la preuve, n'établissent donc pas la véracité de leurs dires ; que le jugement entrepris doit donc être à nouveau confirmé de ce chef » ;

alors qu'en se déterminant au visa des conclusions déposées par les consorts [F] le 26 septembre 2017, quand ceux-ci avaient fait signifier et déposer via le « réseau privé virtuel avocat », le 21 septembre 2018, leurs dernières conclusions datées du 17 septembre 2018, aux termes desquelles ils fondaient leur argumentation sur une nouvelle pièce régulièrement versée aux débats via le même réseau (Pièce n° 88, Facture ARCA du 30/12/1994 « diagnostic pour la réhabilitation d'une villa (devis) »), la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs dont il ne résulte pas qu'elle a pris en considération ces dernières conclusions et cette nouvelle pièce, a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir, homologuant en tous points le rapport de l'expert judiciaire, dit que les consorts [F] étaient redevables envers Mme [I] de la somme de 45.659 € au titre de l'indemnité d'occupation et débouté les consorts [F] de leurs demandes plus amples ou contraires ;

aux motifs que « par jugement du 24 novembre 2009, confirmé en appel, le tribunal a fixé à la charge de M. [D] [F] une indemnité d'occupation à compter du 1er avril 1996 et égale au quart de la valeur locative de l'immeuble ; que cette disposition a autorité de la chose jugée ; que les parties n'ont pas remis en cause la valeur locative telle qu'évaluée par l'expert immobilier commis ; que ce dernier l'a ainsi fixée à la somme de 1.100 euros par mois, valeur de juillet 2013 et selon indice ; que dans ces conditions, la cour confirme les termes du jugement entrepris de ce chef ; qu'il appartiendra donc au notaire de calculer le montant de cette indemnité d'occupation suivant les bases indiquées » ;

alors 1°/ que le juge qui dénature les termes des conclusions des parties méconnaît les termes du litige ; qu'en l'espèce, dans leurs dernières conclusions d'appel, les consorts [F] contestaient expressément la valeur locative retenue par l'expert pour la période antérieure à 2003 compte tenu du mauvais état de la maison et de son caractère inhabitable avant et pendant les travaux de réhabilitation ; qu'en retenant, pour fixer la valeur locative du bien indivis à la somme de 1.100 € par mois à compter du 1er avril 1996, que les parties n'avaient pas remis en cause la valeur locative telle qu'évaluée par l'expert, la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions des consorts [F], a méconnu les termes du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;

alors 2°/ qu'en tout état de cause, la valeur locative d'un immeuble s'apprécie en fonction d'un certain nombre de paramètres, dont l'état d'usage de celui-ci ; qu'en l'espèce, les consorts [F] se prévalaient en cause d'appel d'une facture de la société ARCA, Ingénieurs-Concepteurs-Constructeurs, concernant un « diagnostic pour la réhabilitation d'une villa (devis) » du 31 décembre 1994 (pièce n° 88) pour établir le mauvais état de la bâtisse au jour de l'acquisition et la nécessité d'engager des travaux pour une complète réhabilitation de celle-ci ; qu'en fixant la valeur locative du bien indivis à la somme mensuelle de 1.100 €, telle que fixée par l'expert, du 1er avril 1996 jusqu'au jour du partage, sans rechercher, ainsi qu'il lui était expressément demandé, si la valeur locative ne devait pas, au vu de cette nouvelle pièce, être évaluée pour la période allant du 1er avril 1996 à fin 2003, date à laquelle M. [D] [F] avait pu emménager dans la maison pour la première fois, en tenant compte du fait qu'au cours de cette période la maison avait été inhabitable et qu'elle avait fait l'objet de lourds travaux de réhabilitation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 815-9 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir, homologuant en tous points le rapport de l'expert judiciaire, dit que les consorts [F] n'étaient créanciers envers l'indivision que de la somme de 102.336,39 € au titre du financement du bien immobilier commun et débouté les consorts [F] de leurs demandes plus amples ou contraires ;

