samedi 30 avril 2022

Enième réforme procédurale : suivez le guide ! A propos du décret n° 2022-245, du 25 février 2022 (annexe de la déclaration d'appel)

Note S. Amrani-Mekki, GP 2022-14, p. 59. 

Note C. Bléry, GP 2022-14, p. 64.

Chronique de jurisprudence de procédure civile

 GP 2022, n° 14, p. 33.

Marché public - prescription décennale applicable à l'action du maître d'ouvrage contre le sous-traitant (CE)

 Note S. Deygas, procédures, 2022-6, p. 35.

Note M. Morales, RDI 2022, p. 598.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Le département de la Vendée a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la société Plan 01, la société Arest et M. F... C... à lui verser une somme de 660 218,26 euros, avec intérêts au taux légal à partir du 20 octobre 2011 et capitalisation des intérêts, à titre principal solidairement et subsidiairement par condamnations divises, en remboursement des sommes qu'il a dû verser à la société Girard Hervouet en vertu d'un jugement du 22 avril 2011 du tribunal administratif de Nantes. Par un jugement n° 1701837 du 24 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 19NT02575 du 20 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel du département de la Vendée, annulé ce jugement et condamné la société Arest à verser au département de la Vendée la somme de 660 218,26 euros avec intérêts.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 janvier et 20 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Arest demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du département de la Vendée ;

3°) de mettre à la charge du département de la Vendée, de la société Plan 01 et de la société Michel C... O... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Pez-Lavergne, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;


La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la société Arest, à la société Delvolvé et Trichet, avocat du département de la Vendée, à la société Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Plan 01 et à la société Le Prado - Gilbert, avocat de la société Michel C... O... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le département de la Vendée a versé, en exécution d'un jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 avril 2011 devenu définitif à la suite du rejet de l'appel formé à son encontre par le département, une somme de 660 218,26 euros à la société Girard Hervouet, titulaire du lot n° 5 " Charpente métallique " de l'opération de construction du musée dénommé " Historial de la Vendée ", correspondant à des surcoûts résultant de la réalisation de plans d'exécution et de notes de calcul dont elle n'était pas contractuellement redevable et de la moitié des surcoûts générés par la modification du plan constructif initial. Le département de la Vendée, estimant que les manquements pour lesquels il avait été condamné étaient exclusivement imputables au groupement chargé de la maitrise d'œuvre, après avoir vainement recherché la responsabilité du seul mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés Plan 01 et Arest et de M. F... C... O..., membres du groupement de maîtrise d'œuvre, à lui verser une somme de 660 218,26 euros avec intérêts. Par un jugement du 24 avril 2019, le tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt du 20 novembre 2020, contre lequel la société Arest se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement, condamné cette société à verser au département de la Vendée la somme de 660 218,26 euros avec intérêts et rejeté le surplus des conclusions.

2. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, contrairement à ce que soutient la société Arest, les moyens des parties ne sont analysés ni de manière incomplète ni de manière sommaire. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêt serait irrégulier dans la forme ne peut qu'être écarté.

3. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève de ces dispositions et se prescrit, en conséquence, par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

4. D'autre part, l'article 1792-4-3 du code civil dispose que : " En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ". Ces dispositions, créées par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, figurant dans une section du code civil relative aux devis et marchés et insérées dans un chapitre consacré aux contrats de louage d'ouvrage et d'industrie, ont vocation à s'appliquer aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l'ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous traitants.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'action en responsabilité contractuelle sur laquelle la cour administrative d'appel de Nantes s'est prononcée dans l'arrêt attaqué, était dirigée par le département de la Vendée, maître d'ouvrage, contre certains membres du groupement de maîtrise d'œuvre, notamment la société Arest, ayant la qualité de constructeurs au sens des dispositions précitées de l'article 1792-4-3 du code civil applicable à une telle action alors même qu'elle ne concerne pas un désordre affectant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination. Dès lors, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que ces dispositions et le délai de prescription décennale qu'elles prévoient étaient applicables au litige, et en écartant par suite l'application du délai de prescription de droit commun de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Arest n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qu'elle attaque.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département de la Vendée, de la société Plan 01 et de la société Michel C... O... qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Arest la somme de 3 000 euros à verser au département de la Vendée, au titre de ces dispositions. En revanche il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Michel C... O... et par la société Plan 01 au titre des mêmes dispositions.



