vendredi 28 octobre 2022

ACTUALITES DES MARCHES PUBLICS : La sous-traitance et la construction, par Mario TENDEIRO, avocat au Barreau de Paris

 


 

La sous-traitance constitue un assouplissement au principe général de l’exécution personnelle des marchés publics. Elle autorise les opérateurs économiques à confier à une ou plusieurs entreprises tierces l’exécution d’une partie du contrat dont ils sont les titulaires et qu’ils ne peuvent ou ne veulent exécuter eux-mêmes. Le recours à la sous-traitance permet aux opérateurs économiques de s’appuyer sur des compétences et des moyens extérieurs pour postuler à l’attribution de marchés publics. Elle favorise ainsi notamment l’accès des petites et moyennes entreprises à la commande publique.

 

Le régime juridique relatif à la sous-traitance pour les contrats de droit privé et de droit public est défini par la loi n° 75-1134 du 31 décembre 1975, d’ordre public, et, pour les règles propres aux marchés publics passés par des acheteurs soumis au code de la commande publique, par les articles L. 2193-1 à L.2193-14 ainsi que les articles R. 2193-1 à R. 2193-22 du code (marchés publics classiques) et R. 2393-24 à R. 2393-40 du code (marchés publics de défense ou de sécurité).

 



1.                Définition de la sous-traitance :

L’article 1er de la loi du 31 décembre 1975 définit la sous-traitance comme « l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage ».

En matière de marchés publics, la sous-traitance est l’opération par laquelle l’opérateur titulaire d’un marché public qui présente les caractéristiques d’un contrat d’entreprise confie à  un opérateur tiers, par un contrat distinct et sous son entière responsabilité, l’exécution d’une partie des prestations qui lui ont été confiées par l’acheteur.

La sous-traitance n’est ainsi permise que lorsque le marché public principal est un contrat d’entreprise.

Le contrat d’entreprise est également dénommé louage d’ouvrage et d’industrie, et est un contrat par lequel une personne, l’entrepreneur, s’engage envers une autre, le maître d’ouvrage (ou donneur d’ordres), à exécuter moyennant une rémunération un travail indépendant sans mandat et sans représentation du maître d’ouvrage.

L’article 1779 du code civil décline le louage d’ouvrage en trois catégories :

« 1° Le louage de service ;

2° Celui des voituriers, tant par terre que par eau, qui se chargent du transport des personnes ou des marchandises ; 3° Celui des architectes, entrepreneurs d'ouvrages et techniciens par suite d'études, devis ou marchés. »

Ainsi peuvent être sous-traités, dans le domaine de la construction, les prestations des marchés publics de travaux et de services relatifs aux prestations d’ingénierie et d’études :

architecte, maître d’œuvre, bureau d’études …

Les marchés publics de transport peuvent être aussi sous-traités, l’article L. 1432-13 du code des transports, applicable à l’ensemble des contrats de transports  de marchandises,  prévoyant également que « les dispositions de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance sont applicables aux opérations de transport ».

En revanche un marché de fournitures ne saurait être sous-traité, sauf si des travaux de pose ou d’installation ou des études de conception sont prévus en accompagnement de la fourniture des matériels ou matériaux, et équipements …

La sous-traitance est à distinguer du mandat (un contrat de maîtrise d’ouvrage délégué ne peut donc en principe être sous-traité, car il s’agit d’un mandat de représentation du maître d’ouvrage).

Elle est aussi à différencier du contrat de travail, qui suppose un lien de subordination, mais aussi du contrat de vente et du louage de chose (baux et location ou mise disposition), qui ne peuvent faire l’objet de sous-traitance.


 

Le contrat de sous-traitance pour être autorisé doit également, lui-même, être un contrat d’entreprise.

Ainsi en pratique, seuls les marchés publics de travaux, de services ou de fournitures comportant des services ou des travaux de pose ou d’installation peuvent être sous- traités (Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics 26 sept, 2014, art, 21,1 ; Code de la commande publique : article L, 2193-1),

Et le juge administratif applique strictement ce principe :

Est ainsi considéré comme un fournisseur, et non comme un sous-traitant, l’opérateur économique qui conclut avec le titulaire d’un marché public un contrat qui ne contient pas d’obligations de faire mais comporte uniquement une obligation de vendre. Tel est le cas de l’entreprise qui fournit à un chantier du béton prêt à l’emploi (CE, 26 septembre 2007, Département du Gard, n°255993), des canalisations et des pièces de canalisations et de pièces de raccord de fabrication courante (CAA Nantes, 30  décembre 1999, société Biwater, n°96NT02356), des pavés ordinaires (CAA Lyon, 3 juillet 2003, Société d’exploitation de grès de Molière, n°97LY02986).

Ainsi, le contrat par lequel le titulaire du marché commande à un fournisseur des pavés, dalles et bordures de granit ne peut être regardé comme lui confiant l'exécution en sous-traitance d'une partie du marché dès lors que les éléments sont importés de Chine et que sa seule intervention consiste à les mettre aux bonnes dimensions ce qui ne nécessite aucune spécificité technique particulière (CAA Bordeaux, 2e ch., 30 juill. 2019, n° 17BX02501). Idem pour le contrat confiant à une société la fourniture  d'ossatures et de charpentes en bois aux mesures de longueur, épaisseur et largeur demandées (CAA Douai, 1re ch., 26 janv. 2021, n° 19DA00948).

Cette question est importante car une entreprise dont le contrat conclu avec un entrepreneur principal revêt la qualification de contrat de fournitures n’aura pas le droit au paiement direct de ses prestations par le maître d’ouvrage et ce, quand bien même celui-ci l’aurait été accepté en qualité de sous-traitant et aurait agréé ses conditions de paiement (CAA de Bordeaux, 8 mars 2018, n° 16BX02206, CE 26 septembre 2007, n°255993, CAA Bordeaux, 30 juillet 2019, n°17BX02501).

