jeudi 28 novembre 2024

Honoraires d'avocat et motifs de la décision impropres à caractériser l'inutilité de ses diligences

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 octobre 2024




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1002 FP-D

Pourvoi n° M 22-19.119



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 OCTOBRE 2024


M. [Z] [J], domicilié [Adresse 2], [Localité 3], a formé le pourvoi n° M 22-19.119 contre l'arrêt rendu le 24 mai 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 9), dans le litige l'opposant à la Société civile immobilière Moulin vert, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, et de Mme Chevet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. [J], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Chevet, conseiller référendaire co-rapporteur, Mmes Durin-Karsenty, Renault-Malignac, Isola, conseillers doyens, MM. Martin, Leblanc, Mme Vendryes, MM. Pédron, Waguette, conseillers, M. Cardini, Mmes Dudit, Brouzes, Philippart, Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mai 2022), la Société civile immobilière Moulin vert (la société) a confié la défense de ses intérêts à M. [J] (l'avocat) et lui a payé la somme de 2 800 euros à titre de provision sur ses honoraires.

2. Aucune convention n'a été signée entre les parties.

3. Estimant que l'avocat n'avait effectué aucune diligence, la société a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris pour obtenir restitution des honoraires versés, puis a formé un recours contre sa décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. L'avocat fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'a droit à aucun honoraire, de dire qu'il doit restituer la somme de 2 000 euros TTC et de le condamner à verser à la société la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « qu'il résulte des propres constatations de la cour qu'il a effectué des diligences à savoir l'étude du dossier de la cliente, un rendez-vous avec celle-ci et l'envoi de trois correspondances à la société Protexia ; que pour dire cependant que M. [J], non comparant à l'audience, n'avait le droit à aucun honoraire et qu'il devait restituer à la société Moulin vert la somme de 2 000 euros TTC, la cour a cependant pris en considération l'inutilité des diligences dès lors qu'elles n'avaient été suivies d'aucune action au fond de la part de l'avocat sans qu'il puisse être retenu que cette inaction pourrait être imputable à la cliente ; qu'en statuant ainsi sans préciser en quoi les diligences effectuées relatives à l'étude du dossier et le rendez-vous avec la cliente aurait été inutile quant à la stratégie à mettre en place, peu important le fait que ces diligences, qui étaient préalables, n'aient pas été suivies d'une action au fond, la cour n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

5. Il résulte de ce texte qu'à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

6. Pour dire que l'avocat n'a droit à aucun honoraire et doit restituer la somme versée par son client, l'arrêt relève d'abord qu'aucune convention n'a été signée entre les parties et que si l'avocat a évoqué une action au fond devant le tribunal de grande instance compétent ainsi qu'une éventuelle action pénale, il n'est pas démontré qu'une de ces procédures aurait été mise en oeuvre.

7. Il ajoute que l'avocat a réalisé l'étude du dossier de la cliente, un rendez-vous avec celle-ci et trois correspondances.

8. Il en conclut que ces diligences ont été manifestement inutiles dès lors qu'elles n'ont été suivies d'aucune action au fond de la part de l'avocat sans qu'il puisse être retenu que cette inaction pourrait être imputable à la cliente.

9. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'inutilité des diligences de l'avocat, laquelle doit être manifeste, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la Société civile immobilière Moulin vert aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du vingt-quatre octobre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.ECLI:FR:CCASS:2024:C201002

Transaction et principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 novembre 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1020 F-B


Pourvois n°
V 23-12.369
R 23-15.102 JONCTION




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 NOVEMBRE 2024

M. [J] [K], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 23-12.369 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2022 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile) et le pourvoi et R 23-15.102 contre l'arrêt rectificatif rendu le 20 mars 2023 par la même cour d'appel, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Groupama Paris Val de Loire, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié au ministère des solidarités et de la santé, [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi n° V 23-12.369, trois moyens de cassation et, à l'appui de son pourvoi n° R 23-15.102, un moyen unique de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [K], de la SCP Richard, avocat de la société Groupama Paris Val de Loire et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 septembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 23-12.369 et R 23-15.102 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Agen, 14 décembre 2022 et 20 mars 2023), le 23 août 2003, M. [K], alors âgé de 17 ans, a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule automobile assuré par la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire (l'assureur).