D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Arest est rejeté.
Article 2 : La société Arest versera au département de la Vendée une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la société Michel C... O... et de la société Plan 01 présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Arest, au département de la Vendée, à la société Plan 01 et à la société Michel C... O....
Délibéré à l'issue de la séance du 21 mars 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. I... K..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. J... M..., Mme B... L..., M. D... G..., M. E... N..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Thomas Pez-Lavergne, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 12 avril 2022.


La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :
Signé : M. Thomas Pez-Lavergne
La secrétaire :
Signé : Mme H... A...

ECLI:FR:CECHR:2022:448946.20220412

mardi 26 avril 2022

Appréciation souveraine du juge sur le motif légitime d'ordonner une mesure d'instruction

  Note X. Vuitton, SJ G 2022, p.  820.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 avril 2022




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 413 F-B

Pourvoi n° E 20-22.578




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 AVRIL 2022

M. [R] [U], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° E 20-22.578 contre l'arrêt rendu le 19 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Why Not Productions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Page 114, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la société BTSG, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [X] [L], en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Chic films,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [U], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Why Not Productions, de la société Page 114, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 avril 2019), se prévalant de ses droits sur son interprétation de l'hymne corse intitulée Diu vi Salvi Regina, réalisée et enregistrée lors d'une audition en vue d'obtenir un rôle dans un film, et qui aurait été reprise à son insu dans l'une des scènes de ce film, coproduit notamment par la société Why Not Productions, M. [U], comédien-chanteur, a assigné cette dernière devant un tribunal de grande instance en contrefaçon de droits voisins d'artiste-interprète.

2. Après deux ordonnances du juge de la mise en état des 19 décembre 2014 et 1er juillet 2016, la première ayant constaté la fin d'une mission de consultation ordonnée par une précédente ordonnance et dit n'y avoir lieu à une mesure d'instruction complémentaire, la seconde ayant rejeté les demandes de M. [U] tendant à de nouvelles mesures, le tribunal de grande instance a, par jugement du 30 juin 2017, débouté le demandeur.

3. M. [U] a relevé appel des deux ordonnances ainsi que du jugement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. [U] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 19 décembre 2014 ayant dit n'y avoir lieu d'ordonner une mesure d'instruction complémentaire, alors :

« 1°/ que pour estimer que la mesure de consultation avait pris fin et qu'il n'y avait pas lieu d'en ordonner la poursuite, la cour d'appel a relevé que si le consultant a vainement demandé aux sociétés Why Not Productions et de préciser les circonstances de l'enregistrement des interprètes et du mixage de la bande originale du film, il ne peut être considéré que l'échec de la mesure de consultation est exclusivement imputable aux intéressées, dès lors qu'il n'est pas établi que l'appelant ait lui-même fourni au consultant l'ensemble des pièces requises ; Qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant tiré de ce que les pièces communiquées par M. [U] auraient été incomplètes, sans rechercher si l'information réclamée vainement aux intimées n'aurait pas été de nature à permettre au consultant d'accomplir sa mission ni, par conséquent, si la carence des intimées n'était pas à tout le moins de nature à justifier la poursuite de cette mesure d'instruction, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 256 du code de procédure civile ;

