lundi 27 février 2023

Amiante, sous-traitance et préjudice d'anxiété

 Note  P. Oudot, SJ G 2023, p. 444.

Note, D. Asquinazi-Bailleux, GP 2023-9, p. 25.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 février 2023




Rejet


M. SOMMER, président



Arrêt n° 135 FP-B+R

Pourvoi n° C 20-23.312




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023

La société SNCF voyageurs, venant aux droits de l'EPIC SNCF mobilités, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 20-23.312 contre l'arrêt rendu le 8 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [D] [P], domicilié [Adresse 2],

2°/ au syndicat Sud rail [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société SNCF voyageurs, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [P], et du syndicat Sud rail [Localité 4], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Capitaine, Monge, Mariette, MM. Rinuy, Pion, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, Mmes Cavrois, Ott, MM. Sornay, Barincou, conseillers, Mme Ala, M. Le Corre, Mme Lanoue, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 octobre 2020), M. [P] a travaillé à compter du 27 mars 1978 en qualité de manutentionnaire pour le compte de plusieurs employeurs, en dernier lieu la société ISS Logistique et production depuis le 1er mai 2003, dans le cadre d'un marché conclu avec la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), pour effectuer des travaux au sein des différents établissements de cette dernière.

2. La SNCF a mis fin à cette prestation de service le 30 novembre 2011.

3. Le salarié a été licencié par l'employeur pour motif économique le 12 avril 2012.

4. Il a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la réparation du préjudice d'anxiété, dirigées tant contre la société ISS Logistique et production, que contre l'établissement public à caractère industriel et commercial SNCF mobilités venant aux droits de la SNCF, entreprise utilisatrice.

5. Le syndicat Sud rail [Localité 4] est intervenu volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La SNCF voyageurs, venant aux droits de l'EPIC SNCF mobilités, fait grief à l'arrêt, après avoir débouté le salarié de sa demande dirigée contre l'employeur, de la déclarer responsable du préjudice du salarié, et de la condamner à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée ; que l'action en réparation du préjudice d'anxiété ainsi subi par le salarié se rattachant à l'exécution du contrat de travail, ne peut être dirigée que contre son employeur, en cas de manquement de ce dernier à son obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [P] avait travaillé depuis 1978 en qualité de salarié de plusieurs sous-traitants de la SNCF, qu'il avait effectué dans ce cadre des travaux de manutention et de nettoyage au sein de différents établissements de cette dernière et que son contrat de travail avait été transféré à compter du 1er mai 2003 à la société ISS Logistique et production, à laquelle le marché avait été confié en vertu d'un contrat de prestation de services conclu avec la SNCF ; que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une action tendant à la condamnation solidaire de son employeur, et de la SNCF, à l'indemniser du préjudice d'anxiété qu'il prétendait subir à raison de son exposition sans protection, pendant plusieurs années, à des poussières d'amiante ; qu'après avoir rejeté la demande du salarié dirigée contre son employeur au titre de la période postérieure au transfert du contrat de travail, au motif que celle-ci n'avait pas manqué à son obligation de sécurité, la cour d'appel a retenu que le salarié était en revanche fondé à rechercher la responsabilité délictuelle de droit commun de la SNCF, au titre de la période antérieure à ce transfert, dès lors qu'étaient en l'espèce établies des fautes et négligences de cette dernière dans l'exécution des obligations mises à sa charge en qualité d'entreprise utilisatrice ; qu'en statuant de la sorte, quand l'action en réparation du préjudice d'anxiété invoqué par le salarié soutenant avoir été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante se rattache à l'exécution du contrat de travail et ne peut dès lors être dirigée que contre l'employeur ayant manqué à l'obligation de sécurité à laquelle il est tenu en vertu des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, la cour d'appel a violé ces dispositions, ensemble l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause (nouvel article 1240 du code civil) ;

