jeudi 29 avril 2021

Caducité de la déclaration d'appel ?

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mars 2021




Cassation
sans renvoi


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 253 F-P

Pourvoi n° Z 18-13.940




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

L'association Ludus institut, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Z 18-13.940 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2018 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à Mme I... P..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'association Ludus institut, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme P..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 19 janvier 2018), l'association Ludus institut (l'association) a interjeté appel, le 10 octobre 2016, devant la cour d'appel de Colmar d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à Mme P....

2. Mme P... a fait le choix d'un conseil appartenant à l'ordre des avocats du barreau de Paris, lequel a remis sa constitution pour le compte de l'intimée à la cour d'appel par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

3. Informée de la constitution de l'avocat pour l'intimée, l'appelante lui a adressé ses premières conclusions d'appel le 10 janvier 2017 en même temps qu'elle les a remises au greffe de la cour d'appel.

4. Le conseiller de la mise en état a, d'office, invité les parties à s'expliquer sur l'irrecevabilité de la constitution de l'avocat de l'intimée et sur l'irrecevabilité de ses conclusions en application de l'article 930-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable.

5. Mme P... a soulevé, à titre subsidiaire, au cas où sa constitution serait irrecevable, la caducité de la déclaration d'appel, faute pour l'association de lui avoir signifié ses premières conclusions d'appelante dans le délai prévu par l'article 911 du code de procédure civile.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

7. L'association fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables la constitution de l'avocat de Mme P... du 28 novembre 2018 et ses conclusions datées du 9 mars 2017, et de constater la caducité de la déclaration d'appel de l'association, le dessaisissement de la cour d'appel et que le jugement entrepris est définitif, alors « que l'article 902 du code de procédure civile prévoit que, lorsque l'intimé n'a pas constitué avocat dans le délai d'un mois à compter de l'envoi de la lettre de notification de l'appel, le greffier en avise l'avocat de l'appelant, afin que celui-ci procède par voie de signification de la déclaration d'appel ; que lorsque l'avocat de l'appelant n'a reçu aucun avertissement du greffe l'informant d'un défaut de constitution et qu'au contraire, il a été avisé par l'avocat de l'intimée de sa constitution (hors RPVA s'agissant d'un confrère d'un barreau étranger à la cour d'appel), l'appelant est tenu de notifier ses écrits et ses pièces à cet avocat, régulièrement constitué à ses yeux, la signification à partie n'étant requise qu'à défaut de constitution du défendeur ; que la cour d'appel a violé les articles 902, 906 et 901 du code de procédure civile, ensemble les droits de la défense. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 908, 911 et 960 du code de procédure civile :

8. La notification de l'acte de constitution d'avocat de l'intimé à l'appelant, en application du dernier de ces textes, tend à lui rendre cette constitution opposable. Il en résulte que, lorsque cette notification n'a pas été régulièrement faite, l'appelant satisfait à l'obligation de notification de ses conclusions à l'intimé, prévue par les deux premiers textes, en lui signifiant ses conclusions. Il résulte, en outre, du deuxième de ces textes que l'appelant satisfait également à cette obligation en les notifiant à l'avocat que celui-ci a constitué.

9. Pour constater la caducité de la déclaration d'appel de l'association, l'arrêt retient qu'il est constant que l'association, après avoir interjeté appel le 10 octobre 2016 et transmis ses conclusions d'appel à la cour le 10 janvier 2017 par voie électronique, ne les a pas signifiées à Mme P..., intimée, avant le 10 février 2017, bien qu'elle n'ait pas été destinataire d'un acte de constitution par voie électronique d'un avocat pour l'intimée, qu'elle ne justifie pas d'un avis électronique de réception d'un acte de constitution d'un avocat pour l'intimée et qu'elle ne peut prétendre que l'envoi de ses conclusions par fax à Me H..., avocat non constitué, le 10 janvier 2017, pourrait suppléer le défaut de signification de ses conclusions à Mme P....

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 8 et 10 qu'il n'y a pas lieu de dire la déclaration d'appel caduque, ni de déclarer irrecevables la constitution et les conclusions de Mme P....

