mardi 24 octobre 2023

Vente immobilière - vice caché et notion de "constructeur"

 Note C. Sizaire et Pagès-de-Varenne, Constr.-urb. 2023-12, p. 28.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 octobre 2023




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 684 FS-B

Pourvoi n° S 22-15.536




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 OCTOBRE 2023

Mme [W] [R], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 22-15.536 contre l'arrêt rendu le 10 février 2022 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Les Hauteurs de Sérignac, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], et prise en son établissement sis [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [R], de Me Isabelle Galy, avocat de la société Les Hauteurs de Sérignac, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, Mme Proust, conseillers, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, M. Choquet, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 10 février 2022), la société civile immobilière Les Hauteurs de Sérignac (la SCI) a vendu une maison d'habitation à Mme [R] (l'acquéreur).

2. Se plaignant de désordres, l'acquéreur, après expertise, a assigné la SCI, en indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux à l'origine d'un vice caché est présumé en avoir connaissance ; qu'en jugeant qu'aucun élément du rapport d'expertise ne permettait de retenir que la venderesse avait connaissance du vice affectant la maison, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée si la SCI venderesse avait elle-même réalisé par l'intermédiaire de son gérant, sans faire appel à un professionnel, les travaux d'extension de la maison non conformes aux règles de l'art à l'origine des fuites affectant la maison, de sorte qu'elle s'était comportée en constructeur ou maître d'oeuvre et devait être présumée avoir connaissance du vice qui avait pour origine les travaux ainsi réalisés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1643 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1643 du code civil :

5. Selon ce texte, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

6. Pour l'application de ce texte, le vendeur professionnel, auquel est assimilé le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux à l'origine des vices de la chose vendue, est tenu de les connaître et ne peut se prévaloir d'une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés (3e Civ., 26 février 1980, pourvoi n° 78-15.556, Bull. III, n° 47 ; 3e Civ., 9 février 2011, pourvoi n° 09-71.498, Bull. III, n° 24 ; 3e Civ., 10 juillet 2013, pourvoi n° 12-17.149, Bull. III, n° 101).

7. Pour rejeter les demandes indemnitaires de l'acquéreur, l'arrêt retient qu'il ne rapporte pas la preuve que la SCI avait connaissance du vice caché affectant l'immeuble à la date de sa vente et que celle-ci est donc fondée à lui opposer la clause de non garantie figurant dans l'acte de vente.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la SCI avait elle-même réalisé les travaux à l'origine des désordres affectant le bien vendu, peu important les changements survenus quant à l'identité de ses associés et gérants, de sorte qu'elle s'était comportée en constructeur et devait être présumée avoir connaissance du vice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société civile immobilière Les Hauteurs de Sérignac aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Les Hauteurs de Sérignac et la condamne à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:C300684

vendredi 20 octobre 2023

AUDIENCE DE RÈGLEMENT AMIABLE ET CÉSURE DU PROCÈS CIVIL

 

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Vendredi 20 octobre 2023

AUDIENCE DE RÈGLEMENT AMIABLE ET CÉSURE

DU PROCÈS CIVIL

 
 

Retrouvez la circulaire de mise en œuvre

 

La circulaire de mise en œuvre, dans les procédures judiciaires civiles, de la politique publique de l'amiable a été publiée au Bulletin officiel du ministère de la Justice. Elle contient quatre fiches

 
► Consulter la circulaire
 
  • Les deux premières portent sur l'audience de règlement amiable (ARA) et la césure du procès civil. Ces deux nouveaux mécanismes procéduraux de nature à favoriser le règlement amiable des litiges portés devant le tribunal judiciaire ont été prévus dans le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023. Ils seront applicables aux instances introduites à compter du 1er novembre 2023. 

     

    Pour l'ARA, sont détaillés le champ d'application, l'orientation en ARA, le déroulement de l'ARA, l'issue de l'ARA et la fin d'instance. 

     

    Pour la césure sont présentés les conditions d'ouverture, la clôture partielle, le jugement partiel, la poursuite de la mise en état et l'issue de l'instance. 

     

    Cette circulaire précise également les modalités de rétribution des avocats intervenant au titre de l'aide juridictionnelle en cas d'accompagnement d'une partie lors d'une ARA et en cas de représentation d'une partie dans le cadre de la césure du procès civil

 

  • La troisième fiche est dédiée au rétablissement de l'article 750-1 du code de procédure civile : elle présente les dispositions du décret n°2023-357 du 11 mai 2023 relatif à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile, applicables aux instances introduites depuis le 1er octobre 2023 (suite de la décision du CE rendue sur recours du CNB contre le décret de 2019).

