Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 19-20.425
- ECLI:FR:CCASS:2021:C200298
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 01 avril 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 24 juin 2019Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er avril 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 298 F-D
Pourvoi n° U 19-20.425
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER AVRIL 2021
Mme R... S..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° U 19-20.425 contre l'ordonnance n°18/19991 rendue le 24 juin 2019 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 7), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. X... O..., domicilié [...] ,
2°/ à Mme H... J..., épouse O..., domiciliée [...] ,
3°/ à la société Espace 39 Villette, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
4°/ à Mme A... O..., domiciliée [...] ,
5°/ à Mme K... O..., domiciliée [...] ,
6°/ à Mme P... O..., domiciliée [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Talabardon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme S..., et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Talabardon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 24 juin 2019), Mme S..., administrateur judiciaire, a été désignée, par ordonnance de référé du 20 avril 2017, en qualité d'administrateur provisoire de la société Espace 39 Villette, société civile immobilière, pour une durée de douze mois avec pour mission d'administrer la société suivant les pouvoirs du gérant, d'établir ou, si nécessaire, faire établir par une société d'expertise comptable un bilan de la situation financière de la société, de faire examiner par un architecte les devis produits par les associés ou, si nécessaire, de faire établir par un tel architecte de nouveaux devis des travaux à effectuer sur l'immeuble situé [...] , conformément aux demandes de la préfecture de police, et, enfin, de réunir l'assemblée générale des associés en vue de toute décision regardant l'avenir de la société.
2. Par deux ordonnances en date des 8 novembre 2017 et 29 juin 2018, contre lesquelles la société Espace 39 Villette, représentée par Mme K... O..., sa gérante, d'une part, M. X... O..., l'un des associés, d'autre part, ont formé un recours, le président du tribunal de grande instance a arrêté le montant des honoraires de Mme S... à une certaine somme.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Mme S... fait grief à l'ordonnance de décider, après infirmation des décisions du premier juge des 8 novembre 2017 et 29 juin 2018, qu'elle ne peut prétendre à aucun honoraire à raison de sa mission et de prescrire en tant que de besoin la restitution des honoraires perçus, alors « que, en retenant successivement que les travaux n'avaient pas été engagés quand il y avait urgence, qu'un architecte a été sollicité sans lettre de mission, qu'un expert-comptable a été sollicité sans que ce soit justifié eu égard à la complexité de la situation comptable et que des prestations avaient été réalisées qui n'étaient pas initialement prévues, révélant un manque de rigueur dans la gestion des frais, puis que l'un des logements des immeubles est resté vacant, que cette situation caractérise une défaillance certaine, que les modalités de l'administration n'étaient pas adaptées à la situation particulière de la société, et que la situation n'a pas progressé pendant la période de l'administration judiciaire, le délégataire du premier président s'est exclusivement fondé sur les manquements de l'administrateur quand ces manquements ne pouvaient relever que d'une action en responsabilité et échappaient à la compétence du premier président en tant que juge taxateur ; qu'à cet égard, l'ordonnance attaquée doit être censurée pour violation des articles 720 et 721 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 720 et 721 du code de procédure civile :
5. Selon ces textes, le juge statue sur les honoraires des auxiliaires de justice ou des officiers publics ou ministériels, dont le mode de calcul n'est pas déterminé par une disposition réglementaire, suivant la nature et l'importance des activités de l'auxiliaire de justice ou de l'officier public ou ministériel concerné, les difficultés qu'elles ont présentées et la responsabilité qu'elles peuvent entraîner.
6. Pour ce faire, il n'a pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'auxiliaire de justice ou de l'officier public ou ministériel en raison des fautes commises par l'intéressé dans l'exécution de sa mission.
7. Pour infirmer les décisions du premier juge ayant fixé la rémunération de Mme S... au titre de sa mission d'administrateur provisoire de la société Espace 39 Villette, entre le 20 avril 2017 et le 20 avril 2018, et débouter l'intéressée de l'intégralité de sa demande d'honoraires, l'ordonnance retient en substance que, d'une part, Mme S... n'a pas accompli les diligences qu'imposait l'exécution de sa mission et, notamment, n'a pas fait réaliser les travaux urgents sur l'immeuble, alors qu'elle en avait le pouvoir en sa qualité de gérant ainsi que les moyens financiers, ni n'a assuré la gestion locative courante à défaut d'avoir remis en location un logement devenu vacant au cours de son mandat d'administrateur, d'autre part, les modalités de son administration n'ont pas été adaptées aux facultés financières limitées d'une telle société familiale, dès lors que les dépenses engagées, notamment du fait du recours à un architecte et un expert-comptable, ne l'ont pas été avec la rigueur requise en ce que, s'agissant du premier, aucun contrat n'a été conclu permettant de délimiter le périmètre de son intervention, « ce qui est en contradiction avec les règles déontologiques applicables en ce domaine », et, s'agissant du second, la situation comptable de la société ne justifiait pas les frais que son intervention a occasionnés.
8. L'ordonnance en déduit que la société Espace 39 Villette est fondée à soutenir que sa situation n'a pas progressé pendant les douze mois de l'administration judiciaire et que la rémunération sollicitée par Mme S... n'est donc pas justifiée.