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

INFIRME l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 6 juillet 2017 ;

DIT n'y avoir lieu à caducité de la déclaration d'appel en application des articles 908 et 911 du code de procédure civile ;

DIT recevables la constitution et les conclusions de Mme P... ;

DIT que l'instance se poursuivra devant la cour d'appel de Colmar.

Condamne Mme P... aux seuls dépens exposés devant la Cour de cassation ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme P... et la condamne à payer à l'association Ludus institut la somme de 3 000 euros au titre des frais irrepétibles devant la Cour de cassation ;

Le juge qui décide qu'il n'est saisi d'aucune demande, excède ses pouvoirs en statuant au fond

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mars 2021




Cassation partielle sans renvoi


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 254 F-P

Pourvoi n° X 20-12.037


Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme D....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 3 décembre 2019.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

Mme Y... D..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° X 20-12.037 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2019 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Caisse d'épargne et de prévoyance [...], société anonyme, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Les 4 Vents, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de Mme D..., de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la Caisse d'épargne et de prévoyance [...], et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 4 avril 2019), Mme D... a relevé appel, le 4 mai 2018, du jugement d'un tribunal de commerce rendu dans un litige l'opposant, avec la société Les 4 Vents, à la Caisse d'épargne et de prévoyance [...], la déclaration d'appel étant ainsi libellée : « Objet/Portée de l'appel : réformer le jugement ».

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. Mme D... fait grief à l'arrêt de constater que l'appel qu'elle a formé n'a saisi la cour d'appel d'aucun chef du jugement entrepris et, en conséquence, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement, alors :

« 2°/ que l'étendue de l'appel n'est pas seulement déterminée par la déclaration d'appel, mais également par les conclusions de l'appelant ; qu'en considérant cependant que seule la déclaration d'appel emporte effet dévolutif, la cour d'appel a violé les articles 561, 562 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. La déclaration d'appel, qui ne mentionne pas les chefs critiqués du jugement, ne peut être régularisée que par une nouvelle déclaration d'appel, formée dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

5. Il en résulte qu'en vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, seul l'acte d'appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement et la régularisation du vice de forme de la déclaration d'appel, qui, tendant à la réformation du jugement, ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués, ne s'opère, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, que par une nouvelle déclaration d'appel, conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

6. Ayant relevé qu'indépendamment de la sanction résultant de la nullité pour vice de forme de la déclaration d'appel qui n'aurait pu être mise en oeuvre que devant le conseiller de la mise en état, il résultait de l'article 562 du code de procédure civile, qui définit le contour de l'effet dévolutif de l'appel, qu'en l'absence d'énonciation expresse, dans la déclaration d'appel, des chefs de jugement critiqués, la cour d'appel n'était saisie d'aucun litige, les juges du fond en ont exactement déduit, l'appel de Mme D... ne tendant pas à l'annulation du jugement et l'objet du litige n'étant pas indivisible, qu'ils n'étaient pas saisis de l'appel du jugement.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen relevé d'office

8. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 562 du code de procédure civile :

9. Il résulte de ce texte que le juge qui décide qu'il n'est saisi d'aucune demande, excède ses pouvoirs en statuant au fond.

10. Après avoir dit qu'elle n'était saisie d'aucun chef du jugement entrepris, la cour d'appel a confirmé le jugement.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. En application de l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il a confirmé en conséquence en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Châteauroux le 14 mars 2018, l'arrêt rendu le 4 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

Condamne Mme D... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Le magistrat chargé d'instruire l'affaire ne dispose pas du pouvoir de statuer sur l'appel, qui n'appartient qu'à la cour d'appel

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mars 2021




Cassation
sans renvoi


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 262 F-P

Pourvoi n° X 18-23.299




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

La société HKDC Europe, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° X 18-23.299 contre l'arrêt rendu le 20 février 2018 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant à Mme U... R..., épouse W..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société HKDC Europe, de la SCP Ortscheidt, avocat de Mme R..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 février 2018), rendu sur déféré, et les productions, la société HKDC Europe (la société) a relevé appel, le 21 septembre 2015, du jugement d'un conseil de prud'hommes l'ayant condamnée à payer diverses sommes à Mme R....