 

  • La quatrième fiche concerne l'évaluation de la politique publique de l'amiable : elle expose aux greffes et magistrats les trames utiles et les instructions de saisie Winci TGI relatives à l'audience de règlement amiable et à la césure du procès civil qui seront disponibles pour les juridictions à compter du 1er novembre 2023 sur l'espace web de l'intranet justice de la DSJ ainsi que les consignes de codage. 
 
► Consulter la circulaire

mardi 17 octobre 2023

Les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 septembre 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 657 F-D

Pourvoi n° Y 22-19.475







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2023

M. [J] [X], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° Y 22-19.475 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Central Parc Neige, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Les Mandataires, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], représentée par M. [T], pris en sa qualité de mandataire judiciaire de M. [J] [X],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [X], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société civile immobilière Central Parc Neige, après débats en l'audience publique du 11 juillet 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 mai 2022), pour la construction d'un immeuble d'habitation, la société civile immobilière Central parc neige (la SCI) a confié une mission de maîtrise d'oeuvre de conception à M. [X].

2. Le chantier a été interrompu à la suite de la plainte de riverains dénonçant la hauteur de cette construction, susceptible d'excéder celle mentionnée au permis de construire et d'enfreindre les règles du plan local d'urbanisme.

3. Un permis de construire modificatif prévoyant de diminuer la hauteur des faîtages a été obtenu le 4 mai 2016.

4. Se prévalant d'une erreur de conception, la SCI a, après expertise, assigné M. [X] en indemnisation de ses préjudices. Celui-ci a sollicité, à titre reconventionnel, le paiement du solde de ses honoraires.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [X] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la SCI plusieurs sommes à titre de provision à valoir sur la réparation de ses préjudices, les frais irrépétibles et les dépens, alors « que le jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-21 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que par jugement rendu le 25 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Gap, M. [X] a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ; qu'en confirmant néanmoins le jugement qui a condamné M. [X] à payer à la Sci Central Parc Neige une provision de 246 708 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 622-21 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. La SCI conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que M. [X] n'a pas prétendu en appel que la règle de l'interruption des poursuites individuelles justifiée par l'ouverture d'une procédure de sauvegarde s'opposait à sa condamnation en paiement et qu'il l'invoque pour la première fois devant la Cour de cassation.

7. Cependant, ce moyen, dont l'examen ne nécessite aucune constatation de fait que la décision frappée de pourvoi ne comporterait pas, est de pur droit et peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.
8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 622-21, L. 622-22 et R. 622-20 du code de commerce :

9. Il résulte de ces textes que le jugement qui ouvre la sauvegarde interrompt les instances en cours qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, que ces instances sont reprises dès que le créancier a produit à la juridiction saisie une copie de la déclaration de sa créance et qu'il a mis en cause le mandataire judiciaire et l'administrateur, lorsque ce dernier a pour mission d'assister le débiteur, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

10. La cour d'appel confirme le jugement du 12 octobre 2020 ayant condamné M. [X] à verser à la SCI plusieurs sommes à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice, les dépens et les frais irrépétibles et y ajoutant, le condamne à payer une somme complémentaire au titre des frais irrépétibles en cause d'appel et aux dépens.

11. En statuant ainsi, après avoir constaté que le mandataire judiciaire de M. [X], désigné en cette qualité suivant jugement de sauvegarde du 25 septembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Gap, était partie à l'instance et que la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant lui avaient été régulièrement signifiées les 31 décembre 2020 et 11 février 2021, la cour d'appel, qui, ayant connaissance de la procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice de M. [X], était tenue de relever, au besoin d'office, les effets attachés au principe de l'interruption des poursuites individuelles, a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. M. [X] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement du solde de ses honoraires, alors « que la demande en paiement d'un solde d'honoraires formée par l'architecte ne peut être écartée au motif qu'il a manqué à ses obligations lorsque l'architecte a été condamné à indemniser le préjudice résultant des fautes commises ; qu'en jugeant, pour débouter M. [X] de sa demande en paiement de la somme de 18 000 euros au titre du solde de ses honoraires, que la SCI était en droit de lui opposer l'exception d'inexécution de ses obligations, quand elle avait par ailleurs décidé que les manquements commis par M. [X] l'obligeaient à indemniser la totalité du préjudice subi, la cour d'appel a violé l'article 1149 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1149 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe de réparation intégrale du préjudice :

13. Il résulte de ce texte et de ce principe que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.

14. Pour rejeter la demande de M. [X] et dispenser la SCI de payer le solde du prix des prestations par lui exécutées, l'arrêt retient que le maître de l'ouvrage était en droit d'opposer l'exception d'inexécution des obligations de son cocontractant pour refuser de payer le solde des honoraires.

