Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du
mercredi 14 février 2018
N° de pourvoi:
16-10.636
Publié au bulletin
Rejet
Mme Mouillard (président), président
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié, SCP Sevaux et Mathonnet, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 décembre 2015, RG n°
14/17695), que la société VFLI, société de transport ferroviaire de
marchandises, qui avait demandé à bénéficier de son droit d'accès au
réseau ferré national et s'était vu attribuer par le gestionnaire du
réseau, l'établissement public à caractère industriel et commercial
Réseau ferré de France (RFF), plusieurs capacités d'infrastructure ou «
sillons » au titre de l'horaire de service 2013, s'estimant victime par
le passé de modifications ou suppressions tardives de sillons-jours qui
lui avaient été attribués, a saisi, le 9 avril 2013, à l'instar de trois
autres entreprises, l'Autorité de régulation des activités
ferroviaires, devenue l'Autorité de régulation des activités
ferroviaires et routières (l'Autorité), sur le fondement de l'article L.
2134-2 du code des transports, d'une demande de règlement de différend,
aux fins, à titre principal, d'être exonérée du paiement de l'acompte
de 20 % sur la redevance de réservation tant que RFF n'aurait pas
remédié aux insuffisances propres au processus d'allocation, de suivi et
de facturation des sillons-jours, en mettant en place un dispositif
l'incitant au respect des sillons attribués et, à titre subsidiaire,
qu'il soit enjoint à RFF de mettre en oeuvre un tel dispositif dans les
délais les plus brefs ; que, par une décision n° 2013-019 du 1er octobre
2013, l'Autorité a rejeté la demande principale de la société VFLI et
a, notamment, à l'article 7 de sa décision, enjoint à RFF de mettre en
place, au plus tard pour l'horaire de service 2015, un mécanisme
financier l'incitant à proposer des sillons alternatifs en cas de
suppression de sillons alloués initialement « fermes », et dit qu'elle
organiserait, à cette fin, une concertation à l'issue de laquelle elle
fixerait un système de pénalités forfaitaires pour les cas de
suppression de sillons sans solution alternative ; qu'à l'article 11 de
sa décision, l'Autorité a dit qu'elle organiserait une concertation
concernant la mise en place d'incitations à la non-surréservation de
sillons et à la libération anticipée de capacités par les entreprises
ferroviaires, à l'issue de laquelle elle fixerait ces incitations ;
qu'après avoir mis en oeuvre ces procédures de concertation et avoir
soumis à la consultation publique les dispositions qu'elle envisageait
d'arrêter, l'Autorité, par une décision n° 2014-019 du 15 juillet 2014, a
enjoint à RFF de mettre en oeuvre un système incitatif à la délivrance
effective des sillons attribués « fermes », l'encourageant à ne pas les
supprimer ni les modifier, système dont elle a défini, à l'article 1er,
les objectifs et caractéristiques, en précisant notamment le montant a
minima des pénalités applicables à RFF, au profit des entreprises
ferroviaires, en cas de suppression ou de modification importante de
sillons-jours ; qu'à l'article 3 de sa décision, l'Autorité a enjoint à
RFF de mettre en place un système incitatif à l'utilisation optimale,
par les entreprises ferroviaires, des sillons attribués, dont elle a
décrit les caractéristiques ; que l'établissement public à caractère
industriel et commercial SNCF réseau, venant aux droits de RFF, a formé
un recours en annulation contre ces décisions ;
Sur les premier et sixième moyens, rédigés en termes identiques, réunis :
Attendu que SNCF réseau fait grief à l'arrêt du rejet de ses recours
en annulation partielle des décisions n° 2013-019 du 1er octobre 2013
et n° 2014-019 du 15 juillet 2014 alors, selon le moyen, que la
compétence réglementaire d'une autorité publique indépendante est
déterminée par la loi et s'exerce dans le respect des principes et des
contrôles prévus par le législateur ; que les dispositions
réglementaires édictées par l'Autorité relatives aux conditions de
raccordement au réseau ferroviaire, aux conditions techniques et
administratives d'accès au réseau et de son utilisation, aux conditions
d'accès aux services présentant un caractère de facilités essentielles
et leurs conditions d'utilisation et aux règles d'imputation comptable
sont soumises à l'homologation du ministre chargé des transports et
publiées au Journal officiel ; qu'en décidant que l'Autorité était
compétente, lorsqu'elle statue sur des différends, pour imposer
directement aux opérateurs des mesures réglementaires concernant les
modalités d'accès au réseau ferroviaire non soumise à l'homologation des
pouvoirs publics, la cour d'appel a violé l'article L. 2131-7 ancien du
code des transports ;
Mais attendu que le moyen, pris de la violation de l'article 2131-7
