Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 23-12.315
- ECLI:FR:CCASS:2024:C300584
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 07 novembre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, du 01 décembre 2022- Président
- Mme Teiller
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 novembre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 584 FS-B
Pourvoi n° M 23-12.315
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 NOVEMBRE 2024
La société [Adresse 1], société civile de construction vente, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 23-12.315 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [L] [E], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société [Adresse 1], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. [E], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, MM. Pety, Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, Mmes Vernimmen, Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er décembre 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 16 février 2022, pourvoi n° 20-22.778), en 2010, la société Initiative 2008, aux droits de laquelle vient la société civile de construction vente [Adresse 1] (la SCCV), a confié à M. [E], architecte, la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un immeuble.
2. Le maître de l'ouvrage a assigné le maître d'oeuvre en indemnisation du préjudice résultant du déficit de surface d'un des lots, vendu après achèvement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La SCCV fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation dirigée contre M. [E], alors « que l'architecte chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète est responsable de la non-conformité de la construction aux plans qu'il a établis ; que, pour débouter la SCCV de sa demande d'indemnisation fondée sur la construction d'un bien dont la superficie est inférieure à celle prévue par les plans de l'architecte, la cour d'appel relève que l'architecte s'est vu confier une mission complète de base de maîtrise d'oeuvre allant des études préliminaires à l'assistance à la réception et au dossier des ouvrages exécutés mais qu'il ne s'est pas vu confier de missions dites « complémentaires » dont notamment la mission REL correspondant au relevé des existants et qui est définie au paragraphe G.4.1 comme « les relevés comprenant le mesurage et la représentation graphique de tout ou partie d'un ouvrage existant », ni au titre des autres missions complémentaires visées au paragraphe G.4.6 et définie comme « le calcul des superficies » de sorte qu'il ne peut lui être reproché un manquement dans l'exercice de ses missions ; qu'en se déterminant ainsi quand, indépendamment d'une obligation de mesurage de l'ouvrage achevé, l'architecte en charge de la direction de l'exécution des contrats de travaux et d'assister le maître de l'ouvrage aux opérations de réception des travaux est tenu de s'assurer que la construction est conforme aux plans qu'il avait élaborés, la cour d'appel a violé l'article 1147, nouvellement 1231-1, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
4. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
5. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par le maître de l'ouvrage contre l'architecte, l'arrêt retient qu'il est établi que la surface du lot n° 18 présente un déficit d'au moins 6,70 m² par rapport à la surface attendue mais que l'architecte, qui était chargé d'une mission complète de base de maîtrise d'oeuvre allant des études préliminaires à l'assistance à la réception et au dossier des ouvrages exécutés, ne s'était pas vu confier de missions complémentaires dont celles visées au paragraphe G.4.1, soit « les relevés comprenant le mesurage et la représentation graphique de tout ou partie d'un ouvrage existant » et au paragraphe G.4.6, soit « le calcul des superficies » (loi Carrez).
6. Il en déduit que l'architecte, n'étant tenu d'aucune mission de mesurage des ouvrages, ne saurait se voir reprocher un manquement dans l'exercice de ses missions de base.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. [E] était chargé d'une mission complète, laquelle incluait nécessairement la direction de l'exécution des travaux, de sorte que l'architecte était tenu de veiller à une exécution conforme aux prévisions contractuelles et aux plans établis, même en l'absence de mission particulière portant sur le mesurage des surfaces, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
8. La SCCV fait le même grief à l'arrêt, alors « que si la restitution à laquelle le vendeur est tenu en vertu de la loi à la suite de la diminution du prix résultant d'une moindre mesure par rapport à la superficie convenue, ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable permettant une action en garantie, le vendeur peut engager une action en indemnisation à l'égard de l'architecte fondée sur la non-conformité de l'ouvrage aux plans qu'il avait élaborés pour être indemnisé d'une perte de chance de vendre le bien à un prix supérieur ou pour une surface supérieure ; que, pour débouter la SCCV de sa demande d'indemnisation fondée sur la construction d'un bien dont la superficie est inférieure à celle prévue par les plans de l'architecte, la cour d'appel retient que le maître de l'ouvrage ne peut solliciter la différence de prix résultant de la différence de surface ce qui reviendrait à réclamer, sous couvert d'indemnisation, le remboursement d'une partie du prix de vente lequel ne constitue pourtant pas un préjudice indemnisable ; qu'en se déterminant ainsi, quand le maître de l'ouvrage pouvait solliciter de l'architecte une indemnisation au titre de la construction d'un appartement dont la surface était inférieure à celle prévues par les plans, la cour d'appel a violé l'article 1147, nouvellement 1231-1, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
9. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
10. Il en résulte que le maître de l'ouvrage peut réclamer l'indemnisation d'un manque à gagner résultant de la non-conformité de l'ouvrage aux prévisions contractuelles si celle-ci est imputable à un locateur d'ouvrage.
11. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par le maître de l'ouvrage contre l'architecte, l'arrêt retient qu'il ne peut être réclamé, sous couvert d'indemnisation, le remboursement d'une partie du prix de vente, lequel ne constitue pas un préjudice indemnisable.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
13. La SCCV fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge ne peut refuser d'indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage dont il constate l'existence ; que, pour débouter la SCCV de sa demande d'indemnisation fondée sur la construction d'un bien dont la superficie est inférieure à celle prévue par les plans de l'architecte, la cour d'appel retient que le préjudice de la SCCV ne peut être équivalent qu'à une perte de chance mais en aucun cas à l'exacte différence de prix résultant de la différence de surface ; qu'en constatant l'existence d'une perte chance de vendre un bien à une surface supérieure, dont l'indemnisation était sollicitée, et en refusant de l'indemniser, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile :
14. Selon ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
15. Il en résulte que le juge ne peut refuser d'indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l'existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée.
16. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par le maître de l'ouvrage contre l'architecte, l'arrêt retient que la SCCV n'établit pas qu'elle aurait nécessairement vendu son lot pour un montant supérieur de 30 731 euros s'il avait eu la superficie attendue de 73 m², en sorte que son préjudice ne peut être équivalent qu'à une perte de chance mais en aucun cas à l'exacte différence de prix résultant de la différence de surface.
17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
18. Selon l'article 624 du code de procédure civile, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
19. La cassation du rejet de la demande d'indemnisation entraîne, par voie de conséquence, la cassation du rejet de la demande subsidiaire d'expertise judiciaire avant dire droit.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il infirme le jugement en ce qu'il a déclaré le certificat de mesurage de la société Parallèle 45 inopposable à M. [E], l'arrêt rendu le 1er décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne M. [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E] et le condamne à payer à la société civile de construction vente [Adresse 1] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300584
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 novembre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 584 FS-B
Pourvoi n° M 23-12.315
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 NOVEMBRE 2024
La société [Adresse 1], société civile de construction vente, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 23-12.315 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [L] [E], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société [Adresse 1], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. [E], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, MM. Pety, Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, Mmes Vernimmen, Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er décembre 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 16 février 2022, pourvoi n° 20-22.778), en 2010, la société Initiative 2008, aux droits de laquelle vient la société civile de construction vente [Adresse 1] (la SCCV), a confié à M. [E], architecte, la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un immeuble.
2. Le maître de l'ouvrage a assigné le maître d'oeuvre en indemnisation du préjudice résultant du déficit de surface d'un des lots, vendu après achèvement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La SCCV fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation dirigée contre M. [E], alors « que l'architecte chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète est responsable de la non-conformité de la construction aux plans qu'il a établis ; que, pour débouter la SCCV de sa demande d'indemnisation fondée sur la construction d'un bien dont la superficie est inférieure à celle prévue par les plans de l'architecte, la cour d'appel relève que l'architecte s'est vu confier une mission complète de base de maîtrise d'oeuvre allant des études préliminaires à l'assistance à la réception et au dossier des ouvrages exécutés mais qu'il ne s'est pas vu confier de missions dites « complémentaires » dont notamment la mission REL correspondant au relevé des existants et qui est définie au paragraphe G.4.1 comme « les relevés comprenant le mesurage et la représentation graphique de tout ou partie d'un ouvrage existant », ni au titre des autres missions complémentaires visées au paragraphe G.4.6 et définie comme « le calcul des superficies » de sorte qu'il ne peut lui être reproché un manquement dans l'exercice de ses missions ; qu'en se déterminant ainsi quand, indépendamment d'une obligation de mesurage de l'ouvrage achevé, l'architecte en charge de la direction de l'exécution des contrats de travaux et d'assister le maître de l'ouvrage aux opérations de réception des travaux est tenu de s'assurer que la construction est conforme aux plans qu'il avait élaborés, la cour d'appel a violé l'article 1147, nouvellement 1231-1, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
4. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
5. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par le maître de l'ouvrage contre l'architecte, l'arrêt retient qu'il est établi que la surface du lot n° 18 présente un déficit d'au moins 6,70 m² par rapport à la surface attendue mais que l'architecte, qui était chargé d'une mission complète de base de maîtrise d'oeuvre allant des études préliminaires à l'assistance à la réception et au dossier des ouvrages exécutés, ne s'était pas vu confier de missions complémentaires dont celles visées au paragraphe G.4.1, soit « les relevés comprenant le mesurage et la représentation graphique de tout ou partie d'un ouvrage existant » et au paragraphe G.4.6, soit « le calcul des superficies » (loi Carrez).
