Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 22-17.082, 22-17.389
- ECLI:FR:CCASS:2023:C300654
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 28 septembre 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, du 13 avril 2022Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 septembre 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 654 F-D
Pourvois n°
X 22-17.082
F 22-17.389 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2023
1°/ Mme [E] [G], épouse [S], domiciliée [Adresse 4],
2°/ M. [U] [S], domicilié [Adresse 3],
ont formé les pourvois n° X 22-17.082 et F 22-17.389 contre un arrêt rendu le 13 avril 2022 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige les opposant respectivement :
1°/ à la société Ast groupe, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Crédit foncier de France, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La société Ast groupe a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation ;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme [S], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Ast groupe, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Crédit foncier de France, après débats en l'audience publique du 11 juillet 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° X 22-17.082 et F 22-17.389 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 13 avril 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 27 mai 2021, pourvois n° 20-14.321, 20-13.204), M. et Mme [S] ont conclu avec la société Ast groupe un contrat de construction d'une maison individuelle, l'opération immobilière étant financée par des emprunts souscrits auprès de la société Crédit foncier de France (le CFF).
3. M. et Mme [S] ont assigné la société Ast groupe et le CFF en annulation et, subsidiairement, en résiliation des contrats de construction et de prêt et en indemnisation de leurs préjudices, avant de modifier leurs prétentions, en cours d'instance, en sollicitant, à titre principal, la constatation de l'anéantissement du contrat de construction par l'exercice de leur droit de rétractation.
Examen des moyens
Sur les moyens, pris en leur deuxième branche, des pourvois incidents n° X 22-17.082 et F 22-17.389 de la société Ast groupe, rédigés en termes identiques, réunis
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur les moyens, pris en leurs première, troisième et quatrième branches, des pourvois incidents n° X 22-17.082 et F 22-17.389 de la société Ast groupe, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé des moyens
5. La société Ast groupe fait grief à l'arrêt d'ordonner la démolition de la construction à ses frais dans un délai de quatre mois à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard pendant un délai de six mois, alors :
« 1°/ que le maître d'ouvrage qui décide de faire usage de son droit de rétractation alors même que l'immeuble a déjà été construit, doit assumer les conséquences financières de son choix purement discrétionnaire, et il n'est pas fondé à obtenir du juge qu'il ordonne automatiquement au constructeur d'assumer la charge financière de la démolition de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, les maîtres d'ouvrage ayant fait le choix de se rétracter de leurs engagements à une époque où l'immeuble avait déjà été intégralement construit et ayant également demandé la démolition de celui-ci la cour d'appel qui a ordonné la démolition de la construction ne pouvait en mettre automatiquement les frais y afférents à la charge du constructeur, la société Ast groupe, sans violer l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation ;
3°/ qu'un défaut de conformité au permis de construire ne suffit pas à caractériser une impropriété à destination de l'ouvrage, dès lors qu'il est sans conséquence sur l'habitabilité technique et effective de l'immeuble ; qu'en affirmant que la non-conformité par rapport au permis de construire s'agissant de l'altimétrie de la maison était établie et rendait l'immeuble impropre à sa destination, sans constater que la différence d'altimétrie par rapport au permis de construire aurait eu des conséquences graves sur l'habitabilité de l'ouvrage ou sa pérennité, la cour d'appel, qui a méconnu le principe de proportionnalité des réparations au regard de l'absence de conséquences dommageables de la non-conformité constatée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 271-1 du code civil et du principe susvisé ;
4°/ que l'ouvrage non conforme à l'autorisation de construire délivrée peut faire l'objet d'un simple permis de construire modificatif, dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même ; que, pour ordonner la démolition de la maison, la cour d'appel a constaté que la société Ast groupe ne rapportait pas la démonstration des mesures de compensation technique susceptibles de donner lieu à la délivrance d'un permis de construire modificatif, et qu'elle ne chiffrait pas le coût d'une éventuelle reprise susceptible de donner lieu à permis modificatif ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser en quoi la différence de seulement 12 à 13 cm d'altimétrie entre la maison litigieuse et le permis de construire initialement obtenu aurait été de nature à apporter au projet un bouleversement tel qu'il en aurait changé la nature, sauf à prendre des mesures de compensation technique, quand la société Ast groupe soutenait, dans ses conclusions, qu'une simple demande de permis de construire modificatif, pour un coût de 1 000 euros, aurait suffi à permettre l'obtention du certificat de conformité de l'ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation. »
Réponse de la Cour
6. En cas d'anéantissement du contrat de construction faisant suite à l'exercice, par le maître de l'ouvrage, de son droit de rétractation, le constructeur est tenu, au titre des restitutions réciproques, de remettre en état le terrain, à moins qu'il ne démontre que la démolition de l'ouvrage constitue une sanction disproportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités qui l'affectent.
