vendredi 28 décembre 2018

1) La responsabilité de plein droit relative aux troubles anormaux de voisinage peut être recherchée en la personne du maître de l'ouvrage bénéficiaire des travaux ayant engendré un dommage ;2) Office du juge et mission de l'expert

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 13 décembre 2018
N° de pourvoi: 17-18.657 
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Chauvin (président), président 
SCP Foussard et Froger, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat(s) 



Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 janvier 2017), que M. et Mme Y... sont propriétaires d'une villa voisine d'une parcelle acquise par la société à responsabilité limitée Jim (la SARL) ; qu'à la suite de travaux d'excavation et de terrassement réalisés par la société Busset, ils ont invoqué l'existence de désordres et obtenu en référé la désignation d'un expert ; que M. et Mme A... ont acquis de la SARL la propriété de deux maisons jumelées, divisées ensuite en différents lots donnant lieu à la constitution d'une copropriété ; que M. et Mme Y... ont assigné la SARL, M. et Mme A... et la compagnie l'Auxiliaire en paiement de dommages-intérêts provisionnels et expertise pour troubles anormaux de voisinage ; que le syndicat des copropriétaires du lot 90 du lotissement d'[...] est intervenu à l'instance ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que la SARL fait grief à l'arrêt de la condamner à procéder à des travaux destinés à conforter le talus ;

Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, que la responsabilité de plein droit relative aux troubles anormaux de voisinage peut être recherchée en la personne du maître de l'ouvrage bénéficiaire des travaux ayant engendré un dommage et, souverainement, que les désordres déclarés par M. et Mme Y... résultaient de l'exécution des prestations d'excavation commandées par la SARL, qui avait conservé la propriété de lots qu'elle avait construits, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que la SARL, constructeur ayant exercé une activité en relation directe avec le trouble anormal causé, devait réparation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais, sur le second moyen :

Vu l'article 4 du code civil, ensemble l'article 232 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt condamne la SARL à procéder aux travaux destinés à conforter le talus tels qu'ils seront définis par l'expert à condition que celui-ci constate leur urgence ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombe au juge, informé par l'expert sur les questions de fait qui requièrent ses appréciations techniques, de trancher le litige sur la réparation des dommages, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la SARL Jim à procéder aux travaux destinés à conforter le talus tels qu'ils seront définis par l'expert à condition que celui-ci constate leur urgence et dans cette hypothèse d'y procéder ou faire procéder dans le délai de quatre mois, l'arrêt rendu le 26 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société d'assurances mutuelles l'Auxiliaire ;

Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

vendredi 21 décembre 2018

Même en référé-provision, le producteur est responsable de plein droit du dommage causé par un défaut de son produit

Note L. Bloch, RCA 2019-2, p. 63.

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 28 novembre 2018
N° de pourvoi: 17-14.356
Publié au bulletin Cassation partielle
Mme Batut (président), président
SCP Didier et Pinet, SCP Foussard et Froger, SCP Gadiou et Chevallier, avocat(s)


Texte intégral


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 28 décembre 2014, un aéronef de type Airbus A 320, construit en 2008 et transportant, pour le compte de la compagnie aérienne Indonesia Air Asia, cent-cinquante-cinq passagers et sept membres d'équipage, s'est abîmé en mer, provoquant la mort de l'ensemble des personnes présentes à son bord ; que M. X... et soixante-six autres personnes, proches des victimes (les demandeurs), ont assigné en référé, sur le fondement de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, la société Airbus, fabricant de l'aéronef, et la société Artus, fabricant du module électronique RTLU équipant l'aéronef accidenté, en paiement d'indemnités provisionnelles ;

Sur la déchéance du pourvoi, en ce qu'il est formé contre le procureur général près la cour d'appel d'Angers :

Vu l'article 978, alinéa 1er, du code de procédure civile ;