9. En statuant ainsi, par des motifs qui ne relèvent pas des seuls critères de l'article 721 du code de procédure civile, mais procèdent, pour certains d'entre eux, d'une mise en cause de la responsabilité de l'administrateur provisoire en raison de fautes qui lui sont prêtées dans l'exécution de sa mission, le premier président a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle a ordonné la jonction des instances engagées respectivement par M. X... O... et la société Espace 39 Villette et a déclaré ceux-ci recevables en leurs contestations des honoraires de Mme S..., l'ordonnance rendue le 24 juin 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Espace 39 Villette et M. X... O... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er avril 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 298 F-D
Pourvoi n° U 19-20.425
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER AVRIL 2021
Mme R... S..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° U 19-20.425 contre l'ordonnance n°18/19991 rendue le 24 juin 2019 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 7), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. X... O..., domicilié [...] ,
2°/ à Mme H... J..., épouse O..., domiciliée [...] ,
3°/ à la société Espace 39 Villette, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,
4°/ à Mme A... O..., domiciliée [...] ,
5°/ à Mme K... O..., domiciliée [...] ,
6°/ à Mme P... O..., domiciliée [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Talabardon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme S..., et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 février 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Talabardon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 24 juin 2019), Mme S..., administrateur judiciaire, a été désignée, par ordonnance de référé du 20 avril 2017, en qualité d'administrateur provisoire de la société Espace 39 Villette, société civile immobilière, pour une durée de douze mois avec pour mission d'administrer la société suivant les pouvoirs du gérant, d'établir ou, si nécessaire, faire établir par une société d'expertise comptable un bilan de la situation financière de la société, de faire examiner par un architecte les devis produits par les associés ou, si nécessaire, de faire établir par un tel architecte de nouveaux devis des travaux à effectuer sur l'immeuble situé [...] , conformément aux demandes de la préfecture de police, et, enfin, de réunir l'assemblée générale des associés en vue de toute décision regardant l'avenir de la société.
2. Par deux ordonnances en date des 8 novembre 2017 et 29 juin 2018, contre lesquelles la société Espace 39 Villette, représentée par Mme K... O..., sa gérante, d'une part, M. X... O..., l'un des associés, d'autre part, ont formé un recours, le président du tribunal de grande instance a arrêté le montant des honoraires de Mme S... à une certaine somme.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Mme S... fait grief à l'ordonnance de décider, après infirmation des décisions du premier juge des 8 novembre 2017 et 29 juin 2018, qu'elle ne peut prétendre à aucun honoraire à raison de sa mission et de prescrire en tant que de besoin la restitution des honoraires perçus, alors « que, en retenant successivement que les travaux n'avaient pas été engagés quand il y avait urgence, qu'un architecte a été sollicité sans lettre de mission, qu'un expert-comptable a été sollicité sans que ce soit justifié eu égard à la complexité de la situation comptable et que des prestations avaient été réalisées qui n'étaient pas initialement prévues, révélant un manque de rigueur dans la gestion des frais, puis que l'un des logements des immeubles est resté vacant, que cette situation caractérise une défaillance certaine, que les modalités de l'administration n'étaient pas adaptées à la situation particulière de la société, et que la situation n'a pas progressé pendant la période de l'administration judiciaire, le délégataire du premier président s'est exclusivement fondé sur les manquements de l'administrateur quand ces manquements ne pouvaient relever que d'une action en responsabilité et échappaient à la compétence du premier président en tant que juge taxateur ; qu'à cet égard, l'ordonnance attaquée doit être censurée pour violation des articles 720 et 721 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 720 et 721 du code de procédure civile :
5. Selon ces textes, le juge statue sur les honoraires des auxiliaires de justice ou des officiers publics ou ministériels, dont le mode de calcul n'est pas déterminé par une disposition réglementaire, suivant la nature et l'importance des activités de l'auxiliaire de justice ou de l'officier public ou ministériel concerné, les difficultés qu'elles ont présentées et la responsabilité qu'elles peuvent entraîner.
6. Pour ce faire, il n'a pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'auxiliaire de justice ou de l'officier public ou ministériel en raison des fautes commises par l'intéressé dans l'exécution de sa mission.
7. Pour infirmer les décisions du premier juge ayant fixé la rémunération de Mme S... au titre de sa mission d'administrateur provisoire de la société Espace 39 Villette, entre le 20 avril 2017 et le 20 avril 2018, et débouter l'intéressée de l'intégralité de sa demande d'honoraires, l'ordonnance retient en substance que, d'une part, Mme S... n'a pas accompli les diligences qu'imposait l'exécution de sa mission et, notamment, n'a pas fait réaliser les travaux urgents sur l'immeuble, alors qu'elle en avait le pouvoir en sa qualité de gérant ainsi que les moyens financiers, ni n'a assuré la gestion locative courante à défaut d'avoir remis en location un logement devenu vacant au cours de son mandat d'administrateur, d'autre part, les modalités de son administration n'ont pas été adaptées aux facultés financières limitées d'une telle société familiale, dès lors que les dépenses engagées, notamment du fait du recours à un architecte et un expert-comptable, ne l'ont pas été avec la rigueur requise en ce que, s'agissant du premier, aucun contrat n'a été conclu permettant de délimiter le périmètre de son intervention, « ce qui est en contradiction avec les règles déontologiques applicables en ce domaine », et, s'agissant du second, la situation comptable de la société ne justifiait pas les frais que son intervention a occasionnés.
8. L'ordonnance en déduit que la société Espace 39 Villette est fondée à soutenir que sa situation n'a pas progressé pendant les douze mois de l'administration judiciaire et que la rémunération sollicitée par Mme S... n'est donc pas justifiée.
9. En statuant ainsi, par des motifs qui ne relèvent pas des seuls critères de l'article 721 du code de procédure civile, mais procèdent, pour certains d'entre eux, d'une mise en cause de la responsabilité de l'administrateur provisoire en raison de fautes qui lui sont prêtées dans l'exécution de sa mission, le premier président a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle a ordonné la jonction des instances engagées respectivement par M. X... O... et la société Espace 39 Villette et a déclaré ceux-ci recevables en leurs contestations des honoraires de Mme S..., l'ordonnance rendue le 24 juin 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Espace 39 Villette et M. X... O... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
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