jeudi 29 avril 2021

En statuant sur la base de pièces qui n'étaient pas produites aux débats devant elle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de 'article 16 du code de procédure civile

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 avril 2021




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 311 F-D

Pourvoi n° P 20-13.754




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 AVRIL 2021

La société Aux viandes de Sarcelles, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° P 20-13.754 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Île-de-France, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Aux viandes de Sarcelles, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Île-de-France, après débats en l'audience publique du 3 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 décembre 2019), la société « Aux viandes de Sarcelles » (la société), gérée par M. E... (le gérant), a fait l'objet le 28 avril 2015 d'un contrôle inopiné des services de police qui a donné lieu à une procédure pénale pour travail dissimulé, communiquée au parquet du tribunal de grande instance de Pontoise et à l'URSSAF d'Île-de-France (l'URSSAF). L'URSSAF a notifié le 4 juin 2015 à la société une lettre d'observations puis, le 23 septembre 2015, une mise en demeure pour obtenir le paiement de diverses sommes au titre d'un redressement sur les années 2013 et 2014. Par jugement du 9 mars 2016 devenu définitif, le tribunal correctionnel de Pontoise a condamné le gérant pour emploi de deux salariés non munis d'une autorisation de travail et travail dissimulé.La société a saisi une juridiction de sécurité sociale en annulation du redressement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

2. La société fait grief à l'arrêt attaqué de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF du 27 janvier 2016 et l'a condamnée à verser à l'URSSAF, conformément au redressement dont elle avait fait l'objet, les sommes de 65 130 euros à titre de cotisations, 12 680 euros à titre de majorations de redressement et 6 947 euros à titre de majoration de retard pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer le principe de la contradiction et ne peut retenir dans sa décision les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; que pour dire que la société avait été l'auteur d'un délit de travail dissimulé pour les années 2013 et 2014 et que sa comptabilité n'était pas conforme justifiant le redressement opéré par l'URSSAF, la cour d'appel, qui s'est fondée sur le contenu des procès-verbaux d'audition du gérant de la société et de ses salariés, ainsi que sur le procès-verbal de délit de travail dissimulé dressé en 2015, lesquels n'étaient pas produits aux débats devant la cour d'appel, n'a pas mis la société en mesure de débattre contradictoirement de leur contenu et a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

3. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

4. Pour décider que la procédure de contrôle effectuée par l'URSSAF avait été respectée et que l'ensemble des éléments retenus par celle-ci pour proposer un redressement avait été contradictoirement débattu, la cour d'appel relève que la société ne peut pas soutenir n'avoir jamais eu connaissance du procès-verbal de police sur lequel s'est fondée l'URSSAF pour retenir l'infraction de travail dissimulé, puisque la lettre d'observations mentionne précisément, sous l'intitulé « liste des documents consultés pour ce compte » les documents consultés et débattus lors de la phase contradictoire de la procédure de redressement, à savoir le « fichier des déclarations préalables à l'embauche, procès-verbal de police n° 2015/164 » et que, de surcroît, dans le corps même de la lettre d'observations, l'URSSAF rappelait que « lors de ce contrôle, deux personnes en situation de travail n'avaient pas fait l'objet de déclaration préalable à l'embauche : il s'agit de MM. S. Q... et B. N.... Ces faits ont conduit les services de police à dresser un procès-verbal de travail dissimulé à votre encontre (PV N°2015/164). »

5. La cour d'appel relève encore que la procédure pénale a fait l'objet d'une communication lors de la procédure de contrôle, puis devant le tribunal ; qu'en réponse aux observations de la société, l'URSSAF a adressé à cette dernière, le 27 août 2015, un courrier reprenant intégralement le contenu de l'audition du gérant devant les services de police, en rappelant sa date et en soulignant les incohérences des déclarations effectuées avec les pièces produites à l'inspecteur, à savoir les plannings, les liasses fiscales et les relevés de comptes bancaires ; que la lettre d'observations reprend les déclarations du gérant et précise l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de fin de contrôle ; que l'audition du gérant devant les services de police a été effectuée, non pas au moment du contrôle, puisqu'il était absent, mais sur convocation et qu'elle s'est effectuée de surcroît en présence de son conseil et après avoir donné son consentement à l'audition ; que la société était donc parfaitement informée du contenu de l'audition sur laquelle s'est fondée l'URSSAF pour procéder au redressement, ce qui explique que cette contestation n'a jamais été élevée ni devant la commission de recours amiable ni devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ;

6. En statuant ainsi, sur la base de pièces qui n'étaient pas produites aux débats devant elle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne l'URSSAF d'Île-de-France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF d'Île-de-France et la condamne à payer à la société Aux viandes de Sarcelles la somme de 3 000 euors ;

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