du code des transports, relatif au pouvoir réglementaire supplétif de
l'Autorité, est inopérant pour critiquer les motifs par lesquels la cour
d'appel a écarté le moyen de SNCF réseau qui soutenait que seul le
gestionnaire d'infrastructure était compétent, en application des
articles 17 et 18 du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 modifié, relatif à
l'utilisation du réseau ferré national, pour fixer les conditions
d'accès aux infrastructures ferroviaires ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que SNCF réseau fait grief à l'arrêt du rejet de son recours
en annulation partielle de la décision n° 2014-019 du 15 juillet 2014
alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'elle règle un différend, l'Autorité est tenue de
respecter le principe du contradictoire ; qu'en affirmant au contraire
que le principe du contradictoire ne revêt pas un caractère absolu et
que son étendue varie en fonction des spécificités des procédures en
cause, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble
l'article L. 2134-2 du code des transports, les articles 14 à 16 du
règlement intérieur de l'Autorité dans sa version consolidée au 1er
juillet 2013 et l'article 16, alinéa 2, du code de procédure civile ;
2°/ que le juge ou l'autorité administrative qui tranche un litige
ne peut retenir dans sa décision des documents ou notes produits par les
parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre
contradictoirement ; qu'ainsi une décision qui tranche un différend ne
peut se fonder que sur des pièces ayant fait l'objet d'un débat
contradictoire préalable ; qu'en considérant qu'à défaut de justifier
d'un grief, l'Autorité n'a pas porté atteinte au principe du
contradictoire en ne communiquant aux parties qu'une synthèse qu'elle
avait elle-même établie des réponses aux questionnaires qu'elle avait
adressés et des contributions qu'elle avait reçues, quand la décision
déférée vise expressément les pièces non communiquées parmi celles
justifiant les mesures prononcées, la cour d'appel a violé l'article 6, §
1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, ensemble l'article L. 2134-2 du code des transports, les
articles 14 à 16 du règlement intérieur de l'Autorité dans sa version
consolidée au 1er juillet 2013 et l'article 16, alinéa 2, du code de
procédure civile ;
3°/ qu'en affirmant péremptoirement, pour exclure toute atteinte au
principe du contradictoire, que ce principe doit être concilié avec le
secret des affaires, sans établir que les réponses aux questionnaires et
les contributions non communiquées étaient couvertes par le secret des
affaires justifié par une décision de classement à ce titre, la cour
d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L.
2134-2 du code des transports, les articles 14 à 16 du règlement
intérieur de l'Autorité dans sa version consolidée au 1er juillet 2013
et l'article 16, alinéa 2, du code de procédure civile ;
4°/ que le respect du principe du contradictoire tient compte de
l'urgence à examiner et à prononcer les mesures en cause ; qu'en
affirmant, pour exclure toute atteinte au principe du contradictoire,
que le principe du contradictoire ne revêt pas un caractère absolu et
que son étendue varie en fonction des spécificités des procédures en
cause, tout en constatant que l'Autorité ne conteste pas que les délais
de règlement du différend n'ont pas été tenus, s'agissant de la décision
du 15 juillet 2014, en raison de la concertation publique qu'elle avait
engagée, ce dont il résultait que l'urgence ne justifiait pas de porter
atteinte au principe du contradictoire, la cour d'appel a violé
l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 2134-2 du code des
transports, les articles 14 à 16 du règlement intérieur de l'Autorité
dans sa version consolidée au 1er juillet 2013 et l'article 16, alinéa
2, du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que le principe de la
contradiction ne revêt pas un caractère absolu et que son étendue varie
en fonction des spécificités des procédures en cause, qu'il doit en
outre être concilié avec le secret des affaires et qu'il appartient à la
partie qui se plaint du défaut de communication de pièces de démontrer
que cette absence de communication lui a fait grief, l'arrêt constate
que l'Autorité a engagé, préalablement à sa décision du 15 juillet 2014,
une procédure de concertation et de consultation publique afin
d'élaborer le dispositif incitatif litigieux et relève que RFF a
participé à l'ensemble des réunions de concertation aux cours desquelles
l'Autorité a présenté aux parties une synthèse des réponses obtenues
aux questionnaires remis aux opérateurs, qu'il a été informé, à chaque
étape du processus, des résultats des phases antérieures et qu'il a pu