aux motifs que « sur la participation au financement du bien immobilier : les consorts [F] indiquent dans leurs écritures que « par souci d'apaisement, ils acceptent le montant fixé par l'expert, soit 25.936,00 euros » ; qu'ils ne soulèvent donc plus de contestation de ce chef et le jugement est donc confirmé de ce chef » ;

alors 1°/ que le juge qui dénature les termes des conclusions des parties méconnaît les termes du litige ; qu'en l'espèce, dans leurs dernières conclusions d'appel, les consorts [F] contestaient expressément la solution retenue par le premier juge consistant à avoir fixé la participation de M. [D] [F] dans le financement du bien immobilier indivis à hauteur de seulement de la somme de 102.946,19 € et se prévalaient d'un apport personnel supplémentaire de 32.443,59 € dont il n'avait pas été tenu compte ; que, pour confirmer le jugement en ce qu'il avait dit que les consorts [F] n'étaient créanciers envers l'indivision que de la somme de 102.336,39 € au titre du financement du bien immobilier commun, la cour d'appel a retenu que ceux-ci ne soulevaient plus de contestation relative la participation au financement de ce bien ; que ce faisant, la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions des consorts [F], a méconnu les termes du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;

alors 2°/ que le juge qui dénature les termes des conclusions des parties méconnaît les termes du litige ; qu'en l'espèce, dans leurs dernières conclusions d'appel, les consorts [F] demandaient expressément de voir dire que Mme [I] était redevable à leur égard de la somme de 15.004,79 € au titre du solde de la participation au financement du bien indivis ; que pour débouter les consorts [F] de cette demande, la cour d'appel a retenu que ceux-ci ne soulevaient plus de contestation relative à la participation au financement de ce bien ; que ce faisant, la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions des consorts [F], a méconnu les termes du litige et ainsi violé encore à ce titre l'article 4 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir, homologuant en tous points le rapport de l'expert judiciaire, débouté les consorts [F] de leur demande au titre de la plus-value que M. [D] [F] avait apportée au bien du fait des travaux d'amélioration réalisés dans l'immeuble ;

aux motifs que « les premiers juges ont rejeté la demande formée par les consorts [F] au titre d'une plus-value que leur auteur aurait apporté au bien du fait des travaux d'amélioration réalisés dans l'immeuble pendant son occupation ; que s'ils produisent quantité de factures à ce propos, il n'est pas démontré que les travaux ainsi réalisés sur une longue période aient consisté en des améliorations à l'existant ; qu'à la lecture de ces documents, il peut aussi bien s'agir de travaux de conservation et d'entretien ou de simples réparations ; que les consorts [F], en charge de la preuve, n'établissent donc pas la véracité de leurs dires ; que le jugement entrepris doit donc être à nouveau confirmé de ce chef » ;

alors que les juges du fond ne peuvent rejeter la demande d'une partie sans examiner les pièces qu'elle verse aux débats au soutien de ses prétentions ; qu'en l'espèce, les consorts [F] versaient aux débats en cause d'appel une facture de la société ARCA, Ingénieurs-Concepteurs-Constructeurs, concernant le « diagnostic pour la réhabilitation d'une villa (devis) », établie le 31 décembre 1994 (pièce d'appel n° 88) ; qu'en retenant que les consorts [F] ne démontraient pas que les travaux réalisés sur une longue période avaient consisté en des améliorations à l'existant sans viser ni analyser ladite facture de laquelle il résultait que le montant des travaux de réhabilitation représentaient plus de 50 % du prix d'achat, la cour d'appel a privé sa décision de motif et ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile.

CINQUIEME MOYEN (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir, homologuant en tous points le rapport de l'expert judiciaire, dit que les consorts [F] étaient redevables, après compensation, de la somme de 82.421 € au bénéfice de Mme [I] condamnant, en tant que besoin, ceux-ci au paiement de ladite somme, et débouté les consorts [F] de leurs demandes plus amples ou contraires ;

aux motifs éventuellement adoptés que « Monsieur [F] est créancier envers l'indivision des sommes suivantes : 102.336,39 euros au titre du financement, 74.424 euros au titre des travaux et taxes pris en charge ; que Monsieur [F] est débiteur envers Madame [I] de la somme suivante :