Attendu que les demandeurs se sont pourvus en cassation contre l'arrêt du 10 janvier 2017, mais n'ont pas remis au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués à l'égard du procureur général près la cour d'appel d'Angers, contre lequel le pourvoi était également dirigé ; qu'il y a lieu de constater la déchéance partielle du pourvoi à l'égard de celui-ci ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles 1386-1 et 1386-14, devenus 1245 et 1245-13 du code civil, ensemble l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que le producteur est responsable de plein droit du dommage causé par un défaut de son produit ; qu'aux termes du deuxième, la responsabilité du producteur envers la victime n'est pas réduite par le fait d'un tiers ayant concouru à la réalisation du dommage ;

Attendu que, pour dire que l'obligation des sociétés Airbus et Artus à indemniser les demandeurs est sérieusement contestable, après avoir relevé que la simple implication d'un composant dans la réalisation du dommage est insuffisante, dès lors que doivent être également appréciées la rigueur et la qualité des opérations de maintenance de l'appareil, lesquelles incombent aux compagnies aériennes et non aux fabricants, l'arrêt retient qu'il résulte du rapport d'enquête que le module électronique « RTLU » présentait des fêlures sur les soudures à la surface des deux canaux et qu'il est établi que ce sont des dégradations qui ont pu générer des pertes de continuité électrique menant à la panne de cet élément ; qu'il ajoute qu'il est également acquis que le dysfonctionnement du module RTLU est le premier facteur dans le temps ayant pu contribuer à l'accident et que, lors du vol, ce même défaut a été signalé à quatre reprises à l'équipage ; que l'arrêt considère que l'action de l'équipage ayant suivi le quatrième message signalant ce dysfonctionnement s'était révélée inadaptée et non conforme à la procédure prescrite en pareil cas, provoquant le désengagement du pilote automatique, puis un enchaînement de faits à l'origine du décrochage de l'appareil et de l'accident ; qu'il constate que l'appareil avait connu à vingt-trois reprises, au cours de l'année 2014, des dysfonctionnements de modules du même type que les quatre survenus lors du vol, sans que la maintenance observe la procédure à suivre en cas de pannes réitérées ; que, selon l'arrêt, le rapport technique relève que, dans cette hypothèse, le module RTLU doit être remplacé, ce qui n'a pas été le cas pour l'avion litigieux ; qu'il constate enfin que le simple fait que la société Airbus ait amélioré le module RTLU depuis 1993 et à deux reprises avant la construction de l'avion, lequel était équipé du module ainsi modifié, ne permet pas de considérer que cette société avait connaissance d'une absence de fiabilité de cet élément ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs fondés sur le fait de tiers ayant concouru à la réalisation d'un dommage et sur le défaut de connaissance, par les producteurs de l'avion et du module litigieux, de l'absence de fiabilité de ce dernier, comme tels impropres à caractériser l'absence d'une obligation non sérieusement contestable à la charge de ces producteurs, alors qu'elle avait constaté un défaut du module, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CONSTATE LA DECHEANCE PARTIELLE du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel d'Angers ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'obligation de la société Airbus et de la société Artus à indemniser les proches des victimes de la catastrophe aérienne du vol Surabaya-Singapour du 28 décembre 2014 est sérieusement contestable, l'arrêt rendu, le 10 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers, autrement composée ;

Condamne la société Airbus et la société Artus aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes et les condamne à payer aux demandeurs la somme globale de 5 000 euros ;

jeudi 20 décembre 2018

Voisinage - recours subrogatoire de l'assureur du maître d'ouvrage - gestion d'affaires

Note Mayaux, RGDA 2018, p. 549.