2°/ qu'aux termes de l'article 143 du code de procédure civile, les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible, tandis qu'aux termes de l'article 144 du même code, de telles mesures peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer ; Qu'il résulte de ces textes que si les juges du fond sont en principe souverains pour apprécier la nécessité d'ordonner une mesure d'instruction, ils ne sauraient, pour refuser d'ordonner une telle mesure, se fonder sur un motif de droit erroné, notamment en refusant d'ordonner une mesure d'instruction complémentaire tout en constatant par ailleurs l'utilité de celle-ci ; Qu'en l'espèce, pour confirmer l'ordonnance du 19 décembre 2004 et dire n'y avoir lieu d'ordonner une mesure d'instruction complémentaire dans le cadre du présent litige, la cour d'appel a énoncé que la note du consultant en date du 1er août 2014 montre les limites de la mesure d'instruction constituée par cette consultation, qui ne requiert pas d'investigations complexes, et qu'aucun élément ne permet de considérer qu'une reprise de la mesure telle qu'ordonnée présenterait un intérêt pour la solution du litige, de sorte qu'eu égard aux difficultés de la mesure d'instruction, le juge de la mise en état a pu estimer que la consultation avait pris fin ; Qu'en statuant ainsi, quand la cour d'appel, constatant d'une part les limites de cette mesure d'instruction, et admettant d'autre part que celle-ci n'avait pas permis d'éclairer la juridiction, devait en déduire qu'il était nécessaire, au besoin d'office, d'ordonner la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction adaptée à la complexité du litige, notamment une expertise technique, alors en outre que l'arrêt constate par ailleurs que les demandes de pièces formulées par l'exposant « n'ont pour l'essentiel de sens qu'en vue d'une nouvelle expertise », la cour d'appel a violé, par refus d'application, les textes susvisés »

Réponse de la Cour

5. En confirmant l'ordonnance du juge de la mise en état ayant dit n'y avoir lieu d'ordonner de mesure d'instruction complémentaire, la cour d'appel n'a fait qu'user du pouvoir discrétionnaire d'apprécier l'utilité de la mesure d'instruction ou de consultation qui peut être ordonnée en application des articles 143, 144 et 256 du code de procédure civile, de sorte que le moyen est inopérant.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. M. [U] fait grief à l'arrêt, par confirmation du jugement du 30 juin 2017, de le débouter de toutes ses demandes alors « que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ou de celles qui sont issues des mesures d'instruction qu'il a ordonnées ; Qu'en l'espèce, pour rejeter les demandes indemnitaires de l'exposant, qui soutenait que l'enregistrement de sa voix lors de l'audition du 2 avril 2008 avait été réutilisé pour la bande-son du film « Un prophète » , la cour d'appel a relevé d'une part que si M. [H], expert américain, estime que l'une des voix dans le film correspond à celle de M. [U], il indique cependant que la mesure électronique n'a pas été aussi concluante, d'autre part que si l'expert [N] a relevé des points communs troublants entre la voix de l'exposant et celle figurant sur la bande originale du film, il indique toutefois ne pouvoir affirmer avec certitude que le casting de l'exposant a été utilisé pour la bande-son, de troisième part que la note du consultant en date du 1er août 2014 montre les limites de la mesure d'instruction qui lui a été confiée, enfin que l'appelant ne réclame aucune autre mesure d'instruction exécutée par un technicien ni n'offre d'avancer les frais d'une mesure d'expertise ; Qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à la cour d'appel, si elle estimait que la mesure d'instruction ordonnée par le juge de la mise en état, d'une part, et les éléments de preuve produits par l'exposant, d'autre part, ne permettaient pas de trancher la difficulté dont elle était saisie, d'interroger le consultant et, le cas échéant, ordonner d'office une nouvelle mesure d'instruction, la cour d'appel a entaché sa décision d'un déni de justice et violé l'article 4 du code civil, ensemble les articles 143 et 144 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Sous couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine des éléments de preuve par le juge du fond qui, sans être tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni d'ordonner une mesure d'instruction, a retenu que M. [U] ne démontre pas que sa voix a été utilisée pour la bande son du film en cause et l'a débouté de ses demandes.

8. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne M. [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [U] et le condamne à payer à la société Why Not Productions et la société Page 114 la somme globale de 3 000 euros ;

La tentative de résolution amiable du litige n'est pas, par principe, exclue en matière de référé

 Note X. Vuitton, SJ G 2022, p.  820.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 avril 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 408 F-B

Pourvoi n° Q 20-22.886




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 AVRIL 2022

La société d'exploitation de l'institut européen des langues, exerçant sous l'enseigne Groupe Capitole, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-22.886 contre l'ordonnance rendue le 18 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris, dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [Y] [J],

2°/ à Mme [W] [K],

tous deux domiciliées [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société d'exploitation de l'institut européen des langues, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mmes [J] et [K], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (tribunal judiciaire de Paris, 18 septembre 2020), se prévalant de l'inscription de Mme [K], le 26 janvier 2020, à l'une de ses formations moyennant la somme de 4 590 euros payée par un chèque établi par sa mère, Mme [J], la société d'exploitation de l'institut européen des langues (la société) a assigné Mme [J] et Mme [K] devant le juge des référés d'un tribunal judiciaire à fin de voir ordonner la mainlevée de l'opposition pratiquée sur le chèque et les voir solidairement condamnées au paiement d'une provision de 4 590 euros.