45.659 euros au titre de l'indemnité d'occupation ; que Madame [I] est créancière envers l'indivision de la somme de 25.936,11 euros au titre du financement ; qu'en tenant compte des éléments développés ci-dessus, il convient de réaliser les comptes et compensations entre les parties, étant précisé que Monsieur [F] doit la somme de 61.500 euros à Madame [I] en raison de l'attribution préférentielle du bien (un quart de la valeur du bien) ; qu'en reprenant le tableau n°1 réalisé par l'expert en corrigeant le montant de l'indemnité d'occupation, les consorts [F] doivent la somme de 82.421 euros à Madame [I] après compensation ; qu'ils seront condamnés à payer cette somme à compter de la signification du présent jugement et ce avec intérêt au taux légal » ;

alors qu'en se bornant à affirmer qu'en reprenant « le tableau n°1 » réalisé par l'expert en corrigeant le montant de l'indemnité d'occupation, les consorts [F] restaient redevables, après compensation, de la somme de 82.421 € au bénéfice de Mme [I], quand il est impossible d'identifier « le tableau n°1 » sur lequel elle a entendu se fonder et sans expliquer comment elle était parvenue à ce résultat, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2022:C100033

La responsabilité délictuelle étant d'ordre public, son application ne peut être limitée ou neutralisée contractuellement par anticipation

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2022




Cassation


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 56 F-D

Pourvoi n° S 20-13.619




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 19 JANVIER 2022

La société Nouvelle ILL, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], exerçant sous l'enseigne ILL immobilier, a formé le pourvoi n° S 20-13.619 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2019 par la cour d'appel de Reims (1re chambre civile, section instance), dans le litige l'opposant :

1°/ à [F] [Y], ayant été domicilié [Adresse 6] (Belgique), décédé,

2°/ à Mme [R] [U], épouse [Y], domiciliée [Adresse 6] (Belgique),

3°/ à Mme [T] [Y], domiciliée [Adresse 2] (Belgique),

4°/ à Mme [K] [Y], domiciliée [Adresse 5] (Belgique),

5°/ à M. [M] [Y], domicilié [Adresse 4] (Belgique),


6°/ à Mme [W] [Y], domiciliée [Adresse 6] (Belgique),

venant tous cinq aux droits de [F] [Y] décédé,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société Nouvelle ILL, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 22 novembre 2019), par acte sous seing privé du 29 novembre 2013, M. et Mme [Y] ont confié à la société Nouvelle ILL (l'agent immobilier) un mandat de recherche portant sur des murs et un fonds de commerce.

2. Le 14 janvier 2014, ils ont signé deux promesses de vente portant sur un fonds de commerce et sur des murs mitoyens. La vente ne s'est pas réalisée, M. et Mme [Y] ayant fait valoir qu'ils n'avaient pas obtenu le financement nécessaire.

3. Le 20 septembre 2017, l'agent immobilier les a assignés en paiement de dommages-intérêts, sur le fondement de leur responsabilité civile délictuelle.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. L'agent immobilier fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que les règles gouvernant la responsabilité civile délictuelle, qui sont d'ordre public, ne peuvent être neutralisées contractuellement par anticipation, de sorte que sont dépourvues de tout effet les clauses ayant pour objet ou pour effet d'atténuer la responsabilité civile délictuelle des parties à une convention ou de restreindre les conditions de sa mise en oeuvre ; qu'en faisant néanmoins produire effet à des clauses qui, telles qu'interprétées par ses soins, restreindraient par avance le droit de l'agent immobilier à obtenir réparation, sur le fondement des règles gouvernant la responsabilité civile délictuelle, du préjudice par lui subi en cas de défaillance, par la faute de l'acquéreur, de la condition suspensive relative à l'obtention d'un financement, la cour d'appel a violé les articles 1240 et 1241 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241, du code civil :

5. Ces textes régissant la responsabilité délictuelle étant d'ordre public, leur application ne peut être limitée ou neutralisée contractuellement par anticipation.