faire valoir ses remarques et critiques ; qu'il ajoute que RFF, qui a
reçu, comme toutes les parties, des synthèses des contributions établies
par l'Autorité et qui a eu accès aux mêmes pièces du dossier que les
opérateurs, ne démontre pas en quoi l'absence de communication de
l'intégralité des réponses aux questionnaires des autres intervenants
aurait porté atteinte à ses droits et souligne que le gestionnaire
d'infrastructure n'a, au demeurant, jamais élevé aucune contestation
durant la procédure de consultation à laquelle il a été étroitement
associé ; qu'il relève encore que, durant la phase de consultation
publique, un projet de la décision envisagée par l'Autorité, très proche
de la décision finalement arrêtée, a été communiqué à l'ensemble des
parties prenantes qui y ont répondu par des contributions publiées sur
le site de l'Autorité, le 30 juin 2014, auxquelles RFF a pu répondre,
lors de son audition du 7 juillet 2014 ; qu'en l'état de ces
constatations et appréciations, la cour d'appel, qui, contrairement à ce
que postule la quatrième branche, n'a pas retenu que l'urgence
justifiait une atteinte au principe de la contradiction, a, à bon droit,
retenu qu'aucune atteinte à ce principe n'était caractérisée ; que le
moyen, qui manque en fait en sa dernière branche, n'est pas fondé pour
le surplus ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que SNCF réseau fait le même grief à l'arrêt alors, selon le
moyen, que l'Autorité devait se prononcer dans un délai de deux mois
maximum à compter de la réception de l'ensemble des pièces utiles à
l'instruction ; que l'Autorité doit se prononcer sur toutes les
plaintes, adopter les mesures nécessaires afin de remédier à la
situation et communiquer sa décision motivée aux parties concernées dans
un délai prédéterminé et raisonnable et, en tout état de cause, dans
les six semaines suivant la réception de toutes les informations utiles ;
qu'en décidant que le délai prévu à l'article L. 2134-3 du code des
transports n'est pas impératif, la cour d'appel a violé le texte susvisé
interprété à la lumière de l'article 56, § 9, de la directive
2012/34/UE du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique
européen ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 2134-3 du code des
transports, dans sa rédaction applicable à la cause, l'Autorité se
prononce dans un délai de deux mois maximum à compter de la réception de
l'ensemble des pièces utiles à l'instruction ; que SNCF réseau s'étant
borné à soutenir, devant la cour d'appel, que l'Autorité avait méconnu
ce délai en rendant sa décision le 15 juillet 2014, soit plus de neuf
mois après l'adoption de la décision du 1er octobre 2013, le moyen est
nouveau en ce qu'il soutient que l'Autorité devait se prononcer dans un
délai de deux mois maximum à compter de la réception de l'ensemble des
pièces utiles à l'instruction ; que, mélangé de fait et de droit, il
est, dès lors, irrecevable ;
Sur le quatrième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, cinquième, sixième, septième et huitième branches :
Attendu que SNCF réseau fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que la compétence réglementaire d'une autorité indépendante est
déterminée par la loi et s'exerce dans le respect des principes et des
contrôles prévus par le législateur ; que les dispositions
réglementaires édictées par l'Autorité relatives aux conditions de
raccordement au réseau ferroviaire, aux conditions techniques et
administratives d'accès au réseau et de son utilisation, aux conditions
d'accès aux services présentant un caractère de facilités essentielles
et leurs conditions d'utilisation et aux règles d'imputation comptable
sont soumises à l'homologation du ministre chargé des transports et
publiées au Journal officiel ; qu'en considérant que le pouvoir normatif
dérivé soumis à homologation ministérielle, prévu à l'article L. 2131-7
du code des transports reconnu à l'Autorité, ne rend pas inopérants
l'existence et l'usage de son pouvoir de fixer, dans le cadre du
règlement d'un différend et conformément à l'article L. 2134-2, les
modalités d'accès au réseau et ses conditions d'utilisation, ce qui lui
confère la possibilité d'édicter des normes réglementaires sans
habilitation ministérielle, la cour d'appel a violé l'article L. 2131-7
ancien du code des transports ;
2°/ que le pouvoir réglementaire dérivé reconnu à certaines
autorités indépendantes ne peut s'exercer sans homologation qu'à la
condition de demeurer restreint et d'être précisément défini par la loi ;
qu'en considérant que le pouvoir réglementaire de l'Autorité pourrait
s'exercer non seulement dans le cadre de l'article L. 2131-7 ancien du
code des transports mais aussi sans homologation dans le cadre d'un
règlement de différend selon des modalités définies à l'article L.