Est en revanche qualifié de contrat de sous-traitance, le contrat dans lequel l’entreprise fournit, pose et déplace un échafaudage nécessitant un travail spécifique réalisé pour les besoins particuliers du maître de l’ouvrage (CAA Lyon, 11 mai 2006, Société Qualia, n°01LY00279).

C'est encore le cas lorsqu'il fabrique sur mesure des éléments de ventilation pour répondre aux spécificités imposées par le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du         marché (CAA Nantes, 4e ch., 7 oct. 2011, n° 10NT02052). Idem pour l'entreprise qui fournit au titulaire du lot charpente d'un marché public un ensemble de poutres en bois répondant à des spécifications techniques précises en termes de longueur, d'épaisseur, de largeur et d'inclinaisons, fabriqué sur mesure ainsi que la métallerie et la quincaillerie nécessaires à leurs assemblages (CAA Bordeaux, 3e ch., 8 mars 2018, n° 16BX02206).

CAA Versailles 5e 19 mai 2022, n°19VE01184 : Le fait d’intervenir sur le chantier pour assister le poseur et assurer sur place les derniers réglages contribue à établir la participation de l’entreprise à la réalisation des travaux, et est donc un sous-traitant,


2, La sous-traitance est un droit du titulaire du marché, qui peut être cependant limité par l’acheteur public :

L’article L. 2193-3 du code de la commande publique consacre, sous réserve du respect des conditions fixées par la loi du 31 décembre 1975, le droit, pour le titulaire d’un marché public, de sous-traiter l’exécution de certaines des prestations faisant l’objet dudit marché.

L’acheteur ne peut donc imposer au titulaire d’un marché public d’exécuter lui-même l’intégralité des prestations du contrat.

Cependant, le titulaire ne peut sous-traiter l’intégralité des prestations faisant l’objet du marché public. L’article 1er de la loi du 31 décembre 1975 dispose en effet, tout comme le code de la commande publique, que le titulaire est autorisé à sous-traiter uniquement « l’exécution de certaines parties de son marché public », mais sans que ces textes ne précisent la part minimale de prestations que le titulaire doit exécuter en propre. Un architecte, sous peine de sanctions disciplinaires, ne peut sous-traiter le projet architectural défini à l’article 3 de la loi n°77-2 du 03 janvier 1977 sur l’architecture (Code déontologie de l’architecte, article 37),

L’article 6 de la loi MURCEF du 11 décembre 2001 (n°2001-116) interdit la sous-traitance totale dans les marchés publics,

A cet égard, l’acheteur peut demander aux candidats, sur le fondement de l’article R. 2151-13 du code de la commande publique, via l’avis d’appel à la concurrence ou dans un autre document de la consultation, d’indiquer dans leur offre la part du marché public qu’ils ont l’intention de sous-traiter à des tiers.

Cependant, l’acheteur peut néanmoins contraindre le titulaire à exécuter lui-même certaines « tâches essentielles » du marché public, comme le prévoient les articles L. 2193-3 du code de la commande publique (marchés publics classiques) et L. 2393-7 du même code (marchés publics de défense ou de sécurité) qui autorisent l’acheteur à restreindre le recours à la sous-traitance des marchés publics en exigeant que certaines tâches essentielles soient effectuées directement par le titulaire. Ainsi, sur le fondement de ces dispositions, l’acheteur peut légitimement invoquer le caractère essentiel de certaines prestations pour refuser au titulaire le recours à un sous-traitant.

Dans le cadre des marchés de défense ou de sécurité, l’acheteur peut imposer au titulaire le recours à la sous-traitance, ainsi que les modalités de recours, à la sous- traitance. L’article L. 2393-3 du code de la commande publique autorise l’acheteur public à imposer au titulaire d’un tel marché le recours à la sous-traitance et la mise en place d’une procédure de mise en concurrence du choix des sous-traitants, parmi notamment certains sous-traitants librement choisis pour y participer par l’acheteur. Si, l’acheteur souhaite recourir à ces dispositions, il devra l’indiquer dans l’avis d’appel public à la concurrence, tout en précisant le pourcentage minimum et maximum que le titulaire sera tenu de sous-traiter, sachant que le pourcentage maximum est plafonné à 30% du montant du marché (article R. 2393-8 du code de la commande publique).


 

3, Le recours à la sous-traitance s’opère sous certaines conditions et sous le contrôle de l’acheteur public :

Le recours à la sous-traitance est subordonné à la mise en œuvre de diverses formalités prévues par la loi du 31 décembre 1975 et par les articles R. 2193-1 à R. 2193-22 du code de la commande publique (marchés publics classiques) et R. 2393-1 à R. 2393-40 du code de la commande publique (marchés publics de défense ou de sécurité). L’acheteur, le titulaire du marché public ainsi que le sous-traitant sont concernés par le respect de ces formalités.

Aux termes de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1975 et de l’article L. 2193-10 du code (marchés publics classiques) le titulaire n’est autorisé à sous-traiter l’exécution de certaines prestations du marché public qu’à la double condition cumulative d’avoir obtenu de l’acheteur l’acceptation des sous-traitants et l’agrément de leur condition de paiement.

En effet, la seule acceptation du sous-traitant ne suffit pas (CE, 13 juin 1986, n°56350 ; CAA Lyon, 22 mai 2003, n°98LY00249),

S’agissant des marchés publics de défense ou de sécurité, l’article R. 2393-24 du code de la commande publique impose à l’acheteur d’indiquer, dans l’avis de marché, que chaque sous-traitant doit être soumis à son acceptation et de préciser les conditions de rejet des sous-traitants. En revanche, l’agrément, par l’acheteur, des conditions de paiement du sous-traitant n’est pas une condition de recours à la sous-traitance par le titulaire du marché public. L’absence d’agrément des conditions de paiement du sous- traitant par l’acheteur aura par contre pour conséquence de priver le sous-traitant du droit au paiement direct, conformément à l’article L. 2393-13 du code de la commande publique.