2. Mme [J] et Mme [K] ont demandé au juge des référés de constater « l'irrecevabilité de la société pour défaut de médiation préalable ».

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches, et sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'ordonnance de dire que l'assignation délivrée à Mme [J] et à Mme [K] est entachée de nullité en l'absence de précision relative aux diligences entreprises en vue de la résolution amiable du litige, de constater l'absence de contrat, l'engagement signé le 26 janvier 2020 par Mme [J] et Mme [K] n'étant pas conforme aux dispositions de l'article L.221-9 du code de la consommation et de la débouter de sa demande de mainlevée de l'opposition pratiquée par Mme [J] sur le chèque n° 728518 d'un montant de 4590 euros et de sa demande de voir Mme [J] et Mme [K] condamnées au paiement d'une provision de 4.590 euros, alors :

« 1° / qu'il résulte de (lire : l'ordonnance attaquée) que Mme [J] et Mme [K] ont demandé au (lire : président du tribunal judiciaire) de « constater l'irrecevabilité de la société SEIEL pour défaut de médiation préalable » ; qu'en prononçant non pas l'irrecevabilité mais la nullité de l'assignation délivrée par la société à Mme [Y] [J] et Mme [W] [K] en l'absence de précision relative aux diligences entreprises en vue de la résolution amiable du litige, qui n'était pas demandée par les parties, (lire : le président du tribunal judiciaire) a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il résulte de (lire : l'ordonnance attaquée) que Mme [J] et Mme [K] ont demandé au (lire : président du tribunal judiciaire) de « constater l'irrecevabilité de la société pour défaut de médiation préalable » ; qu'en relevant d'office la nullité de l'assignation délivrée par la société à Mme [Y] [J] et Mme [W] [K] en l'absence de précision relative aux diligences entreprises en vue de la résolution amiable du litige, qui n'était pas demandée par les parties, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, (lire : le président du tribunal judiciaire) a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en déclarant l'assignation irrecevable dans ses motifs et nulle dans son dispositif, (lire : l'ordonnance) s'est contredit(e) et ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Mme [J] et Mme [K] contestent la recevabilité des griefs. Elles soutiennent qu'ils sont dépourvus d'intérêt dans la mesure où, étant constant qu'aucun préalable de résolution du litige n'a été entrepris, la société ne justifie pas en quoi le fait que le juge des référés se soit fondé sur une nullité de l'assignation plutôt que sur une irrecevabilité de la demande lui cause préjudice.

6. Cependant, la tentative de résolution amiable du litige n'étant pas, par principe, exclue en matière de référé, l'absence de recours à un mode de résolution amiable dans une telle hypothèse pouvant, le cas échéant, être justifiée par un motif légitime au sens de l'article 750-1, alinéa 2, 3° du code de procédure civile, la société dispose d'un intérêt à contester les chefs de dispositifs ainsi attaqués.

7. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 5, 16 et 455 du code de procédure civile :

8. Il résulte de ces textes que le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé, qu'il doit respecter le principe de la contradiction, et que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs.

9. Pour dire que l'assignation est entachée de nullité en l'absence de précision relative aux diligences entreprises en vue de la résolution amiable du litige, constater l'absence de contrat et débouter la société de ses demandes, l'ordonnance, statuant sur l'irrecevabilité de la demande de la société pour défaut de mise en oeuvre d'une médiation préalable, soulevée par Mme [J] et Mme [K], retient que l'assignation est irrecevable faute de mentionner les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