2134-2 du même code, la cour d'appel a violé l'article 21 de la
Constitution ;
3°/ que le législateur ne peut conférer à une autorité publique un
pouvoir réglementaire direct sans homologation nécessaire qu'à la
condition que son champ d'application soit restreint et précisément
défini ; qu'en considérant que l'Autorité pouvait adopter des mesures
réglementaires sans homologation dans le cadre du règlement d'un
différend puisque cette procédure est subordonnée à la plainte d'un
opérateur et dans la mesure où les mesures prises sont soumises aux
principes de nécessité et de proportionnalité dont il appartient aux
juridictions d'apprécier le respect, la cour d'appel a statué par des
motifs impropres à établir la constitutionnalité d'un tel pouvoir
réglementaire, a privé sa décision de base légale au regard de l'article
21 de la Constitution ;
4°/ que nul ne peut être condamné pour une action ou une omission
qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction ;
qu'ainsi une autorité indépendante ne peut pas condamner le
gestionnaire du réseau ferroviaire à respecter une norme réglementaire
qui ne préexistait pas à sa décision et qu'elle a elle-même édictée dans
la même décision ; qu'en affirmant au contraire que l'article 56 de la
directive 2012/34/CE du 21 novembre 2012 établissant un espace
ferroviaire unique européen mentionne sans ambiguïté « que l'organisme
de contrôle peut enjoindre au gestionnaire de l'infrastructure de
modifier une décision (
) conformément aux lignes directrices qu'il
fixe lui-même (et) que c'est précisément ce que l'ARAFER a fait,
s'agissant du présent litige, puisqu'elle a enjoint à SNCF Réseau
d'adopter un système incitatif conforme aux lignes directrices qu'elle
avait elle-même fixées, après une large consultation publique », la cour
d'appel a méconnu le principe de légalité des délits et des peines en
violation des articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales et 49 de la charte des droits
fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que des articles 5 et 8 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
5°/ que l'appréciation de la validité d'une décision de nature
réglementaire relève à titre principal ou préjudiciel de la compétence
des juridictions administratives ; qu'en décidant au contraire qu'il lui
incombe de vérifier si les mesures prononcées, quelle que soit leur
nature, s'avèrent nécessaires et proportionnées au règlement des litiges
en cause, que ces mesures soient individuelles ou de portée générale,
la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble le principe
de séparation des autorités administratives et judiciaires ;
6°/ que toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas
assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de
Constitution ; que le Conseil constitutionnel a érigé en principe
fondamental reconnu par les lois de la république la protection de
l'existence et de la compétence des juridictions administratives ; qu'en
considérant qu'en lui confiant la compétence pour examiner les recours
formés contre les décisions prises par l'Autorité en matière de
règlement de différend, l'article L. 2134-3 du code des transports lui
permettait de statuer sur toutes les mesures prononcées, quelle que soit
leur nature, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble
l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1789, ainsi que le principe fondamental protégeant l'existence et la
compétence des juridictions administratives ;
7°/ que toute personne autorisée à demander des capacités
d'infrastructure ferroviaire ou tout gestionnaire d'infrastructure peut
saisir l'Autorité de régulation des activités ferroviaires dès lors
qu'il s'estime victime d'un traitement inéquitable, d'une discrimination
ou de tout autre préjudice liés à l'accès au réseau ferroviaire ;
qu'ainsi, la procédure de différend ne vise qu'à mettre un terme à une
situation discriminatoire ou à réparer un préjudice subi ; qu'en
considérant au contraire que la procédure de différend pouvait être
utilisée par l'Autorité pour imposer, d'une manière générale et pour
l'avenir, les modalités contractuelles devant lier nécessairement le
gestionnaire de l'infrastructure à toutes les entreprises ferroviaires,