3. La consolidation de son état de santé a été fixée au 13 avril 2007. Il a été indemnisé de plusieurs postes de préjudice par une transaction signée le 6 décembre 2007.

4. Invoquant une aggravation de son état de santé et de sa situation socio-professionnelle, survenue à partir de l'année 2012, il a assigné l'assureur, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne, devant un tribunal de grande instance, en indemnisation des préjudices issus du dommage initial et du dommage aggravé.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches, et le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° V 23-12.369

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° V 23-12.369

Enoncé du moyen

6. M. [K] fait grief à l'arrêt de lui allouer les seules sommes de 206 732,14 euros au titre du poste de pertes de gains professionnels futurs et de 15 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, alors « que les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ; que l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction conclue entre la victime d'un accident de la circulation et l'assureur du véhicule impliqué dans cet accident s'oppose à ce que le juge soit saisi d'une demande tendant à remettre en cause l'indemnisation allouée dans le cadre de la transaction ; qu'en revanche, elle ne s'oppose pas à ce que la victime demande un complément d'indemnité pour le préjudice qui résulte d'une aggravation du dommage postérieurement à la transaction ou pour tout chef de préjudice préexistant non inclus dans le champ de cette transaction ; que, pour juger que la demande formée par M. [K] n'était recevable qu'à compter du 2 janvier 2012, la cour d'appel a relevé qu'aucun des deux rapports d'expertise ne concluait à augmenter le taux d'incapacité permanente et qu'en l'état, il avait existé une aggravation médicale transitoire de janvier à novembre 2012 inclus ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si, indépendamment de l'existence d'une aggravation de l'état de la victime, les parties avaient entendu inclure dans le champ de la transaction le poste lié à la perte de gains professionnels futurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2052 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2052 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

7. Il résulte de ce texte et de ce principe que l'autorité de chose jugée attachée à une transaction ne fait pas obstacle à la demande d'indemnisation des préjudices initiaux qui n'y sont pas inclus.

8. Pour dire que la demande d'indemnisation des pertes de gains professionnels de M. [K] n'est recevable qu'à compter du 2 janvier 2012, l'arrêt relève que, dans l'offre définitive d'indemnisation, ayant donné lieu à la transaction intervenue en 2007, les préjudices professionnels étaient considérés presqu'inexistants. Il ajoute que les parties à la transaction n'ont pas considéré que les postes de pertes de gains professionnels anciens et futurs et d'incidence professionnelle étaient bien caractérisés.

9. Il constate, par ailleurs, qu'il a existé, d'une part, une aggravation médicale transitoire de janvier à novembre 2012, d'autre part, une aggravation situationelle tenant au fait que M. [K] n'évolue plus vers un emploi dans la vente en milieu ordinaire, comme encore envisagé en 2013, mais est pris en charge par un établissement et service d'aide par le travail.

10. En se déterminant ainsi, en limitant l'indemnisation des pertes de gains professionnels à compter de l'aggravation de l'état de santé, par des motifs insuffisants à établir que ce poste de préjudice avait été inclus dans le champ de la transaction intervenue en 2007 réparant les préjudices initiaux, ce que la victime contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° V 23-12.369

Enoncé du moyen

11. M. [K] fait grief à l'arrêt de lui allouer la seule somme de 15 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, alors « que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; que, pour limiter l'indemnisation allouée au titre de l'incidence professionnelle, la cour d'appel a relevé que M. [K] n'avait pas justifié, par des essais, que d'autres adaptations de postes de travail ordinaires auraient échoué ; qu'en limitant ainsi l'indemnisation de l'incidence professionnelle en fonction de la recherche et des essais effectués, par la victime, à des postes de travail en milieu ordinaire, la cour d'appel a méconnu l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

12. Pour évaluer le poste de l'incidence professionnelle à la somme de 15 000 euros, l'arrêt constate que M. [K] subit une dévalorisation sur le marché du travail en ce qu'il se trouve dans une situation nouvelle, désormais pérenne, d'emploi protégé.

13. Il relève que M. [K] n'a pas justifié, par des essais, que d'autres adaptations de postes de travail en milieu ordinaire auraient échoué.