15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait indemnisé la SCI des conséquences des fautes commises par M. [X], la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. [X] entièrement responsable du préjudice subi par la SCI Central parc neige du fait de l'erreur de conception affectant les plans de l'immeuble, le condamne à payer à la SCI [Adresse 3] une somme de 246 708 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice, rejette la demande de M. [X] en paiement du solde de ses honoraires, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 10 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société civile immobilière Central parc neige aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Central parc neige et la condamne à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros ;

Le vendeur doit délivrer la chose conformément aux stipulations de l'acte de vente

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 septembre 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 658 F-D

Pourvoi n° D 22-20.377








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2023

1°/ M. [M] [F],

2°/ Mme [B] [N],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° D 22-20.377 contre l'arrêt rendu le 21 juin 2022 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [D] [E], domicilié [Adresse 4],

2°/ à la société Isabelle Mayen - Fabrienne Charlet-Monot - Fanny Saramito-Sottilini et Jean-Philippe Pauget, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], Notaires associés,

3°/ à la société Poral-Vialatte & Junique, notaires associés, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Emmanuel Poral & Grégory Vialatte elle-même venant aux droits de la société Christiane Daronnat - Emmanuel Poral, titulaire d'un office notarial,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [F] et de Mme [N], après débats en l'audience publique du 11 juillet 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [F] et à Mme [N] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société civile professionnelle Isabelle Mayen - Fabrienne Charlet-Monot - Fanny Saramito-Sottilini et Jean-Philippe Pauget et la société civile professionnelle Poral-Vialatte & Junique.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 21 juin 2022), M. [E] (le vendeur) a vendu une maison d'habitation à M. [F] et Mme [N] (les acquéreurs).

3. Se plaignant de ce que l'immeuble avait été vendu comme étant raccordé au réseau d'assainissement collectif alors qu'il l'était à une fosse septique non neutralisée, les acquéreurs ont assigné le vendeur, ainsi que les notaires intervenus à l'acte de vente, en réparation des préjudices subis.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen

4. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en paiement au titre des frais engendrés par le raccordement au réseau d'assainissement, alors, « que le vendeur doit délivrer la chose conformément aux stipulations de l'acte de vente ; que les acquéreurs faisaient valoir que le vendeur avait manqué à son obligation de délivrance conforme dès lors que la maison n'était pas directement raccordée au réseau public d'assainissement, mais à une fosse septique elle-même raccordée au réseau, et donc via une fosse septique qui, en violation de l'article 1331-5 du code de la santé publique, n'avait pas été neutralisée ; que pour les débouter de leur demande, l'arrêt retient que la clause litigieuse du contrat mentionne que le bien vendu est desservi par un réseau d'assainissement collectif et qu'il est relié à ce réseau, que cette clause contractuelle ne mentionne pas que le bien vendu est relié directement au réseau d'assainissement et qu'elle est claire et ne peut pas être interprétée comme spécifiant un raccordement à ce réseau qui serait nécessairement direct ; qu'en statuant ainsi quand il résultait de l'acte authentique de vente stipulant que l'immeuble vendu était raccordé au réseau d'assainissement collectif que le vendeur s'était engagé à délivrer un bien dont toutes les évacuations y étaient directement raccordées, la cour d'appel a violé l'article 1604 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1604 du code civil :

5. Il résulte de ce texte que le vendeur doit délivrer la chose conformément aux stipulations de l'acte de vente.

6. Pour rejeter la demande des acquéreurs, fondée sur l'obligation de délivrance, l'arrêt retient que la clause selon laquelle le vendeur déclare que l'immeuble est desservi par un réseau d'assainissement collectif et qu'il est relié à ce réseau ne peut être interprétée comme spécifiant l'existence d'un raccordement nécessairement direct.