2. Le magistrat, chargé d'instruire l'affaire devant la cour d'appel, a adressé un avis aux parties invitant la société appelante à conclure et à produire ses pièces pour une certaine date et l'avertissant que, faute de le faire, l'affaire pourrait être radiée ou l'appel déclaré non soutenu à une audience du 14 avril 2016. Cet avis précisait qu'il valait convocation à cette audience mais que, si le calendrier était respecté, les parties étaient dispensées d'y comparaître. La société n'a pas comparu à cette audience.

3. Par ordonnance du 14 avril 2016, notifiée le 18 mai 2016, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a déclaré l'appel non soutenu et a confirmé le jugement.

4. La société a formé un déféré contre cette ordonnance, le 1er juin 2016, ainsi qu'un pourvoi, lequel a été déclaré irrecevable (Soc., 19 septembre 2018, pourvoi n° 16-20.489), au motif que le déféré était ouvert contre cette décision.

Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de déclarer le déféré irrecevable alors :

« 1°/ que le délai pour former un déféré ayant pour point de départ le prononcé de l'ordonnance, il ne peut commencer à courir qu'autant que la date à laquelle la décision devait être rendue a été portée à la connaissance des parties et que cet avis est mentionné dans l'ordonnance ; qu'en déclarant irrecevable le déféré formé par la société dans les quinze jours de la notification de l'ordonnance, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le conseiller chargé d'instruire l'affaire avait avisé les parties de la date de prononcé de sa décision, et quand la délivrance d'une telle information ne résulte pas des énonciations de l'ordonnance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 450 et 528 du code de procédure civile et 6, § 1er, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que l'application des règles de procédure ne peut conduire à un formalisme excessif portant atteinte à l'équité de la procédure ; qu'en déclarant irrecevable comme tardif le déféré formé par la société, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la fixation du point de départ du délai de déféré au jour du prononcé de l'ordonnance et, partant, la tardiveté du déféré formé dans les quinze jours de la notification de celle-ci n'avait pas, dans les circonstances de l'espèce, porté une atteinte disproportionnée au droit au recours de la société, en sorte que son droit d'accès au juge avait été atteint dans sa substance même, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 6, § 1er, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 945 du code de procédure civile et 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

6. Il résulte du premier de ces textes que les décisions du magistrat chargé d'instruire l'affaire dans une procédure d'appel sans représentation obligatoire n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée et ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond, sauf à être déférées à la cour d'appel dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles constatent l'extinction de l'instance.

7. La requête en déféré est un acte de la procédure d'appel qui s'inscrit dans le déroulement de cette procédure et n'ouvre pas une instance autonome. En outre, cette disposition, en ce qu'elle fait courir le délai du déféré depuis le jour de l'ordonnance mettant fin à l'instance, poursuit un but légitime de célérité de traitement des incidents affectant l'instance d'appel, en vue du jugement de ceux-ci dans un délai raisonnable.

8. Toutefois, les parties n'étant pas tenues de constituer un avocat, professionnel avisé, l'irrecevabilité frappant le déféré formé au-delà du délai de quinze jours constituerait une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge si ce délai courait du jour de l'ordonnance sans que la partie ait été informée de la date à laquelle elle serait rendue.

9. Il découle ainsi du droit d'accès au juge qu'à défaut pour la partie ou son représentant d'avoir été informé de cette date, le délai qui lui est ouvert pour déférer l'ordonnance ne peut courir que du jour où l'ordonnance est portée à sa connaissance par tout moyen permettant de s'assurer de la date à laquelle la partie ou son représentant a reçu cette information.

10. Pour déclarer le déféré irrecevable, l'arrêt retient qu'il n'a pas été formé dans les 15 jours de l'ordonnance du magistrat chargé d'instruire l'affaire.

11. En statuant ainsi, alors, d'une part, que la société n'avait pas comparu à l'audience du magistrat chargé d'instruire l'affaire et que l'ordonnance déférée n'indiquait pas que la date de son prononcée avait été portée à la connaissance des parties et, d'autre part, que cette ordonnance avait été notifiée aux parties le 18 mai 2020, soit moins de quinze jours avant le déféré, formé le 1er juin 2020, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

14. Il ressort des constatations faites au paragraphe 10, ainsi que des productions, que le déféré n'a pas été formé tardivement.