14. En statuant ainsi, alors que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

15. En application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 14 décembre 2022 entraîne, par voie de conséquence, celle de l'arrêt rectificatif du 20 mars 2023, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire à payer à M. [K] la somme de 206 732,14 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, la somme de 15 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, et en ce qu'il statue sur les dépens, l'arrêt rendu le 14 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

CONSTATE, par voie de conséquence, l'annulation en toutes ses dispositions de l'arrêt rectificatif rendu le 20 mars 2023, entre les mêmes parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé et de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C201020

En cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

IT2



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 novembre 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 991 F-D

Pourvoi n° X 22-17.151






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 NOVEMBRE 2024


1°/ M. [V] [L],

2°/ Mme [T] [Z], épouse [L],

tous deux domiciliés [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° X 22-17.151 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2022 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 6],

2°/ à la société Immobilière générale française, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à la société Axa France Iard, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à la société ML Conseils, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [H], en qualité de liquidateur de la société Fondations et structures,

5°/ à la société Bureau d'études techniques Paul Montbertrand, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. et Mme [L], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 septembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. et Mme [L] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), la société Immobilière générale française (IGF) et la société ML Conseils, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Fondations et structures.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 mars 2022) et les productions, invoquant des désordres dans leur maison d'habitation à la suite de périodes de sécheresse, M. et Mme [L] ont assigné devant un tribunal de grande instance la société IGF, assurée auprès de la société Axa France Iard, venant aux droits de la société Axa Courtage, la société Fondations et structures ainsi que le Bureau d'études techniques Paul Montbertrand (BET), tous deux assurés auprès de la SMABTP, aux fins d'obtenir leur condamnation à leur verser une certaine somme à titre d'indemnisation de leurs préjudices.

3. Par jugement du 12 septembre 2019, rectifié les 26 septembre 2019 et 7 novembre 2019, un tribunal de grande instance a jugé irrecevables les demandes de M. et Mme [L] contre la société Fondations et structures et notamment condamné in solidum le BET et les sociétés SMABTP, IGF et Axa France à verser à M. et Mme [L] diverses sommes à titre d'indemnisation.

4. Le 6 janvier 2020, la société SMABTP a, seule, interjeté appel de ces décisions.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [L] font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la société IGF de sa demande pour procédure abusive et de les débouter du surplus de leurs demandes, notamment de celles dirigées contre le BET, alors que « les condamnations in solidum de l'assureur et de l'assuré ne sont pas indivisibles de sorte que l'infirmation du jugement sur le seul appel de l'assureur ne peut produire effet à l'égard de l'assuré qui n'a pas interjeté appel ; qu'en infirmant purement et simplement le jugement qui avait condamné le bureau d'études techniques Paul Montbertrand au paiement de plusieurs sommes in solidum avec son assureur la société SMABTP quand ce jugement était devenu irrévocable à l'égard du bureau d'études techniques Paul Montbertrand, lequel n'a pas interjeté appel du jugement et, régulièrement intimé, n'a pas conclu, la cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 553 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 553 du code de procédure civile :

6. Aux termes de ce texte, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance ; l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.

7. Il en résulte qu'en l'absence d'impossibilité d'exécuter simultanément deux décisions concernant les parties au litige, l'indivisibilité, au sens de l'article 553 du code de procédure civile, n'étant pas caractérisée, l'appel de l'une des parties ne peut pas produire effet à l'égard d'une partie défaillante.

8. Pour débouter notamment M. et Mme [L] de leurs demandes de condamnation in solidum du BET et des sociétés SMABTP, IGF et Axa France, l'arrêt retient, d'une part, que le rapport de l'expert judiciaire ne permet de retenir ni le caractère décennal des désordres affectant les murs périphériques, ni le défaut de vigilance de la société IGF lors de la réception, d'autre part, que les désordres sont imputables à l'épisode de sécheresse de 2009, sans lien établi avec l'épisode de sécheresse de 1998 ni avec les travaux de reprise réalisés en 2003 et qu'en conséquence seule la société Axa France, assureur multi-risques habitation de la société IGF à la date de l'arrêté de catastrophe naturelle, peut être tenue d'indemniser M. et Mme [L].

9. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence d'impossibilité de poursuivre simultanément l'exécution du jugement ayant condamné notamment in solidum le BET et la société SMABTP, l'appel de cette dernière ne pouvait produire effet à l'égard de son assuré, le BET, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement du 12 septembre 2019 rectifié par les jugements des 26 septembre et 7 novembre 2019, sauf en ce qu'il a débouté la société Immobilière générale française de sa demande pour procédure abusive et déboute M. et Mme [L] du surplus de leurs demandes, l'arrêt rendu le 14 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Bureau d'étude technique Paul Montbertrand aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bureau d'étude technique Paul Montbertrand à payer à M. et Mme [L] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du sept novembre 2024 et signé par Mme Cathala, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de la décision.ECLI:FR:CCASS:2024:C200991

Assurance et notion de déchéance pour déclaration tardive

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 novembre 2024




Rejet


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1003 F-D

Pourvoi n° Y 23-10.992




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 NOVEMBRE 2024


La société AGPM vie, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 23-10.992 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant à M. [F] [Y], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société AGPM vie, de Me Occhipinti, avocat de M. [Y], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 septembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 décembre 2022), au cours de l'année 1999, M. [Y] a souscrit, auprès de la société AGPM vie (l'assureur), un contrat garantissant les risques décès et invalidité.

2. Le 16 octobre 2005, dans l'exercice de ses fonctions de gendarme, il a été victime de faits de violences volontaires ayant justifié une incapacité totale de travail d'un jour.

3. À partir de l'année 2008, il a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail en raison d'un état de stress post-traumatique lié aux faits du 16 octobre 2005. Il en a informé l'assureur le 16 février 2009. Le 26 mars 2013, il a été définitivement réformé en raison d'une infirmité imputable au service.

4. Le 4 avril 2016, il a assigné l'assureur en exécution du contrat afin d'obtenir le paiement du capital dû pour l'invalidité totale et définitive (ITD) prévue en cas d'accident.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à M. [Y] la somme de 354 330,20 euros au titre de la garantie ITD résultant du « contrat de carrière », avec intérêts au taux légal et capitalisation par année échue à compter du 21 février 2013, alors :

« 1°/ que la clause précise stipulée dans un contrat d'assurance qui définit les conditions de la garantie s'impose aux parties ; qu'en refusant de faire produire effet à la clause instituant une condition de garantie, stipulée à l'article 13.2.1 des conditions générales n° 04/01 de la police assurance invalidité « contrat de carrière », aux termes de laquelle « le capital accident n'est versé que si la reconnaissance de votre état fait suite à une demande d'ITD par accident formulée expressément dans les 24 mois qui suivent le jour de l'accident », en considérant que cette clause délimiterait de façon restrictive le délai susceptible de courir au titre de la prescription biennale, lequel n'était pourtant pas concerné par elle, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; qu'en appliquant cette règle, non pas à l'appréciation du délai ayant couru à partir du sinistre subi par M. [Y] jusqu'à la date de l'action en indemnisation introduite par lui devant le tribunal de grande instance, mais à l'appréciation du délai ayant couru du sinistre jusqu'à la date de la déclaration de celui-ci à l'assureur, la cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du code des assurances ;

3°/ que le juge ne peut méconnaître les clauses du contrat conclu entre les parties ; qu'en tout état de cause, en se référant à un délai de « 24 mois », pour faire application de l'article 13.2.1 des conditions générales du contrat d'assurance, la cour, qui a remplacé le terme « l'accident » qui était stipulé être le point de départ d'un délai de demande faite par l'assuré à l'assureur, par les termes « la découverte des conséquences de cet accident », comme point de départ dudit délai, a méconnu le contrat, violant ainsi la loi des parties ensemble l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l'article L. 113-2, 4°, du code des assurances, déclaré d'ordre public par l'article L. 111-2 de ce code, que le délai imparti à l'assuré pour donner avis à l'assureur de tout sinistre de nature à entraîner la garantie de celui-ci a pour point de départ la connaissance du sinistre par l'assuré, c'est-à-dire la connaissance à la fois de l'événement et des conséquences dommageables de nature à entraîner la garantie de l'assureur.

7. Il s'en déduit que l'assureur ne peut opposer à l'assuré une déchéance pour déclaration tardive lorsque la clause la prévoyant n'est pas conforme à ces dispositions.

8. L'arrêt constate que les conditions générales du contrat prévoient une clause selon laquelle « le capital accident n'est versé que si la reconnaissance de votre état fait suite à une demande d'ITD par accident formulée expressément dans les 24 mois qui suivent le jour de l'accident ».