6. Pour rejeter les demandes de l'agent immobilier, l'arrêt retient que les stipulations des deux promesses de vente prévoient que l'indemnisation du mandataire pour le préjudice causé par la faute de l'acquéreur défaillant est subordonnée à ce que le vendeur ait lui-même agi, avec succès, devant le tribunal compétent aux fins de déclarer la condition suspensive du prêt réalisée et que ces dispositions interdisent à l'agent immobilier de contourner ces conditions par le recours au mécanisme de la responsabilité délictuelle.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Amiens ;

Condamne M. et Mme [Y] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux, et signé par lui et Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur référendaire empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour la société Nouvelle ILL.

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté l'ensemble des demandes de la société Nouvelle ILL, lesquelles tendaient principalement à la condamnation des époux [Y] à lui payer une somme de 7.000 € à titre de dommagesintérêts en réparation de la perte d'une chance de percevoir une commission ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi » ; que l'article 1162 de ce même code dans cette même rédaction dispose par ailleurs : « dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation » ; que les deux conventions de vente de biens et droits immobiliers sous condition suspensive proposées à la signature des parties par la société Nouvelle ILL contiennent au titre de la « non réalisation de la condition suspensive » la stipulation suivante : « si la condition suspensive n'est pas réalisée dans le délai prévu au § F, sans que ce défaut incombe à l'acquéreur et sauf renonciation par ce dernier à ladite condition dans la forme prévue au § J, chacune des parties retrouvera sa pleine et entière liberté sans indemnité de part et d'autre ; dans ce cas tout versement effectué par l'acquéreur lui sera immédiatement et intégralement restitué. En revanche, si la nonobtention des prêts a pour cause la faute, la négligence, la passivité, la mauvaise foi ou tout abus de droit de l'acquéreur comme en cas de comportement ou de réticences de nature à faire échec à l'instruction des dossiers ou à la conclusion des contrats de prêts, le vendeur pourra demander au tribunal de déclarer la condition suspensive de prêt réalisée, en application de l'article 1178 du code civil avec attribution de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'immobilisation abusive des biens à vendre ; que dans cette éventualité, l'acquéreur devra également indemniser le mandataire du préjudice causé par cette faute et le séquestre ne pourra se dessaisir des fonds qui lui sont confiés que d'un commun accord entre les parties ou en vertu d'une décision de justice devenue définitive » ; que les époux [Y], signataires des deux compromis de vente litigieux, avaient désigné par acte du 29 novembre 2013 la société Nouvelle ILL mandataire dans le cadre d'un mandat de recherche relatif à des murs et un commerce de restauration situé à [Localité 3] pour le prix maximum souhaité de 220.000 € ; que la société Nouvelle ILL était également mandataire du vendeur ; que les stipulations ci-dessus reproduites – qui ne réservent pas l'hypothèse d'une action en responsabilité délictuelle – doivent, par application de l'article 1162 du code civil ci-dessus rappelé être interprétées en ce sens que l'indemnisation du mandataire pour le préjudice causé par la faute de l'acquéreur défaillant est subordonnée à ce que le vendeur ait lui-même agi, avec succès, devant le tribunal compétent aux fins de déclarer la condition suspensive du prêt réalisée ; qu'une interprétation de bonne foi de ces stipulations qui résultent d'un document contractuel établi par l'agent mandataire lui-même interdit à celui-ci de pouvoir contourner les conditions ainsi stipulées par le recours au mécanisme de la responsabilité délictuelle ; que c'est ainsi à juste titre que les époux [Y], dans leurs conclusions devant la cour, font valoir que les conditions d'application de la condition suspensive, stipulée au seul bénéfice – du moins au bénéfice principal – de l'acquéreur, ne sont pas réunies faute pour celui-ci d'avoir agi en réalisation de ladite clause ; qu'il résulte de l'ensemble de ces observations que le jugement doit être réformé, l'ensemble des demandes de la société Nouvelle ILL devant être rejetées ;