7. En statuant ainsi, après avoir constaté que l'immeuble était raccordé à une fosse septique et alors que l'acte de vente mentionnait que l'immeuble était raccordé au réseau collectif d'assainissement, ce dont il résultait que les vendeurs s'étaient engagés à délivrer un bien dont toutes les canalisations y étaient directement raccordées, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. La cassation du chef de dispositif rejetant la demande en paiement des acquéreurs au paiement d'une somme de 7 574,51 euros n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant M. [E] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci, dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement de M. [F] et de Mme [N] au paiement d'une somme de 7 574,51 euros au titre des frais engendrés par le raccordement au réseau d'assainissement, l'arrêt rendu le 21 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne M. [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [E] à payer à M. [F] et à Mme [N] la somme globale de 3 000 euros ;

samedi 14 octobre 2023

Non-conformité et obligation de démolir

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 septembre 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 654 F-D


Pourvois n°
X 22-17.082
F 22-17.389 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2023

1°/ Mme [E] [G], épouse [S], domiciliée [Adresse 4],

2°/ M. [U] [S], domicilié [Adresse 3],

ont formé les pourvois n° X 22-17.082 et F 22-17.389 contre un arrêt rendu le 13 avril 2022 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige les opposant respectivement :

1°/ à la société Ast groupe, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Crédit foncier de France, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.


La société Ast groupe a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme [S], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Ast groupe, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Crédit foncier de France, après débats en l'audience publique du 11 juillet 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° X 22-17.082 et F 22-17.389 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 13 avril 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 27 mai 2021, pourvois n° 20-14.321, 20-13.204), M. et Mme [S] ont conclu avec la société Ast groupe un contrat de construction d'une maison individuelle, l'opération immobilière étant financée par des emprunts souscrits auprès de la société Crédit foncier de France (le CFF).

3. M. et Mme [S] ont assigné la société Ast groupe et le CFF en annulation et, subsidiairement, en résiliation des contrats de construction et de prêt et en indemnisation de leurs préjudices, avant de modifier leurs prétentions, en cours d'instance, en sollicitant, à titre principal, la constatation de l'anéantissement du contrat de construction par l'exercice de leur droit de rétractation.

Examen des moyens

Sur les moyens, pris en leur deuxième branche, des pourvois incidents n° X 22-17.082 et F 22-17.389 de la société Ast groupe, rédigés en termes identiques, réunis

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur les moyens, pris en leurs première, troisième et quatrième branches, des pourvois incidents n° X 22-17.082 et F 22-17.389 de la société Ast groupe, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé des moyens

5. La société Ast groupe fait grief à l'arrêt d'ordonner la démolition de la construction à ses frais dans un délai de quatre mois à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard pendant un délai de six mois, alors :

« 1°/ que le maître d'ouvrage qui décide de faire usage de son droit de rétractation alors même que l'immeuble a déjà été construit, doit assumer les conséquences financières de son choix purement discrétionnaire, et il n'est pas fondé à obtenir du juge qu'il ordonne automatiquement au constructeur d'assumer la charge financière de la démolition de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, les maîtres d'ouvrage ayant fait le choix de se rétracter de leurs engagements à une époque où l'immeuble avait déjà été intégralement construit et ayant également demandé la démolition de celui-ci la cour d'appel qui a ordonné la démolition de la construction ne pouvait en mettre automatiquement les frais y afférents à la charge du constructeur, la société Ast groupe, sans violer l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation ;

3°/ qu'un défaut de conformité au permis de construire ne suffit pas à caractériser une impropriété à destination de l'ouvrage, dès lors qu'il est sans conséquence sur l'habitabilité technique et effective de l'immeuble ; qu'en affirmant que la non-conformité par rapport au permis de construire s'agissant de l'altimétrie de la maison était établie et rendait l'immeuble impropre à sa destination, sans constater que la différence d'altimétrie par rapport au permis de construire aurait eu des conséquences graves sur l'habitabilité de l'ouvrage ou sa pérennité, la cour d'appel, qui a méconnu le principe de proportionnalité des réparations au regard de l'absence de conséquences dommageables de la non-conformité constatée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 271-1 du code civil et du principe susvisé ;

4°/ que l'ouvrage non conforme à l'autorisation de construire délivrée peut faire l'objet d'un simple permis de construire modificatif, dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même ; que, pour ordonner la démolition de la maison, la cour d'appel a constaté que la société Ast groupe ne rapportait pas la démonstration des mesures de compensation technique susceptibles de donner lieu à la délivrance d'un permis de construire modificatif, et qu'elle ne chiffrait pas le coût d'une éventuelle reprise susceptible de donner lieu à permis modificatif ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser en quoi la différence de seulement 12 à 13 cm d'altimétrie entre la maison litigieuse et le permis de construire initialement obtenu aurait été de nature à apporter au projet un bouleversement tel qu'il en aurait changé la nature, sauf à prendre des mesures de compensation technique, quand la société Ast groupe soutenait, dans ses conclusions, qu'une simple demande de permis de construire modificatif, pour un coût de 1 000 euros, aurait suffi à permettre l'obtention du certificat de conformité de l'ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation. »