9. Cette clause instaure non une condition de la garantie mais une déchéance de garantie, soumise aux dispositions de l'article L. 113-2, 4°, du code des assurances.

10. En ce qu'elle impose à l'assuré un délai de 24 mois qui suit le jour de l'accident pour former une demande de garantie, indépendamment de la connaissance par l'intéressé des conséquences dommageables de nature à entraîner la garantie de l'assureur, cette clause n'est pas conforme aux dispositions précitées et est inopposable à l'assuré.

11. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société AGPM vie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société AGPM vie et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C201003

Condamnation sous astreinte à produire l'attestation d'assurance du maître d'oeuvre

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 novembre 2024




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1008 F-D

Pourvoi n° V 23-13.036




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 NOVEMBRE 2024

1°/ M. [N] [F],

2°/ Mme [E] [R],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° V 23-13.036 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [H] [T], domicilié [Adresse 3],

2°/ à M. [L] [K], domicilié [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Riuné, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. [F] et Mme [R], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [T], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 septembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Riuné, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 janvier 2023), Mme [R] et M. [F] (les maîtres de l'ouvrage) ont signé avec M. [K], architecte, et M. [T], maître d'oeuvre, deux contrats de maîtrise d'oeuvre les 2 et 8 novembre 2016.

2. À la demande des maîtres de l'ouvrage, un juge des référés, par une ordonnance du 6 septembre 2019, signifiée le 17 septembre 2019 à M. [K] et M. [T], a prononcé la condamnation de ces derniers à communiquer aux maîtres de l'ouvrage, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, l'attestation établissant qu'ils étaient assurés au jour de l'ouverture du chantier le 7 juillet 2017, sous peine d'être redevables, à l'expiration du délai, d'une astreinte de 20 euros par jour de retard.

3. Les maîtres de l'ouvrage ont saisi un juge de l'exécution d'une demande de liquidation de ces astreintes.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les maîtres de l'ouvrage font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement et de prononcer la suppression de l'astreinte, relative à la communication de l'attestation d'assurance de M. [T], prononcée par l'ordonnance de référé du 6 septembre 2019, outre condamnation aux frais irrépétibles et dépens, alors « qu'il appartient au débiteur de l'astreinte de démontrer les raisons pour lesquelles il a été empêché d'exécuter ; que le comportement du débiteur doit s'apprécier à compter du prononcé du jugement fixant l'injonction et ne peut se fonder sur des éléments antérieurs ; qu'il appartenait en l'espèce à l'architecte de démontrer qu'il avait, depuis le jugement lui en faisant injonction, exécuté l'obligation faite par l'ordonnance de référé de produire une attestation démontrant qu'il était assuré au moment de l'ouverture du chantier le 7 juillet 2017 ; qu'en l'espèce, les maîtres de l'ouvrage faisaient valoir que l'attestation d'assurance qui leur avait été remise lors de la signature du contrat en 2016, et visée par celui-ci, concernait la période du 1er janvier au 31 décembre 2016, sans couvrir l'année 2017 ; que la cour d'appel a constaté que « l'attestation d'assurance Elite Insurance du 1er novembre 2016, produite pour la première fois en cause d'appel, vise la police n° 1600DERCEL06381. Elle mentionne que la période couverte par l'attestation est du 01/01/2017 au 31/12/2017 et que "les garanties, objet de l'attestation, s'appliquent aux travaux ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier déclarée entre le 01/01/2017 et le 31/12/2017". Le numéro de police précité 1600DERCEL06381 correspond à celui mentionné sur les contrats de maîtrise d'oeuvre des 2 et 8 novembre 2016. Ainsi, M. [T] justifie avoir été assuré et en justifie au titre de l'assurance obligatoire responsabilité décennale pour les travaux exécutés, à compter du 7 juillet 2017, pour le compte des intimés » ; qu'en considérant que « la signature des contrats précités vaut reconnaissance de la réception par les intimés de l'attestation d'assurance correspondant au contrat n° 1606DERCEL06381 de M. [T], couvrant les chantiers ouverts pendant l'année 2017 », quand elle constatait que l'architecte avait transmis pour la première fois en appel l'attestation d'assurance Elite Insurance du 1er novembre 2016, qui seule mentionnait couvrir l'année 2017, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution :

5. Pour supprimer l'astreinte relative à la communication de l'attestation d'assurance de M. [T], prononcée par l'ordonnance de référé du 6 septembre 2019, l'arrêt retient que la signature des contrats de maîtrise d'oeuvre vaut reconnaissance de la réception par les maîtres de l'ouvrage de l'attestation d'assurance couvrant les chantiers ouverts au cours de l'année 2017.

