lundi 29 avril 2019

L’instance en référé prenant fin avec la désignation de l’expert et l’instance au fond n’étant pas la continuation de l’instance en référé, les diligences accomplies à l’occasion des opérations d’expertise, dès lors qu’elles ne font pas partie de l’instance au fond, ne sont pas susceptibles d’interrompre le délai de péremption

Note Cagnoli, SJ G 2019, p. 1245.
Note Strickler, Procédures, 2019-7, p. 55.
Note Kebir, GP 2019, n° 27, p. 45.
Note Jeuland, SJ G 2019, p.2394.

Arrêt n°510 du 11 avril 2019 (18-14.223) - Cour de cassation - Deuxième chambre civile
- ECLI:FR:CCASS:2019:C200510

Référé

Cassation

Demandeur (s) : M. X... ; et autre
Défendeur (s) : Société Inter services réalisations, société à responsabilité limitée ; et autres






Sur le moyen relevé d’office après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile :
Vu l’article 386 du code de procédure civile ;
Attendu que l’instance en référé prenant fin avec la désignation de l’expert et l’instance au fond n’étant pas la continuation de l’instance en référé, les diligences accomplies à l’occasion des opérations d’expertise, dès lors qu’elles ne font pas partie de l’instance au fond, ne sont pas susceptibles d’interrompre le délai de péremption ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que se plaignant de désordres affectant des biens immobiliers acquis en l’état futur d’achèvement, M. et Mme X... ont, en 2010, assigné la société Inter services réalisations, promoteur-vendeur (la société ISR), devant le juge des référés à fin de désignation d’un expert, puis, devant le tribunal de grande instance, en réparation du préjudice susceptible de résulter de ces désordres, les instances ayant été jointes sous le n° RG 10/15376 ; que dans les deux instances, la société ISR a appelé en garantie l’architecte, la société Archimed, son assureur, la Mutuelle des architectes français, et l’entreprise générale, la société Dumez Méditerranée aux droits de laquelle se trouve la société Travaux du Midi Provence (la société Dumez) ; qu’après rejet de la demande par le juge des référés, l’expertise a été ordonnée par la cour d’appel ; que l’expert ayant déposé son rapport et M. et Mme X... ayant conclu au fond, les sociétés Dumez et ISR ont soulevé la péremption de l’instance principale et de l’instance en garantie ;
Attendu que, pour constater la péremption de l’instance enregistrée sous le n° RG 10/15376 au tribunal de grande instance de Marseille à l’égard de toutes les parties, l’arrêt retient qu’il existe un lien de dépendance direct et nécessaire entre l’instance en référé et l’instance au fond puisque le rapport de l’expert sur les désordres invoqués est une pièce technique incontournable qui a pour but de permettre au juge du fond de statuer sur les demandes des parties, mais que l’assistance, par M. et Mme X..., aux opérations d’expertise, ainsi que la lettre adressée le 28 novembre 2011 par leur conseil à l’expert, ne constituent pas des diligences interruptives du délai de péremption qui a couru du 7 octobre 2011 jusqu’au 7 octobre 2013 ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 18 janvier 2018, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;

Président : Mme Flise
Rapporteur : Mme Kermina
Avocat général : M. Aparisi, avocat général référendaire
Avocat(s) : SCP Marc Lévis, avocat de M. et Mme Mouton - SCP Boulloche - SARL Cabinet Briard - SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

mercredi 24 avril 2019

Portée d'une clause de conciliation préalable obligatoire

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 21 mars 2019
N° de pourvoi: 18-14.773
Non publié au bulletin Rejet

Mme Flise (président), président
SCP Alain Bénabent , SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 janvier 2018), que la Société générale (la banque) a fait délivrer, sur le fondement d'un acte notarié de prêt, un commandement de payer valant saisie immobilière à la société Le Départ puis a fait assigner cette dernière à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution ; que la société Le Départ a soulevé l'irrecevabilité de la procédure de saisie immobilière en l'absence de mise en oeuvre de la clause de conciliation préalable à toute instance judiciaire insérée dans l'acte notarié de prêt ;

