samedi 27 février 2021

Le renouveau des présomptions en droit de la responsabilité civile

 Etude J. Traullé, D. 2021, p. 360

Référé et effet interruptif de prescription

 Note M. Mignot, GP 2021-8, p. 24

Note Hoffschir, GP 2021, n° 16, p. 63

Note Strickler, Procédures 2021-3, p. 8.

Note Taisne, SJ G 2021, p. 505.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 janvier 2021




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 32 FS-P+R+I

Pourvoi n° A 19-20.316






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 JANVIER 2021


La société Auto-Ritz, société anonyme, dont le siège est 5 à 9 rue Anquetil, 94130 Nogent-sur-Marne, a formé le pourvoi n° A 19-20.316 contre l'arrêt rendu le 10 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Automobiles Citroën, société anonyme, dont le siège est 7 rue Henri Sainte-Claire Deville, 92500 Rueil-Malmaison,

2°/ à la société PSA Retail France, société par actions simplifiée, dont le siège est immeuble tertiaire I, 2-10 boulevard de l'Europe, 78300 Poissy, venant aux droits de la société Commerciale Citroën,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Auto-Ritz, de la SCP Ortscheidt, avocat de la société Automobiles Citroën, de la société PSA Retail France, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 novembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Durin-Karsenty, Maunand, M. Fulchiron, conseillers, M. de Leiris, Mmes Lemoine, Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mme Dumas, conseillers référendaires, M. Girard, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 avril 2019), se plaignant de faits de concurrence déloyale, la société Auto-Ritz a saisi le président d'un tribunal de commerce, par requête du 22 octobre 2010, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, pour voir désigner un huissier de justice à fin d'effectuer des investigations dans les locaux de la société Automobiles Citroën et de la société Commerciale Citroën. La requête a été accueillie par ordonnance du même jour.

2. Le 8 février 2011, la société Auto-Ritz a assigné en référé, sur le fondement du même texte, la société Automobiles Citroën et la société Commerciale Citroën devant le même président de tribunal de commerce pour voir ordonner la mainlevée du séquestre des documents recueillis et conservés par l'huissier de justice conformément à l'ordonnance du 22 octobre 2010.

3. La mainlevée a été ordonnée par un arrêt de la cour d'appel du 16 novembre 2011.

4. Le 25 juin 2014, la société Auto-Ritz a assigné la société Automobiles Citroën et la société Commerciale Citroën devant le tribunal de commerce aux fins de les voir condamner solidairement à l'indemniser. La société Automobiles Citroën et la société Commerciale Citroën, aux droits de laquelle vient la société PSA Retail France, ont opposé la prescription de l'action depuis le 18 juin 2013, en tant que fondée sur la rupture des relations commerciales, et depuis le 7 septembre 2013, en tant que fondée sur les faits de concurrence déloyale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et cinquième branches, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

6. La société Auto-Ritz fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement entrepris, de déclarer prescrite son action et de la débouter de toutes ses demandes, alors :

« 3°/ que, conformément à l'article 2241 du code civil, toute demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ; qu'en l'espèce, en jugeant prescrite l'action de la société Auto-Ritz au motif que sa demande en justice du 22 octobre 2010 avait pris la forme d'une requête plutôt que d'une assignation, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil pour avoir ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas ;

4°/ que, en tout état de cause, en se bornant à retenir, pour juger prescrite l'action de la société Auto-Ritz, que la mesure d'instruction in futurum avait été demandée par voie de requête, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si cette requête n'avait pas été ultérieurement signifiée à la société Automobiles Citroën, de sorte que le délai de prescription avait été une nouvelle fois interrompu, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 2241 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 2241 du code civil, alinéa 1, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

8. Une requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, qui introduit une procédure non contradictoire, ne constitue pas une demande en justice au sens de l'article 2241 du code civil.

9. Ayant constaté que la société Auto-Ritz avait saisi le président du tribunal de commerce par requête en vue d'obtenir une mesure in futurum, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche, inopérante, invoquée par la quatrième branche, en a exactement déduit que la requête n'avait pu interrompre le délai de prescription de l'action au fond.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

11. La société Auto-Ritz fait le même grief à l'arrêt, alors « que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité exercée par le concessionnaire contre le fabricant, après avoir retenu que la prescription quinquennale avait commencé à courir le 18 juin 2008, l'arrêt énonce que l'assignation en responsabilité, signifiée le 25 juin 2014 et fondée sur les articles 1134, alinéa 3, du code civil, L. 420-1 et L. 442-6 du code de commerce n'a pas le même « objet » que l'action en mainlevée des séquestres initiée le 22 octobre 2010 pour établir la preuve des manquements du fabriquant ; qu'en statuant ainsi, alors que la première action engagée par le concessionnaire contre le fabricant, bien que fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, tendait, comme celle formée le 25 juin 2014, à obtenir l'indemnisation de son préjudice, de sorte qu'elle avait eu pour effet d'interrompre le délai de prescription, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2241 du code civil :

12. Si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions tendent à un même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.