L’obligation d’acceptation et d’agrément des conditions de paiement s’applique à l’ensemble des sous-traitants, quel que soit leur rang.

A cet égard, le CCAG-TRAVAUX 2021 distingue la sous-traitance directe (article 3.6.1) de la sous-traitance indirecte (en chaîne ; article 3.6.2).


-                    Le contenu de la déclaration préalable :

Aux termes de l’article L. 2193-5 du code de la commande publique, l’opérateur économique qui soumissionne à un marché public indique à l’acheteur les sous-traitants auquel il envisage de faire appel ainsi que la nature et le montant des prestations qu’il entend sous-traiter. Cette déclaration préalable avant l’attribution du marché public n’empêche pas le titulaire du marché public de faire appel à de nouveaux sous-traitants en cours d’exécution du marché public, à condition que leur intervention respecte les formalités de déclaration préalables. Les articles R. 2193-1 et R. 2193-3 du code de la commande publique (marchés publics classiques) ainsi que R. 2393-25 et R. 2393-27 du même code (marchés publics de défense ou de sécurité) listent les éléments qui doivent obligatoirement figurer dans la déclaration de sous-traitance.

La demande d’acceptation et d’agrément envers la personne publique doit émaner (pour être valable) du titulaire du marché (et ce même pour la sous-traitance indirecte).

Un formulaire DC4 de déclaration de sous-traitance et différents modèles sont proposés par la DAJ sur leur site.

·  Lorsque la demande de sous-traitance est effectuée concomitamment au dépôt de l’offre par le candidat au marché public, celle-ci doit contenir :

-   la nature des prestations sous-traitées ;

-   le nom, la raison ou la dénomination sociale et l’adresse du sous-traitant ;

-   s’agissant des marchés publics de défense ou de sécurité, le lieu d’exécution des prestations sous-traitées ;

-   le montant maximum des sommes à verser au sous-traitant ;

-   les conditions de paiement prévues par le projet de contrat de sous-traitance et, le cas échéant, les modalités de variation des prix ;

-   les capacités du sous-traitant sur lesquelles l’opérateur économique s’appuie ;

-   une déclaration attestant que le sous-traitant n’est pas placé dans un des cas d’exclusion de la procédure de passation mentionné au chapitre Ier du titre IV du code de la commande publique.

·  Lorsque la demande de sous-traitance est effectuée après la notification du marché public, celle-ci doit contenir :

- l’ensemble des éléments susmentionnés,

-   ainsi que l’exemplaire unique ou le certificat de cessibilité ou une attestation ou une main levée du bénéficiaire de la cession ou du nantissement de créance afin d’établir qu’aucune cession ni aucun nantissement de créance résultant du marché public ne font obstacle au paiement direct du sous-traitant.


A cet égard :

Ø   Le soumissionnaire ou le titulaire doit préciser la nature des prestations sous-traitées et le montant maximum des sommes de son marché qui seront sous- traités (et qui engageront le paiement direct du maître d’ouvrage). S’agissant de travaux de construction, un dispositif d’auto-liquidation de TVA est prévu par l’article 283-2 nonies du code général des impôts, de sorte que seul le montant HT sous-traité est pris en compte.

Par ailleurs, s’agissant du montant de la sous-traitance, les dispositions de l’article R. 2193-9 du code (marchés publics classiques) imposent à l’acheteur d’opérer un

contrôle sur celui-ci afin de s’assurer, au regard des prestations sous-traitées annoncées, que celui-ci n’est pas anormalement bas.

Si le caractère anormalement bas de la sous-traitance est détecté au moment du dépôt de l’offre, l’acheteur doit rejeter l’intégralité de l’offre du soumissionnaire qui a présenté le sous-traitant. En revanche, si ce caractère anormalement bas est détecté après le dépôt de l’offre, l’acheteur refusera uniquement d’agréer le sous-traitant.

Ø   S’agissant des capacités du sous-traitant sur lesquelles le soumissionnaire ou le titulaire entend s’appuyer, c’est la même liste de renseignements et de documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics pour vérifier que ceux-ci remplissent les conditions de participation exigées.

 

Ø   S’agissant de la justification que le sous-traitant ne se trouve pas dans un cas d’exclusion de la procédure de passation mentionné à l’article L. 2141-1 du code et aux 1° et 3° de l’article L. 2141-4 du code (marchés publics classiques) ou à l’article L. 2341-1 du code (marchés de défense ou de sécurité) la loi relative à  la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II », a autorisé à ce que cette justification ne procède que d’une simple déclaration sur l’honneur du sous-traitant.

 

Ø   L’acheteur doit vérifier qu’aucune cession ni aucun nantissement de créance résultant du marché public ne font obstacle au paiement direct du sous- traitant et exiger ainsi la production de l’exemplaire unique ou du certificat de cessibilité ou une attestation ou une main levée du bénéficiaire de la cession ou du nantissement de créances.

 

L’acheteur ne doit ainsi pas accepter le sous-traitant si l’un de ces documents ne lui est pas remis. En effet, la circonstance que l’entreprise titulaire ait omis de communiquer à l’acheteur l’exemplaire unique du marché ou l’attestation de la cession de créance n’est pas de nature à exonérer l’acheteur de son obligation à l’égard de la banque (CE, 6 décembre 1999, Ville de Marseille, n° 189407), et il sera tenu de payer deux fois, à la banque la créance cédée ainsi que les prestations correspondantes effectuées par le sous-traitant.