2°/ que les obligations mises à la charge de l'entreprise utilisatrice par le décret n° 77-1321 du 29 novembre 1977, puis par le décret n° 92-158 du 20 février 1992, lequel a créé les articles R. 237-1 à R. 237-28 du code du travail, visent à assurer la coordination générale des mesures de préventions entre l'entreprise utilisatrice et l'entreprise intervenante, chacune d'entre elles demeurant toutefois responsable de la mise en oeuvre des mesures destinées à assurer la sécurité de ses salariés ; qu'en particulier, lorsque les travaux s'exécutent dans les locaux d'une entreprise tierce, l'employeur a le devoir de se renseigner sur les dangers encourus par le salarié (2e Civ., 8 novembre 2007, pourvoi n° 07-11.219, Bull. 2007, II, n° 248) ; que pour dire que la responsabilité délictuelle de la SNCF était engagée envers le salarié d'une entreprise sous-traitante, la cour d'appel a retenu que cette dernière, en sa qualité d'entreprise utilisatrice, devait informer la société intervenante sur les risques d'affections professionnelles auxquelles pouvaient être exposés les salariés de l'autre entreprise afin que des mesures protectrices soient prises, et que devait également être réalisée une inspection commune des lieux avec désignation des zones de danger et qu'en présence d'un risque d'interaction entre les activités des deux sociétés, comme en l'espèce, devait être établi un plan de prévention définissant les moyens de protection des salariés de l'entreprise extérieure dont l'entreprise utilisatrice devait vérifier l'application ; que la cour d'appel a considéré que si, à compter de 2000, avait été construit un local spécifique pour le désamiantage et si le marché conclu avec la société ISS Logistique et production en janvier 2003 exigeait ce plan de prévention décrivant les mesures de protection et équipements effectivement fournis aux salariés, l'EPIC SNCF mobilités ne justifiait pas, pour la période antérieure, de l'établissement d'un plan de prévention avec les employeurs antérieurs de M. [P], ni même de l'exigence d'un tel plan dans les marchés conclus avec ses prestataires, pas plus qu'elle ne démontrait avoir vérifié la fourniture effective d'une information sur la nocivité de l'amiante, et d'équipements individuels de protection adaptés aux salariés des entreprises intervenant sur son site, alors que le décret n° 92-158 du 20 février 1992 lui imposait de dénoncer à l'entreprise intervenante un danger grave concernant un salarié de cette dernière, même si elle estimait que la cause du danger ne lui était pas imputable, danger caractérisé par une exposition durable aux poussières d'amiante sans protection ; qu'en statuant de la sorte, quand les règles édictées par les décrets du 29 novembre 1977 et du 20 février 1992 ultérieurement codifié aux articles R. 237-1 du code du travail, portent uniquement sur la prévention des risques liés à l'interaction entre les salariés d'entreprises différentes, chacune des entreprises demeurant responsable de la sécurité de ses propres salariés, et qu'il incombait à l'employeur de M. [P], non à la SNCF, de se renseigner sur les dangers encourus par son salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble les articles 4 à 9 du décret du 29 novembre 1977, et les articles R. 237-1, R. 237-4 et R. 237-6 du code du travail, créés par l'article 1 du décret du 20 février 1992 ;

3°/ que seul est indemnisable le préjudice en lien de causalité avec une faute ou un manquement contractuel dont l'existence est établie par la victime ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que la SNCF avait engagé sa responsabilité civile à l'égard du salarié, que les fautes et négligences imputables à la SNCF dans l'exécution de ses obligations en qualité d'utilisatrice avaient contribué à l'exposition pendant plusieurs années de M. [P] à l'inhalation des poussières d'amiante, sans que ne soit rapportée la preuve d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité envers M. [P] au titre de la période en cause, ayant exposé ce salarié à l'inhalation de poussière d'amiante et par conséquent au risque de développer une pathologie grave associée à ce produit, laquelle ne pouvait se déduire des seuls témoignages d'autres salariés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir le lien de causalité entre la faute retenue à l'encontre de la SNCF et le préjudice d'anxiété allégué par le salarié, a encore violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

4°/ que le salarié qui n'est pas éligible à l'allocation de cessation anticipée d'activité ne peut agir en réparation d'un préjudice d'anxiété qu'à la condition de justifier d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave ; que pour dire que M. [P] justifiait avoir été exposé à l'amiante au titre de la période de 1978 à 2003, la cour d'appel a retenu que ce salarié produisait aux débats une attestation d'exposition établie le 21 février 2014 par le Docteur [L], médecin du travail de la société ISS Logistique et production qui mentionne une exposition à ce produit de 1978 à 2003 dans le cadre de l'exécution de travaux de démontage de panneaux amiantés et de voitures, de grattage et meulage de bogies et de réparation de moteurs, sans équipements de protection individuelle ou collective jusqu'en 1986 et a relevé que ces postes de travail étaient repris dans une attestation du Docteur [H], intervenant au sein de la SNCF, sans renseignements sur les modalités de protection du salarié ; qu'en statuant de la sorte, quand l'attestation du Docteur [L] mentionnait à la rubrique "Evaluations et mesures des niveaux d'exposition" : "Non connus" et sans s'assurer que les médecins ayant établi ces attestations de nombreuses années après les faits avaient disposé d'éléments concrets permettant d'établir la réalité et la gravité de l'exposition du salarié aux fibres d'amiante, la cour d'appel s'est prononcée sur la base d'éléments impropres à prouver que M. [P] avait effectivement été exposé à l'amiante au titre de la période de 1978 à 2003, violant ainsi l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

5°/ que le salarié qui n'est pas éligible à l'allocation de cessation anticipée d'activité ne peut agir en réparation d'un préjudice d'anxiété qu'à la condition de justifier d'une exposition personnelle à l'amiante ; qu'en retenant qu'il résultait des attestations de plusieurs anciens salariés embauchés à la même époque que M. [P], pour travailler dans l'établissement du Mans, que les travaux de manutention qui leur étaient confiés étaient assurés dans les ateliers à la suite ou pendant des opérations effectuées par des agents SNCF sur des pièces et matériaux amiantés notamment d'autorails, libérant des fibres de ce produit, sans protection individuelle des salariés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que M. [P] avait personnellement été exposé à l'amiante au titre de la période de 1978 à 2003, a méconnu l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Les dispositions de l'article R. 237-2 du code du travail, devenues les articles R. 4511-4, R. 4511-5 et R. 4511-6 du code du travail, qui mettent à la charge de l'entreprise utilisatrice une obligation générale de coordination des mesures de prévention qu'elle prend et de celles que prennent l'ensemble des chefs des entreprises intervenant dans son établissement, et précisent que chaque chef d'entreprise est responsable de l'application des mesures de prévention nécessaires à la protection de son personnel, n'interdisent pas au salarié de l'entreprise extérieure de rechercher la responsabilité de l'entreprise utilisatrice, s'il démontre que celle-ci a manqué aux obligations mises à sa charge par le code du travail et que ce manquement lui a causé un dommage.