la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de la procédure de différend, a
violé l'article L. 2134-2 du code des transports dans sa rédaction
applicable en la cause ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient qu'aux termes
mêmes de l'article L. 2134-2 du code des transports, dans sa rédaction
applicable à la cause, dans le cadre du règlement d'un différend dont
elle est saisie, l'Autorité peut non seulement préciser les conditions
d'accès au réseau offertes par SNCF réseau mais également, lorsque cela
est nécessaire, fixer, de manière objective, transparente, non
discriminatoire et proportionnée, les modalités d'accès au réseau et ses
conditions d'utilisation et les imposer au gestionnaire de réseau ;
qu'il retient ensuite qu'il résulte des travaux parlementaires que le
législateur a voulu que l'autorité de régulation puisse régler les
problèmes de refus d'accès au réseau en toute indépendance, sans
homologation ministérielle, au besoin en contraignant le gestionnaire de
réseau à prendre une décision donnée et que cette analyse est conforme à
l'article 56 de la directive 2012/34/CE du Parlement européen et du
Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique
européen, dont il résulte que l'organisme de contrôle peut enjoindre au
gestionnaire de l'infrastructure de modifier une décision dans les
secteurs qu'il énumère, conformément aux lignes directrices qu'il fixe
lui-même ; qu'il retient encore que la circonstance que l'Autorité soit
également titulaire d'un pouvoir normatif dérivé soumis à homologation
ministérielle, prévu à l'article L. 2131-7 du code des transports, est
sans incidence sur le pouvoir qu'elle détient dans le cadre de l'article
L. 2134-2 du même code ; qu'en cet état, c'est sans méconnaître
l'étendue des pouvoirs de l 'Autorité dans le cadre de la procédure de
règlement des différends que la cour d'appel a retenu qu'elle avait pu,
pour régler le différend dont elle était saisie, enjoindre à RFF
d'adopter un système incitatif conforme aux lignes directrices qu'elle
avait jugées nécessaires ;
Attendu, en deuxième lieu, que le moyen, en ce qu'il invoque, en ses
deuxième et troisième branches, l'inconstitutionnalité de l'attribution
à l'Autorité d'un pouvoir réglementaire, sans homologation, n'est pas
recevable devant la Cour de cassation ;
Attendu, en troisième lieu, que, la décision, adoptée par l'Autorité
dans le cadre de la mise en oeuvre de l'article L. 2134-2 du code des
transports, n'ayant pas prononcé de condamnation à l'encontre de SNCF
réseau, le grief de la quatrième branche, pris de la méconnaissance du
principe de légalité des délits et des peines, est sans portée ;
Et attendu, en dernier lieu, que, répondant au moyen de SNCF réseau
qui soutenait que l'interprétation extensive des dispositions de
l'article L. 2134-2 du code des transports dont se prévalaient
l'Autorité et la société VFLI conduirait à méconnaître les exigences
constitutionnelles relatives au dualisme juridictionnel en soumettant à
l'appréciation de la cour d'appel un dispositif réglementaire, l'arrêt
retient, à bon droit, que, le législateur ayant, par l'article L. 2134-3
du code des transports, confié à la cour d'appel de Paris la compétence
pour examiner les recours formés contre les décisions prises par
l'Autorité en matière de règlement de différend, il lui incombe, dans le
cadre de ces recours, de vérifier si les mesures prononcées, qu'elles
soient purement individuelles ou qu'elles aient une portée générale
au-delà du cas particulier, notamment si elles concernent un
contrat-type ou le document de référence du réseau, s'avèrent
nécessaires et proportionnées au règlement des litiges en cause ; qu'en
cet état, c'est sans méconnaître les principes invoqués aux cinquième et
sixième branches que la cour d'appel, qui n'a pas retenu que la
procédure de règlement de différend pouvait être utilisée par l'Autorité
pour imposer, d'une manière générale, les modalités devant lier le
gestionnaire à toutes les entreprises ferroviaires mais a seulement
constaté que toute injonction faite au gestionnaire de réseau de
modifier une clause de ces documents pouvait avoir, compte tenu du
principe de non-discrimination, un effet à l'égard de tous ses