7. La cour d'appel a constaté que l'ouvrage présentait un défaut d'altimétrie de douze centimètres par rapport au permis de construire, ayant conduit l'autorité administrative à refuser de délivrer une attestation de conformité.
8. Elle a relevé que le constructeur ne décrivait ni ne chiffrait les travaux pouvant être entrepris, pas plus que les éventuelles mesures de compensation technique susceptibles d'aboutir à la régularisation de la situation au regard des documents d'urbanisme, se contentant d'affirmer mais sans le justifier qu'une maison plus basse que la route n'entraînait pas de risque d'inondation.
9. Elle a pu en déduire que la démolition de l'ouvrage ne constituait pas une sanction disproportionnée à la gravité des défauts de conformité qui l'affectaient, de sorte que cette démolition devait être ordonnée aux frais du constructeur.
10. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
Mais sur les moyens des pourvois principaux n° X 22-17.082 et F 22-17.389 de M. et Mme [S], en ce qu'ils font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes d'indemnisation des maîtres de l'ouvrage, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé des moyens
11. M. et Mme [S] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes d'indemnisation, alors « que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que l'arrêt cassé ayant calculé le montant des restitutions réciproques en tenant compte de ce qu'ayant rejeté la demande de démolition des époux [S], ceux-ci conservaient le bénéfice de la construction, la disposition relative au montant des restitutions se rattachait par un lien de dépendance nécessaire à celle qui avait rejeté la demande de démolition, de sorte que la cassation devait également atteindre les dispositions relatives aux restitutions ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 625 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
12. Aux termes de ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
13. Il en résulte que, même si le dispositif de l'arrêt de cassation ne vise que certaines dispositions, la cassation peut en atteindre d'autres, dès lors qu'elles se trouvent avec les premières dans un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
14. Pour déclarer irrecevables les « demandes d'indemnisation » formées par M. et Mme [S], en ce comprise la demande de paiement de la somme de 125 575,78 euros au titre du remboursement des acomptes réglés, l'arrêt retient que la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 14 janvier 2020 uniquement en ce qu'il rejetait la demande de démolition de l'ouvrage, de sorte que le périmètre de la saisine de la cour d'appel de renvoi se limite à apprécier les éléments que doit fournir le constructeur pour décider de la démolition ou non de l'ouvrage.
15. En statuant ainsi, alors que la fixation de la somme revenant aux maîtres de l'ouvrage à la suite de l'anéantissement du contrat se trouvait dans un lien de dépendance nécessaire avec le rejet de la demande de démolition de l'ouvrage, puisque cette somme tenait compte de l'allocation au constructeur, par voie de compensation, du prix coûtant des travaux, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation prononcée le 27 mai 2021 s'étendait au chef de dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Besançon du 14 janvier 2020 condamnant la société Ast groupe à payer à M. et Mme [S], ensemble, au titre des restitutions, la somme de 8 783,32 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 juin 2017. Elle ne s'étendait pas au chef de dispositif rejetant les demandes indemnitaires de M. et Mme [S], le moyen de cassation dirigé contre ce chef de dispositif ayant été rejeté et les demandes ne se trouvant pas dans un lien de dépendance nécessaire.
17. La cassation prononcée ce jour sur le moyen des pourvois principaux de M. et Mme [S] ne concerne, dès lors, que la déclaration d'irrecevabilité de la demande de paiement de « la somme de 125 575,78 euros au titre du remboursement des acomptes réglés », en ce qu'elle comprend des sommes relevant des restitutions réciproques, et n'atteint pas la déclaration d'irrecevabilité de la demande de paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices moral et de jouissance subis.