 

Ø   Par ailleurs, en application de l’article 28.2 du RGPD, l’acheteur doit donner son autorisation écrite préalable spécifique lorsque le titulaire du marché public souhaite sous-traiter des prestations impliquant la sous-traitance de traitement de données à caractère personnel.


-        La décision d’acceptation et d’agrément des conditions de paiement du sous-traitant par l’acheteur peut être expresse ou implicite :

 

Dans l’hypothèse d’une déclaration de sous-traitance lors du dépôt de l’offre, la notification du marché au titulaire emporte implicitement acceptation du sous-traitant et agrément de ses conditions de paiement. Il n’est donc pas formellement nécessaire que l’acheteur signe la déclaration de sous-traitance. Pour autant, il est néanmoins toujours préférable que ce document soit signé par l’acheteur pour la bonne information du sous-traitant et du comptable.

 

Dans l’hypothèse d’une déclaration de sous-traitance effectuée après la notification du marché public, l’acte spécial de sous-traitance doit être expressément signé par l’acheteur et le titulaire du marché public. L’acceptation et l’agrément du sous-traitant délivré par l’acheteur par la signature de l’acte spécial de sous-traitance ne fait pas naître de relation contractuelle entre eux : (CE, 27 janvier 1989, Société SOPREMA, n° 80975), et le sous-traitant n’a pas l’obligation de signer l’acte spécial, même si cela est conseillé pour apporter la preuve de son consentement sur la nature des prestations sous-traitées et des conditions du paiement direct. Une fois signé, l’acte spécial de sous-traitance est notifié par l’acheteur au titulaire du marché public.

 

Lorsque le sous-traitant est présenté en cours d’exécution du marché public, le silence de l’acheteur gardé pendant 21 jours à compter de la réception de la déclaration de sous-traitance comportant, de manière exhaustive, l’ensemble des éléments exigés, vaut acceptation tacite et agrément des conditions de paiement du sous-traitant présenté en cours d’exécution du marché public.

 

Cependant, en cas de déclaration de sous-traitance incomplète transmise par le titulaire à l’acheteur, le délai de 21 ne court pas (CAA Bordeaux, 9 février 1993, Sté revêtement Technique Sud-Ouest, n°91BX00249).

 

Aucune disposition n’oblige l’acheteur à informer le titulaire du marché que son dossier est incomplet, mais il y a tout lieu de le faire pour éviter que ce dernier ne pense que son sous-traitant a été tacitement accepté.

 

Ø   La décision d’acceptation du sous-traitant et l’agrément de ses conditions de paiement ne vaut, en principe, que pour la durée initiale du marché public. Dans le cas d’un marché reconductible, et en l’absence de clause expresse du formulaire de déclaration indiquant que, en cas de reconduction du marché la déclaration de sous-traitance est également reconduite dans les mêmes conditions, le titulaire doit rédiger un nouvel acte spécial de sous-traitance indiquant les prestations confiées au titulaire au titre de l’exécution du marché reconduit. Il peut être dérogé à cette règle, en prévoyant, avec l’accord du titulaire, dans la déclaration préalable ou l’acte spécial qu’ils seront reconduits dans les mêmes conditions.


Ø   L’acheteur doit justifier du refus ou du retrait d’acceptation et d’agrément du sous-traitant, sous peine d’engager sa responsabilité quasi-délictuelle pour faute envers celui-ci (CE, 21 mai 2008, Société Bernard Travaux Polynésie, n°205449).

 

Ce refus ou retrait ne peut être justifié que si les conditions légalement prévues (et ci-avant rappelées) ne sont pas remplies, et ce refus ou retrait doit être motivé, eu égard notamment aux dispositions des articles L. 211-1 à L. 211-8 du code des relations entre le public et l’administration.

 

Ainsi par exemple, les motifs permettant de justifier le rejet du sous-traitant sont notamment : montant de la sous-traitance anormalement bas, capacités insuffisantes du sous-traitant qui sont susceptibles de nuire à la bonne exécution du marché public (CE, 29 mai 1981, Roussey, n°12315, mentionné au Lebon), sous-traitant qui tombe sous le coup d’une interdiction de soumissionner, existence d’un nantissement ou d’une cession de créance qui ferait obstacle au paiement direct du sous- traitant (CE, 2 juin 1989, Société Phinelec, n°67152, mentionné au Lebon), En revanche, l’acheteur public ne peut pas retire l’acceptation ou l’agrément au motif que le sous-traitant aurait manqué à ses obligations contractuelles (CAA Lyon, 4e 14 janvier 2019 n°16LY04384),

 

Ø   L’acte spécial de sous-traitance peut être modifié en cours d’exécution du marché public par un acte spécial modificatif pour tenir compte des modifications apportées au marché public, ou pour augmenter ou diminuer la part qui a été sous-traitée, si les relations contractuelles du titulaire et du sous-traitant sont également modifiées sur ce point.

 

En revanche, l’acte spécial de sous-traitance ne peut être modifié en cours d’exécution pour tenir compte de la manière dont les prestations sous-traitées ont effectivement été exécutées. L’acheteur et le titulaire ne peuvent pas en particulier modifier l’acte spécial de sous-traitance pour tenir compte de la défaillance du sous-traitant à exécuter les  prestations  prévues  au  contrat  (CE,  27  janvier  2017,  Société  Baudin  Châteauneuf  Dervaux,  n°397311  ;  CAA Bordeaux,  1re  ch., 29 novembre 2018, n° 16BX02297).

 

Un changement de sous-traitant est également possible en cours d’exécution du marché public, mais l’acheteur devra s’assurer auprès du titulaire de l’acte qui met fin au contrat de sous-traitance initial ainsi qu’un état des paiements effectués au sous-traitant et de l’avancement des travaux ou prestations confiés au sous-traitant jusqu’au terme du contrat.

