mardi 6 février 2018

Obligation de résultat du sous-traitant

Note Pagès-de-Varenne, Constr.-urb. 2018-3, p. 33.


Cass. 3e civ.(Cour de Cassation, Troisième chambre civile)/ 25/01/2018
16-24.738
62 FS D

CIV.3 CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 janvier 2018
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt no 62 FS-D
Pourvoi no V 16-24.738
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 6 septembre 2016),
que la société civile immobilière Clé (SCI), ayant entrepris la construction
d’un bâtiment à usage de concession automobile, a confié les travaux de
couverture, bardage, étanchéité à la société MG étanchéité, qui a sous traité
la fabrication des parements de façade en aluminium (cassettes) à la
société Joris Ide Auvergne (société Joris), laquelle a elle-même sous-traité
cette opération à la société Inter pliage, qui s’est adressée à la société Acier
transforme Targe Tournier (AT2T) ; que, constatant des différences de
teintes des cassettes posées sur la façade du bâtiment, le maître de
l’ouvrage a formulé des réserves au moment de la réception et, après
expertise, a assigné la société MG étanchéité en paiement des travaux
prescrits par l'expert et en indemnisation ; qu’une ordonnance de référé
l’ayant condamnée à exécuter ces travaux et à verser des
dommages-intérêts au maître d’ouvrage, la société MG a assigné en
paiement la société Joris, qui a appelé en garantie la société Inter pliage,
laquelle a appelé en garantie la société AT2T ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Joris fait grief à l’arrêt de la condamner
à payer à la société MG étanchéité diverses sommes représentant le coût
des travaux de reprise et la garantie des condamnations prononcées au
profit de la SCI et de rejeter ses demandes contre la société AT2T alors,
selon le moyen :

1o/ que celui qui réclame la réparation de l'inexécution d'une
obligation de faire doit, pour prouver la faute du débiteur, établir la nature et
le contenu de l'obligation à laquelle il lui est reproché d'avoir manqué ; qu'en
affirmant que la société Joris est tenue d'une obligation de résultat dont elle
ne peut s'exonérer par la preuve de son absence de faute, sans rechercher
en quoi consistait cette obligation de résultat, ni définir le manquement
contractuel imputé à la société Joris, la cour d'appel a violé l'article 1147 du
code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2o/ que la responsabilité de plein droit qui pèse sur
l'entrepreneur ne s'étend qu'aux dommages causés par le manquement à
son obligation de résultat, de sorte qu'il appartient à son contractant de
rapporter la preuve que les désordres sont imputables à un manquement
contractuel ; qu'en affirmant que la société Joris est tenue d'une obligation
de résultat dont elle ne peut s'exonérer par la preuve de son absence de
faute, au lieu de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le défaut
d'uniformité de l'aluminium puisait sa cause dans l'inexécution par la
société Joris de ses obligations, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code
civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu qu’ayant relevé que la SCI avait confié les travaux
de réalisation d’un bâtiment à la société MG étanchéité, qui avait sous-traité
les travaux de réalisation de la façade à la société Joris, laquelle les avait
elle-même sous-traités à la société Inter pliage, et retenu que chaque
sous-traitant était tenu d’une obligation de résultat à l’égard de son donneur
d’ordre, la cour d'appel, qui n’était pas tenue de procéder à des recherches
que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire que chaque
sous-traitant devait garantir son donneur d’ordre des condamnations
prononcées contre lui pour des défauts réservés à la réception ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Joris fait grief à l’arrêt de la condamner
à payer à la société MG étanchéité diverses sommes et de rejeter ses
demandes contre la société AT2T alors, selon le moyen :

1o/ qu'il résulte des termes clairs et précis de la norme
technique NF EN 485-1 + A1, telle que reproduite dans le rapport
d'expertise, que le vendeur est expressément tenu « de commander en un
seul et même lot, les produits destinés à constituer une surface particulière
après anodisation (par exemple, une façade) » sans distinguer selon qu'il est
ou non mentionné dans le bon de commande qu'elles sont destinées à être
appliqués sur la façade d'un bâtiment industriel ; qu'il est également prévu
que « dans le cas de produits devant être soumis à une anodisation
décorative par le client, le bon de commande devra comporter les
informations suivantes, soit la mention selon laquelle le produit est destiné
à être anodisé, le traitement de surface particulier prévu (suivant la norme
européenne correspondante) et si un aspect décorative après anodisation
est exigé sur les deux faces et si une seule face est concernée, la position
de cette dernière par rapport à la bande (inférieur ou extérieur de la bobine)
ou à la tôle ou tôle épaisse (dessus ou dessous) » ; qu'en affirmant que la
norme précitée n'exigeait pas de la société AT2T qu'elle utilise un seul et
même lot pour la confection des cassettes en tôle d'aluminium anodisé à
destination de revêtement de façade, contrairement à ce que l'expert avait
relevé, dès lors que le bon de commande ne mentionnait pas que les tôles
anodisés devaient recouvrir une façade, quand la norme précitée n'exigeait
pas de l'acheteur qu'il mentionne la destination des cassettes anodisées par
son fournisseur, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en
violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à
l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2o/ que le juge doit respecter le principe du contradictoire ;
qu'en affirmant, pour écarter l'application de la norme
technique NF EN 485-1 + A1, que la société AT2T n'était pas chargée de la
fabrication des cassettes, la cour d'appel qui a relevé d'office un moyen,
sans provoquer les explications des parties, a méconnu les exigences de
l'article 16 du code de procédure civile ;

