Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 19-26.044
- ECLI:FR:CCASS:2021:C300129
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 28 janvier 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, du 12 novembre 2019Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 janvier 2021
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 129 F-D
Pourvoi n° B 19-26.044
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021
La caisse régionale de Crédit mutuel de Loire Atlantique et du Centre Ouest, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° B 19-26.044 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2019 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Greff-Bohnert, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la caisse régionale de Crédit mutuel de Loire Atlantique et du Centre Ouest, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [...], après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Greff-Bohnert, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 novembre 2019), par acte du 11 septembre 2009, dressé par la société civile professionnelle [...], notaire, devenue la société civile professionnelle [...] (le notaire), la caisse régionale de Crédit mutuel de Loire Atlantique et du Centre Ouest (le Crédit mutuel) a consenti un prêt à la société Pasteur afin de financer la construction d'un immeuble. L'acte prévoyait que la société Pasteur devait verser au Crédit mutuel l'intégralité du prix de vente des lots et un mandat était donné au notaire afin qu'il procédât à ces versements.
2. Après la vente des lots n° 8 le 31 octobre 2009 au prix de 208 650 euros et n° 10 le 10 décembre 2010 au prix de 177 352,50 euros, le notaire a adressé à la banque une partie de ces sommes, soit 194 044,50 euros le 8 janvier 2010 et 79 146,11 euros le 13 décembre 2010.
3. La société Pasteur ayant été mise en liquidation judiciaire le 22 octobre 2012, le Crédit mutuel, qui n'a pas obtenu le remboursement du prêt et, après la vente des appartements restés invendus, n'a été colloqué, par un état établi le 3 novembre 2014, que pour une somme de 200 000 euros, a assigné le notaire, le 22 décembre 2015, en paiement d'une somme de 112 811,89 euros correspondant à la part non perçue sur la vente des lots n° 8 et 10.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le Crédit mutuel fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites ses demandes en paiement, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la manifestation du dommage et non de la commission de la faute ; qu'en l'espèce, l'acte de prêt du 11 septembre 2009 prévoyait, comme modalité d'exercice du droit de préférence conféré au Crédit mutuel par les inscriptions hypothécaires prises sur chaque lot, que le prix de vente des lots de l'ensemble immobilier serait intégralement versé par la SCP [...] au Crédit mutuel pour «imputation en remboursement » ; que le préjudice consistant pour le Crédit mutuel dans l'impossibilité de recouvrer sa créance ne pouvait dès lors être caractérisé, dans son principe comme dans son étendue, qu'une fois l'ensemble des lots grevés vendus ; que pour juger prescrite l'action en responsabilité introduite par le Crédit mutuel contre la SCP [...], la cour d'appel a retenu que le préjudice du Crédit mutuel pouvait être appréhendé dès le 15 décembre 2010, date de réception par le Crédit Mutuel du courrier de la SCP notariale duquel il résultait que le prix de vente du lot n° 8 n'avait pas été intégralement versé au Crédit mutuel ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a fait courir la prescription à la date du manquement de la SCP notariale relatif à l'une des ventes et non de la manifestation du dommage du Crédit mutuel qui consistait dans l'impossibilité de recouvrer sa créance de remboursement et ne pouvait encore être caractérisé à cette date dès lors que cinq lots grevés de l'ensemble immobilier restaient à vendre, a violé l'article 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Vu l'article 2224 du code civil :
6. Il résulte de ce texte que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la manifestation du dommage et non de la commission de la faute.
7. Pour juger prescrite l'action engagée le 22 décembre 2015 par le Crédit mutuel, l'arrêt retient qu'il résulte sans ambiguïté de la lettre du 15 décembre 2010 que seule une partie du prix de vente a été remise au Crédit mutuel qui aurait dû, en exécution des stipulations contractuelles, être destinataire de la totalité du prix de vente et était, dès cet instant, en mesure d'appréhender le manquement du notaire et qu'il ne pouvait être soutenu que la certitude du préjudice lié au défaut de perception de l'intégralité du prix de vente dépendait des ventes ultérieures des autres lots.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fixé le point de départ de la prescription à la date du manquement du notaire à ses obligations et non à celle de la manifestation du dommage, qui consistait dans l'impossibilité pour la banque de recouvrer sa créance et ne pouvait être caractérisé à cette date dès lors que cinq lots restaient à vendre, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société civile professionnelle [...] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile professionnelle [...] et la condamne à payer à la caisse régionale du Crédit mutuel de Loire Atlantique et du Centre Ouest la somme de 3 000 euros ;
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 janvier 2021
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 129 F-D
Pourvoi n° B 19-26.044
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021
La caisse régionale de Crédit mutuel de Loire Atlantique et du Centre Ouest, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° B 19-26.044 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2019 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Greff-Bohnert, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la caisse régionale de Crédit mutuel de Loire Atlantique et du Centre Ouest, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [...], après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Greff-Bohnert, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 novembre 2019), par acte du 11 septembre 2009, dressé par la société civile professionnelle [...], notaire, devenue la société civile professionnelle [...] (le notaire), la caisse régionale de Crédit mutuel de Loire Atlantique et du Centre Ouest (le Crédit mutuel) a consenti un prêt à la société Pasteur afin de financer la construction d'un immeuble. L'acte prévoyait que la société Pasteur devait verser au Crédit mutuel l'intégralité du prix de vente des lots et un mandat était donné au notaire afin qu'il procédât à ces versements.