 

L’acheteur devra également s’assurer que le changement de sous-traitance n’a pas pour effet de bouleverser l’équilibre du marché public. En effet, la jurisprudence européenne considère qu’un « changement de sous-traitant, même lorsque la possibilité en est prévue dans le contrat, peut, dans des cas exceptionnels, constituer une telle modification de l’un des éléments essentielles du contrat (…) lorsque le recours à un sous-traitant plutôt qu’à un autre a été, compte tenu des caractéristiques propres à la prestation en cause, un élément déterminant de la conclusion du contrat, notamment en raison du fait que la modification d’un contrat en cours de validité peut être considérée comme substantielle lorsqu’elle introduit des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure d’attribution initiale, auraient permis l’admission de soumissionnaires autres que ceux initialement admis ou auraient permis de retenir une offre autre que celle initialement retenue »


4, Le droit à paiement direct du sous-traitant par le maître d’ouvrage :

Le paiement direct du sous-traitant est un droit d’ordre public que les parties, mêmes d’un commun accord, ne peuvent remettre en cause (CE, avis du 18 juin 1991, n°349740). Ainsi, une clause insérée dans le contrat de sous-traitance ayant pour effet de faire échec au paiement direct est réputée non écrite (article 15 de la loi du 31 décembre 1975 et article L. 2193-11 du code de la commande publique). Le droit au paiement direct du sous-traitant est subordonné à la condition que le montant de la sous-traitance soit égal ou supérieur à 600 euros TTC.

Seul le sous-traitant de premier rang accepté par l’acheteur et dont les conditions de paiement ont été agréées par celui-ci, peut bénéficier du droit au paiement direct des prestations qu’il a exécutées (articles L. 2193-11 et L. 2393-13 du code de la commande publique). Ainsi, un sous-traitant ne peut prétendre au paiement direct des prestations exécutées antérieurement à la décision d’acceptation et d’agrément de l’acheteur (CAA Nancy, 20 février 2018, Société HSOLS, n°16NC01473 ; CE, 3 avril 1991, n°90552).

Les sous-traitants de second rang ne bénéficient pas du droit au paiement direct. Cependant afin de protéger les sous-traitants faisant l’objet d’une sous-traitance en chaine, l’article L. 2193-14 du code de la commande publique dispose que le sous-traitant direct doit délivrer au sous-traitant de second rang une caution ou une délégation de paiement dans les conditions définies à l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975.

Cette délégation de paiement est une forme contractuelle de paiement direct qui permet à l’acheteur, sur instruction du sous-traitant de premier rang, de régler directement le sous-traitant de second rang en déduction des sommes dues à ce dernier.

En l’absence de délégation de paiement, le sous-traitant direct est tenu de fournir une caution personnelle et solidaire et ce, préalablement à toute acceptation de sous- traitance indirecte.

L’acheteur est tenu de veiller à ce que le sous-traitant de premier rang, entrepreneur principal à l’égard du sous-traitant indirect, ait effectivement respecté ses obligations  en matière de garantie de paiement. Ainsi, dès lors que l’acheteur a connaissance d’un sous-traitant de second rang, il doit mettre en demeure le sous-traitant direct afin que celui-ci délivre au sous-traitant de second rang une délégation de paiement ou une caution. Si l’acheteur omet de mettre en demeure le sous-traitant de premier rang, tel que cela est prévu par l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, il commet une faute de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle envers le sous-traitant (CAA de Versailles, 1er juin 2011, Société JCI, n°09VE01379).


D’une manière générale, l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 fait obligation au maître d’ouvrage qui « a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant » de mettre en demeure l’entrepreneur de faire accepter le sous-traitant et d’agréer les conditions de paiement, et ce, afin d’éviter toute sous-traitance occulte.

Le Conseil d’Etat retient que le maître d’ouvrage qui s’abstient de « provoquer la régularisation » d’un sous-traitant non déclaré, en mettant en demeure l’entrepreneur principal, commet une faute de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle à l’égard du sous-traitant occulte (CE, 28 mai 2001, n°205449 ; CE, 7 novembre 1980, n°12060).

CAA Lyon, 2 septembre 2019, n°17LY02724 : : « le maître d’ouvrage qui ayant eu connaissance d’une sous-traitance irrégulière, s’abstient de toute mesure propre à y mettre fin, commet une faute de nature à engager sa responsabilité »,

Pour le juge administratif, la faute du maître d’ouvrage est uniquement constituée par sa carence à mettre en demeure l’entrepreneur principal, en dépit de la connaissance qu’il  avait de la présence d’un sous-traitant sur le chantier.

Le juge administratif subordonne cependant l’indemnisation du sous-traitant à la démonstration d’un lien de causalité directe et le préjudice allégué par le sous-traitant occulte.

Au regard des jurisprudences existantes, ce lien de causalité est rapporté et se limite strictement au cas d’espèce où l’entrepreneur principal a perçu des sommes du maître d’ouvrage qu’il aurait dû reverser au sous-traitant pour son exécution personnelle, et est devenu insolvable ou impécunieux à pouvoir le faire.

Le sous-traitant occulte ne sera pas tenu pour responsable de son absence de déclaration ou d’acceptation. Cependant il lui appartient d’apporter la preuve que le maître d’ouvrage avait « connaissance de sa présence sur le chantier » en qualité de sous-traitant.

Dans un arrêt du 20 octobre 2020 (req. n°18LY04737), la CAA de Lyon a rejeté la mise en cause du maître d’ouvrage en l’absence de toute preuve apportée par le sous-traitant, de ce que le premier avait connaissance de la présence du second sur le chantier.

Généralement, le juge se fonde sur un faisceau d’indices, plutôt que sur un seul élément. Dans deux arrêts (7 décembre 2010, req. n°09BX01024 et 17 décembre 2018, req. n°16BX01315), la CAA de Bordeaux a considéré cette preuve apportée, en se basant sur un faisceau d’indices liés à la mention de l’intervention du sous-traitant : dans un avenant passé entre l’entrepreneur et le maître d’ouvrage, sur une facture adressée par l’entrepreneur et dans le projet de décompte général.