15. En outre, ainsi que la société requérante le faisait valoir à l'appui de son déféré, le magistrat chargé d'instruire l'affaire ne dispose pas du pouvoir de statuer sur l'appel, qui n'appartient qu'à la cour d'appel. En déclarant l'appel non soutenu et en confirmant en conséquence le jugement attaqué, ce magistrat ne s'est pas borné à instruire l'affaire ou à constater l'extinction de l'instance, conformément aux pouvoirs qui lui sont reconnus par les articles 939 à 943 du code de procédure civile, ni à tenir seul l'audience de la cour d'appel, en application de l'article 945-1 du code de procédure civile, mais a statué seul sur l'appel, en méconnaissance de ses pouvoirs.

16. En conséquence, il y a lieu d'annuler cette ordonnance.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE recevable la requête en déféré de l'ordonnance rendue le 14 avril 2016 par le magistrat chargé d'instruire l'affaire ;

ANNULE cette ordonnance en toutes ses dispositions ;

DIT que l'affaire se poursuivra devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne Mme R... aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées tant devant la cour d'appel que devant la Cour de cassation ;

Caducité de la déclaration d'appel

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mars 2021




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 263 F-P

Pourvoi n° U 20-10.654




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

Le [...], dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° U 20-10.654 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Prima, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat du [...], de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Prima, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 octobre 2019), le [...] a saisi un tribunal de grande instance de demandes dirigées contre la société Prima, puis a relevé appel, le 4 avril 2018, du jugement de ce tribunal rendu le 8 mars 2018.

2. Par une ordonnance du 18 mars 2019, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d'appel du [...].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Le [...] fait grief à l'arrêt de déclarer caduque au 4 juillet 2018 sa déclaration d'appel en date du 4 avril 2018, alors « que si l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe, à peine de caducité, cette sanction est écartée en cas de force majeure ; que le [...] faisait expressément valoir que ses conclusions d'appel ne pouvaient être finalisées dans le délai imposé, dès lors que le jugement déféré l'a débouté de ses demandes au motif qu'il ne justifiait pas de son préjudice, dont le montant devait être fixé par un rapport d'expertise ; que les conclusions de l'appelant dépendait donc nécessairement de ce rapport d'expertise, lequel n'a pas été déposé dans les trois mois de la déclaration d'appel ; qu'en jugeant néanmoins que ce fait n'était ni imprévisible ni insurmontable, pour écarter la force majeure et prononcer la caducité de la déclaration d'appel du centre hospitalier, la cour d'appel a violé l'article 910-3 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 910-3 du code de procédure civile, en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 du même code.

6. Constitue un tel cas de force majeure en procédure civile, la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable.

7. Ayant constaté que le [...] avait été débouté de ses demandes indemnitaires en première instance au motif qu'aucun justificatif ne permettait d'établir et chiffrer un préjudice imputable au sinistre déclaré, qu'il reconnaissait ne pas avoir conclu dans le délai de trois mois en raison de ce qu'il attendait le rapport d'expertise d'un cabinet extérieur et qu'il pouvait conclure sans faire figurer ce rapport non encore remis dans le bordereau annexé à ses conclusions, qui aurait pu ainsi être joint à ses dernières conclusions dès lors que la communication du rapport aurait été faite en temps utile pour que l'assureur puisse y répondre, faisant ainsi ressortir que l'appelant n'avait pas été placé dans l'impossibilité de conclure en raison d'une circonstance qui ne lui serait pas imputable, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a prononcé la caducité de la déclaration d'appel.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le [...] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le [...] et le condamne à payer à la société Prima la somme de 3 000 euros ;

En statuant ainsi, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur cette fin de non-recevoir, dont elle n'était saisie par aucune des parties...

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mars 2021




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 256 F-D

Pourvoi n° J 20-12.439




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

La Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, gérée par la Caisse des dépôts et consignations, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° J 20-12.439 contre l'arrêt rendu le 4 décembre 2019 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme G... H..., veuve W...,

2°/ à Mme L... W...,

toutes deux domiciliées [...] ,

3°/ à M. M... W...,

4°/ à Mme E... X..., épouse W...,

tous deux domiciliés [...] ,

5°/ à M. N... W...,

6°/ à Mme I... O..., épouse W...,

7°/ à Mme P... W...,

8°/ à M. Q... W...,

tous quatre domiciliés [...] ,

9°/ à la société Groupama d'Oc, dont le siège est [...] ,

10°/ à la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), dont le siège est [...] ,

11°/ au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, dont le siège est [...] ,

12°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [...], dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Groupama d'Oc, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 4 décembre 2019) B... W..., agent communal à [...], a été victime, le 22 juillet 2013, d'un accident mortel de la circulation, dans lequel était impliqué le véhicule conduit par M. T..., assuré auprès de la société Groupama d'Oc (la Société).