18. Elle n'atteint pas non plus la déclaration d'irrecevabilité de la demande de M. et Mme [S] formée contre la société Crédit foncier de France au titre de la résolution des contrats de prêts, dès lors que les dispositions de l'arrêt du 14 janvier 2020 constatant la nullité des prêts et condamnant la société Ast groupe à payer diverses sommes à la banque au titre des restitutions ne se trouvent pas dans un lien de dépendance nécessaire avec le rejet de la demande de démolition de l'ouvrage. En effet, la démolition ou la conservation de l'ouvrage, de même que les sommes revenant à M. et Mme [S] et à la société Ast groupe au titre de leurs restitutions réciproques, sont sans incidence sur l'annulation des prêts par suite de l'anéantissement du contrat de construction et sur les restitutions à opérer entre les emprunteurs et la banque.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de paiement de la somme de 125 575,78 euros formée par M. et Mme [S] contre la société Ast groupe au titre du remboursement des acomptes réglés et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 13 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Condamne la société Ast groupe aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ast groupe à payer à M. et Mme [S] la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 septembre 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 654 F-D
Pourvois n°
X 22-17.082
F 22-17.389 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2023
1°/ Mme [E] [G], épouse [S], domiciliée [Adresse 4],
2°/ M. [U] [S], domicilié [Adresse 3],
ont formé les pourvois n° X 22-17.082 et F 22-17.389 contre un arrêt rendu le 13 avril 2022 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige les opposant respectivement :
1°/ à la société Ast groupe, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Crédit foncier de France, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La société Ast groupe a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation ;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme [S], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Ast groupe, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Crédit foncier de France, après débats en l'audience publique du 11 juillet 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° X 22-17.082 et F 22-17.389 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 13 avril 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 27 mai 2021, pourvois n° 20-14.321, 20-13.204), M. et Mme [S] ont conclu avec la société Ast groupe un contrat de construction d'une maison individuelle, l'opération immobilière étant financée par des emprunts souscrits auprès de la société Crédit foncier de France (le CFF).
3. M. et Mme [S] ont assigné la société Ast groupe et le CFF en annulation et, subsidiairement, en résiliation des contrats de construction et de prêt et en indemnisation de leurs préjudices, avant de modifier leurs prétentions, en cours d'instance, en sollicitant, à titre principal, la constatation de l'anéantissement du contrat de construction par l'exercice de leur droit de rétractation.
Examen des moyens
Sur les moyens, pris en leur deuxième branche, des pourvois incidents n° X 22-17.082 et F 22-17.389 de la société Ast groupe, rédigés en termes identiques, réunis
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur les moyens, pris en leurs première, troisième et quatrième branches, des pourvois incidents n° X 22-17.082 et F 22-17.389 de la société Ast groupe, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé des moyens
5. La société Ast groupe fait grief à l'arrêt d'ordonner la démolition de la construction à ses frais dans un délai de quatre mois à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard pendant un délai de six mois, alors :
« 1°/ que le maître d'ouvrage qui décide de faire usage de son droit de rétractation alors même que l'immeuble a déjà été construit, doit assumer les conséquences financières de son choix purement discrétionnaire, et il n'est pas fondé à obtenir du juge qu'il ordonne automatiquement au constructeur d'assumer la charge financière de la démolition de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, les maîtres d'ouvrage ayant fait le choix de se rétracter de leurs engagements à une époque où l'immeuble avait déjà été intégralement construit et ayant également demandé la démolition de celui-ci la cour d'appel qui a ordonné la démolition de la construction ne pouvait en mettre automatiquement les frais y afférents à la charge du constructeur, la société Ast groupe, sans violer l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation ;
3°/ qu'un défaut de conformité au permis de construire ne suffit pas à caractériser une impropriété à destination de l'ouvrage, dès lors qu'il est sans conséquence sur l'habitabilité technique et effective de l'immeuble ; qu'en affirmant que la non-conformité par rapport au permis de construire s'agissant de l'altimétrie de la maison était établie et rendait l'immeuble impropre à sa destination, sans constater que la différence d'altimétrie par rapport au permis de construire aurait eu des conséquences graves sur l'habitabilité de l'ouvrage ou sa pérennité, la cour d'appel, qui a méconnu le principe de proportionnalité des réparations au regard de l'absence de conséquences dommageables de la non-conformité constatée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 271-1 du code civil et du principe susvisé ;
4°/ que l'ouvrage non conforme à l'autorisation de construire délivrée peut faire l'objet d'un simple permis de construire modificatif, dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même ; que, pour ordonner la démolition de la maison, la cour d'appel a constaté que la société Ast groupe ne rapportait pas la démonstration des mesures de compensation technique susceptibles de donner lieu à la délivrance d'un permis de construire modificatif, et qu'elle ne chiffrait pas le coût d'une éventuelle reprise susceptible de donner lieu à permis modificatif ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser en quoi la différence de seulement 12 à 13 cm d'altimétrie entre la maison litigieuse et le permis de construire initialement obtenu aurait été de nature à apporter au projet un bouleversement tel qu'il en aurait changé la nature, sauf à prendre des mesures de compensation technique, quand la société Ast groupe soutenait, dans ses conclusions, qu'une simple demande de permis de construire modificatif, pour un coût de 1 000 euros, aurait suffi à permettre l'obtention du certificat de conformité de l'ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation. »
Réponse de la Cour
6. En cas d'anéantissement du contrat de construction faisant suite à l'exercice, par le maître de l'ouvrage, de son droit de rétractation, le constructeur est tenu, au titre des restitutions réciproques, de remettre en état le terrain, à moins qu'il ne démontre que la démolition de l'ouvrage constitue une sanction disproportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités qui l'affectent.