8. Il s'ensuit que la cour d'appel a décidé à bon droit que si l'EPIC SNCF mobilités n'étant pas lié au demandeur par un contrat de travail, sa responsabilité ne pouvait être recherchée sur le fondement de l'obligation de sécurité à la charge de l'employeur définie par les articles L 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, sa responsabilité pouvait néanmoins être engagée au titre de la responsabilité extracontractuelle, dès lors qu'étaient établies des fautes ou négligences de sa part dans l'exécution des obligations légales et réglementaires mises à sa charge en sa qualité d'entreprise utilisatrice, qui ont été la cause du dommage allégué.

9. L'arrêt constate d'abord que les opérations de manutention ou de nettoyage (balayage, ramassage des déchets, tri de pièces) étaient assurées dans les ateliers à la suite ou pendant des travaux effectués par des agents SNCF sur des pièces et matériaux amiantés notamment d'autorails, libérant des fibres de ce produit, sans protection individuelle des salariés, qu'ils disposaient en outre d'un équipement pour balayer favorisant la dispersion des poussières, et selon les indications de la SNCF elle-même dans un courrier du 5 janvier 1998, que le mode de chauffage par catopulseur favorisait également la propagation des fibres. Il relève également que le demandeur produit une attestation d'exposition à l'amiante qui mentionne une exposition à ce produit de 1978 à 2003 dans le cadre de l'exécution de travaux de démontage de panneaux amiantés et de voitures, de grattage et meulage de bogies et de réparation de moteurs, sans équipements de protection individuelle ou collective jusqu'en 1986.

10. L'arrêt retient ensuite que selon les dispositions réglementaires applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure, résultant du décret n° 77-1321 du 29 novembre 1977 puis du décret n° 92-158 du 20 février 1992 ultérieurement codifié, l'entreprise utilisatrice devait notamment informer la société extérieure sur les risques d'affections professionnelles auxquels pouvaient être exposés ses salariés afin que des mesures protectrices soient prises, que devait également être réalisée une inspection commune des lieux avec désignation des zones de danger et que devait être établi, en présence d'un risque d'interaction entre les activités des deux sociétés, ce qui était le cas en l'espèce, un plan de prévention définissant les moyens de protection des salariés de l'entreprise extérieure dont l'entreprise utilisatrice devait vérifier l'application.

11. L'arrêt relève enfin que l'EPIC SNCF mobilités ne justifie pas, pour la période antérieure à 2003, de l'établissement d'un plan de prévention avec les employeurs antérieurs de M. [P], ni même de l'exigence d'un tel plan dans les marchés conclus avec ses prestataires, pas plus qu'il ne démontre avoir vérifié la fourniture effective d'une information sur la nocivité de l'amiante et sur les équipements individuels de protection adaptés aux salariés des entreprises intervenant sur son site, alors que le décret de 1992 lui imposait de dénoncer à l'entreprise intervenante un danger grave concernant un salarié de cette dernière, même s'il estimait que la cause du danger ne lui était pas imputable, danger caractérisé par une exposition durable aux poussières d'amiante sans protection.

12. L'arrêt en déduit que les fautes et négligences imputables à la SNCF dans l'exécution de ses obligations d'entreprise utilisatrice ont contribué à l'exposition pendant plusieurs années de M. [P] à l'inhalation des poussières d'amiante, dont le danger n'est pas discuté, en ce qu'elle induit un risque de développer, même de nombreuses années après la fin de l'exposition, des pathologies très graves, et qu'elles ont par suite directement contribué au préjudice que constitue la situation d'anxiété personnellement subie par l'intéressé, préjudice décrit par son épouse, laquelle témoigne de l'inquiétude de son mari sur son état de santé, même en présence de pathologies bénignes, d'une perte de confiance lors de ses recherches d'emploi et d'une difficulté à se projeter dans l'avenir en raison de la possible survenance d'une pathologie grave.

13. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu retenir l'existence d'un lien de causalité entre les fautes de l'entreprise utilisatrice qu'elle a constatées et le préjudice d'anxiété personnellement subi par le salarié résultant de son exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, sans qu'il soit nécessaire que la responsabilité des employeurs sous-traitants au titre de l'obligation de sécurité ait été retenue.