Réponse de la Cour

6. En cas d'anéantissement du contrat de construction faisant suite à l'exercice, par le maître de l'ouvrage, de son droit de rétractation, le constructeur est tenu, au titre des restitutions réciproques, de remettre en état le terrain, à moins qu'il ne démontre que la démolition de l'ouvrage constitue une sanction disproportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités qui l'affectent.

7. La cour d'appel a constaté que l'ouvrage présentait un défaut d'altimétrie de douze centimètres par rapport au permis de construire, ayant conduit l'autorité administrative à refuser de délivrer une attestation de conformité.

8. Elle a relevé que le constructeur ne décrivait ni ne chiffrait les travaux pouvant être entrepris, pas plus que les éventuelles mesures de compensation technique susceptibles d'aboutir à la régularisation de la situation au regard des documents d'urbanisme, se contentant d'affirmer mais sans le justifier qu'une maison plus basse que la route n'entraînait pas de risque d'inondation.

9. Elle a pu en déduire que la démolition de l'ouvrage ne constituait pas une sanction disproportionnée à la gravité des défauts de conformité qui l'affectaient, de sorte que cette démolition devait être ordonnée aux frais du constructeur.

10. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Mais sur les moyens des pourvois principaux n° X 22-17.082 et F 22-17.389 de M. et Mme [S], en ce qu'ils font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes d'indemnisation des maîtres de l'ouvrage, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé des moyens

11. M. et Mme [S] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes d'indemnisation, alors « que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que l'arrêt cassé ayant calculé le montant des restitutions réciproques en tenant compte de ce qu'ayant rejeté la demande de démolition des époux [S], ceux-ci conservaient le bénéfice de la construction, la disposition relative au montant des restitutions se rattachait par un lien de dépendance nécessaire à celle qui avait rejeté la demande de démolition, de sorte que la cassation devait également atteindre les dispositions relatives aux restitutions ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

12. Aux termes de ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

13. Il en résulte que, même si le dispositif de l'arrêt de cassation ne vise que certaines dispositions, la cassation peut en atteindre d'autres, dès lors qu'elles se trouvent avec les premières dans un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

14. Pour déclarer irrecevables les « demandes d'indemnisation » formées par M. et Mme [S], en ce comprise la demande de paiement de la somme de 125 575,78 euros au titre du remboursement des acomptes réglés, l'arrêt retient que la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 14 janvier 2020 uniquement en ce qu'il rejetait la demande de démolition de l'ouvrage, de sorte que le périmètre de la saisine de la cour d'appel de renvoi se limite à apprécier les éléments que doit fournir le constructeur pour décider de la démolition ou non de l'ouvrage.

15. En statuant ainsi, alors que la fixation de la somme revenant aux maîtres de l'ouvrage à la suite de l'anéantissement du contrat se trouvait dans un lien de dépendance nécessaire avec le rejet de la demande de démolition de l'ouvrage, puisque cette somme tenait compte de l'allocation au constructeur, par voie de compensation, du prix coûtant des travaux, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation prononcée le 27 mai 2021 s'étendait au chef de dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Besançon du 14 janvier 2020 condamnant la société Ast groupe à payer à M. et Mme [S], ensemble, au titre des restitutions, la somme de 8 783,32 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 juin 2017. Elle ne s'étendait pas au chef de dispositif rejetant les demandes indemnitaires de M. et Mme [S], le moyen de cassation dirigé contre ce chef de dispositif ayant été rejeté et les demandes ne se trouvant pas dans un lien de dépendance nécessaire.

17. La cassation prononcée ce jour sur le moyen des pourvois principaux de M. et Mme [S] ne concerne, dès lors, que la déclaration d'irrecevabilité de la demande de paiement de « la somme de 125 575,78 euros au titre du remboursement des acomptes réglés », en ce qu'elle comprend des sommes relevant des restitutions réciproques, et n'atteint pas la déclaration d'irrecevabilité de la demande de paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices moral et de jouissance subis.