1/ ALORS QUE les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et ne peuvent nuire aux tiers ; qu'en déboutant la société Nouvelle ILL, agent immobilier, de son action en responsabilité civile délictuelle tendant à la réparation du préjudice qu'elle subissait en raison de la faute commise par les acquéreurs, qui avait empêché la réalisation de la conditions suspensives qui assortissait les compromis de vente conclus par son entremise, motif pris de clauses figurant dans ces mêmes compromis qui, telles que librement interprétées par ses soins, subordonneraient une telle action en responsabilité à la condition que le vendeur ait lui-même préalablement agi avec succès contre les acquéreurs, quand l'agent immobilier, fût-il le rédacteur de ces compromis, ne pouvait être assimilé à une partie à ces actes et n'était donc pas lié par des clauses de nature à restreindre son droit d'ester en réparation, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2/ ALORS QU' en tout état de cause, les règles gouvernant la responsabilité civile délictuelle, qui sont d'ordre public, ne peuvent être neutralisées contractuellement par anticipation, de sorte que sont dépourvues de tout effet les clauses ayant pour objet ou pour effet d'atténuer la responsabilité civile délictuelle des parties à une convention ou de restreindre les conditions de sa mise en oeuvre ; qu'en faisant néanmoins produire effet à des clauses qui, telles qu'interprétées par ses soins, restreindraient par avance le droit de l'agent immobilier à obtenir réparation, sur le fondement des règles gouvernant la responsabilité civile délictuelle, du préjudice par lui subi en cas de défaillance, par la faute de l'acquéreur, de la condition suspensive relative à l'obtention d'un financement, la cour d'appel a violé les articles 1240 et 1241 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2022:C100056

Le juge ne peut modifier les termes du litige

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 janvier 2022




Cassation partielle
sans renvoi


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 14 F-D

Pourvoi n° V 20-12.564




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JANVIER 2022

Mme [U] [M], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-12.564 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2019 par la cour d'appel de Cayenne (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Caisse générale de sécurité sociale (CGSS) de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 5],

2°/ à l'association [3], centre de prévention santé, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [M], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse générale de sécurité sociale (CGSS) de [Localité 4], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 8 novembre 2019), Mme [M] (la salariée) a transmis le 17 mars 2016 à l'association [3] (l'employeur) et à la Caisse générale de sécurité sociale de [Localité 4] (la caisse) un certificat médical d'accident du travail du 16 mars 2016 et a souscrit le 3 novembre 2016 une déclaration d'accident, transmise à la caisse le 4 novembre 2016, décrivant un accident du travail du 15 mars 2016, puis a adressé à la caisse le 16 décembre 2016 un second certificat médical initial.

2. La caisse ayant refusé le 2 mars 2017 de prendre en charge son affection au titre de la législation professionnelle, la salariée a saisi une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la caisse la somme de 1 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile alors « que l'objet du litige est fixé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel, reprises oralement à l'audience, la caisse n'a sollicité, au titre des frais irrépétibles, aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en condamnant la salariée à payer à la caisse une somme de 1 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

5. Il résulte de ce texte que le juge ne peut modifier les termes du litige.

6. L'arrêt condamne la salariée à payer à la caisse la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

7. En statuant ainsi, alors que la caisse n'avait pas formé de demande au titre des frais irrépétibles, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors qu'elle peut être opérée par voie de retranchement.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il condamne Mme [M] à payer à la Caisse générale de sécurité sociale de [Localité 4] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 8 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Cayenne ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la Caisse générale de sécurité sociale de [Localité 4] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;



Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [M]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé la décision de la commission de recours amiable de la Caisse générale de la sécurité sociale de [Localité 4] en date du 13 juin 2017 maintenant le refus de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident dont Mme [M] a déclaré avoir été victime le 15 mars 2016 et D'AVOIR condamné Mme [M] à payer à l'association [3] et à la Caisse générale de sécurité sociale la somme de 1000 € chacun en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « S'agissant de la procédure suivie par la caisse générale de sécurité sociale, au regard des dispositions de l'article R 441-10 du code de la sécurité sociale, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la caisse n'avait pas commis de faute dans le traitement du dossier de Mme [M]. La cour ajoute qu'en vertu de l'article R441-7 du code précité, les certificats médicaux adressés à la caisse primaire d'assurance maladie par le praticien, conformément aux dispositions de l'article L. 441-6 devront mentionner, indépendamment des renseignements prévus audit article, toutes les constatations qui pourraient présenter une importance pour la détermination de l'origine traumatique ou morbide des lésions. En l'espèce le certificat médical du 16/03/2016 au paragraphe « constatations détaillées (siège, nature des lésions ou de la maladie professionnelle, séquelles fonctionnelles» se borne à indiquer «stress pour conflit professionnel ». Il n'est pas discuté que la déclaration d'accident de travail, qui n'a pas été faite par l'employeur, a été adressée par Mme [M] à la caisse qui l'a reçue le 4 novembre 2016, la caisse l'ayant avisée de la possibilité de procéder à la déclaration dès le 31 mars 2016 (confer pièce 3 de la CGSS). S'il est exact que la caisse générale de sécurité sociale a classé le dossier suivant lettre du 6 décembre 2016 en faisant valoir l'absence de transmission de certificat médical initial, il n'est pas discuté que la caisse a reçu ensuite le 16 décembre 2016 un certificat médical initial indiquant : « stress/anxiété suite à conflit professionnel-asthénie/alexithénymie », ce certificat présentant dès lors les constatations suffisantes permettant de faire débuter à cette dernière date le délai de 30 jours, comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges. Il convient d'ajouter qu'il résulte des échanges de courriels produit par l'appelante (pièce 15) que nonobstant la décision de classement, la caisse a indiqué le 13 décembre 2016 à Mme [M] la nécessité de transmettre un « CMI descriptif des lésions. La seule mention de facteurs de risques tels que « harcèlement moral » ou «stress » ne suffit pas pour qualifier le CMI de « descriptif ». Ce n'est donc qu'après fourniture du certificat descriptif des lésions - le certificat remis le 17 mars 2016 étant insuffisamment descriptif de celles-ci - et de la déclaration d'accident du travail, que la caisse pouvait débuter son instruction, soit à compter du 16 décembre 2016. Le délai imparti à la caisse n'a en effet commencé à courir qu'à compter de la réception du certificat médical précisant le siège exact des lésions. L'appelante est également mal fondée à prétendre que le délai d'instruction n'a pas été valablement prorogé, alors qu'il lui a été adressé une lettre du 9 janvier 2017, retirée le 12 janvier (accusé de réception versé aux débats par la caisse de sécurité sociale), l'avisant d'un délai complémentaire de deux mois d'instruction, comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges. Il ne peut valablement être tiré argument du fait qu'une lettre portant la mention duplicata le 26 janvier 2017, afin de rectifier une erreur matérielle, savoir que c'est l'employeur qui n'a pas répondu au questionnaire adressé par la caisse, et non Mme [M] comme indiqué initialement. Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a exclu toute faute de la caisse dans l'instruction du dossier de Mme [M] » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE
« Aux termes de l'alinéa 1 de l'article R. 441-10 du Code de la sécurité sociale, le délai dont la Caisse dispose pour se prononcer sur le caractère professionnel de l'accident est de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial. Selon l'alinéa 3 de cette même disposition, sous réserve de la nécessité de procéder à un examen ou une enquête complémentaire conformément à l'article R. 441-14 du même Code, le caractère professionnel de l'accident est reconnu en l'absence de décision de la Caisse dans le délai prévu.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la Caisse a réceptionné la déclaration d'accident du travail le 3 novembre 2016. S'agissant du Certificat médical initial, le document produit par la demanderesse porte un tampon de la Caisse attestant d'une date de réception au 17 mars 2016. Dans ses conclusions, la Caisse argue cependant du caractère incomplet de ce certificat médical initial et avance que le délai imparti à la Caisse ne commence à courir qu'à compter de la réception du certificat médical précisant le siège exact des lésions. Elle soutient ainsi que le délai de trente jours a commencé à courir à compter du 16 décembre 2016, date à laquelle elle a réceptionné un certificat médical complémentaire (Pièce n° 7 versée par la demanderesse). Le certificat médical initial reçu le 17 mars 2016 se bornant à constater « stress pour conflit professionnel » au titre des constatations détaillées, il convient de le considérer comme incomplet de sorte que le délai de trente jours ne commençait à courir qu'à compter du 16 décembre 2016, date de réception du certificat médical initial détaillant le siège des lésions.
S'agissant de la notification de la nécessité d'un délai d'instruction supplémentaire, celle-ci a été faite par courrier daté du 9 janvier 2017. La demanderesse soutient cependant avoir reçu cette information le 31 janvier 2017 et verse un accusé de réception. La Caisse soutient cependant que ledit courrier a été réceptionné par Mme [U] [M] le 12 janvier 2017. Elle produit un accusé de réception attestant d'un envoi à Mme [U] [M] le 9 janvier 2017 et que le courrier a été présenté le 12 janvier 2017. Compte tenu du fait que seule la pièce produite par la Caisse comporte l'adresse de la demanderesse de sorte qu'elle permet d'établir que l'accusé de réception concerne un courrier envoyé par la Caisse à Mme [U] [M], il convient de se référer à cet accusé de réception et donc de considérer que la notification du délai d'instruction supplémentaire a été effectuée dans le délai de 30 jours prévu par l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale.
En conséquence, la procédure prévue par l'article R. 441-10 du Code de la sécurité sociale a été respectée par la Caisse, qui n'a ainsi pas commis de faute dans le traitement du dossier de la demanderesse, de sorte qu'il n'y a pas lieu de reconnaître le caractère professionnel de l'accident du 15 mars 2016 en application de l'alinéa 3 de cette disposition » ;