7. La cour d'appel a constaté que l'ouvrage présentait un défaut d'altimétrie de douze centimètres par rapport au permis de construire, ayant conduit l'autorité administrative à refuser de délivrer une attestation de conformité.
8. Elle a relevé que le constructeur ne décrivait ni ne chiffrait les travaux pouvant être entrepris, pas plus que les éventuelles mesures de compensation technique susceptibles d'aboutir à la régularisation de la situation au regard des documents d'urbanisme, se contentant d'affirmer mais sans le justifier qu'une maison plus basse que la route n'entraînait pas de risque d'inondation.
9. Elle a pu en déduire que la démolition de l'ouvrage ne constituait pas une sanction disproportionnée à la gravité des défauts de conformité qui l'affectaient, de sorte que cette démolition devait être ordonnée aux frais du constructeur.
10. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
Mais sur les moyens des pourvois principaux n° X 22-17.082 et F 22-17.389 de M. et Mme [S], en ce qu'ils font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes d'indemnisation des maîtres de l'ouvrage, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé des moyens
11. M. et Mme [S] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes d'indemnisation, alors « que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que l'arrêt cassé ayant calculé le montant des restitutions réciproques en tenant compte de ce qu'ayant rejeté la demande de démolition des époux [S], ceux-ci conservaient le bénéfice de la construction, la disposition relative au montant des restitutions se rattachait par un lien de dépendance nécessaire à celle qui avait rejeté la demande de démolition, de sorte que la cassation devait également atteindre les dispositions relatives aux restitutions ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 625 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
12. Aux termes de ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
13. Il en résulte que, même si le dispositif de l'arrêt de cassation ne vise que certaines dispositions, la cassation peut en atteindre d'autres, dès lors qu'elles se trouvent avec les premières dans un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
14. Pour déclarer irrecevables les « demandes d'indemnisation » formées par M. et Mme [S], en ce comprise la demande de paiement de la somme de 125 575,78 euros au titre du remboursement des acomptes réglés, l'arrêt retient que la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 14 janvier 2020 uniquement en ce qu'il rejetait la demande de démolition de l'ouvrage, de sorte que le périmètre de la saisine de la cour d'appel de renvoi se limite à apprécier les éléments que doit fournir le constructeur pour décider de la démolition ou non de l'ouvrage.
15. En statuant ainsi, alors que la fixation de la somme revenant aux maîtres de l'ouvrage à la suite de l'anéantissement du contrat se trouvait dans un lien de dépendance nécessaire avec le rejet de la demande de démolition de l'ouvrage, puisque cette somme tenait compte de l'allocation au constructeur, par voie de compensation, du prix coûtant des travaux, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation prononcée le 27 mai 2021 s'étendait au chef de dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Besançon du 14 janvier 2020 condamnant la société Ast groupe à payer à M. et Mme [S], ensemble, au titre des restitutions, la somme de 8 783,32 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 juin 2017. Elle ne s'étendait pas au chef de dispositif rejetant les demandes indemnitaires de M. et Mme [S], le moyen de cassation dirigé contre ce chef de dispositif ayant été rejeté et les demandes ne se trouvant pas dans un lien de dépendance nécessaire.
17. La cassation prononcée ce jour sur le moyen des pourvois principaux de M. et Mme [S] ne concerne, dès lors, que la déclaration d'irrecevabilité de la demande de paiement de « la somme de 125 575,78 euros au titre du remboursement des acomptes réglés », en ce qu'elle comprend des sommes relevant des restitutions réciproques, et n'atteint pas la déclaration d'irrecevabilité de la demande de paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices moral et de jouissance subis.
18. Elle n'atteint pas non plus la déclaration d'irrecevabilité de la demande de M. et Mme [S] formée contre la société Crédit foncier de France au titre de la résolution des contrats de prêts, dès lors que les dispositions de l'arrêt du 14 janvier 2020 constatant la nullité des prêts et condamnant la société Ast groupe à payer diverses sommes à la banque au titre des restitutions ne se trouvent pas dans un lien de dépendance nécessaire avec le rejet de la demande de démolition de l'ouvrage. En effet, la démolition ou la conservation de l'ouvrage, de même que les sommes revenant à M. et Mme [S] et à la société Ast groupe au titre de leurs restitutions réciproques, sont sans incidence sur l'annulation des prêts par suite de l'anéantissement du contrat de construction et sur les restitutions à opérer entre les emprunteurs et la banque.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de paiement de la somme de 125 575,78 euros formée par M. et Mme [S] contre la société Ast groupe au titre du remboursement des acomptes réglés et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 13 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Condamne la société Ast groupe aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ast groupe à payer à M. et Mme [S] la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes
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