Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 23-22.309
- ECLI:FR:CCASS:2025:C300322
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 26 juin 2025
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 13 septembre 2023- Président
- Mme Teiller (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 26 juin 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 322 F-D
Pourvoi n° Z 23-22.309
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2025
La Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Z 23-22.309 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 - chambre 5), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Régie immobilière de la Ville de [Localité 15], société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à la société Socotec construction, société par actions simplifiée, venant aux droits de la société Socotec France,
3°/ à la société Holding socotec, société par actions simplifiée, ayant absorbé la société Socotec France,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 12],
4°/ à la société QBE Europe SA/NV, société de droit étranger dont le siège est [Adresse 13] (Belgique), ayant un établissement en France sis [Adresse 14], venant aux droits de QBE Insurance Europe Limited,
5°/ à Mme [G] [L], épouse [O], domiciliée [Adresse 3],
6°/ à la société Martin et Guiheneuf, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],
7°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 10],
8°/ à la société Bouygues bâtiment Ile-de-France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
9°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
10°/ à la société Antunes, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9],
11°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle à cotisations fixes fonds d'établissements, dont le siège est [Adresse 6],
12°/ à la société Agence d'architecture Ghiulamila associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 11],
13°/ à la société Mutuelle des architectes français, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 8],
défenderesses à la cassation.
La société Martin & Guiheneuf a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics, de la SCP Duhamel, avocat des sociétés Bouygues bâtiment Ile-de-France et Allianz IARD, de Me Isabelle Galy, avocat de la société Martin et Guiheneuf, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Antunes, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société MMA IARD assurances mutuelles, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (la CAMBTP) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Régie immobilière de la Ville de [Localité 15] (la RIVP), les sociétés Axa France IARD, Holding Socotec, Socotec construction, Agence d'architecture Ghiulamila associés, QBE Europe et la Mutuelle des architectes français.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2023), la RIVP, venant aux droits de la Société de gestion immobilière (le maître de l'ouvrage), a confié la construction d'un immeuble d'habitation à la société Bouygues bâtiment Ile-de-France (le constructeur), assurée auprès de la société Allianz IARD, sous la maîtrise d'oeuvre d'un groupement composé de Mme [L] et de la société Martin et Guiheneuf, celle-ci étant assurée auprès de la CAMBTP.
3. Le constructeur a sous-traité le lot revêtement de façades en pavé de verre à la société Antunes, assurée auprès de la société MMA IARD assurances mutuelles.
4. La réception est intervenue avec réserves le 30 juillet 2003.
5. Se prévalant de décollements de revêtements en différents endroits de la façade, le maître de l'ouvrage a, après expertise, assigné les intervenants à l'opération de construction et leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche, et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa troisième branche, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
6. La CAMBTP et la société Martin et Guiheneuf font grief à l'arrêt de dire que, dans les recours entre les coobligés condamnés in solidum à indemniser le maître de l'ouvrage au titre de son préjudice matériel et des dépens, la charge définitive de la dette sera répartie à hauteur de 30 % pour le constructeur, 40 % pour la société Autunes et 30 % pour Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf et de décider la même répartition de responsabilité s'agissant de leur condamnation in solidum à garantir la société Axa France IARD, en qualité d'assureur dommages-ouvrage, du paiement d'une certaine somme, alors « que le codébiteur d'une dette in solidum, qui l'a payée en entier ou a payé plus que sa part, ne peut répéter contre les autres que la part et portion de chacun d'eux, de sorte que, dans un rapport de contribution à la dette, le juge ne peut condamner deux coresponsables à supporter ensemble une même part de la dette, exposant ainsi l'un ou l'autre de ces deux coresponsables au risque de payer au codébiteur qui exerce son action récursoire la totalité de la somme correspondant à cette part commune, plutôt que sa part propre ; qu'en condamnant néanmoins la société Martin et Guiheneuf et Mme [L], dans le rapport de contribution à la dette, à supporter ensemble la dette de réparation à hauteur de 30 %, plutôt qu'une part de responsabilité propre à chacun de ces deux intervenants, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1213, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1382, devenu 1240, du code civil :
7. Aux termes du premier de ces textes, l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion.
8. Aux termes du second, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
9. Il est jugé, en application de ces textes, que le juge saisi d'un recours exercé par une partie condamnée in solidum, à l'encontre d'un de ses coobligés, est tenu de statuer sur la contribution de chacun d'eux à la condamnation (3e Civ., 28 mai 2008, pourvoi n° 06-20.403, publié) et que chacun des coobligés ne peut être condamné que pour sa part déterminée à proportion du degré de gravité de sa faute (3e Civ., 14 septembre 2005, pourvoi n° 04-10.241, publié).
10. Pour laisser à la charge de Mme [L] et de la société Martin et Guiheneuf, dans leurs rapports avec les coobligés in solidum, une part commune de la dette de réparation, l'arrêt retient que les désordres en façades étaient imputables à un défaut d'exécution du coulage du béton armé par le constructeur, un défaut de pose du revêtement par la société Antunes et une erreur de conception lors de l'établissement du dossier de consultation des entreprises par le groupement de maîtrise d'oeuvre, Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf.