6. Il en déduit que l'architecte, n'étant tenu d'aucune mission de mesurage des ouvrages, ne saurait se voir reprocher un manquement dans l'exercice de ses missions de base.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. [E] était chargé d'une mission complète, laquelle incluait nécessairement la direction de l'exécution des travaux, de sorte que l'architecte était tenu de veiller à une exécution conforme aux prévisions contractuelles et aux plans établis, même en l'absence de mission particulière portant sur le mesurage des surfaces, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
8. La SCCV fait le même grief à l'arrêt, alors « que si la restitution à laquelle le vendeur est tenu en vertu de la loi à la suite de la diminution du prix résultant d'une moindre mesure par rapport à la superficie convenue, ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable permettant une action en garantie, le vendeur peut engager une action en indemnisation à l'égard de l'architecte fondée sur la non-conformité de l'ouvrage aux plans qu'il avait élaborés pour être indemnisé d'une perte de chance de vendre le bien à un prix supérieur ou pour une surface supérieure ; que, pour débouter la SCCV de sa demande d'indemnisation fondée sur la construction d'un bien dont la superficie est inférieure à celle prévue par les plans de l'architecte, la cour d'appel retient que le maître de l'ouvrage ne peut solliciter la différence de prix résultant de la différence de surface ce qui reviendrait à réclamer, sous couvert d'indemnisation, le remboursement d'une partie du prix de vente lequel ne constitue pourtant pas un préjudice indemnisable ; qu'en se déterminant ainsi, quand le maître de l'ouvrage pouvait solliciter de l'architecte une indemnisation au titre de la construction d'un appartement dont la surface était inférieure à celle prévues par les plans, la cour d'appel a violé l'article 1147, nouvellement 1231-1, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
9. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
10. Il en résulte que le maître de l'ouvrage peut réclamer l'indemnisation d'un manque à gagner résultant de la non-conformité de l'ouvrage aux prévisions contractuelles si celle-ci est imputable à un locateur d'ouvrage.
11. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par le maître de l'ouvrage contre l'architecte, l'arrêt retient qu'il ne peut être réclamé, sous couvert d'indemnisation, le remboursement d'une partie du prix de vente, lequel ne constitue pas un préjudice indemnisable.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
13. La SCCV fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge ne peut refuser d'indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage dont il constate l'existence ; que, pour débouter la SCCV de sa demande d'indemnisation fondée sur la construction d'un bien dont la superficie est inférieure à celle prévue par les plans de l'architecte, la cour d'appel retient que le préjudice de la SCCV ne peut être équivalent qu'à une perte de chance mais en aucun cas à l'exacte différence de prix résultant de la différence de surface ; qu'en constatant l'existence d'une perte chance de vendre un bien à une surface supérieure, dont l'indemnisation était sollicitée, et en refusant de l'indemniser, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile :
14. Selon ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
15. Il en résulte que le juge ne peut refuser d'indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l'existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée.
16. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par le maître de l'ouvrage contre l'architecte, l'arrêt retient que la SCCV n'établit pas qu'elle aurait nécessairement vendu son lot pour un montant supérieur de 30 731 euros s'il avait eu la superficie attendue de 73 m², en sorte que son préjudice ne peut être équivalent qu'à une perte de chance mais en aucun cas à l'exacte différence de prix résultant de la différence de surface.
17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
18. Selon l'article 624 du code de procédure civile, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
19. La cassation du rejet de la demande d'indemnisation entraîne, par voie de conséquence, la cassation du rejet de la demande subsidiaire d'expertise judiciaire avant dire droit.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il infirme le jugement en ce qu'il a déclaré le certificat de mesurage de la société Parallèle 45 inopposable à M. [E], l'arrêt rendu le 1er décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne M. [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E] et le condamne à payer à la société civile de construction vente [Adresse 1] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-quatre.
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