Attendu que la société Le Départ fait grief à l'arrêt de déclarer recevable et régulière la procédure de saisie immobilière diligentée par la banque et de déclarer valide le commandement de payer valant saisie signifié le 28 octobre 2015 alors, selon le moyen :

1°/ que la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à toute instance judiciaire s'impose au juge quelle que soit la nature de l'instance, y compris lorsque celle-ci tend uniquement à l'exécution forcée de l'acte ; que la procédure de saisie immobilière engagée sans mise en oeuvre d'une telle clause de conciliation préalable se heurte donc à une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a cru pouvoir infirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré irrecevable, pour défaut de mise en oeuvre de la clause instituant un préalable de conciliation obligatoire, la procédure de saisie immobilière engagée par la banque à l'encontre de la société Le Départ au motif qu'« une clause imposant ou permettant une médiation préalablement à la présentation d'une demande en justice relative aux droits et obligations contractuels des parties ne peut, en l'absence de stipulation expresse en ce sens, faire obstacle à l'accomplissement d'une mesure d'exécution forcée » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer le sens clair et précis d'une clause contractuelle ; qu'en l'espèce, les parties avaient inséré dans l'acte de prêt les liant une clause stipulant qu'« en cas de litige, les parties conviennent, préalablement à toute instance judiciaire, de soumettre leur différend au conciliateur, qui sera missionné par le président de la chambre des notaires » ; qu'en affirmant cependant que cette clause de conciliation excluait les contestations relatives à l'exécution de l'acte de prêt quand rien, dans les termes clairs et précis de ladite clause, ne permettait de retenir une telle exclusion, la cour d'appel a violé le principe suivant lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ;

Mais attendu qu'une clause imposant ou permettant une conciliation préalablement à la présentation d'une demande en justice relative aux droits et obligations contractuels des parties ne peut, en l'absence de stipulation expresse en ce sens, faire obstacle à l'accomplissement d'une mesure d'exécution forcée ; que nonobstant une telle clause, un commandement de payer valant saisie immobilière peut être délivré et le débiteur assigné à comparaître à une audience d'orientation du juge de l'exécution ;

Qu'ayant relevé que la clause de conciliation stipulée à l'acte de prêt, n'avait pas prévu expressément son application à l'occasion de la mise en oeuvre d'une mesure d'exécution forcée, la cour d'appel en a exactement déduit, hors toute dénaturation, qu'elle ne pouvait faire obstacle à la délivrance d'un commandement de payer et à l'assignation de la débitrice à l'audience d'orientation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Le Départ aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la Société générale la somme de 3 000 euros ;

lundi 22 avril 2019

Application de la responsabilité décennale à une installation mécanique

Note Ajaccio, bull. assurances EL, mai 2019, p. 6.

Note Faure-Abbad, RDI 2019, p. 344
Note Pagès-de-Varenne, Constr.-urb., 2019-6, p. 29

Arrêt n°290 du 4 avril 2019 (18-11.021) - Cour de cassation - Troisième chambre civile
- ECLI:FR:CCASS:2019:C300290

Construction immobilière

Rejet


Demandeur(s) : société SMABTP

Défendeur(s) : société Seval ; et autres



Donne acte à la SMABTP du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Ateim ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 7 septembre 2017), que la société Arcelor Mital Atlantique et Lorraine (la société Arcelor) a confié à la société Etablissements Couturier (la société Couturier), assurée au titre de la responsabilité décennale auprès du Gan, devenue Allianz, et de la responsabilité civile auprès de la société UAP, devenue Axa France, la réalisation d’une installation de manutention de bobines de tôles d’acier, appelées coils, ayant pour objet de transporter les coils arrivant par le train de l’usine voisine à température tiède aux emplacements où ils devaient subir un refroidissement à l’air libre, puis à les reprendre pour les diriger vers le cœur de l’usine pour obtenir le produit fini et comportant une structure fixe, le « chemin de roulement », et une structure mobile, « le pont roulant », qui se déplace en roulant sur la structure fixe et lève les coils depuis le sol puis les dépose en une autre position ; que la réalisation du pont roulant a été confiée à la société Seval, assurée au titre de la responsabilité civile auprès de la société Axa France ; que la société Préventec a réalisé un contrôle préalable de dimensionnement d’un secteur de la poutre de roulement ; que la société Arcelor a chargé la société Bureau Veritas, assurée en responsabilité décennale auprès de la société SMABTP et en responsabilité civile auprès de la société QBE european services Ltd, d’une mission d’examen de la structure ; que la réception de l’installation est intervenue le 30 décembre 2005 sans réserves en lien avec les désordres litigieux ; que, des désordres étant apparus, la société Arcelor a, après expertise, assigné les intervenants et leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices et que des appels en garantie ont été formés ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et les moyens uniques des pourvois incidents des sociétés Seval, Axa France et Allianz, réunis  :