10. En statuant ainsi, alors qu'il ne résulte ni de l'ordonnance ni des productions qu'il ait été saisi du vice de forme né de l'absence de mention, dans la demande initiale, des diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige, susceptible d'affecter la validité, et non la recevabilité, de l'assignation en application de l'article 54 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire, qui s'est, en outre, déterminé, par des motifs en contradiction avec le dispositif, sans inviter les parties à présenter leurs observations, a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. La société fait grief à l'ordonnance de constater l'absence de contrat, l'engagement signé le 26 janvier 2020 par Mme [J] et Mme [K] n'étant pas conforme aux dispositions de l'article L. 221-9 du code de la consommation et de la débouter de sa demande de mainlevée de l'opposition pratiquée par Mme [J] sur le chèque n° 728518 d'un montant de 4590 euros et de sa demande de voir Mme [J] et Mme [K] condamnées au paiement d'une provision de 4.590 euros, alors « que le juge qui constate la nullité de l'acte introductif d'instance excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en l'espèce, (lire : le président du tribunal judiciaire) a dit que l'assignation introductive d'instance délivrée le 16 juillet 2020 par la société à l'encontre de Mme [J] et Mme [K] était nulle puis a « constaté » l'absence de contrat signé entre les parties et débouté la société de sa demande de mainlevée de l'opposition pratiquée par Mme [Y] [J] sur le chèque n° 728518 d'un montant de 4.590 euros et de sa demande de voir Mme [Y] [J] et Mme [W] [K] condamnées au paiement d'une provision de 4.590 euros ; qu'en statuant ainsi, (lire : le président du tribunal judiciaire) a excédé ses pouvoirs et ainsi violé l'article 485 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

12. Mme [J] et Mme [K] contestent la recevabilité du grief. Elles soutiennent qu'il est dépourvu d'intérêt, dans la mesure où le président du tribunal judiciaire a statué, par une décision dépourvue d'autorité de la chose jugée, par une disposition surabondante.

13. Cependant, il ne résulte pas de l'ordonnance que le président du tribunal judiciaire a statué par une disposition surabondante.

14. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 484 du code de procédure civile :

15. Il résulte de ce texte que le juge qui constate la nullité de l'assignation excède ses pouvoirs en statuant sur le bien-fondé de la demande formée par cet acte.

16. Pour constater l'absence de contrat et débouter la société de ses demandes, l'ordonnance retient qu'à défaut de contrat, le document signé unilatéralement par la partie défenderesse le 26 janvier 2020 n'est générateur pour cette dernière d'aucune obligation à paiement.

17. En statuant ainsi, après avoir constaté la nullité de l'assignation, le président du tribunal judiciaire a méconnu ses pouvoirs et violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 18 septembre 2020, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, autrement composée.

Condamne Mmes [J] et [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [J] et [K] et les condamne à payer à la société d'exploitation de l'institut européen des langues la somme globale de 3 000 euros ;

Il incombe au juge national d'examiner d'office si, au regard des critères posés par les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), les clauses insérées dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs ne revêtent pas un caractère abusif.

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 avril 2022




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 337 FS+B

Pourvoi n° Y 20-16.316




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2022

M. [H] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 20-16.316 contre l'arrêt rendu le 20 février 2020 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant à la société Jyske Bank, dont le siège est [Adresse 2] (Danemark), défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [T], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Jyske Bank, et l'avis de MM. Chaumont et Lavigne, avocats généraux, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Hascher, Avel, et Bruyère, Mme Guihal, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ et Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 février 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 10 avril 2019, pourvoi n° 17-20.722), suivant offre acceptée le 7 janvier 2008, la société Jyske Bank A/S (la banque) a consenti à M. [T] (l'emprunteur) un prêt multi-devises de 1 500 000 euros ou « l'équivalent, à la date de tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais ». Le prêt a été tiré pour un montant de 2 389 500 francs suisses. Le 9 août 2011, la banque a procédé à la conversion du prêt en euros.

2. Invoquant l'irrégularité d'une telle conversion et le manquement de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde, l'emprunteur l'a assignée en annulation de la conversion, en déchéance du droit aux intérêts pour l'avenir et en paiement de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande afin que soit réputée non écrite la clause de monnaie étrangère, confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'obligation de remboursement du prêt litigieux a été souscrite en francs suisses et dit que les échéances doivent être calculées et remboursées en francs suisses conformément aux stipulations de l'offre et du contrat de prêt, le condamner à payer à la banque la somme de 220 223,94 francs suisses, ou sa contre-valeur en euros, au titre des intérêts impayés arrêtés au 10 janvier 2020 et rejeter sa demande en paiement de dommages et intérêts, alors « que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que l'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible ; qu'en affirmant que le fait que l'emprunteur supporte le risque de variation du taux de change ne crée pas un déséquilibre entre les droits et obligations respectifs des parties pour la raison que la variation du taux de change ne dépend pas de leurs volontés et en particulier de celle de la banque, quand il lui appartenait de rechercher si la clause de monnaie de compte, analysée comme une clause d'indexation, ne faisait pas peser le risque de change exclusivement sur l'emprunteur, la cour d'appel, qui a statué par une considération inopérante, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 132-1 du code la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

4. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.