2. Par jugement du 14 octobre 2013, un tribunal correctionnel a déclaré M. T... coupable d'homicide involontaire aggravé, après avoir accueilli les constitutions de partie civile des consorts W..., venant aux droits de B... W..., les interventions de la MAIF, avec laquelle M. et Mme W... avaient conclu un contrat d'assurance décès, et de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivité locales, gérée par la Caisse des dépôts et consignations (la caisse), a condamné solidairement M. T... et la société à payer aux parties civiles diverses sommes en réparation de leurs préjudices et a débouté celle-ci de sa demande aux fins de nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration intentionnelle de l'assuré.

3. Par arrêt du 13 février 2014, réformant le jugement sur la seule action civile, la chambre correctionnelle de la cour d'appel a prononcé la nullité du contrat d'assurance et condamné M. T... à payer aux consorts W... diverses sommes en réparation de plusieurs préjudices.

4. Au cours du mois de mars 2015, les consorts W... ont fait assigner M. T..., la société, la MAIF, la caisse puis, au cours du mois de février 2016, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), aux fins notamment de voir constater que la société a commis une faute en ne respectant pas les termes des articles L. 211-20 et R. 421-5 du code des assurances, pour avoir omis d'appeler le FGAO à l'instance et n'avoir pas fait d'offre pour le compte de qui il appartiendra, leur ayant causé un préjudice, faute pour eux d'avoir pu obtenir indemnisation, et d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes auxquelles M. T... avait été condamné par l'arrêt du 13 février 2014.

5. Le tribunal ayant fait droit à leurs demandes, la Société a interjeté appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La caisse fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de dire que l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Agen du 13 février 2014 a autorité de chose jugée envers les consorts W..., la caisse et la MAIF, alors « que les juges du fond ne peuvent soulever d'office, sans inviter les parties à s'en expliquer, la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ; qu'en ayant jugé que les demandes de la caisse n'étaient pas recevables, par l'effet de l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 13 février 2014, quand une telle fin de non-recevoir n'avait été soulevée par aucune des parties dans le dispositif de leurs dernières conclusions, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble le principe du contradictoire. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

7. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

8. Pour déclarer irrecevables les demandes des consorts W... et celle de la caisse au titre de son recours subrogatoire de tiers payeur à l'encontre de la société, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée, l'arrêt retient que la demande oppose les mêmes parties, qu'elle est identique à celle qui a été rejetée par l'arrêt du 13 février 2014 alors que les demandeurs pouvaient conclure sur la responsabilité de la Société dans l'inopposabilité de leur droit à indemnisation au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et qu'il en va de même des demandes de la caisse. Il relève qu'il leur appartenait de soulever la faute éventuelle de la société tendant à la même fin d'indemnisation en temps utile dès les débats devant le tribunal correctionnel et devant la chambre correctionnelle de la cour d'appel.

9. En statuant ainsi, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur cette fin de non-recevoir, dont elle n'était saisie par aucune des parties dans le dispositif de leurs conclusions, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt, ayant dit que l'arrêt de la cour d'appel d'Agen du 13 février 2014 a autorité de chose jugée, entraîne la cassation des chefs de dispositif déclarant irrecevable l'action des consorts W... en intervention forcée du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et mettant hors de cause la société MAIF, et des dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Mise hors de cause

11. Il n' y a pas lieu de mettre hors de cause la société MAIF et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 4 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause la société MAIF et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ;

Condamne les sociétés Groupama d'Oc, MAIF et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Groupama d'Oc, MAIF et par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et condamne la société Groupama d'Oc à payer à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales la somme de 3 000 euros ;

Ayant relevé le défaut de remise d'une copie de l'assignation par les appelants, le président de chambre ne pouvait en constater la caducité,