11. Il en déduit que, les fautes du constructeur, de la société Antunes, de Mme [L] et de la société Martin et Guiheneuf ayant concouru à la réalisation de l'entier dommage, ils doivent être condamnés in solidum à indemniser le maître de l'ouvrage et que, dans les recours entre eux, la charge définitive de la dette doit être répartie à hauteur de 30 % pour le constructeur, 40 % pour la société Autunes et 30 % pour Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf.
12. En statuant ainsi, alors que deux coobligés in solidum ne peuvent pas, dans un rapport de contribution à la dette, être condamnés à supporter ensemble une même part de la dette de réparation mais uniquement une part et fraction propre à chacun, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée, en ce qu'elle ne porte que sur la part de 30 % mise à la charge de Mme [L] et de la société Martin et Guiheneuf, n'entraîne pas la cassation des chefs de dispositif fixant la charge définitive de la dette entre coobligés à 30 % pour la société Bouygues bâtiment Ile-de-France et à 40 % pour la société Antunes, qui ne s'y rattachent pas par un lien de dépendance nécessaire.
14. De même, en application du même texte, la cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant in solidum le constructeur et la société Allianz IARD, la société Antunes et la société MMA IARD assurances mutuelles, Mme [L], la société Martin et Guiheneuf et la CAMBTP à indemniser le maître de l'ouvrage, à garantir la société Axa France IARD, assureur dommages-ouvrage, aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui ne s'y rattachent pas par un lien de dépendance nécessaire.
15. En revanche, la cassation du chef de dispositif fixant à 30 % la part mise à la charge de Mme [L] et de la société Martin et Guiheneuf, s'étend au chef de dispositif fixant le même pourcentage, dans leurs rapports avec leurs coobligés, au titre de la garantie de la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, et au titre des frais irrépétibles et des dépens, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :
- dit que dans les recours entre les coobligés condamnés in solidum à indemniser la Régie immobilière de la Ville de [Localité 15], la charge définitive de la dette de réparation sera ainsi répartie :
- Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf : 30 %
- dit que Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf devront garantir la société Axa France IARD, assureur dommages-ouvrage, à hauteur de ce pourcentage,
- dit que Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf devront supporter à hauteur de 30 % la charge des dépens et des frais irrépétibles,
l'arrêt rendu le 13 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne Mme [L], les sociétés Bouygues bâtiment Île-de-France, Allianz IARD, Antunes et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-six juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par M. Boyer, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Teiller, président empêché, le conseiller rapporteur et le greffier conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300322
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 26 juin 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 322 F-D
Pourvoi n° Z 23-22.309
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2025
La Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Z 23-22.309 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 - chambre 5), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Régie immobilière de la Ville de [Localité 15], société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à la société Socotec construction, société par actions simplifiée, venant aux droits de la société Socotec France,
3°/ à la société Holding socotec, société par actions simplifiée, ayant absorbé la société Socotec France,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 12],
4°/ à la société QBE Europe SA/NV, société de droit étranger dont le siège est [Adresse 13] (Belgique), ayant un établissement en France sis [Adresse 14], venant aux droits de QBE Insurance Europe Limited,
5°/ à Mme [G] [L], épouse [O], domiciliée [Adresse 3],
6°/ à la société Martin et Guiheneuf, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],
7°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 10],
8°/ à la société Bouygues bâtiment Ile-de-France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
9°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
10°/ à la société Antunes, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9],
11°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle à cotisations fixes fonds d'établissements, dont le siège est [Adresse 6],
12°/ à la société Agence d'architecture Ghiulamila associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 11],
13°/ à la société Mutuelle des architectes français, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 8],
défenderesses à la cassation.
La société Martin & Guiheneuf a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics, de la SCP Duhamel, avocat des sociétés Bouygues bâtiment Ile-de-France et Allianz IARD, de Me Isabelle Galy, avocat de la société Martin et Guiheneuf, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Antunes, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société MMA IARD assurances mutuelles, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (la CAMBTP) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Régie immobilière de la Ville de [Localité 15] (la RIVP), les sociétés Axa France IARD, Holding Socotec, Socotec construction, Agence d'architecture Ghiulamila associés, QBE Europe et la Mutuelle des architectes français.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2023), la RIVP, venant aux droits de la Société de gestion immobilière (le maître de l'ouvrage), a confié la construction d'un immeuble d'habitation à la société Bouygues bâtiment Ile-de-France (le constructeur), assurée auprès de la société Allianz IARD, sous la maîtrise d'oeuvre d'un groupement composé de Mme [L] et de la société Martin et Guiheneuf, celle-ci étant assurée auprès de la CAMBTP.
3. Le constructeur a sous-traité le lot revêtement de façades en pavé de verre à la société Antunes, assurée auprès de la société MMA IARD assurances mutuelles.