5. Il incombe au juge national d'examiner d'office si, au regard des critères posés par les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), les clauses insérées dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs ne revêtent pas un caractère abusif.

6. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19) la CJUE a dit pour droit que :

- l'article 4, § 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat ;

- l'article 3, § 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d'un contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu'il soit plafonné, sur l'emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.

7. Pour dire que la clause de monnaie étrangère ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur, l'arrêt retient que le fait que celui-ci supporte le risque de variation du taux de change, qui ne dépend pas de la volonté des parties, et en particulier de celle de la banque, ne crée pas un déséquilibre entre leurs droits et obligations respectifs et que l'emprunteur était maître du choix de la devise dans laquelle le prêt était tiré, ce dont il résulte que la banque n'a nullement imposé à l'emprunteur une devise à son détriment.

8. En statuant ainsi, après avoir retenu que les documents remis au consommateur ne lui permettaient pas d'évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, de la clause, autorisant le tirage du prêt dans une autre devise, sur ses obligations financières, en l'absence de tout exemple chiffré, de toute simulation et de toute explication sur la distinction entre la monnaie de compte et la devise initiale, ce dont il résultait que la banque n'avait pas satisfait à l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable la demande de M. [T] afin que soit réputée non écrite la clause de monnaie étrangère, l'arrêt rendu le 20 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne la société Jyske Bank A/S aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Le secret professionnel s'impose au notaire qui ne peut en être délié par l'autorité judiciaire, que pour la délivrance des expéditions et la connaissance des actes qu'il a établis

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 avril 2022




Cassation sans renvoi


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 343 F-B

Pourvoi n° N 20-23.160




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2022

La société [P] [J] et [A] [F], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], a formé le pourvoi n° N 20-23.160 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Localité 5] [Adresse 6] à [Adresse 6], représenté par son syndic, la société Foncia info immobilier, dont le siège est résidence [4], [Adresse 7],[Localité 1]e, défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [P] [J] et [A] [F], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Localité 5] [Adresse 6], après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 29 octobre 2020), à la suite du décès, le 11 septembre 2013, de [K] [T], propriétaire, avec son épouse, de deux lots au sein d'un immeuble en copropriété, le syndicat des copropriétaires a sollicité de la société civile professionnelle [N] [J] et [V] [F] (la SCP notariale), en charge du règlement de la succession, l'identité des héritiers, ainsi qu'un acte de notoriété aux fins de poursuivre le paiement de charges de copropriété restées impayées.

2. La SCP notariale ayant opposé le secret professionnel, le syndicat des copropriétaires l'a assigné, en référé, afin d'en obtenir la levée.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La SCP notariale fait grief à l'arrêt de l'autoriser, et à défaut, de lui ordonner de communiquer au syndicat des copropriétaires l'identité complète avec adresse de la veuve et des héritiers réservataires de [K] [T], alors « que le secret professionnel du notaire étant intangible, le pouvoir que le juge tient de l'article 23 de la loi du 25 ventôse an XI d'ordonner la communication d'un acte établi par l'officier ministériel ne peut être étendu à des informations qu'aucun acte ne mentionne ; qu'en ordonnant à la SCP [J]-[F] de communiquer au syndicat des copropriétaires l'identité et l'adresse de la veuve et des héritiers réservataires du défunt de la succession duquel la SCP notariale était chargée, bien qu'elle ait relevé qu'en l'absence de prise de position de certains héritiers sur l'acceptation de la succession et en l'état d'une contestation sur leur qualité, le notaire n'avait pu encore dresser l'acte de notoriété et que « cette circonstance conduit à ne pas ordonner la délivrance d'un acte qui n'a pas encore été dressé », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait qu'elle ne pouvait ordonner la communication d'informations devant figurer dans un acte que le notaire n'était pas en mesure d'établir, violant ainsi l'article 23 de loi du 25 ventôse an XI par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 23 de la loi du 25 ventôse an XI, modifié par l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 :

4. Selon ce texte, les notaires ne peuvent, sans une ordonnance du président du tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire), délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d'autres qu'aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts et d'une amende.