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 25 octobre 2018
N° de pourvoi: 17-25.732
Non publié au bulletin Cassation partielle

Mme Flise (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boulloche, SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP L. Poulet-Odent, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué que, dans la nuit du 8 au 9 novembre 2000, un mur d'un chantier de construction ayant pour maître d'ouvrage la SCI Côte d'Azur, aujourd'hui dénommée SCI Méditerranée, gérée par la société Promogim, s'est effondré, ce qui a entraîné l'affaissement des immeubles voisins qui ont dû être évacués d'urgence et affecté le chantier de construction contigüe dont la société Bouygues immobilier était le maître d'ouvrage ; que la société Axa courtage, devenue Axa France IARD (la société Axa), assureur de la responsabilité civile promoteur de la société Promogim, a pris en charge les dépenses de confortement urgent des immeubles sinistrés préconisées par l'expert désigné en référé, et réglé divers frais et indemnités ; que, par un arrêt du 28 mars 2013, il a été jugé que M. X..., maître d'oeuvre, assuré par la Mutuelle des architectes français (la MAF), la société Bureau d'études et de conseils techniques (la société BECT), coordonnateur sécurité et protection de la santé, assurée auprès de la société Axa, la société Hervé de Nardi construction (la société HDC), assurée auprès de la SMABTP, étaient chacun responsable du sinistre à hauteur de 15 % et que la société Valorisation terrassement location (la société VTL), titulaire du lot terrassement, assurée auprès de la société Gan assurances (le Gan), l'était à hauteur de 50 % ; que, par ailleurs, sur une assignation délivrée le 3 novembre 2010, un jugement du 4 juillet 2013 a condamné la SCI Méditerranée et la société Axa à verser à la société Bouygues immobilier une indemnité de 189 531,33 euros sur le fondement des troubles anormaux de voisinage consécutifs au sinistre ; que, par actes des 30 avril, 2 et 21 mai 2013, la société Axa a assigné les sociétés BECT et VTL, ainsi que M. B..., mandataire liquidateur de la société HDC, en remboursement des sommes qu'elle a payées, puis, par actes des 20 et 27 août 2014, M. X... et son assureur la MAF ; que, par conclusions du 31 décembre 2014, la société Axa a sollicité la condamnation du Gan, assigné en garantie par la société VTL ; que la prescription des demandes lui a été opposée ; que l'arrêt a accueilli cette fin de non-recevoir seulement pour les demandes en paiement des sommes de 431 818,64 euros, 112 145,74 euros et 121 520,74 euros au titre, respectivement, des travaux financés, des frais d'expertise et des indemnisations versées aux voisins victimes et acquéreurs et l'a rejetée pour la demande en remboursement de l'indemnité versée à la société Bouygues immobilier ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident du Gan :