Attendu que la SMABTP et les sociétés Seval, Axa France et Allianz font grief à l’arrêt de les condamner, in solidum avec d’autres, à verser diverses sommes à la société Arcelor, alors, selon le moyen :

1°/ qu’au regard de la loi applicable au litige [n° 78-12 du 4 janvier 1978], la présomption de responsabilité décennale s’étend aux dommages affectant la solidité des éléments d’équipement d’un bâtiment lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert, c’est-à-dire lorsque la dépose de l’élément, son démontage ou son remplacement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de l’ouvrage ; que les ouvrages de construction et les éléments d’équipement remplissant une fonction de construction sont ainsi soumis à la garantie décennale, tandis que les éléments d’équipement dont la fonction est purement industrielle sont soumis à la responsabilité de droit commun ; qu’en l’espèce, ainsi que l’avait rappelé la SMABTP, l’installation litigieuse n’avait pas vocation à répondre aux contraintes d’exploitation et d’usage de l’ouvrage, le chemin de roulement et le pont roulant sur rails étant situés en extérieur, en plein air, et longeant un bâtiment existant clos et couvert, sans être intégrés à sa charpente, le chemin de roulement [partie fixe] et le pont roulant [par mobile, sur rails] étant dissociables sans compromettre l’ensemble de l’exploitation de l’usine de production ; que l’expert lui-même a présenté cette installation comme « un élément d’une installation industrielle constituant une « machine » selon la terminologie de l’Union Européenne » ; qu’ainsi, la nature de l’installation litigieuse, définie par son objet, se confondait avec sa fonction mécanique qui était de déplacer des colis en les levant depuis le sol pour les redéposer en une autre position ; qu’en jugeant dès lors que cette installation constituait un ouvrage ou une partie d’ouvrage, la cour a violé l’article 1792 et l’article 1792-2 du code civil, dans sa version applicable au litige, par fausse application ;





2°/ que la différence entre un ouvrage relevant de la garantie décennale et un élément d’équipement à vocation exclusivement professionnelle qui y échappe est tirée, sous le régime de la loi du 4 janvier 1978, de la finalité de l’installation ; qu’en l’espèce, la cour a constaté que « le chemin de roulement et le pont roulant (…) forment un ensemble (…) pour obtenir le but recherché de manutention des colis », qui est de « transporter des colis qui arrivent par train de l’usine voisine aux emplacements où ils subiront le refroidissement, puis à les reprendre pour les diriger vers le coeur de l’usine de Mardyck » ; qu’il résultait de cette finalité qu’il s’agissait d’un instrument mécanique servant une activité industrielle, c’est-à-dire d’une « machine » au sens de la terminologie européenne, ainsi que l’avait relevé l’expert X..., entrant de ce chef dans la catégorie des éléments d’équipement à vocation exclusivement professionnelle, exclusive de la garantie décennale ; qu’en jugeant dès lors que l’ensemble « relève de la fonction construction », la cour n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 1792 et 1792-2 du code civil, celui-ci dans sa version applicable au litige ;





3°/ que, dès lors que l’élément d’équipement à vocation exclusivement professionnelle se définit par sa finalité, la circonstance que cet élément soit ou non ancré au sol et qu’il contribue accessoirement à stabiliser l’ensemble auquel il est intégré, ce qui ne répond pas aux finalités de son installation, est indifférent ; qu’en jugeant dès lors que l’installation litigieuse, dont elle a constaté la finalité consistant à manier des coils, à les transporter, à les reprendre et à les diriger vers le coeur de l’usine, constituait un ouvrage relevant de la garantie décennale, au motif inopérant qu’elle était ancrée au sol et stabilisait l’ensemble charpente-chemin de roulement, la cour a privé sa décision de motif, en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;