14. Il en résulte que le moyen n'est pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

15. La SNCF voyageurs fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au syndicat Sud rail [Localité 4] des dommages-intérêts, alors :
« 1°/ qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif d'une décision de justice s'étend aux chefs de dispositif entretenant un lien de dépendance nécessaire ou d'indivisibilité avec le chef cassé ; que, pour condamner l'EPIC SNCF mobilités à verser au syndicat Sud rail [Localité 4] une somme à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel a retenu que la nature du manquement relevé à l'encontre de la SNCF permettait de caractériser une atteinte à l'intérêt collectif des salariés intervenant dans le secteur ferroviaire en sous-traitance ; que la cassation à intervenir sur l'une des critiques du premier moyen, qui reproche à l'arrêt attaqué d'avoir retenu la responsabilité de l'EPIC SNCF mobilités à l'égard du salarié, entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la SNCF à verser des dommages et intérêts réparant le préjudice collectif dont le syndicat demandait l'indemnisation ;

2°/ que les syndicats professionnels ne sont recevables qu'à solliciter l'indemnisation du préjudice direct ou indirect causé à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que pour condamner l'EPIC SNCF mobilités à verser au syndicat Sud rail [Localité 4] une somme à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel, après avoir jugé que les fautes et négligences imputables à la SNCF avaient directement contribué au préjudice que constitue la situation d'anxiété personnellement subie par [le salarié], a retenu que la nature du manquement relevé à l'encontre de la SNCF permettait de caractériser une atteinte à l'intérêt collectif des salariés intervenant dans le secteur ferroviaire en sous-traitance ; qu'en statuant de la sorte, quand le préjudice d'anxiété invoqué par le salarié, dont la SNCF n'était au surplus pas l'employeur, était un préjudice strictement personnel à ce dernier et qu'il avait donc seul qualité à en solliciter l'indemnisation, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le préjudice qui aurait été porté à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat, a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

16. Le rejet du premier moyen prive de portée la première branche du second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence.

17. La cour d'appel, qui a constaté que la SNCF avait manqué, en sa qualité d'entreprise utilisatrice, à ses obligations en matière d'hygiène et de sécurité applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure, a exactement retenu que ces manquements constituaient une atteinte à l'intérêt collectif des salariés intervenant dans le secteur ferroviaire en sous-traitance.

18. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SNCF voyageurs aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SNCF voyageurs et la condamne à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros.

vendredi 24 février 2023

Moyen nouveau présenté par l'appelant postérieurement à ses conclusions d'appel

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 février 2023




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 125 F-B

Pourvoi n° Q 21-18.382




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 FÉVRIER 2023

M. [I] [J], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Q 21-18.382 contre l'arrêt rendu le 7 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 6), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ au Fonds commun de titrisation Castanea, dont le siège est [Adresse 1], ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, représenté par la société MCS & Associés, venant aux droits de la Société générale,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [J], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat du Fonds commun de titrisation Castanea, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 avril 2021), M. [J], condamné par un jugement d'un tribunal de commerce, en sa qualité de caution, à payer diverses sommes à la Société générale (la banque) en a relevé appel. Le Fonds commun de titrisation Castanea est intervenu volontairement à l'instance devant la cour d'appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. M. [J] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande fondée sur l'article L. 332-1 du code de la consommation et de le condamner à verser à la Société Générale et au Fonds commun de titrisation Castanea diverses sommes au titre de ses engagements de caution alors « que si les parties doivent, à peine d'irrecevabilité, présenter, dès leurs premières conclusions d'appel, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, il faut, mais il suffit, que ces prétentions soient expressément formulées dans le dispositif des écritures ; que les parties sont alors recevables à invoquer, dans la discussion, tous les moyens, même nouveaux en cause d'appel, de nature à fonder ces prétentions ; qu'en retenant que, faute de discussion sur la déchéance de la banque dans le corps des conclusions du 10 mai 2019, la demande de débouté qui figure dans le dispositif de ces écritures ne renvoie à aucune prétention dûment explicitée, de sorte que doit être déclaré irrecevable le moyen de défense au fond soulevé pour la première fois dans des conclusions postérieures, la cour d'appel a violé les articles 910-4 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 910-4, alinéa 1er du code de procédure civile, créé par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, dans sa version applicable du 1er septembre 2017 au 1er janvier 2020 et 954 dudit code :

3. Selon le premier de ces textes, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

4. En application de l'article 954 alinéas 1 et 3 du code de procédure civile, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

5. Il en résulte que le respect des diligences imparties par l'article 910-4 du même code s' apprécie en considération des prescriptions de l'article 954.

6. Pour confirmer le jugement, l'arrêt, après avoir rappelé les termes des articles 910-4 et 564 du code de procédure civile, retient que l'engagement disproportionné ouvre à la caution un moyen de défense au fond lui permettant de faire rejeter, selon l'article 71, la demande de son adversaire. Il ajoute que l'article 564 autorisant les nouvelles prétentions dès lors qu'elles ont pour objet de faire écarter les prétentions adverses, la demande tirée de la disposition n'est pas irrecevable comme nouvelle en cause d'appel. Il relève que, dans ses conclusions du 10 mai 2019, M. [J] n'a pas sollicité la déchéance de la banque dans sa motivation, la demande de débouté de la banque ne renvoyant à aucune prétention dûment explicitée et justifiée par des pièces comme l'exige l'article 564. Il retient qu'est irrecevable ce moyen de défense soulevé pour la première fois par conclusion du 26 septembre 2019 et dans son dispositif, déclare irrecevable la demande de l'appelant fondée sur l'article L. 332-1 du code de la consommation.

7. En statuant ainsi, alors que l'appelant avait, conformément à l'article 954 précité, mentionné ses prétentions tendant au débouté de la banque, dans le dispositif de ses premières conclusions remises dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, et que l'article 910-4 ne fait pas obstacle à la présentation d'un moyen nouveau dans des conclusions postérieures, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la Société générale et le Fonds commun de titrisation Castanea aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la Société générale et le Fonds commun de titrisation Castanea et les condamne à payer à M. [J] la somme globale de 3 000 euros ;

En procédure, "nullité de forme sans grief n'opère rien"

 

Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 2 février 2023, 21-18.384, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 février 2023




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 136 F-D

Pourvoi n° S 21-18.384




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 FÉVRIER 2023

Mme [T] [L], domiciliée chez Mme [N] [D], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-18.384 contre l'arrêt rendu le 25 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant à la société RATP Habitat, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Logis Transport, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [L], de Me Haas, avocat de la société RATP Habitat, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 mars 2021), la société RATP Habitat poursuit l'expulsion de Mme [L] en lui faisant délivrer un commandement de quitter les lieux le 9 mars 2018 puis un procès-verbal de tentative d'expulsion le 18 mai 2018 et un procès-verbal d'expulsion le 29 août 2018.

2. Un juge de l'exécution a été saisi tout d'abord en sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'appel contre le jugement d'expulsion et en nullité du commandement, puis en nullité du procès-verbal d'expulsion.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [L] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de nullité du procès-verbal d'expulsion en date du 29 août 2018, de sa demande de réintégration dans les lieux sous astreinte, de sa demande en paiement des frais d'expulsion, et de ses plus amples demandes, alors :

« 1°/ en premier lieu que dans les sociétés titulaires d'un office d'huissier de justice, chaque associé exerce les fonctions d'huissier au nom de la société, de sorte que le défaut de mention, sur un acte d'huissier, de la dénomination sociale de la société précédée ou suivie de la mention « société civile professionnelle » ou des initiales « SCP », ainsi que le défaut d'indication du titulaire de l'office ministériel, constituent des irrégularités de fond ; qu'en jugeant, à propos du procès-verbal d'expulsion, du procès-verbal de tentative d'expulsion et du commandement de quitter les lieux, que « l'absence de précision de ce que la société officie sous forme de SCP, ou de ce qu'il s'agit d'une SCP titulaire d'un office d'huissier de justice, ou d'une SCP d'huissiers de justice dont chaque associé est titulaire de l'office, ne peut conduire à l'annulation de l'acte qu'à la condition que l'irrégularité ait causé un grief au destinataire de l'acte », et que « les actes contestés précisent en outre le numéro de Siret de la société d'huissiers 384 625 612 permettant la levée d'un extrait Kbis, dont la simple consultation confirme qu'il s'agit d'une SCP d'exercice en commun par ses membres de la profession d'huissiers de justice », la cour d'appel a violé les articles 8 de la loi n°66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, 45 et 47 du décret n°69-1274 du 31 décembre 1969 pris pour l'application à la profession d'huissier de justice de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 sur les sociétés civiles professionnelles, 114, 117, 648 et 649 du code de procédure civile ;

2°/ en deuxième lieu que, subsidiairement, en jugeant que « l'absence de précision de ce que la société qui l'emploie officie sous forme de SCP, ou de ce qu'il s'agit d'une SCP titulaire d'un office d'huissier de justice, ou d'une SCP d'huissiers de justice dont chaque associé est titulaire de l'office » n'aurait causé aucun grief à Mme [L], et que « les actes contestés précisent en outre le numéro de Siret de la société d'huissiers 384 625 612 permettant la levée d'un extrait Kbis, dont la simple consultation confirme qu'il s'agit d'une SCP d'exercice en commun par ses membres de la profession d'huissier de justice », bien que du fait de l'irrégularité dénoncée Mme [L] n'ait pas pu vérifier si la personne qui leur avait signifié cet acte avait la qualité d'officier ministériel, l'extrait Kbis en question ne précisant pas davantage qui de la SCP ou de ses associés est titulaire de l'office ministériel, la cour d'appel a violé les articles 114 et 648 du code de procédure civile, ensemble l'article 1369 du code civil ;

3°/ en troisième lieu que, subsidiairement, en jugeant qu'en ce qui concerne le commandement de quitter les lieux, « l'absence de précision de ce que la société qui l'emploie officie sous forme de SCP, ou de ce qu'il s'agit d'une SCP titulaire d'un office d'huissier de justice, ou d'une SCP d'huissiers de justice dont chaque associé est titulaire de l'office » n'aurait causé aucun grief à Mme [L], et que « les actes contestés précisent en outre le numéro de Siret de la société d'huissiers 384 625 612 permettant la levée d'un extrait Kbis, dont la simple consultation confirme qu'il s'agit d'une SCP d'exercice en commun par ses membres de la profession d'huissier de justice », bien que du fait de l'irrégularité dénoncée Mme [L] n'ait pas pu vérifier si la personne qui leur avait signifié cet acte avait la qualité d'officier ministériel, l'extrait Kbis en question ne précisant pas davantage qui de la SCP ou de ses associés est titulaire de l'office ministériel, la cour d'appel a violé les articles 114 et 648 du code de procédure civile, ensemble l'article 1369 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 648 du code de procédure civile, tout acte d'huissier de justice indique notamment les noms, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice.

5. Aux termes de l'article 649 du même code, la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.

6. En application du second alinéa de l'article 114 du code de procédure civile, la nullité pour vice de forme ne peut être prononcée qu'à charge pour la partie qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.

7. Ayant relevé, d'une part, que le commandement de quitter les lieux du 9 mars 2018, le procès-verbal de tentative d'expulsion du 18 mai 2018 et le procès-verbal d'expulsion du 29 août 2018 ne comportaient pas la mention de ce que la société qui emploie l'huissier de justice officie sous forme de SCP, ou de ce qu'il s'agit d'une SCP titulaire d'un office d'huissier de justice, ou d'une SCP d'huissiers de justice dont chaque associé est titulaire de l'office, et exactement retenu, d'autre part, que ce défaut de mention de la dénomination sociale de la société précédée ou suivie de la mention « société civile professionnelle » ou des initiales « SCP », ainsi que le défaut d'indication du titulaire de l'office ministériel, qui ne concerne que les modalités d'organisation de l'activité d'huissier de justice, n'a pas d'incidence sur le pouvoir des huissiers de justice, officiers ministériels, ayant instrumenté en l'occurrence, la cour d'appel en a exactement déduit que cette irrégularité constitue un vice de forme qui n'est sanctionnée par la nullité de l'acte que s'il en résulte un grief, dont elle a souverainement estimé que Mme [L] ne justifiait pas.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [L] aux dépens ;

Magistrat ayant appartenu à la formation de jugement ayant tranché le même litige en première instance

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 février 2023




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 139 F-D

Pourvoi n° R 20-20.265




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 FÉVRIER 2023

M. [H] [F], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-20.265 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Bienprévoir. fr, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [F], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Bienprévoir. fr, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 juin 2020), M. [F] a réalisé des investissements financiers sur la proposition d'une société de courtage en assurance, la société Bienprévoir.fr (la société).

2. M. [F] a assigné la société devant un tribunal de grande instance pour obtenir la restitution d'une somme correspondant à une perte financière lors du rachat de ces titres.

3. La juridiction a rejeté ses demandes.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [F] fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société, alors « que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu'un magistrat ayant fait partie de la juridiction ayant statué en première instance sur une affaire ne peut participer à la formation de jugement de la cour d'appel saisie d'un recours contre la décision entreprise ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la formation de la cour d'appel de Paris ayant rendu l'arrêt attaqué était notamment composée de Mme [P] [Z], conseillère, laquelle avait déjà siégé en qualité de vice-présidente dans la formation du tribunal de grande instance de Paris qui avait rendu le jugement frappé d'appel du 21 décembre 2017 ; qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué, qui a été rendu au terme d'une procédure méconnaissant gravement l'exigence d'impartialité, est entaché de nullité, en application de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen contestée par la défense

6. La partie qui n'a pas été mise en mesure de connaître la composition de la juridiction appelée à statuer, au plus tard au moment de l'ouverture des débats, peut, en application de l'article 430, alinéa 2, du code de procédure civile, invoquer devant la Cour de cassation le défaut d'impartialité des magistrats ayant délibéré de son affaire, à charge d'en justifier au soutien de son moyen.

7. Il ressort des productions que Mme [Z], magistrat ayant fait partie de la composition de la juridiction ayant rendu le jugement en première instance, n'a pas siégé lors des débats devant la cour d'appel, alors que son nom figure dans l'arrêt comme celui d'un des magistrats ayant participé au délibéré.

8. M. [F] est, dès lors recevable à soulever le moyen tiré de la violation de l'exigence d'impartialité.

Bien fondé du moyen

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 430 du code de procédure civile :

9. Il résulte du premier de ces textes que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial.

10. L'arrêt mentionne que l'affaire a été délibérée par la cour d'appel, composée notamment de Mme [Z], magistrat ayant siégé dans la formation qui a prononcé le jugement déféré.

11. En statuant ainsi, dans une composition comportant un magistrat qui avait appartenu à la formation de jugement ayant tranché le même litige en première instance, la cour d'appel a méconnu les exigences des textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Bienprévoir.fr aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Bienprévoir.fr et la condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;

Les propos tenus par le magistrat constituaient une opinion de nature à faire naître un doute raisonnable sur son impartialité

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 février 2023




Cassation sans renvoi


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 141 F-D



Pourvois n°
et

Z 21-18.460
A 21-18.507 Jonction







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 FÉVRIER 2023


I. M. [D] [X], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 21-18.460 contre l'ordonnance rendue le 8 juin 2021 par le premier président de la cour d'appel de Bourges, dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [V] [N],

2°/ à Mme [W] [X], épouse [N],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Bourges, domicilié [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

II. 1°/ M. [V] [N],

2°/ Mme [W] [X], épouse [N],

3°/ M. [D] [X],

ont formé le pourvoi n° A 21-18.507 contre la même ordonnance, dans le litige les opposant :

1°/ à M. [M] [F], domicilié [Adresse 1],

2°/ au procureur général de la cour d'appel de Bourges,

défendeurs à la cassation.

M. [X], demandeur aux pourvois n° Z 21-18.460 et A 21-18.507, invoque, à l'appui de ses recours, les deux moyens de cassation communs annexés au présent arrêt.