18. Elle n'atteint pas non plus la déclaration d'irrecevabilité de la demande de M. et Mme [S] formée contre la société Crédit foncier de France au titre de la résolution des contrats de prêts, dès lors que les dispositions de l'arrêt du 14 janvier 2020 constatant la nullité des prêts et condamnant la société Ast groupe à payer diverses sommes à la banque au titre des restitutions ne se trouvent pas dans un lien de dépendance nécessaire avec le rejet de la demande de démolition de l'ouvrage. En effet, la démolition ou la conservation de l'ouvrage, de même que les sommes revenant à M. et Mme [S] et à la société Ast groupe au titre de leurs restitutions réciproques, sont sans incidence sur l'annulation des prêts par suite de l'anéantissement du contrat de construction et sur les restitutions à opérer entre les emprunteurs et la banque.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de paiement de la somme de 125 575,78 euros formée par M. et Mme [S] contre la société Ast groupe au titre du remboursement des acomptes réglés et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 13 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne la société Ast groupe aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ast groupe à payer à M. et Mme [S] la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes

vendredi 6 octobre 2023

A nouveau, l'acte d'appel !...

 Note, Soraya Amrani-Mekki, Procédures 2023-10, p. 13

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 juin 2023




Cassation


Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 713 F-B

Pourvoi n° P 21-24.821




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2023

M. [C] [Z], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-24.821 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2021 par la cour d'appel de Nîmes (5e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société KPI Expertises 30, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [Z], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société KPI Expertises 30, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 14 septembre 2021), le 12 avril 2018, M. [Z] a relevé appel d'un jugement rendu par un conseil des prud'hommes dans une instance l'opposant à la société KPI Expertises 30.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. M. [Z] fait grief à l'arrêt de dire que la cour n'est saisie d'aucun chef du jugement déféré à défaut d'effet dévolutif de l'appel, alors « que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la cour d'appel a en l'espèce relevé d'office que la déclaration d'appel ne mentionnait pas les chefs de jugement expressément critiqués et qu'en conséquence l'effet dévolutif n'ayant pas opéré, elle n'était saisie d'aucun litige ; qu'en statuant ainsi sans inviter les parties à faire valoir leurs observations sur le contenu et la portée de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

3. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

4. Pour dire que la cour n'est saisie d'aucun chef du jugement déféré, à défaut d'effet dévolutif de l'appel, et rejeter les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt retient l'absence d'énonciation expresse, dans la déclaration d'appel, des chefs de jugement critiqués tandis que l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement et que l'objet du litige n'est pas indivisible.

5. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. M. [Z] fait le même grief, alors « que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; que la déclaration d'appel doit en conséquence comporter l'énoncé des chefs de dispositif du jugement ayant autorité de chose jugée qui sont critiqués ; qu'en l'espèce, le dispositif du jugement du conseil des prud'hommes de Nîmes du 16 mars 2018, objet de l'appel, comportait un chef « déboutant M. [C] [Z] de l'ensemble de ses demandes » un chef « déboutant la société KPI expertise 30 de sa demande reconventionnelle » et un chef « laissant les dépens à la charge de M. [C] [Z] »; qu'en jugeant que la déclaration d'appel mentionnant qu'il était fait appel total du jugement rendu le 16 mars 2018 par le conseil des prud'hommes de Nîmes « en ce qu'il a débouté M. [C] [Z] de l'ensemble de ses demandes et laissé les dépens à la charge de M. [C] [Z] » ne mentionnait pas les chefs de jugement expressément critiqués, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 562 et 901, 4°, du code de procédure civile et de l'article 4 du code civil et a ainsi privé l'appelant de son droit d'accès au juge en violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 562 et 901, 4°, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2015-891 du 6 mai 2017 :

7. Selon le premier de ces textes, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. Selon le second, régissant la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d'appel, la déclaration d'appel qui tend à la réformation du jugement doit mentionner les chefs de jugement critiqué.

8. Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de dispositif du jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

9. Pour dire que la cour n'est saisie d'aucun chef du jugement déféré, à défaut d'effet dévolutif de l'appel, et rejeter les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt retient l'absence d'énonciation expresse, dans la déclaration d'appel, des chefs de jugement critiqués tandis que l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement et que l'objet du litige n'est pas indivisible.

10. En statuant ainsi, alors que la déclaration d'appel mentionne des chefs du dispositif du jugement critiqués, la cour d'appel, qui ne pouvait constater l'absence d'effet dévolutif, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

Condamne la société KPI Expertises 30 aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société KPI Expertises 30 à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:C200713