4°/ que tout jugement doit être motivé ; qu’en se bornant à affirmer que la responsabilité de plein droit de Seval est engagée sur le fondement de l’article 1792 du code civil, sans procéder à une analyse, même sommaire des éléments de preuve sur lesquels elle se fonde et qu’elle n’identifie pas, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;





5°/ que les éléments d’équipement à vocation industrielle ne constituent pas un ouvrage relevant de la garantie des constructeurs ; qu’il résulte des constatations de la cour d’appel que la société Seval a fourni un pont roulant, distinct du chemin de roulement édifié par la société Établissements Couturier en exécution d’un autre contrat, lequel constituait un élément d’équipement industriel, peu important que celui-ci participe de l’opération de manutention des colis, de sorte qu’en retenant que la responsabilité de plein droit de la société Seval était engagée sur le fondement de l’article 1792 du code civil, la cour d’appel a violé ledit texte ;





6°/ que, dans ses conclusions d’appel, la société Seval faisait valoir que le pont qu’elle avait fourni n’était ni un ouvrage de bâtiment, ni un ouvrage faisant appel à des travaux de bâtiment, mais une simple machine à poser sur des rails, de sorte qu’elle ne répondait pas de sa responsabilité sur le fondement de l’article 1792 du code civil ; qu’en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;





7°/ que seul le dommage en relation causale avec la faute est réparable ; qu’en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le dommage résultant de la ruine du chemin de roulement édifié par la société Couturier ne se serait pas inévitablement produit même si le pont roulant fourni par la société Seval n’avait pas accusé un excès de masse eu égard aux spécifications contractuelles, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;





8°/ que les éléments d’équipement qui sont dissociables de l’ouvrage auquel ils sont affectés, c’est-à-dire dont la dépose, le démontage ou le remplacement peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de l’ouvrage, ne peuvent être assimilés à un ouvrage au sens de la loi du 4 janvier 1978 ; qu’en l’espèce, la société Allianz IARD, venant aux droits de la société Gan, faisait valoir que l’ossature métallique mise en oeuvre par la société Établissements Couturier était simplement adossée en extérieur sur le bardage du bâtiment existant, et n’était pas intégrée aux éléments structurels de l’usine, de sorte que le chemin de roulement pouvait être ôté ou déplacé sans détériorer le bâtiment existant ou compromettre l’usage de l’usine ; qu’en jugeant néanmoins que cette installation constituait un ouvrage ou une partie d’ouvrage, au motif de l’ancrage au sol et de la fonction de stabilité de l’ensemble charpente-chemin, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cet ensemble pouvait être ôté ou déplacé sans détériorer le bâtiment existant ni compromettre l’usage de l’usine, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 1792-2 du code civil, ce dernier dans sa version applicable en la cause ;





9°/ qu’un élément d’équipement à vocation exclusivement industrielle ne peut être qualifié d’ouvrage, au sens de l’article 1792 du code civil ; qu’en l’espèce, la société Allianz exposait que le chemin de roulement créé par cette dernière était un équipement extérieur au bâtiment existant, n’était pas couvert, et avait pour unique fonction de servir d’appareil de levage des bobines d’acier stockées ; que la cour d’appel a constaté que « le chemin de roulement et le pont roulant […] forment un ensemble indivisible pour obtenir le but recherché de manutention des coïls » , qui est de « transporter des colis qui arrivent par train de l’usine voisine aux emplacements où ils subiront le refroidissement, puis à les reprendre pour les diriger vers le coeur de l’usine de Mardyck » ; qu’il résulte de ces constatations que l’installation était un élément d’équipement à vocation exclusivement industrielle ; qu’en jugeant pourtant que l’ensemble relevait de la fonction de construction et devait, dès lors, être qualifié d’ouvrage, la cour n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 1792 et 1792-2 du code civil, celui-ci dans sa version applicable au litige ;