13. Pour déclarer prescrite l'action de la société Auto-Ritz, l'arrêt retient qu'elle ne peut soutenir que sa saisine du juge des référés, qui avait pour finalité exclusive la levée du séquestre, a interrompu la prescription, qu'en effet, si l'article 2241 du code civil prévoit que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion, cette demande interrompt exclusivement la prescription du droit qui en est l'objet et, relative dans la présente espèce à la seule procédure sur requête et à la mainlevée des séquestres, elle ne vaut pas demande relative à l'exécution déloyale du contrat.

14. En statuant ainsi, alors que la demande en référé, à fin de mainlevée du séquestre de documents recueillis par un huissier de justice en vertu d'une ordonnance sur requête rendue sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, qui tend, comme la demande au fond, à obtenir l'indemnisation du préjudice, interrompt le délai de prescription de l'action au fond, celle-ci étant virtuellement comprise dans l'action visant à l'obtention de la mesure in futurum, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Automobiles Citroën et la société PSA Retail France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Automobiles Citroën et la société PSA Retail France et les condamne à payer à la société Auto-Ritz la somme globale de 3 000 euros ;

lundi 22 février 2021

Assurance et Covid-19 : où en est-on ?

 Etude Bigot, RGDA 2021-2, p. 6.

Manquement contractuel préjudiciable au tiers (bis repetita placent...)

 Etude R. Boffa, (D. 2021, p. 320) à propos d'un nouvel arrêt de la Cour de cassation (n° 18-23.479) réaffirmant le droit des tiers à indemnisation pour manquement contractuel à eux préjudiciable 

Interdépendance contractuelle et indivisibilité

 Etude R Boffa, D. 2021, p. 318, sur cass. n° 18-22.905 et 17-12.611.


Assurance, exclusion et déséquilibre significatif

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 novembre 2020




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1275 F-P+B+I

Pourvoi n° H 19-16.435




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020

La société Cybele Rent, société à responsabilité limitée, dont le siège est Anse des Cayes, Bungalow 3, 97133 Saint-Barthélemy, a formé le pourvoi n° H 19-16.435 contre l'arrêt rendu le 25 février 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Pantaenius, société de droit allemand, dont le siège est 34 quai Charles Rey, 98000 Monaco (Monaco),

2°/ à la société Ace European Group Ltd, société de droit anglais prise en sa succursale française, dont le siège est 8 avenue de l'Arche, 92419 Courbevoie,

3°/ à la société Ace European Group Ltd, société de droit allemand, dont le siège est Lurgiallee 10, 60439 Francfort (Allemagne),

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Cybele Rent, de la SCP Richard, avocat de la société Pantaenius et des sociétés Ace European Group Ltd, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 25 février 2019), la société Cybele Rent, qui a pour objet social la vente, la location de tout matériel roulant homologué à usage routier, éco durable et naviguant, la création et la promotion d'événements commerciaux et culturels et toutes les activités de conseil en découlant, est propriétaire d'un voilier qui s'est échoué, le 14 octobre 2012, lors du passage de la tempête Rafael.

2. La société Cybele Rent a assigné la société Pantaenius en exécution du contrat « multirisques plaisance » qu'elle avait souscrit, le 6 décembre 2011.

3. La société Pantaenius, affirmant qu'elle avait agi en qualité de courtier pour le compte de la société d'assurance de droit anglais, Ace European Group Ltd, cette dernière est intervenue à l'instance ainsi que la société de droit allemand, également dénommée Ace European Group Ltd.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. La société Cybele Rent fait grief à l'arrêt de dire que son préjudice total était évalué à la somme de 60 013,31 euros, franchise déduite et de rejeter sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice commercial à hauteur de 327 500 euros alors « qu'en toute hypothèse, les clauses d'exclusion doivent être formelles et limitées, et doivent se référer à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées qui excluent toute interprétation, de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie ; qu'en jugeant que la clause selon laquelle « sont exclus de l'assurance les pertes et dommages indirects (par exemple diminution de l'aptitude à la course, moins value, dépréciation) » était formelle et limitée, bien qu'elle ait donné à la notion de dommage indirect ainsi visée un sens qui n'est pas celui admis par la jurisprudence, la cour d'appel, qui a ainsi interprété cette notion visée par la clause, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

5. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie ne peuvent être tenues pour formelles et limitées dès lors qu'elle doivent être interprétées.

6. Pour rejeter la demande de la société Cybele Rent en indemnisation de son préjudice commercial, l'arrêt énonce que l'article 6a des conditions conventionnelles applicables du contrat d'assurance prévoit expressément que « sont exclus de l'assurance les pertes et dommages indirects (par exemple diminution de l'aptitude à la course, moins-value, dépréciation) » et que cette clause suffisamment explicite s'entend comme excluant tout préjudice qui ne découle pas directement du fait générateur, telle précisément la perte de revenus tirée de l'arrêt de l'exploitation.