2. Après la vente des lots n° 8 le 31 octobre 2009 au prix de 208 650 euros et n° 10 le 10 décembre 2010 au prix de 177 352,50 euros, le notaire a adressé à la banque une partie de ces sommes, soit 194 044,50 euros le 8 janvier 2010 et 79 146,11 euros le 13 décembre 2010.
3. La société Pasteur ayant été mise en liquidation judiciaire le 22 octobre 2012, le Crédit mutuel, qui n'a pas obtenu le remboursement du prêt et, après la vente des appartements restés invendus, n'a été colloqué, par un état établi le 3 novembre 2014, que pour une somme de 200 000 euros, a assigné le notaire, le 22 décembre 2015, en paiement d'une somme de 112 811,89 euros correspondant à la part non perçue sur la vente des lots n° 8 et 10.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le Crédit mutuel fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites ses demandes en paiement, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la manifestation du dommage et non de la commission de la faute ; qu'en l'espèce, l'acte de prêt du 11 septembre 2009 prévoyait, comme modalité d'exercice du droit de préférence conféré au Crédit mutuel par les inscriptions hypothécaires prises sur chaque lot, que le prix de vente des lots de l'ensemble immobilier serait intégralement versé par la SCP [...] au Crédit mutuel pour «imputation en remboursement » ; que le préjudice consistant pour le Crédit mutuel dans l'impossibilité de recouvrer sa créance ne pouvait dès lors être caractérisé, dans son principe comme dans son étendue, qu'une fois l'ensemble des lots grevés vendus ; que pour juger prescrite l'action en responsabilité introduite par le Crédit mutuel contre la SCP [...], la cour d'appel a retenu que le préjudice du Crédit mutuel pouvait être appréhendé dès le 15 décembre 2010, date de réception par le Crédit Mutuel du courrier de la SCP notariale duquel il résultait que le prix de vente du lot n° 8 n'avait pas été intégralement versé au Crédit mutuel ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a fait courir la prescription à la date du manquement de la SCP notariale relatif à l'une des ventes et non de la manifestation du dommage du Crédit mutuel qui consistait dans l'impossibilité de recouvrer sa créance de remboursement et ne pouvait encore être caractérisé à cette date dès lors que cinq lots grevés de l'ensemble immobilier restaient à vendre, a violé l'article 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Vu l'article 2224 du code civil :
6. Il résulte de ce texte que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la manifestation du dommage et non de la commission de la faute.
7. Pour juger prescrite l'action engagée le 22 décembre 2015 par le Crédit mutuel, l'arrêt retient qu'il résulte sans ambiguïté de la lettre du 15 décembre 2010 que seule une partie du prix de vente a été remise au Crédit mutuel qui aurait dû, en exécution des stipulations contractuelles, être destinataire de la totalité du prix de vente et était, dès cet instant, en mesure d'appréhender le manquement du notaire et qu'il ne pouvait être soutenu que la certitude du préjudice lié au défaut de perception de l'intégralité du prix de vente dépendait des ventes ultérieures des autres lots.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fixé le point de départ de la prescription à la date du manquement du notaire à ses obligations et non à celle de la manifestation du dommage, qui consistait dans l'impossibilité pour la banque de recouvrer sa créance et ne pouvait être caractérisé à cette date dès lors que cinq lots restaient à vendre, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société civile professionnelle [...] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile professionnelle [...] et la condamne à payer à la caisse régionale du Crédit mutuel de Loire Atlantique et du Centre Ouest la somme de 3 000 euros ;
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