10°/ que, dès lors que l’élément d’équipement à vocation exclusivement professionnelle se définit par sa finalité, la circonstance que cet élément soit ou non ancré au sol et qu’il contribue accessoirement à stabiliser l’ensemble auquel il est intégré, ce qui ne répond pas aux finalités de son installation, est indifférent ; qu’en jugeant dès lors que l’installation litigieuse, dont elle a constaté la finalité consistant à manier des colis, à les transporter, à les reprendre et à les diriger vers le coeur de l’usine, constituait un ouvrage relevant de la garantie décennale, au motif inopérant qu’elle était ancrée au sol et stabilisait l’ensemble charpente-chemin de roulement, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 1792-2 du code civil, ce dernier dans sa version applicable en la cause ;

Mais attendu qu’ayant relevé que les travaux confiés à la société Couturier concernaient des travaux de charpente métallique, couverture, bardage, création de poutres et poteaux métalliques, que l’ensemble charpente-chemin de roulement était constitué d’une structure fixe ancrée au sol, dont l’ossature métallique reposait sur des poteaux érigés sur des fondations en béton et qui prolongeait un bâtiment trentenaire préexistant dans la halle 1 et prenait appui pour une de ses deux files sur la halle 2 et sa structure, que la société Couturier avait livré une structure fixe sous-dimensionnée et, la société Seval, un pont roulant affecté d’un excès de masse incompatible avec l’utilisation de la structure fixe et ayant retenu, procédant à la recherche prétendument omise, que cet excès de masse avait contribué au dommage, la cour d’appel, qui, motivant sa décision et répondant aux conclusions prétendument délaissées, a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que cette installation constituait un ouvrage et que son ancrage au sol et sa fonction sur la stabilité de l’ensemble permettaient de dire qu’il s’agissait d’un ouvrage de nature immobilière, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le second moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu que la SMABTP fait grief à l’arrêt de la condamner, in solidum avec son assurée le Bureau Véritas, à payer diverses sommes à la société Arcelor ;

Mais attendu qu’ayant relevé, procédant à la recherche prétendument omise, que la proposition d’intervention du Bureau Veritas, intitulée « pour la mission de diagnostic technique », mentionnait au titre des objectifs que cette mission avait pour objet de formuler un avis sur la structure métallique constituant l’extension sud de la halle 1 selon documents reçus, avis formulé sur les documents d’exécution, plans, notes de calcul et ajoutait « Afin d’atteindre les objectifs visés, nous vous proposons d’exercer un contrôle technique sur le dossier d’exécution, au sens du D.T.U 32.1, pour être assuré de la solidité à froid de l’ouvrage », et qu’en exécution de sa mission, le Bureau Véritas avait formulé des avis sur les documents d’exécution, la cour d’appel a pu en déduire que celui-ci avait ainsi effectué une mission de contrôle technique, la circonstance que celle-ci fût limitée à la structure métallique étant indifférente ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Great Lakes Insurance SE, ci-après annexé  :

Attendu que la société Great Lakes Insurance SE fait grief à l’arrêt d’écarter l’exception d’incompétence territoriale ;

Mais attendu qu’ayant retenu, à bon droit, abstraction faite d’un motif erroné mais surabondant, que, si la police APCFPCF souscrite entre la société de droit luxembourgeois Arcelor et la société de droit anglais Great Lakes couvrait un grand risque au sens de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 et de l’article 13.5 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, la clause attributive de juridiction stipulée conformément à l’article 13 point 5 de ce règlement n’était pas opposable à l’assuré bénéficiaire de ce contrat qui n’y avait pas expressément souscrit, avait son domicile dans un autre Etat contractant et était protégé par la convention comme partie économiquement la plus faible, la cour d’appel en a exactement déduit que l’exception d’incompétence devait être rejetée ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;



Président : M. Chauvin
Rapporteur : M. Pronier
Avocat général : M. Brun
Avocat : SCP L. Poulet-Odent - SCP Baraduc, Duhamel et Rameix - SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret - CP Boulloche - SCP Boutet et Hourdeaux - SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer - SCP Coutard et Munier-Apaire - SCP Delvolvé et Trichet - SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel - SCP Marlange et de La Burgade - SCP Piwnica et Molinié