La preuve de cette connaissance peut également résulter de la mention du sous-traitant dans les comptes-rendus de chantier (CAA Versailles, 12 avril 2005, req. n°02VE01958).

Le maître d’ouvrage qui s’est abstenu de mettre en demeure l’entrepreneur principal de régulariser la situation d’un sous-traitant non déclaré, peut s’en exonérer partiellement, en invoquant la faute commise par l’entrepreneur principal, qui n’a pas soumis le sous-traitant à l’acceptation du maître d’ouvrage (CE, 7 novembre 1980, req. n°12060).

Par ailleurs, le CCAG-Travaux, en son article 32.1 prévoit que constitue un motif de résiliation pour faute, la circonstance que le titulaire ait « sous-traité en contrevenant aux

dispositions législatives et réglementaires relatives à la sous-traitance, ou s’il ne respecte pas les obligations relatives aux sous-traitants mentionnées à l’article 3.6 ». Egalement  ces


 

 

Ø   La procédure de paiement direct :

C’est le sous-traitant qui adresse sa demande de paiement direct au titulaire, ce qui conditionne son droit à paiement direct (CE, 19 avril 2017, Société Angles et fils, n°396174 ; CE 28 déc. 1988, SPrometal, req. no 69850 , Lebon 476 – CAA Nantes, 20 déc. 2003, SParlalu, req. no 00NT00682.).

A compter de l’accomplissement de cette formalité, le titulaire dispose d’un délai de 15 jours pour accepter ou refuser la demande de paiement direct. Pour ce faire, il examine la demande et vérifie si elle correspond aux prestations qui ont effectivement été exécutées par le sous-traitant.

En cas d’acceptation expresse, il joint au projet de décompte adressé à l’acheteur ou son représentant une attestation et indique le montant des sommes à prélever au profit du sous-traitant. Dans l’hypothèse où le titulaire oppose un refus de paiement direct au sous-traitant, il doit motiver sa décision auprès du sous-traitant et de l’acheteur. L’acheteur n’a pas à apprécier la légalité du motif invoqué par le titulaire à l’appui de son refus. A l’issue du délai de 15 jours, le titulaire qui ne s’est pas manifesté est réputé avoir accepté la demande de paiement direct adressée par le sous-traitant, comme le prévoit l’article 8 de la loi du 31 décembre 1975 .

En parallèle de la demande adressée au titulaire, le sous-traitant doit impérativement adresser sa demande à l’acheteur, qu’il accompagne des copies des factures adressées au titulaire et de l’accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande. A la réception de cette demande, l’acheteur adresse alors à son tour, et sans délai, au titulaire du marché une copie des factures produites par le sous-traitant.

Cette demande parallèle est importante à respecter pour le sous-traitant, car dans l’hypothèse où le titulaire du marché public n’a ni opposé un refus motivé à la demande de paiement du sous-traitant dans le délai de 15 jours imparti suivant sa réception, ni transmis celle-ci à l’acheteur, le sous-traitant qui n’a pas transmis en parallèle sa demande de paiement à l’acheteur ne pourra prétendre au paiement direct et aucun intérêt moratoire ne pourra être réclamé (CAA Versailles, 1er juin 2011, Société JCI, n°09VE01379). Pour obtenir le paiement direct par l'acheteur public de toute ou partie des prestations qu'il a exécutées, le sous-traitant régulier doit adresser sa demande avant la notification du décompte général du marché à l'entrepreneur (CE, 2 déc. 2019, n° 425204 CAA Marseille, 6e ch., 15 juin 2020, n° 18MA02292).


 

Pour autant, l’acceptation du paiement direct par le titulaire du marché public ne lie pas de manière irrévocable l’acheteur qui conserve un droit de contrôle sur la demande de paiement direct du sous-traitant.

Ainsi, le Conseil d’Etat considère que le droit au paiement direct ne fait pas obstacle au contrôle, par l’acheteur, de l’exécution effective des travaux sous-traités et du  montant de la créance du sous-traitant (CE, 28 avril 2000, Société Peinture Normandie, n° 181604 ; CE, 27 janvier 2017, Société Baudin Châteauneuf Dervaux, n° 397311).

Au titre de ce contrôle de l’exécution effective des prestations, l’acheteur peut s’assurer que la consistance des travaux réalisés par le sous-traitant correspond effectivement à ce qui était prévu par les stipulations du marché public (CE, 9 juin 2017, Société Keller Fondations Spéciales contre Commune de Montereau-Fault-Yonne, n° 396358).

Si tel n’est pas le cas, il peut refuser au sous-traitant le droit au paiement direct. L’acheteur peut également refuser le paiement direct des prestations, non conformes aux spécifications du marché public, qui n’étaient pas indispensables à l’exécution des travaux et qui n’ont fait l’objet ni d’un avenant ni d’un ordre de service (CAA Bordeaux, 9 décembre 2010, Société Dirickx Espace Protect SAS, n° 10BX00725).

L’acheteur peut également refuser le paiement direct des travaux qui ne font pas partie de ceux pour lesquels la sous-traitance a été acceptée et les conditions de paiement ont été agréées (CE, 17 décembre 2003, Sté Laser, n° 250494).

En revanche, l’acheteur ne saurait, dans le cadre de son droit de contrôle, vérifier la qualité des prestations réalisées (règles de l’art) ou bien encore faire application des stipulations contractuelles relatives aux pénalités de retard relevant du marché public conclu avec le titulaire ni des stipulations contractuelles relatives aux pénalités de retard relevant du sous-traité, ni au titre de réserves formulées lors de la réception, pour s’opposer au paiement direct (CAA Lyon, 4e ch., 15 mai 2014, n° 12LY22756).