partenaires, a statué comme elle a fait ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le cinquième moyen :
Attendu que SNCF réseau fait toujours le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°/ qu'en considérant que l'Autorité n'a pas fait usage de son
pouvoir de sanction tout en admettant expressément que « l'Autorité a
choisi d'instaurer des sanctions graduées en fonction de la gravité du
manquement, les suppressions, considérées comme inacceptables, étant
quatre fois plus pénalisées » ou encore d'infliger un système de
pénalités à SNCF réseau, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les
conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles
L. 2134-2 et L. 2135-7 du code des transports pris dans leur rédaction
applicable en la cause ;
2°/ que les dispositions réglementaires édictées par l'Autorité
relatives aux conditions de raccordement au réseau ferroviaire, aux
conditions techniques et administratives d'accès au réseau et de son
utilisation, aux conditions d'accès aux services présentant un caractère
de facilités essentielles et leurs conditions d'utilisation et aux
règles d'imputation comptable sont soumises à l'homologation du ministre
chargé des transports et publiées au Journal officiel ; qu'en affirmant
qu'il ne saurait être reproché à l'Autorité de ne pas avoir adopté les
mesures critiquées par une autre procédure (que la procédure de
différend), aucune hiérarchie ni ordre d'usage des procédures ne lui
étant imposés, la cour d'appel a violé l'article L. 2131-7 ancien du
code des transports ;
3°/ que le budget de SNCF réseau doit être établi après avis de
l'Autorité, de manière à maîtriser les dettes et les coûts du
gestionnaire de l'infrastructure, à garantir ses investissements et à
assurer la survie du secteur ferroviaire ; qu'en affirmant, pour
justifier les fortes pénalités encourues par le gestionnaire de
l'infrastructure et l'absence d'égalité de celles appliquées à SNCF
réseau et aux entreprises ferroviaires, « qu'ainsi que le souligne
l'ARAFER dans ses observations (
) la viabilité commerciale et
financière des entreprises ferroviaires peut être atteinte en cas de
modifications importantes et récurrentes de sillons par SNCF réseau »,
tandis que celui-ci « bénéficie de la garantie illimitée de l'État en
tant que démembrements de l'EPIC d'État SNCF » quand il appartient au
contraire à l'Autorité de veiller aussi à la pérennité financière du
gestionnaire de l'infrastructure, la cour d'appel, qui a méconnu le
principe de proportionnalité de la sanction, a violé l'article L. 2134-2
ancien du code des transports, ensemble les articles L. 2111-10, L.
2111-10-1, L. 2122-4 et L. 2133-5-1 du même code ;
Mais attendu, d'une part, que c'est sans méconnaître les
conséquences légales de ses constatations que la cour d'appel a retenu
qu'en prévoyant un système de pénalisation automatique dans le cadre
d'une décision de règlement de différend, l'Autorité n'a pas fait usage
de son pouvoir de sanction prévu par l'article L. 2135-7 du code des
transports, mais a fixé les modalités d'accès au réseau, dans le cadre
de ses pouvoirs de règlement des différends, en enjoignant à SNCF réseau
de créer un système incitatif à la mise à disposition effective des
sillons, aux conditions définies par elle ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant fait ressortir, par les motifs
vainement critiqués par le quatrième moyen, que la décision de
l'Autorité s'inscrivait dans le cadre des pouvoirs qui lui sont
reconnus, par l'article L. 2134-2 du code des transports, en matière de
règlement de différends, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu
qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir adopté ces mesures en
recourant au pouvoir réglementaire qu'elle tient de l'article L. 2131-7
du même code ;
Et attendu, enfin, que l'Autorité n'ayant pas fait usage de son
pouvoir de sanction, le moyen pris de la méconnaissance du principe de
proportionnalité de la sanction est inopérant ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision
spécialement motivée sur le quatrième moyen, pris en sa quatrième
branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'EPIC SNCF réseau aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer la
somme de 3 000 euros à la société VFLI et rejette les autres demandes ;