Attendu que le Gan fait grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription pour les demandes en paiement correspondant aux sommes réglées au titre de la condamnation du 4 juillet 2013 au profit de la société Bouygues immobilier, et de le condamner en conséquence in solidum avec la société VTL, M. X... et la MAF, ainsi que la société BECT, à payer à la société Axa une somme de 189 531,33 euros avec intérêts au taux légal depuis le 30 avril 2013, de la condamner à garantir la société VTL, d'imputer une quote-part de responsabilité de 50 % à cette dernière, et de la condamner à garantir M. X... et la MAF de leur condamnation à payer la somme de 189 531,33 euros à proportion de 50 %, et la société BECT de sa condamnation à proportion de 50 %, alors, selon le moyen, que l'action récursoire exercée par l'assureur subrogé dans les droits de son assuré est soumise au délai de prescription applicable à l'action dont le subrogeant initial était titulaire ; que l'écoulement de ce délai de prescription, qui n'est pas interrompu par l'effet de la subrogation, est opposable à l'assureur subrogé ; qu'en l'espèce, la société Bouygues Immobilier, maître d'ouvrage d'un projet immobilier à Marseille, a subi, le 8 novembre 2000, des dommages matériels résultant de travaux de construction entrepris sur la parcelle voisine par la SCI Méditerranée, et auxquels la société VTL, titulaire du lot terrassements, avait pris part ; que par acte du 3 novembre 2010, soit seulement six jours avant l'expiration du délai décennal de prescription prévu à l'article 2270-1 du code civil, la société Bouygues Immobilier a assigné, sur le fondement des troubles anormaux de voisinage, la SCI Méditerranée et son assureur, la société Axa France IARD, aux fins de les faire condamner in solidum à réparer les dommages qu'elle prétendait avoir subis ; que la société Axa France IARD a été condamnée à payer à la société Bouygues Immobilier la somme de 189 531,33 euros à titre de dommages-intérêts ; que la société Axa France IARD a, par acte du 2 mai 2013, engagé une action récursoire contre la société VTL aux fins d'obtenir le remboursement de cette somme ; que cette action était irrecevable comme prescrite puisqu'elle était soumise au délai de prescription de dix ans applicable à l'action dont était initialement titulaire la société Bouygues Immobilier, et qui avait expiré le 8 novembre 2010 ; qu'en jugeant toutefois que cette action n'était pas prescrite aux motifs que la société « Axa France IARD n'avait pu agir préalablement à l'assignation du 3 novembre 2010 [
], et que c'est donc bien cette assignation qui marquait le point de départ du délai de prescription [de son action récursoire] », la cour d'appel a violé les articles 1251 du code civil et L. 121-12 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant relevé que, sur l'assignation du 3 novembre 2010 de la société Bouygues immobilier, la société Axa, en sa qualité d'assureur de la responsabilité de la SCI Méditerranée, avait été condamnée par un jugement du 4 juillet 2013 à réparer le trouble anormal de voisinage imputé à cette dernière, et qu'elle exerçait, sur le même fondement, l'action directe dont son assuré disposait contre le Gan, assureur de la société VTL, laquelle était tiers responsable du trouble ainsi réparé, en sa qualité de constructeur-voisin occasionnel, et retenu qu'ayant versé l'indemnité due par la SCI Méditerranée la société Axa était subrogée dans les droits de celle-ci, c'est sans encourir la critique du moyen que la cour d'appel a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette action ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi incident de la SMABTP, annexé, qui est irrecevable ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de la société Axa :

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes de la société Axa en paiement des sommes de 431 818,64 euros, 112 145,74 euros et 121 520,74 euros, l'arrêt retient que, s'agissant du fondement de son action, l'assureur invoque à la fois, de façon alternative, les dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances afférentes à la subrogation légale bénéficiant à l'assureur quand il a payé une indemnité en application du contrat d'assurance et les dispositions des articles 1372 et 1376 du code civil afférentes à la gestion d'affaires, et que ces deux fondements sont parfaitement incompatibles entre eux puisque l'exécution du contrat d'assurance suffit à exclure l'existence d'une gestion d'affaires ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la société Axa distinguait ses demandes en paiement des sommes susvisées de celle résultant du dédommagement de la société Bouygues immobilier, en soulignant que le raisonnement qui fondait les premières ne valait pas pour les condamnations prononcées par le jugement du 4 juillet 2013, et soutenait, d'une part, qu'elle avait réglé les sommes afférentes aux dommages nés du sinistre « pour le compte des futurs coobligés » tenus d'indemniser les tiers victimes et non au profit de son assuré, et que, pour tenir compte de la situation d'urgence des victimes, elle s'était d'elle-même volontairement engagée à prendre en charge les travaux de confortation « pour le compte de qui il appartiendra », de sorte que, selon elle, ce n'était pas au titre de son obligation contractuelle ou de toute obligation légale qu'elle avait payé mais en application de sa seule volonté au regard des circonstances de l'espèce, d'autre part, qu'elle avait introduit l'instance sur le fondement de la gestion d'affaires en visant depuis l'origine les articles 1372 et 1376 du code civil, la cour d'appel qui, pour les demandes susvisées, n'était saisie que sur ce fondement, a méconnu les termes du litige et violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Axa France IARD irrecevable en ses prétentions en paiement des travaux financés (431 818,64 euros), des frais d'expertise (112 145,74 euros) et des indemnisations versées aux voisins victimes et acquéreurs (121 520,74 euros), pour cause de prescription, l'arrêt rendu le 7 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Gan assurances, la société Bureau d'études et de conseils techniques, M. X..., la Mutuelle des architectes français, la société Valorisation terrassement location et la SMABTP aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. X..., la Mutuelle des architectes français, la société Bureau d'études et de conseils techniques, la société Gan assurances, la société Valorisation terrassement location et la SMABTP à payer à la société Axa France IARD la somme globale de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;

Ombre et lumière sur le régime juridique applicable à l'assurance de l'élément d'équipement de l'ouvrage

Synthèse de 15 ans de jurisprudence, par P. Dessuet, RGDA 2018, p. 526.

mardi 18 décembre 2018

La clause limitative de responsabilité

Etude G. Valdeliècre, RLDC 2018-12, p. 25.

Vente immobilière - étendue du devoir d'information du vendeur

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 22 novembre 2018
N° de pourvoi: 17-26.208
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 juin 2017), que, le 21 décembre 1989, la société C... , aux droits de laquelle se trouve la société Faiveley transports Amiens (Faiveley), a vendu à la société civile immobilière Together (la SCI Together) un immeuble édifié sur une parcelle cadastrée section [...] , faisant partie d'un site industriel sur lequel une activité de fabrication de systèmes de freinage automobile et ferroviaire incluant des installations classées pour la protection de l'environnement a été exercée de 1892 à 1999 ; qu'en 2010, à l'occasion d'une opération de réaménagement, la SCI Together a découvert l'existence d'une pollution du sol du terrain vendu ; qu'elle a assigné la société Faiveley en réparation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la SCI Together fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande fondée sur un manquement du vendeur à son obligation générale d'information, alors, selon le moyen :

1°/ que le vendeur est tenu d'informer l'acquéreur des caractéristiques environnementales du bien vendu et notamment de l'exploitation de diverses installations industrielles exploitées en vertu d'autorisation préfectorale ; que l'acte de vente du 21 décembre 1989 ne comporte aucune indication quant à l'existence des installations industrielles exploitées par C... notamment sur la parcelle [...] vendue à la société Together ; qu'en déboutant la SCI Together au motif que la mairie de Livry-Gargan n'avait pas retrouvé dans ses archives des documents permettant d'apprécier l'existence d'ancienne installation de cette nature concernant cette zone tandis qu'il appartenait en tout état de cause à la société C... d'informer l'acquéreur des autorisations préfectorales qui lui avaient été délivrées en 1962 pour exploiter l'activité de travail de métaux à froid et de peintures par pulvérisation, la cour d'appel a violé les articles 1602 et 1615 du code civil ;

2°/ que le vendeur d'un terrain compris dans un site sur lequel a été exploitée une installation classée pour la protection de l'environnement
soumise à autorisation, circonstance qui révèle nécessairement une éventuelle pollution, doit en informer l'acquéreur ; que cette obligation porte
non seulement sur la vente des parties du site qui sont le siège des activités
relevant du régime de l'autorisation, mais également, à tout le moins, sur les
parties du site où étaient exploitées des activités annexes ; que pour débouter la société Together, acquéreur d'une parcelle comprise dans un ancien site industriel relevant du régime de l'autorisation, de sa demande au titre du manquement du vendeur à son obligation d'information, l'arrêt retient qu'il n'aurait pas été démontré qu'une activité soumise à la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ait été exercée
sur les parcelles vendues ; qu'en statuant, tandis qu'elle relevait que des « annexes », constituées d'activités de tôlerie, d'un magasin de composants
industriels et d'un département industriel, avaient été exploitées sur ces parcelles comprises dans le site industriel, la cour d'appel a violé les articles 1602 et 1615 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé qu'il ressortait de l'acte de vente que l'immeuble était « classé en zone industrielle », qu'il était situé sur le plan d'occupation des sols dans une zone industrielle et qu'il constituait le site industriel exploité antérieurement par la compagnie des freins et signaux Westinghouse puis par la société Wabco et constaté que seules certaines des activités exercées sur ce site étaient soumises à la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, la cour d'appel, qui a souverainement retenu, d'une part, que la preuve n'était pas rapportée de l'existence, sur la parcelle vendue, d'une installation classée soumise à autorisation, mais seulement d'un atelier de tôlerie, d'un magasin de composants industriels et d'un département industriel, activités annexes aux activités principales présentes sur le site industriel qui n'étaient pas des activités classées, et, d'autre part, que la SCI Together ne prouvait pas que le vendeur ait eu connaissance, lors de la vente de 1989, d'un risque de pollution, a pu en déduire l'absence de tout manquement du vendeur à son obligation d'information de droit commun ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que la SCI Together fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande contre la société Faiveley pour manquement à son obligation de remise en état ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'aucune des installations classées exploitées sur le site d'activités de la société C... n'était implantée sur la parcelle dont la SCI Together était propriétaire et retenu que, si une pollution du sol avait bien été constatée dans le rapport Soler environnement de 2010, aucun des rapports produits postérieurement par la SCI Together ne permettait d'établir avec certitude que cette pollution avait existé antérieurement ni de la rattacher à l'activité de la société C... , ces documents n'excluant pas que des polluants en provenance d'autres sites à risques aient été transportés par les eaux souterraines, la cour d'appel, devant laquelle aucune mesure d'expertise n'était demandée, a pu déduire de ces seuls motifs, sans inverser la charge de la preuve et sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, ni de répondre à de simples allégations sur l'origine de la pollution non assorties d'une offre de preuve, que la responsabilité délictuelle de la société Faiveley ne pouvait être retenue ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Together aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Together et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Faiveley transport Amiens ;