Ø   L’étendue du droit au paiement direct dont bénéficie le sous-traitant :

Le sous-traitant régulièrement accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par l’acheteur a le droit au bénéfice du paiement direct à hauteur des prestations du marché public qu’il est chargé d’exécuter et qui ont effectivement été constatées (CAA Bordeaux, 6 juillet 2004, Sté Rosique Construction métallique, n° 00BX010112).

Il découle de ce principe que l’acheteur ne peut, en principe, faire bénéficier le sous-traitant d’une rémunération plus importante que celle prévue dans l’acte spécial de sous- traitance (CAA Lyon, 6 juin 2013, EHPAD d’Effiat, n°12LY01935). Le sous-traitant ne peut concernant ses modalités de paiement se prévaloir auprès du maître de l’ouvrage du contrat qui le lie à l’entrepreneur principal auquel le maître d’ouvrage n’est pas partie (CE 17 décembre 1999, n°177806 ; CAA Paris 6e 14 mai 2019 n°18PA00240),

Cependant, le sous-traitant accepté et agréé qui bénéficie du paiement direct a également le droit au paiement direct des travaux supplémentaires, qui ont été  convenus avec le maître d’ouvrage et le titulaire du marché. Ces prestations supplémentaires doivent faire l’objet d’un avenant au contrat de sous-traitance et donner lieu à la modification de l’acte spécial de sous-traitance. A défaut d’avoir soumis le sous-traitant à une nouvelle acceptation par l’acheteur et à l’agrément de ses conditions  de paiement pour ces prestations supplémentaires, le sous-traitant ne pourra prétendre de l’acheteur un droit au paiement direct de celles-ci (CE, 28 mai 2001, SA Bernard Travaux Polynésie, 205449).

Sans accord exprès, le sous-traitant accepté et agréé peut toutefois bénéficier du paiement direct du maître d’ouvrage pour des travaux indispensables à la réalisation de l’ouvrage ainsi que des dépenses résultant pour lui de sujétions techniques imprévues qui ont bouleversé l’économie générale du marché, et ce sur les mêmes fondements et conditions que pour le titulaire du marché public (CE, 1er juillet 2015, Régie des eaux du canal de Belletrud, n° 383613 ; CE, 13 février 1987, Société Ponticelli Frères, n° 67314 ; CE, 24 juin 2002, Département de la Seine-Maritime, n° 240271 ; CE, 3 mars 2010, Société PRESSPALI, n° 304604 ; CE, 24 juin 2002, Département de la Seine-Maritime, n° 240271).

Aujourd’hui ces conditions d’indemnisation du titulaire d’un marché de travaux pour ces travaux ou dépenses supplémentaires non acceptés sont fixées par l’arrêt du Conseil d’Etat du 05 juin 2013 « Région Haute-Normandie » (n°352917) l’indemnisation de tels coûts supplémentaires est subordonnée à la preuve par le requérant de l’existence de difficultés d’exécution subis qui soit trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat, soit que ces difficultés d’exécution sont imputables à une faute personnelle de la personne publique, maître d’ouvrage. Il s’agit d’une jurisprudence établie, qui est maintenant constante, et voir par exemple s’agissant de la Cour administrative d’appel de DOUAI dans un arrêt du 02 avril 2020 (n°18DA00736).

S’agissant du cas particulier du sous-traitant, le Conseil d’Etat considère que le bouleversement de l’économie générale du marché public s’apprécie en confrontant « le montant des dépenses résultant de ces sujétions au montant total du marché et non au montant de la partie sous-traitée » (CE, 1er juillet 2015, Régie des eaux du canal de Belletrud, n° 383613).


    Aux termes de l’article R. 2193-19 du code de la commande publique, dès lors que le sous-traitant bénéficie du droit au paiement direct et que, au titre du marché public, le titulaire remplit les conditions pour bénéficier d’une avance, le sous-traitant peut réclamer de l’acheteur le versement d’une avance.

Le refus du titulaire de bénéficier de l’avance n’empêche pas le sous-traitant d’en obtenir le versement. Les conditions de versement et de remboursement de  l’avance sont identiques à celles prévues pour l’avance versée au titulaire du marché public.

Le sous-traitant éligible au paiement direct bénéficie de ce droit, dès la notification du marché public ou à la notification de l’acte spécial de sous-traitance.

Les montants qui conditionnent le versement de l’avance et qui sont prévus aux articles R. 2191-3 du code de la commande publique (marchés publics classiques) et R.2391-1 du code de la commande publique (marchés publics de défense ou de sécurité), s’apprécient par rapport au montant global du marché public et non par rapport au montant des prestations sous-traitées.

Ainsi, pour les marchés publics « classiques », l’avance est de droit si le montant total du marché public, et non le seul montant des prestations sous-traitées, est supérieur à 50 000 euros HT et si le délai d’exécution du marché public est supérieur à 2 mois. Pour les marchés publics de défense ou de sécurité, l’avance est de droit si le montant total du marché public est supérieur à 250 000 euros HT et si le délai d’exécution est supérieur à 3 mois.


 

  Lorsque le sous-traitant bénéficie du paiement direct et que l’acheteur est un pouvoir adjudicateur, y compris s’il agit en qualité d’entité adjudicatrice, son paiement doit être effectué dans le respect des délais des dispositions des articles L. 3133-10 et suivants du code de la commande publique et des dispositions des articles R. 3133-10 et suivants du code de la commande publique.

En vertu de l’article 6 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013, le délai de paiement qui engage le pouvoir adjudicateur à l’égard du titulaire dans le cadre d’un marché public engage également celui-ci à l’égard des sous-traitants du titulaire.