M. et Mme [N], demandeurs au pourvoi n° A 21-18.507, invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [X], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. et Mme [N], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Z 21-18.460 et A 21-18.507 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'ordonnance attaquée (Bourges, 8 juin 2021), la société Lunc, dirigée d'abord par M. [X], puis par Mme [N], a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte le 4 mars 2019 convertie en liquidation judiciaire par jugement du 5 août 2019, devenu irrévocable, rendu par le tribunal de commerce de Nevers que présidait M. [F].

3. Par acte du 15 mars 2021, le liquidateur judiciaire à la liquidation a assigné M. [X], Mme [N] et M. [N], sur le fondement des articles L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce, devant le tribunal de commerce de Nevers.

Examen des moyens

Sur les premiers moyens des mémoires pour M. [X], ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur les seconds moyens de M. [X], pris en leur deuxième branche, et le moyen unique de M. et Mme [N], pris en sa première branche

Enoncé des moyens

5. Par ses seconds moyens, pris en leur deuxième branche, M. [X] fait grief à l'ordonnance de rejeter la « demande de récusation » formée à l'encontre du tribunal de commerce de Nevers, alors « que le requérant faisait état des propos suivants de M. [F], président du tribunal de commerce, rapportés dans la presse locale à propos de la décision du tribunal qu'il préside de placer la société Lunc en liquidation judiciaire : « il y a un manque de financement. C'est toujours « demain on rase gratis », mais il n'y a pas eu de chèque de banque, pas de virement, l'Urssaf n'a pas été réglée'', le journal ajoutant que M. [F] qualifie le déficit de la société Lunc ''d'important'' » ; qu'en estimant que ces propos constituaient une simple maladresse, bien qu'ils marquent à l'égard des anciens dirigeants de la société Lunc, parmi lesquels M. [X], une défiance, un parti pris, sinon une malveillance de ce magistrat de nature à caractériser une inimitié notoire faisant craindre une partialité de ce juge et du tribunal qu'il préside à son égard dans le cadre de l'action en comblement de passif, en faillite personnelle et en interdiction de gérer que ce tribunal de commerce est amené à connaître, le premier président a violé les articles L. 111-6 et L. 111-8 du code de l'organisation judiciaire ensemble l'article 6 §1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

6. Par leur moyen unique, pris en sa première branche, M. et Mme [N] font le même grief à l'ordonnance, alors « que, toute personne ayant droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial, elle peut obtenir la récusation d'un juge dès lors qu'il y a amitié ou inimitié notoire entre celui-ci et l'une des parties ; qu'en considérant, pour considérer qu'il n'y avait pas inimitié du juge, que les propos de M. [F], président du tribunal de commerce de Nanterre, publiés dans un article du journal du Centre en date du 14 août 2019, concernant la société Lunc et ainsi libellés « il y a un manque de financement. C'est toujours « demain on rase gratis », mais il n'y a pas eu de chèque de banque, pas de virement, l'Urssaf n'a pas été réglée » étaient formulés maladroitement mais n'étaient « qu'un état de situation dans le cadre de la communication par voie de presse locale [et] délivrent des informations déjà rendues publiques par voie de publicité légale », quand la teneur de ces commentaires associée à l'usage de l'expression péjorative « demain on rase gratis », utilisée pour qualifier des promesses jamais tenues, et partant, malveillante à l'encontre des dirigeants de la société Lunc, étaient de nature à faire naître un doute sur l'impartialité du tribunal vis-à-vis de M. et Mme [N], poursuivis par la société Lunc pour fautes de gestion, Mme la Première présidente a violé les articles 341 du code de procédure civile et L.111-6 8° du code de l'organisation judiciaire. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 341 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

7. Selon le premier de ces textes, sauf disposition particulière, la récusation d'un juge est admise pour les causes prévues par l'article L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire.

8. Il résulte du second de ces textes que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial, l'exigence d'impartialité devant s'apprécier de façon objective.

9. Pour rejeter la requête en récusation et de renvoi pour cause de suspicion légitime, l'ordonnance, après avoir rappelé les termes de l'article 341 du code de procédure civile, et L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire, retient que s'agissant du seul motif de récusation soutenu, reposant sur l'existence d'une amitié ou inimitié notoire entre le juge et l'une des parties, il doit être observé qu'il n'est pas contestable que le président du tribunal de commerce a confirmé par voie de presse à deux occasions les décisions prises par la chambre des procédures collectives sur le sort de la société Lunc, entreprise locale, et que si l'on peut effectivement dénoncer les formulations maladroites des propos, le contenu, rappelant la possibilité de redressement judiciaire, puis, dans le second article, le manque de financement et de trésorerie ayant conduit la juridiction à prononcer la liquidation judiciaire, n'est qu'un état de situation dans le cadre de la communication par voie de presse locale. L'ordonnance ajoute que les propos tenus délivrent des informations déjà rendues publiques par voie de publicité légale et n'entachent en rien l'impartialité des magistrats du tribunal de commerce de Nevers, et que les communications à la presse sont toutes postérieures à la décision évoquée dans l'article.