1°) ALORS QU' il résulte des articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que la caisse dispose, pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident, d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la déclaration d'accident et du certificat médical initial, ce délai pouvant être prorogé de deux mois lorsqu'un examen ou une enquête complémentaire est nécessaire à charge pour la caisse d'en informer la victime et l'employeur et qu'en l'absence de décision ou de notification de prolongation avant l'expiration du délai de trente jours, le caractère professionnel de l'accident est reconnu ; qu'il résulte des constations de l'arrêt attaqué que la caisse a reçu le certificat médical initial le 17 mars 2016 mentionnant un « stress pour conflit professionnel » et la déclaration d'accident du travail le 4 novembre 2016, en sorte que le point de départ du délai de trente jours dont la caisse disposait pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou notifier une prolongation du délai d'instruction a commencé à courir le 4 novembre 2016 ; qu'en retenant que le certificat médical initial était « insuffisamment descriptif des lésions » pour reporter le point de départ de ce délai et juger la procédure régulière, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;

2°) ALORS QU'aux termes de l'article L. 441-6 du code la sécurité sociale, le praticien établit, en double exemplaire, un certificat indiquant l'état de la victime et les conséquences de l'accident ou les suites éventuelles, en particulier la durée probable de l'incapacité de travail, si les conséquences ne sont pas exactement connues ; que selon l'article R 441-7 du même code, les certificats médicaux adressés à la caisse primaire d'assurance maladie par le praticien, conformément aux dispositions de l'article L. 441-6 devront mentionner, indépendamment des renseignements prévus audit article, toutes les constatations qui pourraient présenter une importance pour la détermination de l'origine traumatique ou morbide des lésions ; que dès lors, le certificat médical initial reçu par la caisse le 17 mars 2016 qui fait état d'une lésion psychologique consistant en « un stress pour conflit professionnel » répond aux exigences légales et réglementaires ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;

3°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, reprises oralement à l'audience, Mme [M] a fait valoir que le courrier AR envoyé le 26 janvier 2017, portant la mention « annule et remplace le précédent courrier » et aux termes duquel la caisse l'a personnellement informée de la prolongation du délai pour statuer en l'absence de réponse de son employeur au questionnaire qui lui avait été adressé, avait été envoyé hors délai et ne pouvait remplacer une diligence qui n'avait pas été correctement accomplie dans les formes et les délais prévus par les textes réglementaires ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs pertinents des conclusions d'appel de Mme [M], la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé la décision de la commission de recours amiable de la Caisse générale de la sécurité sociale de [Localité 4] en date du 13 juin 2017 maintenant le refus de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident dont Mme [M] a déclaré avoir été victime le 15 mars 2016 et D'AVOIR condamné Mme [M] à payer à l'association [3] et à la Caisse générale de sécurité sociale la somme de 1000 € chacun en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE
« L'article L411-1 du code de la sécurité sociale dispose que : « est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».
Il appartient à celui qui prétend avoir été victime d'un accident du travail d'établir les circonstances exactes de l'accident et sa matérialité. Ce n'est que le 4 novembre 2016 que Mme [M] va évoquer la notion d'insultes et d'intimidations verbales dans sa déclaration d'accident du travail. Elle produit pour seule preuve de l'accident un courriel du 15 mars 2016 débutant comme suit : «Merci monsieur pour cet échange mais aller me faire foutre m'intéresse peu ». Le courriel en réponse de M. [P] du 15 mars 2016 à 9H31, s'il admet un agacement, ne fait état d'aucune injure proférée. Surtout, il ne résulte d'aucune des pièces produites par l'appelante la teneur exacte des propos qui auraient été tenus par M. [P] dont les écrits par voie de courriels ne présentent aucun caractère particulier, ceux rédigés par des salariés à l'occasion de conflits sociaux étant examinés avec circonspection. Bien qu'en formation « Maidis » toute la journée, aucun participant n'atteste de la matérialité des faits ou de leur conséquence, et en particulier pas la première personne avisée mentionnée sur la déclaration d'accident du travail. C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré que la preuve d'un fait traumatisant précis et soudain à l'origine des lésions constatées n'était pas rapportée. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a validé la décision de recours amiable de la caisse générale de sécurité sociale de [Localité 4], et rejeté le surplus des demandes » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE
« L'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale dispose qu'« est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».
Il résulte de cette disposition que les troubles psychiques peuvent caractériser un accident du travail, si leur apparition est brutale et liée au travail ; et qu'en tant qu'accident du travail, il est nécessaire que la lésion psychologique soit imputable à un événement ou à une série d'événements survenus à des dates certaines.
Il découle également de l'article L. 411-1 précité qu'il incombe au salarié qui prétend avoir été victime d'un accident du travail d'établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel.
En l'espèce, s'il peut être considéré que Mme [U] [M] démontre l'existence d'une lésion par la production du certificat médical initial d'accident du travail (Pièce n° 1) complété par le certificat médical initial complémentaire (Pièce n° 7), elle ne verse s'agissant du fait accidentel, que deux courriers électroniques échangés avec le Docteur [S] [P] (Pièces n° 9 et 11).
Outre qu'il n'est pas démontré que le Dr [S] [P] soit le supérieur hiérarchique de Mme [U] [M], les propos tenus par ce médecin dans ces écrits ne traduisent aucun comportement anormalement agressif de sa part. C'est donc à juste titre que la Caisse a considéré, sans commettre de faute, que la preuve d'un fait traumatisant précis et soudain directement à l'origine des lésions invoquées par la salariée n'était pas rapportée.
De la sorte, il convient de débouter Mme [U] [M] de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident survenu le 15 mars 2016 et de confirmer la décision de la CRA de la CGSS du 13 juin 2017 » ;
ALORS QUE constitue un accident du travail un évènement survenu à une date certaine par le fait ou à l'occasion du travail dont il est résulté un trouble psychique quelle que soit la date d'apparition de celui-ci; qu' il résulte des constatations de l'arrêt que le 15 mars 2016, immédiatement après son entrevue avec M. [P], Mme [M] lui a adressé un courriel débutant ainsi : « Merci monsieur pour cet échange mais aller me faire foutre m'intéresse peu », que dans sa réponse adressée le jour même par courriel, M. [P], admettant avoir été agacé, n'a pas nié avoir tenu ces propos et que le lendemain un médecin a établi un certificat médical d'accident du travail faisant état de « stress pour conflit professionnel » ; qu'en écartant la qualification d'accident du travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 411-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné Mme [M] à payer à la Caisse générale de sécurité sociale la somme de 1000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU'il est équitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1000 € chacun en faveur de l'association [3] et de la caisse générale de sécurité sociale ;
ALORS QUE l'objet du litige est fixé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel, reprises oralement à l'audience, la Caisse générale de la sécurité sociale de [Localité 4] n'a sollicité, au titre des frais irrépétibles, aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en condamnant Mme [M] à payer à la Caisse une somme de 1000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et a violé les article 4 et 5 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2022:C200014