5. Pour autoriser et à défaut ordonner à la SCP notariale de communiquer au syndicat des copropriétaires l'identité et l'adresse de la veuve et des héritiers réservataires de [K] [T], l'arrêt retient que la SCP notariale ne peut maintenir son refus devant les juridictions saisies au prétexte du caractère absolu du secret auxquelles elle serait tenue, dès lors qu'une autorisation judiciaire peut valablement l'en affranchir au regard des intérêts légitimes en cause et que la protection des intérêts privés de ses clients ne peut en aucun cas permettre à ceux-ci, tenus des dettes et des charges de la succession, de s'affranchir durablement de leurs obligations légales, alors qu'en l'occurrence les charges de copropriété s'aggravent au préjudice de la trésorerie de la copropriété depuis plus de sept ans.

6. En statuant ainsi, alors que le secret professionnel s'impose au notaire qui ne peut en être délié par l'autorité judiciaire, que pour la délivrance des expéditions et la connaissance des actes qu'il a établis, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

9. Il résulte des constatations de l'arrêt que la SCP notariale n'a pas dressé d'acte de notoriété. Celle-ci ne peut donc être contrainte ni de communiquer un acte qu'elle n'a pas établi ni des informations détenues par elle et soumises au secret professionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE les demandes de communication portant sur l'identité de Mme [T] et des héritiers de [K] [T] et de délivrance de l'acte de notoriété de la succession de celui-ci ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Localité 5] [Adresse 6] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Localité 5] [Adresse 6], et le condamne à payer à la SCP [J] et [F], la somme de 3 000 euros ;

L'acquisition de parts sociales ne suffisait pas, à elle seule, à exclure la qualité de consommateur

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 avril 2022




Cassation


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 347 F-B

Pourvoi n° N 20-19.043









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2022

1°/ M. [T] [I],
2°/ Mme [B] [C] [U], épouse [I],

domiciliés tous deux [Adresse 7],

ont formé le pourvoi n° N 20-19.043 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige les opposant à la société caisse de Crédit mutuel [Localité 1] Joffre, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 1] [Localité 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. et Mme [I], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société caisse de Crédit mutuel [Localité 1] Joffre, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 juin 2020), suivant acte notarié du 7 mars 2007, la caisse de Crédit mutuel [Localité 1] Joffre (la banque) a consenti à M. et Mme [I] (les emprunteurs) un prêt destiné à acquérir des parts sociales.

2. La banque a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires des emprunteurs aux fins de recouvrement des sommes dues au titre du prêt.

3. Invoquant la prescription de la créance de la banque, les emprunteurs ont agi en annulation du procès-verbal de saisie-attribution.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de constater l'absence de prescription et de valider la saisie-attribution, alors « que la circonstance qu'un prêt soit destiné à financer l'acquisition de parts sociales n'exclut pas, par lui-même et dans tous les cas, que l'emprunteur soit qualifié de consommateur ; qu'en affirmant, d'une manière générale et absolue, que l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation n'était pas applicable au prêt litigieux dès lors que cette opération était destinée à financer l'acquisition de parts sociales, ce qui excluait que les emprunteurs puissent être considérés comme des consommateurs, la cour d'appel a violé ce texte. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. La banque conteste la recevabilité du moyen, en raison de sa nouveauté.

6. Cependant, le moyen, qui est de pur droit, est recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation :

7. Selon ce texte, l'action des professionnels, pour les biens ou services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

8. La personne physique qui souscrit un prêt destiné à financer l'acquisition de parts sociales ne perd la qualité de consommateur que si elle agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité professionnelle.

9. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale de l'action en recouvrement de la banque, l'arrêt retient que l'opération était destinée à financer l'acquisition de parts sociales, ce qui exclut que les emprunteurs puissent être considérés comme des consommateurs.