Modalités de la subrogation de l'assureur ayant indemnisé pour des dommages exclus par sa police

Note Landel, bulletin assurances EL, fév. 2019, p. 16. 

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 6 décembre 2018
N° de pourvoi: 17-28.842
Non publié au bulletin Cassation partielle
M. Chauvin (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)


Texte intégral


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 octobre 2017), qu'un immeuble de bureaux ayant été partiellement détruit par un incendie, deux ans après sa réception, la société Chubb Insurance Company of Europe (la société Chubb), assureur multirisques, après indemnisation de son assuré, a assigné en remboursement les tiers responsables du sinistre, la société Cegelec, chargée des travaux d'électricité, assurée auprès de la société Allianz, la société Bureau Véritas construction (la société Bureau Véritas), contrôleur technique, assurée auprès de la société QBE Insurance Europe Limited, ainsi que la société Cofely GDF Suez, devenue la société Engie énergie services (la société Engie), chargée d'assurer la maintenance de l'immeuble ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches, ci-après annexé, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes de la société Chubb contre les sociétés Cegelec et Bureau Véritas et leurs assureurs :

Attendu que la société Chubb fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes fondées sur la subrogation légale formées contre les sociétés Cegelec et Bureau Véritas et leurs assureurs ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'incendie avait pour origine le maintien, dans les armoires électriques, de tiges filetées oubliées par le constructeur et retenu que ces désordres, affectant l'ouvrage, le rendaient impropre à sa destination, la cour d'appel en a déduit à bon droit, sans dénaturation, que la responsabilité décennale des sociétés Cegelec et Bureau Véritas était engagée et que la société Chubb, qui avait réglé une indemnité pour des dommages dont sa police excluait la prise en charge, n'était pas recevable à agir à leur encontre sur le fondement de la subrogation légale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes de la société Chubb contre la société Engie :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 121-12 du code des assurances ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes de la société Chubb contre la société Engie, l'arrêt retient que l'assureur, ayant réglé une indemnité à son assuré, alors que sa police en excluait la prise en charge, n'est pas légalement subrogé dans les droits et actions de son assuré et ne peut pas agir sur le fondement de la subrogation légale contre les sociétés qu'il estime responsables du sinistre ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la responsabilité de la société Engie était recherchée sur un fondement contractuel en raison de l'inexécution du contrat de maintenance conclu après la réception des travaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;



PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Chubb Insurance Company of Europe irrecevable en ses demandes contre la société Engie et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Engie énergie services, l'arrêt rendu le 3 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Engie énergie services aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;