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mars 2021




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 270 F-D

Pourvoi n° P 19-17.223




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

1°/ M. C... N...,

2°/ Mme M... E... Q..., épouse N...,

tous deux domiciliés [...] ),

ont formé le pourvoi n° P 19-17.223 contre l'ordonnance rendue le 9 octobre 2018 par la cour d'appel de Chambéry (président de la 2e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à M. W... A..., domicilié [...] ),

2°/ à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Savoie, dont le siège est [...] , exerçant sous le nom commercial Crédit agricole des Savoie,

3°/ à la société Franfinance, société anonyme, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. et Mme N..., de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée du président de chambre d'une cour d'appel (Chambéry, 9 octobre 2018), se prévalant du défaut de remboursement de prêts notariés, le Crédit agricole des Savoie a fait délivrer à M. et Mme N... un commandement de payer valant saisie immobilière, puis les a assignés à l'audience d'orientation d'un juge de l'exécution, M. A... et la société Franfinance, créanciers inscrits, étant intervenus à l'instance.

2. M. et Mme N... ont interjeté appel du jugement d'orientation, puis ont été autorisés à assigner à jour fixe les intimés pour le 9 octobre 2018 par ordonnance du premier président de la cour d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

4. M. et Mme N... font grief à l'ordonnance de dire que l'assignation à jour fixe dont le premier président de la cour a autorisé la délivrance est caduque et en conséquence de déclarer irrecevables les demandes qu'ils avaient formées, alors « qu'en matière de procédure à jour fixe, la caducité de la déclaration d'appel n'emporte pas caducité de l'assignation et ne peut conduire à dessaisir la cour de l'appel ; qu'en l'espèce, constatant que l'assignation à jour fixe n'avait pas été déposée avant la date fixée pour l'audience, le président de la chambre de la cour d'appel a constaté non seulement la caducité de la déclaration mais encore s'est estimée dessaisie pour le tout de l'affaire au fond ; que ce faisant il a excédé ses pouvoirs en violation des articles 406 et 922 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l' article 922 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, la cour d'appel est saisie par la remise d'une copie de l'assignation au greffe qui doit être faite avant la date fixée pour l'audience, faute de quoi la déclaration d'appel sera caduque.

6. Pour constater la caducité de l'assignation, l'ordonnance relève que les appelants n'ont pas remis au greffe, avant le jour de l'audience, ni même à ce jour, par le réseau privé virtuel des avocats ou par tout autre moyen, l'assignation à jour fixe, ni même une copie de l'assignation à jour fixe qu'ils devaient faire délivrer.

7.En statuant ainsi, alors qu'ayant relevé le défaut de remise d'une copie de l'assignation par les appelants, il ne pouvait en constater la caducité, le président de chambre a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. La cassation à intervenir du chef de la caducité de l'assignation emporte cassation des chefs du dispositif déclarant que la cour d'appel est dessaisie du dossier enregistré sous le numéro RG n° 2018/01229, déclarant irrecevables les demandes formées par les intimés et condamnant M. et Mme N... aux dépens, qui se trouvent dans un lien de dépendance avec le chef cassé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 9 octobre 2018, entre les parties, par le président de chambre de la cour d'appel de Chambéry ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie et la condamne à payer à M. et Mme N... la somme globale de 3 000 euros ;

Lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si elle est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

CF



COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mars 2021




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 273 F-D

Pourvoi n° Q 19-21.893




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

La société Synergie, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-21.893 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (1re ch ambre civile), dans le litige l'opposant à la société Groupe Morgan services, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Synergie, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Groupe Morgan services, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 3 juillet 2019), se plaignant de faits de détournement de clientèle par débauchage de salarié, la société Synergie a saisi le président d'un tribunal de grande instance par requête aux fins de voir ordonner des mesures d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile avec mission de se rendre au siège de la société Groupe Morgan Services (la société GMS).

2. La requête a été rejetée par ordonnance du 29 mai 2018 puis, sur présentation « d'une requête d'appel » accueillie par ordonnance du 8 juin 2018.

3. La société GMS a assigné la société Synergie en rétractation de cette ordonnance et a soulevé l'incompétence du président du tribunal de grande instance au profit de celui du tribunal de commerce.

4. Ces demandes ont été rejetées par une ordonnance en date du 14 janvier 2019, dont la société GMS a interjeté appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5 . La société Synergie fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du président du tribunal de grande instance et, statuant à nouveau, de dire que le président du tribunal de grande instance était matériellement incompétent pour examiner la requête présentée le 8 juin 2018, d'ordonner la rétractation de l'ordonnance du 8 juin 2018, d'annuler les procès-verbaux d'huissier de justice effectués les 29 juin 2018 et le 6 novembre 2018 en exécution de ladite ordonnance, de dire que l'huissier instrumentaire devait restituer à la société GMS l'ensemble des informations et des éléments saisis dans le cadre de sa mission et de débouter les parties du surplus de leurs demandes, alors « qu'une demande de mesure d'instruction in futurum s'apprécie au regard de l'éventuel litige en vue duquel elle est sollicitée, sans que celui-ci puisse, par hypothèse, être précisément déterminé, de sorte la compétence du juge des requêtes qui modifie une précédente décision s'apprécie au regard de l'ensemble des faits fondant les demandes de mesure dans les deux requêtes ; qu'en opposant la première et la seconde requête de la société Synergie, sans prendre en considération l'ensemble de la situation conflictuelle dans laquelle s'insérait l'action de cette dernière dans les deux cas et en vue de laquelle les mesures étaient sollicitées, à savoir des actes concertés entre Mme T... et la société GMS constitutifs tant d'actes de concurrence déloyale que d'une violation d'un engagement contractuel de non-concurrence, la cour d'appel a violé les articles 145, 496 et 952 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour

Vu les articles 496 et 952 du code de procédure civile :

6. Il résulte de ces textes que la compétence du juge des requêtes s'appréciant au jour de sa saisine, le juge de la rétractation doit examiner sa compétence au regard de la requête initiale, à laquelle la déclaration d'appel contre une ordonnance de rejet ne se substitue pas.

7. Pour dire que le président du tribunal de grande instance n'avait pas la compétence matérielle pour examiner la requête, l'arrêt retient, d'abord, que la requête initiale ayant été rejetée, l'assignation en rétractation introduite par la société GMS devant la juridiction du président du tribunal de grande instance portait sur l'ordonnance du 8 juin 2018 qui avait pour support la requête d'appel présentée le même jour.

8. L'arrêt relève, ensuite, que requête initiale et requête d'appel sont différentes, que la première vise à rassembler des éléments de preuve en vue d'une action tant à l'encontre de l'ancienne salariée, Mme T... que de son nouvel employeur, la société GMS, alors que la seconde ne vise plus que l'action en concurrence déloyale dirigée contre la seule société GMS.

9. L'arrêt retient, encore, que la requête initiale fait une place importante à Mme T... dont le comportement et le rôle dans les faits imputés à la société GMS sont décrits avec détails et à qui il est expressément reproché une violation délibérée de sa clause de non concurrence, de sorte que les mesures d'instruction sollicitées ont manifestement pour objet de faire cesser non seulement une action en concurrence déloyale mais également la violation de la clause de non concurrence par Mme T..., cependant qu'au contraire, dans le cadre de la requête d'appel, la demande est uniquement dirigée contre la société GMS soupçonnée d'actes de concurrence déloyale par détournement à son profit des clients représentant 60 % de son chiffre d'affaires et ce par l'intermédiaire d'une de ses anciennes salariées embauchée par elle en violation de sa clause de non concurrence.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la requête initiale avait pour objet des faits de concurrence déloyale et de violation d'une clause de non-concurrence par une salariée et que seule la déclaration d'appel, improprement appelée « seconde requête », invoquait exclusivement des faits de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen relevé d'office

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 90, alinéa 2, du code de procédure civile :

12. Aux termes de ce texte, lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente.

13. Pour rétracter l'ordonnance et annuler les mesures d'instruction, l'arrêt retient qu'il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens développés par les parties et qu'en conséquence, la décision déférée sera infirmée et que les procès-verbaux de constat, qui n'avaient pour seul support que l'ordonnance déférée, seront annulés.

14. En statuant ainsi alors, qu'étant juridiction d'appel des décisions tant du président du tribunal de grande instance que du président du tribunal de commerce, elle avait compétence pour statuer sur les mérites de la requête présentée par la société Synergie, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne la société Groupe Morgan services aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Groupe Morgan services et la condamne à payer à la société Synergie la somme de 3 000 euros.