10. En statuant ainsi, alors que l'acquisition de parts sociales ne suffisait pas, à elle seule, à exclure la qualité de consommateur des emprunteurs, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux dernières branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la caisse de Crédit mutuel [Localité 1] Joffre aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse de Crédit mutuel [Localité 1] Joffre et la condamne à payer à M. et Mme [I] la somme globale de 3 000 euros ;

Le juge ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées en visant celles-ci avec l'indication de leur date.

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 avril 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 430 F-D

Pourvoi n° T 21-12.520




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 AVRIL 2022

1°/ Mme [B] [O],

2°/ Mme [V] [C], épouse [X],

toutes deux domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° T 21-12.520 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [D] [U], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la société Laac, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à M. [A] [H], domicilié [Adresse 1],

4°/ à la société [K]-[T]-[W], société civile professionnelle, notaire, dont le siège est [Adresse 1], anciennement [H] [K] [T],

défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de Mmes [O] et [C], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [H] et de la société [K]-[T]-[W], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [U], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 janvier 2021), Mme [O] et Mme [C], avocates, sont locataires, depuis l'année 2004, de locaux professionnels appartenant à la SCI Laac, dont M. [U], avocat, ainsi que son épouse, sont associés.

2. Après signature d'une promesse synallagmatique de vente le 7 mai 2010, la SCI Laac a vendu ce local, par acte authentique du 22 décembre 2010 dressé par M. [H], notaire, à la SCI Thémis dont Mme [O] et Mme [C] sont devenues associées, avec M. [U], le 17 novembre 2010.

3. Mme [O] et Mme [C] ont assigné M. [U], la SCI Laac, M. [H] et la SCP de notaires [H]-[L]-[T] aux fins d'obtenir le versement de dommages-intérêts sur le fondement du dol et de la réticence dolosive.

4. Par jugement du 8 février 2018, un tribunal de grande instance a notamment débouté Mme [O] et Mme [C] de toutes leurs demandes, déclaré irrecevable la demande reconventionnelle en paiement présentée par M. [U] tendant au paiement de frais exposés à l'égard de la SCI Themis et au titre de loyer pour des locaux qu'il n'a pu occuper, ainsi qu'au titre de sa participation aux frais de la SCM Phocéenne d'avocats, débouté M. [U], la SCI Laac, M. [H] et la SCP de notaires [H]-[L]-[T] de leurs demandes reconventionnelles tendant à l'octroi de dommages-intérêts, rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné in solidum Mme [O] et Mme [C] aux dépens.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Mmes [O] et [C] font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la SCI Laac, M. [U], M. [H] et la SCP [H]-[K]-[T], alors « que le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées ; qu'en se référant, pour débouter Mmes [O] et [C] de leurs demandes indemnitaires, à leurs conclusions du 11 septembre 2018, quand elles avaient déposé et notifié les 16 décembre 2019, puis le 12 novembre 2020, des conclusions récapitulatives, lesquelles complétaient leurs précédentes écritures et dont il n'est pas établi qu'elles auraient été prises en considération, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 455, alinéa 1er, et 954, alinéa 2, du code de procédure civile :

6. Il résulte de ces textes que s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date.

7. Pour rejeter les demandes indemnitaires sur le fondement du dol et de la réticence dolosive, puis les condamner aux dépens et au paiement de sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt se prononce au visa des conclusions notifiées le 11 septembre 2018 par Mmes [O] et [C].

8. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des productions que Mmes [O] et [C] avaient déposé, le 12 novembre 2020 des conclusions développant une argumentation complémentaire, soutenue par de nouvelles pièces, à laquelle s'ajoutait une nouvelle demande portant sur une vérification d'écriture, la cour d'appel, qui n'a pas visé ces dernières conclusions et qui s'est prononcée par des motifs dont il ne résulte pas qu'elle les aurait prises en considération, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne M. [U], la SCI Laac, M. [H] et la SCP [K]-[T]-[W] anciennement [H]-[K]-[T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [U], la SCI Laac, M. [H] et la SCP [K]-[T]-[W] anciennement [H]-[K]-[T] à payer à Mmes [O] et [C] la somme globale de 3 000 euros ;