6. Il en déduit que les maîtres de l'ouvrage ont reçu communication, en novembre 2016, de l'attestation d'assurance du maître d'oeuvre.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que l'attestation d'assurance du 1er novembre 2016, mentionnant une période de couverture du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017, était produite pour la première fois en cause d'appel, ce dont il résultait que M. [T] n'avait pas préalablement satisfait à l'injonction qui lui avait été faite, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne M. [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [R] et M. [F] contre M. [K] ainsi que la demande formée par M. [T] et condamne ce dernier à payer à Mme [R] et M. [F] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C201008

Assurance et clause d'exclusion

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 novembre 2024




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1017 F-D

Pourvoi n° E 23-10.975





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 NOVEMBRE 2024


La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 23-10.975 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant à la société Fhalfamily, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 septembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 novembre 2022) et les productions, la société Fhalfamily, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 7 janvier 2016 auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance garantissant notamment les pertes d'exploitation.

2. À la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décrets du 14 avril 2020 et 11 mai 2020, la société Fhalfamily a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre, en raison de la clause excluant : « ... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

4. La société Fhalfamily a assigné l'assureur devant le juge des référés d'un tribunal de commerce, à fin de garantie, lequel a renvoyé l'affaire devant un tribunal statuant au fond.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer non écrite la clause d'exclusion de garantie, selon laquelle « sont exclues les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de décision de la fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique », de le condamner à payer à la société Fhalfamily la somme de 20 000 euros à titre de provision à valoir sur les pertes d'exploitation qu'elle a subies lors des fermetures de son établissement, dans la limite de trois mois et d'ordonner une expertise sur le quantum des pertes d'exploitation subies alors « que les seules clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées et qu'une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation ; que la cour d'appel constate que la clause d'exclusion stipule : « sont exclues les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique » ; que pour énoncer que la société Axa France Iard ne pouvait se prévaloir de la clause d'exclusion comme ne satisfaisant pas à l'exigence d'un caractère formel, la cour d'appel retient que « comme l'a exactement retenu le premier juge, la rédaction de la clause d'exclusion de garantie susvisée, notamment dans sa locution finale « pour une cause identique » renvoie nécessairement à la cause de la fermeture administrative garantie », que l'assureur ne peut soutenir que le terme "épidémie" ne nécessite aucune interprétation ; que « le terme « mesure de fermeture pour une cause identique » en utilisé dans le texte de la clause d'exclusion, sans plus de précision, renvoie à la clause principale, qui dit : « conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication » ; qu'en conséquence, la lecture de la seule clause d'exclusion ne permet pas à l'assuré d'en comprendre le sens et la portée, l'assurée devant étendre son analyse à la clause de garantie de perte d'exploitation suite à fermeture administrative prise dans son ensemble et notamment au mot « épidémie », « que pour comprendre le sens du mot « épidémie » et la notion de « population », tels que les entend la compagnie Axa, l'assurée qui exploite un fonds de commerce de restauration et qui adhère au contrat rédigé par la compagnie Axa, aurait dû préalablement se renseigner en consultant notamment les définitions, bulletins, rapports et communiqués susnommés », et que « les premiers juges ont à bon droit retenu que la clause d'exclusion de garantie litigieuse nécessitait une interprétation du terme « épidémie » visé dans la clause d'exclusion comme « cause identique, de sorte qu'elle n'était pas formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances » ; qu'en statuant ainsi quand la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie, et pas davantage la maladie contagieuse, le meurtre, le suicide ou une intoxication, mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

7. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

8. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

9. Pour réputer non écrite la clause d'exclusion dont l'assureur se prévaut, l'arrêt énonce que s'il est exact que les conditions particulières du contrat ne contiennent pas de termes relevant d'un vocabulaire spécialisé ou technique, le terme « épidémie » qui ne figure pas dans la clause mais auquel renvoie nécessairement la locution finale de celle-ci, « pour une cause identique », nécessite interprétation.

10. Il ajoute que les différentes acceptions possibles du terme « épidémie » ne permettent nullement à l'assureur d'énoncer valablement que l'assurée, en tant que restaurateur très informé des risques relatifs à l'hygiène alimentaire, au moment de la souscription du contrat, a contracté l'extension de garantie pour couvrir les risques d'une fermeture administrative liée à la survenue d'une épidémie au sein de son seul établissement.

11. Il relève que le fait qu'une épidémie de légionellose, de listériose ou de grippe aviaire a pu n'entraîner la fermeture que d'un seul établissement correspond à des cas d'espèce et ne saurait suffire à exclure toute interprétation autre que celle donnée par l'assureur dont le contrat ne définit pas le terme « épidémie ».

12. Il en conclut que la clause d'exclusion n'est pas formelle.

13. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du
risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais
la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement
faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence
sur la compréhension, par l'assurée, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

14. L'assureur fait le même grief à l'arrêt, alors « que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées et qu'une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire ; que pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel retient que « la clause d'exclusion susvisée n'est nullement limitée, puisqu'elle vise tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, la notion « d'autre établissement » étant particulièrement large, le département, soit un territoire géographiquement étendu au sein duquel exerce un nombre important d'établissements, même si ce nombre varie en fonction de la densité de la population de chaque département, de sorte que l'hypothèse de l'assureur selon laquelle cette clause s'appliquerait en cas d'épidémie pour un nombre limité de personnes à l'intérieur d'un seul et unique établissement au sein d'un département, rend illusoire la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, et aboutit à la vider sa substance », « que vouloir démontrer que la clause d'exclusion de garantie peut jouer dans quelques cas hypothétiques, revient à démontrer que cette clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, car si cette notion ne signifie pas la privation de l'assuré de toute garantie, elle en restreint l'application à une catégorie très limitée de préjudices, ce qui revient pratiquement à annuler la garantie souscrite » ; qu'en statuant ainsi quand la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

15. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

16. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

17. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que la notion « d'autre établissement » quelles que soient sa nature et son activité est particulièrement large.

18. Il ajoute que l'hypothèse selon laquelle cette clause s'appliquerait en cas d'épidémie pour un nombre limité de personnes, à l'intérieur d'un même établissement au sein d'un département, rend illusoire la garantie des pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

19. Il en déduit qu'au regard de l'absence de risque couvert par la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, la clause d'exclusion litigieuse vide de sa substance la garantie souscrite et n'apparaît pas limitée.

20. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liées à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Fhalfamily aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C201017

Assurance - Exclusion et principe de contradiction

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 novembre 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1018 F-D

Pourvoi n° K 23-10.612




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 NOVEMBRE 2024


La société MAAF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 23-10.612 contre l'arrêt rendu le 16 novembre 2022 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [W] [N],

2°/ à Mme [T] [O],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

3°/ à M. [B] [R], domicilié [Adresse 2], exercant sous le nom commercial [R] créations,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société MAAF assurances, de Me Bardoul, avocat de M. [N] et Mme [O], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 septembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 16 novembre 2022), M. [N] et Mme [O] ont confié à un maître d'oeuvre, M. [R] (l'assuré), la réalisation de travaux de rénovation d'une maison à usage d'habitation qu'ils venaient d'acquérir.

2. Se plaignant d'un retard de livraison et de diverses malfaçons, M. [N] et Mme [O], après une mesure d'expertise judiciaire, ont assigné l'assuré et l'assureur garantissant sa responsabilité civile professionnelle, la société MAAF assurances (l'assureur), devant un tribunal de grande instance pour obtenir, notamment, leur condamnation à réparer leur préjudice de jouissance ainsi qu'à prendre en charge le coût des travaux de reprise et les pénalités de retard.

Examen du moyen

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. L'assureur fait grief à l'arrêt de le débouter de son appel, de retenir sa garantie et de le condamner à verser, avec son assuré, à M. [N] et Mme [O] les sommes de 6 185 euros au titre du coût du surplus des travaux de reprise, 1 379 euros au titre des pénalités de retard, 1 500 euros au titre du trouble de jouissance et 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, alors « qu'une clause de limitation ou d'exclusion de garantie est opposable à l'assuré si elle a été portée à sa connaissance au moment de son adhésion à la police ou, tout au moins, antérieurement à la réalisation du sinistre ; qu'en affirmant que l'artisan n'avait pas été informé suffisamment longtemps à l'avance des clauses du contrat et des exclusions ou limitations qu'il contenait, après avoir constaté que les conditions générales du contrat lui ont été données le jour de la signature de la proposition d'assurance, soit le 2 mars 2010, ce dont il résultait qu'elles ont été portées à sa connaissance en temps utile, et, en tout état de cause, bien avant la réalisation du sinistre intervenu en 2013, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 112-2, R. 112-3 du code des assurances, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 112-2 et R. 112-3, du code des assurances, ce dernier, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2018-229 du 30 mars 2018 :

4. Il résulte de ces textes qu'une clause d'exclusion de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou, tout au moins, antérieurement à la réalisation du sinistre, pour lui être opposable.

5. Pour déclarer inopposable à l'assuré la clause excluant de la garantie les dommages matériels ou immatériels résultant de l'inexécution des obligations de faire ou de ne pas faire incombant à l'assuré et condamner l'assureur à garantir les conséquences de la mauvaise exécution du chantier, l'arrêt énonce qu'il revient à l'assureur d'établir que les conditions générales ont été remises et portées à la connaissance de l'assuré avant la souscription du contrat, avec un temps suffisant pour en prendre connaissance.

6. L'arrêt constate que, le 2 mars 2010, l'assuré a signé la proposition d'assurance multirisque professionnelle ainsi que la clause type par laquelle il reconnaît avoir reçu, le même jour, un exemplaire des conditions générales et avoir pris connaissance de ces documents.

7. L'arrêt relève ensuite que les conditions générales comprennent la convention spéciale n° 5, qui énumère vingt-huit exclusions de garantie dont celle invoquée par l'assureur.

8. L'arrêt en déduit que la remise des conditions générales, ni signées ni paraphées, à l'assuré seulement le jour de la signature de la proposition d'assurance, à la dernière minute, dans le cadre d'une documentation dense, est insuffisante à établir qu'il a été parfaitement et préalablement informé de toutes les exclusions dont se prévaut l'assureur.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'assuré avait reconnu, par une mention expresse de la proposition d'assurance revêtue de sa signature, que les conditions générales, comportant la clause d'exclusion de garantie litigieuse, lui avaient été remises avant la signature du contrat, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

10. L'assureur fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en affirmant, pour écarter l'exclusion de la garantie en cas de malfaçons affectant les ouvrages et travaux, d'une part, que la clause la mentionnant reviendrait à vider de sa substance la garantie responsabilité professionnelle et, d'autre part, que cette clause est contradictoire avec d'autres mentions du contrat, sans appeler les observations des parties sur ces moyens qu'elle soulevait d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

11. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

12. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt, après avoir énoncé que la clause d'exclusion invoquée par l'assureur n'était pas opposable à l'assuré, retient au surplus, d'une part, qu'elle n'apparaît pas limitée, puisqu'elle revient à vider de sa substance la garantie de la responsabilité civile professionnelle de l'assuré, d'autre part, que cette clause apparaît contradictoire, aussi bien avec le tableau des garanties figurant dans les conditions générales qu'avec les mentions portées sur la proposition d'assurance, qui prévoient une garantie générale de l'assuré pour toutes les conséquences de sa responsabilité civile professionnelle.

13. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ces moyens relevés d'office, tirés du caractère non limité de la clause d'exclusion litigieuse et de la contradiction qu'elle apportait aux autres stipulations du contrat d'assurance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation des chefs de dispositif condamnant l'assureur à payer à M. [N] et Mme [O] les sommes de 6 185 euros au titre du coût du surplus des travaux de reprise, 1 379 euros au titre des pénalités de retard et 1 500 euros au titre du trouble de jouissance, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant M. [R] aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il a condamné la société MAAF assurances à payer à M. [N] et Mme [O] les sommes de 6 185 euros au titre du coût du surplus des travaux de reprise, 1 379 euros au titre des pénalités de retard et 1 500 euros au titre du trouble de jouissance, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard de la société MAAF assurances, l'arrêt rendu le 16 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne M. [N], Mme [O] et M. [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C201018