3o/ qu'il est interdit de dénaturer les documents de la cause ;
qu'en affirmant que la société AT2T n'était pas chargée de la fabrication des
cassettes, quand le bon de commande prévoyait la fourniture d'aluminium
anodisé, ce qui constitue un processus de fabrication par traitement de
surface (de type conversion) qui permet de protéger ou de décorer une pièce
en aluminium, la cour d'appel a dénaturé les termes précités du bon de
commande, en violation du principe précité et de l'article 1134 du code civil
dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4o/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions
respectives des parties ; que la société Joris a rappelé dans ses conclusions
que les termes du bon de commande lui imposaient de fournir un seul et
même produit (conclusions de la société Joris) dès lors que la fourniture d'un
produit anodisé exige par nature une couleur uniforme et constante, ainsi
que la société Inter pliage l'a également rappelé ; qu'en relevant que « la
société AT2T faisait valoir, sans être contredite, que les tôles vendues
pouvaient servir à d'autres usages pour lesquels les différents aspects
n'avaient pas d'importance », quand les autres intervenants ont rappelé,
dans leurs écritures, qu'ils avaient exigé un aluminium anodisé pour obtenir
une unité de teinte, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des
conclusions précitées, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

5o/ qu'il incombe au vendeur professionnel de se renseigner
sur les besoins de l'acheteur afin d'être en mesure de l'informer quant à
l'adéquation de la chose proposée à l'utilisation qui en est prévue ; qu'en
décidant que la société AT2T pouvait ignorer que les tôles étaient destinées
à façonner des cassettes destinées à être appliquées sur la façade d'un
bâtiment industriel, dès lors que les différents documents contractuels ne
mentionnaient nullement à quelle application les tôles étaient destinées,
quand il appartenait à la société AT2T de s'informer sur les besoins de son
vendeur, si elle s'estimait insuffisamment renseignée par l'exigence d'un
aluminium anodisé pour obtenir une uniformité de commande, la cour
d'appel a violé les articles 1135 et 1147 du code civil dans sa rédaction
antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

6o/ que le devoir de conseil peut profiter à un professionnel
dans l'hypothèse où la compétence de ce dernier ne lui donne pas les
moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques de l'objet du
contrat ; qu'en se déterminant, d'une manière générale, sur la compétence
de la société Inter pliage, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par la
société Joris, s'il n'appartenait pas à la société AT2T d'informer la
société Inter pliage que l'utilisation de deux lots différents pouvait avoir des
conséquences esthétiques, ce dont elle ne pouvait s'apercevoir par
elle-même, tant que les cassettes n'avaient pas été exposées à la lumière
naturelle, la cour d'appel a violé les articles 1135 et 1147 du code civil dans
sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu qu’ayant relevé, sans dénaturation ni violation du
principe de la contradiction, que la société Inter pliage n’avait pas mentionné,
dans le bon de commande adressé à la société AT2T, la destination des
tôles en aluminium anodisé et que ces deux sociétés avaient une égale
compétence professionnelle, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de
procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a
pu en déduire que la société AT2T n’avait pas manqué à son devoir de
conseil envers la société Inter pliage et que sa responsabilité ne pouvait être
engagée en l’absence d'un vice caché ou d'un défaut de conformité ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que la société Joris fait grief à l’arrêt de surseoir à
statuer sur ses demandes contre la société Inter pliage jusqu’à ce qu’elle
justifie d’une déclaration de créance au passif de la procédure de
sauvegarde de cette société ;

Mais attendu que, la société Joris ne produisant pas les
conclusions et les bordereaux soumis à la cour d’appel, le moyen est
irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Joris Ide Auvergne aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande
de la société Joris Ide Auvergne et la condamne à payer la somme de
3 500 euros à la société At2t ;


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