Le délai de paiement du sous-traitant court à compter de la plus tardive des formalités suivantes :

-   la réception par le pouvoir adjudicateur de l’accord exprès du titulaire concernant la demande de paiement du sous-traitant ou de son accord tacite, si dans le délai de 15 jours qui lui est imparti, il n’a pas formellement opposé son refus au paiement direct ;

-   la réception par l’acheteur de la copie de la facture adressée au titulaire et de l’accusé de réception attestant que le titulaire a bien reçu la demande de paiement du sous- traitant.

Enfin, en cas de retard de paiement par le pouvoir adjudicateur, le sous-traitant perçoit des intérêts moratoires et une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement dans les conditions prévues par les articles 39 et 40 de la loi n° 2013-100102 du 28 janvier 2013.

S’il constate que la demande de paiement ne comporte pas l’ensemble des pièces justificatives requises, le pouvoir adjudicateur peut suspendre le délai de paiement du sous-traitant. Cette suspension ne peut avoir lieu qu’une seule fois pour chaque demande de paiement.

Afin que cette suspension soit régulière, le pouvoir adjudicateur doit notifier au titulaire et au sous-traitant, par tout moyen attestant d’une date certaine de réception, la suspension du délai de paiement, les motifs d’une telle décision ainsi que les pièces justificatives exigées aux fins de la régularisation de la demande. Le délai sera suspendu jusqu’à la date de réception par le pouvoir adjudicateur des pièces et justificatifs manquants. Dès la réception de l’ensemble des éléments exigés, un nouveau délai de paiement commencera à courir (article R. 3133-23 du code de la commande publique).


 

 

 

 

5, La responsabilité du sous-traitant au titre de son exécution personnelle envers le maître d’ouvrage :

Le sous-traitant, même s’il a signé le procès-verbal de réception des travaux, n’est pas tenu à l’égard du maître d’ouvrage, ni de la garantie de parfait achèvement, ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, ni encore de la garantie décennale, car ces garanties exigent un lien contractuel entre le maître d’ouvrage et le débiteur de ces garanties.

Seul l’entrepreneur principal, lié contractuellement au maître d’ouvrage est responsable des éventuelles fautes commises par ses sous-traitants. L’article L. 2193-3 du code de la commande publique rappelle d’ailleurs que le titulaire sous-traite sous sa propre responsabilité.

Ainsi le maître d’ouvrage recherchera, au titre de désordres affectant l’ouvrage, en premier lieu la responsabilité du titulaire qui ne saurait pouvoir s’exonérer en invoquant des fautes du sous-traitant, puisqu’il en répond à l’égard du maître d’ouvrage.

Toutefois, le Conseil d’Etat a admis dans son arrêt « Commune de Bihorel » du 7 décembre 2015 (n°380419) que le maître d’ouvrage pouvait rechercher directement la responsabilité quasi-délictuelle du sous-traitant, mais d’une façon subsidiaire et limitée :

-        La responsabilité des cocontractants, locateurs d’ouvrages du maître d’ouvrage, ne doit plus pouvoir être utilement recherchée (voir pour confirmation CE, 27 janvier 2017, Sté Baudin Châteauneuf Dervaux, req. n°397311).

 

En pratique, les hypothèses sont limitées : liquidation judiciaire des locateurs d’ouvrage, clause limitative de responsabilité au bénéfice de l’entrepreneur principal.

 

Si le maître d’ouvrage a pu utilement rechercher la responsabilité contractuelle du titulaire du marché et a obtenu sa condamnation ainsi que celle du maître d’œuvre, il ne peut pas rechercher la responsabilité du sous-traitant sur le fondement quasi-délictuel (CAA Nantes, 20 octobre 2020, req. n°19NT02903).

 

Le maître d’ouvrage ne doit pas s’être placé lui-même dans l’impossibilité de rechercher utilement la responsabilité de ses cocontractants (CAA Douai, 14 janvier 2020, req. n°18DA02297). Dans cette espèce, un incendie du fait d’un sous-traitant s’était déclaré sur une toiture-terrasse avant la réception des travaux. Le maître d’ouvrage avait réceptionné et établit le décompte général définitif sans émettre de réserves à ce sujet vis-à-vis de l’entrepreneur. Et ayant ainsi renoncé à agir contre le titulaire, son action contre le sous-traitant a été par conséquent rejetée.


 -    La responsabilité du sous-traitant doit être recherchée sur la base de la violation des règles de l’art ou la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. A contrario le maître d’ouvrage ne saurait se prévaloir de fautes du sous-traitant résultant de sa seule inexécution de ses propres obligations contractuelles vis-à-vis de l’entrepreneur principal, et qui ne caractérisent pas une méconnaissance de règles de l’art ou de dispositions législatives et réglementaires.

 

Et notamment le retard dans l’exécution des prestations ne suffit pas à caractériser une violation des règles de l’art ou une méconnaissance des dispositions  législatives et réglementaires (CE, 27 janvier 2017, Sté Baudin Châteauneuf Dervaux, req. n°397311, CAA Douai, 29 septembre 2020, req. n°18DA01593).

 

-    Enfin, les désordres doivent être apparus après réception et doivent être de nature décennale, soit de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination. En effet, la responsabilité du sous-traitant ne peut être recherchée pour des désordres mineurs, mais seulement pour ceux de nature décennale (CE, 6 novembre 2020, n°428457).

Les actions dirigées contre les sous-traitants sur le fondement du droit commun se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux lorsqu’elles sont initiées par le maître d’ouvrage (article 1792-4-3 du code civil). Cette question est aujourd’hui clairement tranchée par un arrêt du Conseil d’Etat : CE 12 avril 2022 n°448946) pour lequel les actions prévues aux articles 1792 et 1792-1 du code civil ont vocation à s’appliquer aux actions en responsabilité dirigées par le maître d’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants.