CAA de PARIS
N°
15PA03179
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre
M. LAPOUZADE, président
Mme Aurélie BERNARD , rapporteur
M. SORIN, rapporteur public
SELARL PHELIP & ASSOCIES, avocat
lecture du
lundi 31 juillet 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun de
condamner le département du Val-de-Marne et la société Dodin
Ile-de-France à lui verser la somme totale de 10 600 euros en réparation
des préjudices de toute nature qui ont résulté pour elle des travaux
d'aménagement et de consolidation des berges de la Seine entrepris en
juin 2007 au niveau du quai des Gondoles à Choisy-le-Roi.
Par un jugement n° 1405273 du 26 mai 2015, le Tribunal administratif de Melun a :
- condamné solidairement le département du Val-de-Marne et la
société Dodin Ile-de-France à verser à Mme A...la somme de 9 933,88
euros ;
- condamné le département du Val-de-Marne à garantir la société
Dodin Ile-de-France des sommes qu'elle serait amenée à verser en
exécution du jugement ;
- mis les frais d'expertise à la charge définitive du département du Val-de-Marne ;
- et rejeté le surplus des conclusions de la requête et des
conclusions présentées par le département du Val-de-Marne et la société
Dodin Ile-de-France.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 août 2015 et 20
janvier 2017, le département du Val-de-Marne, représenté par Me Phelip,
demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1405273 du 26 mai 2015 du Tribunal
administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci, d'une
part, a rejeté son appel en garantie dirigé contre la société Dodin
Ile-de-France et, d'autre part, a admis l'appel en garantie de cette
société ;
2°) de condamner la société Dodin Ile-de-France à le garantir de
toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la société Dodin Ile-de-France les
entiers dépens ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la société Dodin Ile-de-France doit le garantir des
condamnations mises à sa charge par le jugement, dès lors que les fautes
et inexécutions contractuelles de la société Dodin Ile-de-France sont à
l'origine directe des désordres subis par l'immeuble de Mme A... ;
- c'est à tort que les premiers juges ont jugé que la réception
sans réserve d'un marché de travaux publics met fin aux rapports
contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur et fait
obstacle à ce que l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie
par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande
réparation ;
- le contrat, et notamment l'article 1-1-3 du cahier des clauses
techniques particulières (CCTP), l'article 9.8 du cahier des clauses
administratives particulières (CCAP) et l'article 35 du cahier des
clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics
de travaux, prévoit que la société Dodin Ile-de-France est responsable à
l'égard des tiers des conséquences des travaux et c'est à tort que les
premiers juges ont jugé que ces stipulations n'avaient pas pour effet de
prolonger la responsabilité contractuelle au-delà de la réception des
travaux ;
- dans l'hypothèse où la Cour confirmerait le jugement en ce
qu'il a rejeté son appel en garantie, elle devrait l'annuler en ce qu'il
l'a condamné à garantir la société Dodin Ile-de-France des
condamnations prononcées à son encontre, dès lors que la société ne
pourrait pas plus que lui invoquer le contrat, compte tenu de la fin des
relations contractuelles, ni fonder son action sur un fondement
quasi-délictuel, compte tenu de l'existence dudit contrat.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2016, la société
Dodin Ile-de-France, représentée par Me Fizellier, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à la condamnation du département du
Val-de-Marne à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être
prononcées à son encontre ;
3°) en toute hypothèse, à ce que la somme de 5 000 euros soit
mise à la charge du département du Val-de-Marne au titre de l'article L.
761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le département du Val-de-Marne ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 25 août 2016, MmeA..., demande la
confirmation du jugement attaqué en tant qu'il lui a accordé la somme de
9 933,88 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bernard,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- les observations de Me Phelip, avocat du département du Val-de-Marne,
- et les observations de MeB..., substituant Me Fizellier, avocat de la société Dodin Ile-de-France.
Considérant ce qui suit :
1. Le département du Val-de-Marne a conclu un marché de travaux
publics avec la société Dodin Ile-de-France pour la réalisation de
travaux d'aménagement et de consolidation des berges de la Seine au
niveau du quai des Gondoles sur la commune de Choisy le Roi. Par un
jugement en date du 26 mai 2015, le Tribunal administratif de Melun a
condamné solidairement le département du Val-de-Marne et la société
Dodin Ile-de-France à verser à Mme A... la somme de 9 933,88 euros en
réparation des préjudices de toute nature qui ont résulté pour elle
desdits travaux, a condamné le département du Val-de-Marne à garantir la
société Dodin Ile-de-France des sommes qu'elle serait amenée à verser
en exécution du jugement, a mis les frais d'expertise à la charge
définitive du département du Val-de-Marne et a rejeté le surplus des
conclusions de la requête et des conclusions présentées par le
département du Val-de-Marne et par la société Dodin Ile-de-France.
2. Le département du Val-de-Marne doit être regardé comme
relevant appel de ce jugement seulement en tant qu'il a, premièrement,
rejeté son appel en garantie dirigé contre la société Dodin
Ile-de-France, deuxièmement, admis l'appel en garantie de cette société
et, troisièmement, mis les frais d'expertise à sa charge.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'appel en garantie
présentées par le département du Val-de-Marne et par la société Dodin
Ile-de-France devant le Tribunal administratif :
3. La fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et
l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de
travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle
contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le
maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce
dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à
la date de la réception. Il n'en irait autrement - réserve étant faite
par ailleurs de l'hypothèse où le dommage subi par le tiers trouverait
directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du
marché et qui seraient de nature à entraîner la mise en jeu de la
responsabilité des constructeurs envers le maître d'ouvrage sur le
fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du
code civil - que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à
l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de
sa part.
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la réception
définitive des travaux exécutés par la société Dodin Ile-de-France a été
prononcée sans réserves par le département du Val-de-Marne le 26 mars
2009, antérieurement à l'enregistrement au greffe du Tribunal
administratif de Melun de la requête de Mme A... demandant leur
condamnation solidaire à réparer les préjudices imputables aux travaux
en cause. Ainsi que l'a jugé à bon droit le Tribunal, la circonstance
qu'au moment où la réception des travaux a été prononcée une expertise
était en cours aux fins de déterminer la nature et les causes des
dommages subis par les riverains n'était pas de nature à faire obstacle à
l'extinction de l'action en responsabilité contractuelle du maître
d'ouvrage à l'encontre des constructeurs résultant de ladite réception.
5. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 35
du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés
publics de travaux : " 35.1.1. Les dommages de toute nature, causés par
le titulaire au personnel ou aux biens du maître de l'ouvrage ou du
représentant du pouvoir adjudicateur, du fait de la conduite des travaux
ou des modalités de leur exécution, sont à la charge du titulaire, sauf
si celui-ci établit que cette conduite ou ces modalités résultent
nécessairement de stipulations du marché ou de prescriptions d'ordre de
service. / (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 9.8 du
cahier des clauses administratives particulières du marché, le titulaire
du marché, le mandataire ainsi que les co-traitants doivent " justifier
qu'ils ont contracté une assurance au titre de la responsabilité civile
découlant des articles 1382 à 1384 du Code civil, garantissant les
tiers en cas d'accident ou de dommages causés par l'exécution des
travaux ". Enfin, aux termes des stipulations de l'article 1-1-3 du
cahier des clauses techniques particulières du marché : " le titulaire
sera pleinement responsable de tous dommages causés aux immeubles
voisins par la conduite des travaux ou leur exécution. (...) ".
6. Contrairement à ce que soutient le département du Val-de-Marne
aucune des stipulations citées au point précédent n'a pour objet ou
pour effet de prolonger la responsabilité contractuelle des
constructeurs au-delà de la réception des travaux.
7. En troisième lieu, les appels en garantie réciproques formés
par le département du Val-de-Marne et la société Dodin Ile-de-France
devant le Tribunal administratif tendaient à mettre en cause la
responsabilité qu'ils pouvaient encourir l'un envers l'autre en raison
de manquements aux obligations contractuelles nées du marché qui les
liait. La société Dodin Ile-de-France peut se prévaloir de la réception
définitive prononcée sans réserves, laquelle a mis fin à ses rapports
contractuels avec le département du Val-de-Marne, pour demander à être
relevée de la condamnation prononcée à son encontre. En revanche, le
département du Val-de-Marne, maître de l'ouvrage, dès lors qu'il a
prononcé la réception des travaux sans réserves, doit supporter
l'intégralité des condamnations qui ont été prononcées au bénéfice de
Mme A.... C'est par suite à bon droit que les premiers juges, d'une
part, ont condamné le département du Val-de-Marne à garantir la société
Dodin Ile-de-France des sommes qu'elle serait amenée à verser en
exécution du jugement et, d'autre part, ont rejeté les conclusions du
département du Val-de-Marne tendant à la condamnation de la société
Dodin Ile-de-France à le garantir des condamnations prononcées à son
encontre.
En ce qui concerne les frais d'expertise :
8. Le jugement attaqué ayant condamné solidairement le
département du Val-de-Marne et la société Dodin Ile-de-France à
indemniser Mme A... de ses préjudices et condamné le département du
Val-de-Marne à garantir la société Dodin Ile-de-France des sommes
qu'elle serait amenée à verser en exécution du jugement, c'est à bon
droit qu'il a condamné le département du Val-de-Marne, partie perdante, à
supporter la charge définitive des frais d'expertise.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le département du
Val-de-Marne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le
jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté son appel
en garantie dirigé contre la société Dodin Ile-de-France, a admis
l'appel en garantie de cette société et a mis les frais d'expertise à sa
charge.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société
Dodin Ile-de-France, qui n'est pas, dans la présente instance, la
partie perdante, le versement de la somme que le département du
Val-de-Marne demande au titre des frais exposés par lui et non compris
dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances
de l'espèce, de mettre à la charge du département du Val-de-Marne le
versement de la somme que la société Dodin Ile-de-France demande sur le
fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du département du Val-de-Marne est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Dodin Ile-de-France présentées
sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département du Val-de-Marne, à Mme C...A...et à la société Dodin Ile-de-France.