4. La réception est intervenue avec réserves le 30 juillet 2003.
5. Se prévalant de décollements de revêtements en différents endroits de la façade, le maître de l'ouvrage a, après expertise, assigné les intervenants à l'opération de construction et leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche, et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa troisième branche, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
6. La CAMBTP et la société Martin et Guiheneuf font grief à l'arrêt de dire que, dans les recours entre les coobligés condamnés in solidum à indemniser le maître de l'ouvrage au titre de son préjudice matériel et des dépens, la charge définitive de la dette sera répartie à hauteur de 30 % pour le constructeur, 40 % pour la société Autunes et 30 % pour Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf et de décider la même répartition de responsabilité s'agissant de leur condamnation in solidum à garantir la société Axa France IARD, en qualité d'assureur dommages-ouvrage, du paiement d'une certaine somme, alors « que le codébiteur d'une dette in solidum, qui l'a payée en entier ou a payé plus que sa part, ne peut répéter contre les autres que la part et portion de chacun d'eux, de sorte que, dans un rapport de contribution à la dette, le juge ne peut condamner deux coresponsables à supporter ensemble une même part de la dette, exposant ainsi l'un ou l'autre de ces deux coresponsables au risque de payer au codébiteur qui exerce son action récursoire la totalité de la somme correspondant à cette part commune, plutôt que sa part propre ; qu'en condamnant néanmoins la société Martin et Guiheneuf et Mme [L], dans le rapport de contribution à la dette, à supporter ensemble la dette de réparation à hauteur de 30 %, plutôt qu'une part de responsabilité propre à chacun de ces deux intervenants, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1213, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1382, devenu 1240, du code civil :
7. Aux termes du premier de ces textes, l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion.
8. Aux termes du second, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
9. Il est jugé, en application de ces textes, que le juge saisi d'un recours exercé par une partie condamnée in solidum, à l'encontre d'un de ses coobligés, est tenu de statuer sur la contribution de chacun d'eux à la condamnation (3e Civ., 28 mai 2008, pourvoi n° 06-20.403, publié) et que chacun des coobligés ne peut être condamné que pour sa part déterminée à proportion du degré de gravité de sa faute (3e Civ., 14 septembre 2005, pourvoi n° 04-10.241, publié).
10. Pour laisser à la charge de Mme [L] et de la société Martin et Guiheneuf, dans leurs rapports avec les coobligés in solidum, une part commune de la dette de réparation, l'arrêt retient que les désordres en façades étaient imputables à un défaut d'exécution du coulage du béton armé par le constructeur, un défaut de pose du revêtement par la société Antunes et une erreur de conception lors de l'établissement du dossier de consultation des entreprises par le groupement de maîtrise d'oeuvre, Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf.
11. Il en déduit que, les fautes du constructeur, de la société Antunes, de Mme [L] et de la société Martin et Guiheneuf ayant concouru à la réalisation de l'entier dommage, ils doivent être condamnés in solidum à indemniser le maître de l'ouvrage et que, dans les recours entre eux, la charge définitive de la dette doit être répartie à hauteur de 30 % pour le constructeur, 40 % pour la société Autunes et 30 % pour Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf.
12. En statuant ainsi, alors que deux coobligés in solidum ne peuvent pas, dans un rapport de contribution à la dette, être condamnés à supporter ensemble une même part de la dette de réparation mais uniquement une part et fraction propre à chacun, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée, en ce qu'elle ne porte que sur la part de 30 % mise à la charge de Mme [L] et de la société Martin et Guiheneuf, n'entraîne pas la cassation des chefs de dispositif fixant la charge définitive de la dette entre coobligés à 30 % pour la société Bouygues bâtiment Ile-de-France et à 40 % pour la société Antunes, qui ne s'y rattachent pas par un lien de dépendance nécessaire.
14. De même, en application du même texte, la cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant in solidum le constructeur et la société Allianz IARD, la société Antunes et la société MMA IARD assurances mutuelles, Mme [L], la société Martin et Guiheneuf et la CAMBTP à indemniser le maître de l'ouvrage, à garantir la société Axa France IARD, assureur dommages-ouvrage, aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui ne s'y rattachent pas par un lien de dépendance nécessaire.
15. En revanche, la cassation du chef de dispositif fixant à 30 % la part mise à la charge de Mme [L] et de la société Martin et Guiheneuf, s'étend au chef de dispositif fixant le même pourcentage, dans leurs rapports avec leurs coobligés, au titre de la garantie de la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, et au titre des frais irrépétibles et des dépens, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :
- dit que dans les recours entre les coobligés condamnés in solidum à indemniser la Régie immobilière de la Ville de [Localité 15], la charge définitive de la dette de réparation sera ainsi répartie :
- Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf : 30 %
- dit que Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf devront garantir la société Axa France IARD, assureur dommages-ouvrage, à hauteur de ce pourcentage,
- dit que Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf devront supporter à hauteur de 30 % la charge des dépens et des frais irrépétibles,
l'arrêt rendu le 13 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne Mme [L], les sociétés Bouygues bâtiment Île-de-France, Allianz IARD, Antunes et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-six juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par M. Boyer, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Teiller, président empêché, le conseiller rapporteur et le greffier conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.
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