10. En statuant ainsi, alors que les propos tenus par M. [F], président du tribunal de commerce, ne constituaient pas une simple information déjà rendue publique mais une opinion de nature à faire naître un doute raisonnable sur l'impartialité du président du tribunal de commerce et de cette juridiction appelée à statuer sur l'action engagée par le liquidateur à la liquidation contre les dirigeants de la société Lunc en application de l'article L. 651-2 du code de commerce, à raison d'éventuelles fautes de gestion ayant contribué à une insuffisance d'actif, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe 9 qu'il y a lieu d'accueillir la demande de renvoi présentée par M. [X] et par M. et Mme [N] pour cause de récusation et de suspicion légitime.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 8 juin 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Bourges ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

FAIT DROIT à la demande de renvoi présentée par M. [X] et par M. et Mme [N] pour cause de récusation et de suspicion légitime ;

DÉSIGNE le tribunal de commerce de Dijon pour statuer sur l'action engagée par la société JSA en qualité de liquidateur à la liquidation de la société Lunc contre M. [X] et M. et Mme [N] en application de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

La nullité de la requête aux fins d'assignation à jour fixe entraînait l'irrecevabilité de l'appel formé selon la procédure à jour fixe

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 février 2023




Cassation sans renvoi


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 132 F-D

Pourvoi n° M 21-10.145


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 FÉVRIER 2023

M. [O] [K], domicilié chez [Adresse 3] (Espagne), a formé le pourvoi n° M 21-10.145 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ au syndicat des copropriétaires de la Résidence du [Adresse 2], dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société FB & MB, (nom commercial : société Alliance immobilier Citya Châteauneuf), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en sa qualité de syndic du syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [K], de la SCP Alain Bénabent, avocat du syndicat des copropriétaires de la Résidence du [Adresse 2], de la société FB & MB, prise en qualité de syndic du syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 2] et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 septembre 2020), sur des poursuites de saisie immobilière engagées par le syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 2], représenté par son syndic, la société FB & MB, à l'encontre de M. [K], un jugement d'orientation a ordonné la vente des biens saisis.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et deuxième moyens, pris en leurs premières branches, qui sont irrecevables et ces mêmes moyens, pris en leurs secondes branches, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

3. M. [K] fait grief à l'arrêt de constater la caducité de la déclaration d'appel formée le 11 février 2020 à l'encontre du jugement d'orientation ordonnant la vente forcée rendu le 27 novembre 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Versailles et de dire que cette sanction emportait extinction de l'instance et dessaisissement de la cour d'appel, alors « qu'en application de l'article 922 du code de procédure civile, la sanction de la caducité de la déclaration d'appel, dans le cadre de la procédure à jour fixe, n'est encourue que lorsque l'appelant n'a pas remis au greffe, avant la date fixée pour l'audience, une copie de l'assignation délivrée à l'intimé ; qu'au cas d'espèce, en constatant la caducité de la déclaration d'appel au motif que la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe était atteinte d'une irrégularité de fond qui affectait les actes de procédure subséquents, quand aucun texte ne prévoyait une telle sanction dans ce cas de figure, la cour d'appel a violé l'article 922 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 322-19 du code des procédure civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 311-7 et R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution et 919 et 922 du code de procédure civile :

4. II résulte des deux premiers de ces textes qu'à peine d'irrecevabilité l'appel du jugement d'orientation doit être formé selon la procédure à jour fixe dans les quinze jours suivant sa notification ; que selon le troisième de ces textes, la requête tendant à voir fixer le jour auquel l'affaire sera appelée par priorité doit être présentée au plus tard dans les huit jours de la déclaration d'appel.

5. Il résulte du dernier de ces textes que la caducité de la déclaration d'appel ne peut être constatée, en matière de procédure à jour fixe, que lorsque la cour d'appel n'a pas été saisie par la remise, avant la date fixée pour l'audience, d'une copie de l'assignation au greffe.

6. Pour constater la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt retient, d'une part, que la requête aux fins d'assignation à jour fixe, qui aurait dû être signée par l'avocat postulant de M. [K] et non son avocat plaidant, est affectée d'une nullité de fond, d'autre part, que cette nullité affecte les actes de procédure subséquents et qu'encourt la nullité l'assignation à jour fixe délivrée en suite d'une requête annulée. Il en déduit que doit être déclarée caduque la déclaration d'appel dont la régularité n'est pas contestée mais qui a perdu de son efficacité, faute d'avoir été suivie par des diligences procédurales propres à la procédure à jour fixe exigées par ce texte.

7. En statuant ainsi, alors que la nullité de la requête aux fins d'assignation à jour fixe entraînait, non pas la nullité de l'assignation délivrée en application de l'article 920 du code de procédure civile, mais l'irrecevabilité de l'appel formé selon la procédure à jour fixe, dont les exigences n'avaient pas été respectées, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

10. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 5 et 7 qu'il convient, d'une part, d'annuler la requête aux fins d'assignation à jour fixe du 11 février 2020, d'autre part, de déclarer irrecevable l'appel interjeté par M. [K].

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ANNULE la requête aux fins d'assignation à jour fixe du 11 février 2020 ;

DÉCLARE irrecevable l'appel interjeté par M. [K] contre le jugement d'orientation rendu le 27 novembre 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Versailles (R.G n° 19/00163) ;

Condamne M. [K] aux dépens exposés devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 2], aux dépens exposés devant la Cour de cassation ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées tant devant la cour d'appel de Versailles que devant la Cour de cassation ;