7. La décision ajoute qu'il n'y a pas lieu de considérer cette clause comme vidant la garantie de sa substance et que c'est à raison que la réparation du préjudice commercial réclamée a été écartée par le premier juge.

8. En statuant ainsi, alors que cette clause d'exclusion de garantie, en ce qu'elle ne se réfère pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées, n'est pas formelle et limitée et ne peut recevoir application en raison de son imprécision, rendant nécessaire son interprétation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation partielle de l'arrêt, qui ne porte que sur le chef de décision rejetant la demande d'indemnisation du préjudice commercial allégué, entraîne par voie de conséquence celle du chef de décision fixant la somme allouée à la société Cybele Rent au titre de son entier préjudice.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le préjudice total de la société Cybele Rent est évalué à la somme de 60 013,31 euros, franchise déduite et rejette toute autre demande plus ample ou contraire, l'arrêt rendu le 25 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;

Condamne la société Pantaenius, société de droit allemand, la société ACE European Group Ltd, société de droit anglais, et la société ACE European Group Ltd, société de droit allemand, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Pantaenius, la société de droit anglais ACE European Group Ltd et la société de droit allemand ACE European Group Ltd et les condamne à payer à la société Cybele Rent la somme globale de 3 000 euros ;

Principe de proportionnalité

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 septembre 2020




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 657 FS-P+B+I

Pourvoi n° V 19-17.068

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme Q... B....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 9 août 2019.

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme T... W....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 9 août 2019.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020

La société Tridoubec, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 19-17.068 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 3), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme Q... B...,

2°/ à Mme T... W...,

domiciliées [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de la SCI Tridoubec, de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de Mmes B... et W..., et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mmes Andrich, Provost-Lopin, M. Jessel, conseillers, Mme Corbel, M. Béghin, Mme Schmitt, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mars 2019), par acte du 1er juillet 1955, la société « Les jeunes économes » a donné à bail à L... et K... B... un appartement à usage d'habitation. Après leurs décès survenus respectivement en 1963 et en 2015, la société civile immobilière Tridoubec (la SCI), devenue propriétaire des lieux, a assigné Mme B..., leur fille, et Mme W..., fille d'K... B..., occupantes du logement, afin de les voir déclarer occupantes sans droit ni titre.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir dire que l'application de la loi du 1er septembre 1948 constitue une violation de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que les consorts B... W... ne peuvent en bénéficier alors « que le juge ne peut déduire la compatibilité d'une législation nationale avec l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de la seule existence d'un but légitime poursuivi par cette législation ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'application des dispositions de la loi du 1er septembre 1948 à l'occupation de l'appartement de la SCI Tridoubec par Mmes B... et W... ne caractérisait pas une atteinte aux exigences de cet article, que ces dispositions avaient pour objet d'encadrer les loyers susceptibles d'être pratiqués dans des zones urbaines marquées par le manque de logements disponibles, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cet objet était toujours justifié en 2018 et si l'ingérence dans le droit de la SCI Triboudec au respect de ses biens, caractérisée notamment par l'impossibilité de récupérer l'appartement ni de percevoir un loyer tenant compte de l'augmentation du prix de l'immobilier à Paris, n'était pas disproportionnée au regard du but poursuivi par la législation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé. »

Réponse de la Cour

3. La cour d'appel a retenu que les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 ont en particulier pour objet d'encadrer les loyers susceptibles d'être pratiqués dans des zones urbaines marquées par le manque de logements disponibles et qu'en considération de cet objet elles ne méconnaissent pas les exigences des dispositions du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et leur application ne caractérise pas en elle-même une atteinte à ces dispositions.

4. Elle n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante dès lors que la SCI avait acquis l'appartement en cours de bail, en toute connaissance des restrictions imposées par la loi du 1er septembre 1948 quant au montant du loyer et à la faculté de reprise des lieux par le bailleur.

5. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'expulsion, alors « que les droits du défunt ne sont transmis qu'aux héritiers qui ont accepté la succession ; que l'acceptation de la succession ne se présumant pas, l'absence d'élément permettant d'affirmer qu'un héritier aurait renoncé à la succession n'établit pas que cet héritier a accepté celle-ci ; qu'en se bornant, pour considérer que Mme Q... B... était devenue, en qualité d'héritière de son père, titulaire du droit au bail, à relever que la renonciation à la succession ne se présumait pas et qu'aucun élément ne permettait d'affirmer que Mme B... avait renoncé à sa qualité d'héritière, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 730, alinéa 1er, du code civil, la qualité d'héritier s'établit par tous moyens. Aux termes de l'article 804, alinéa 1er, du même code, la renonciation à une succession ne se présume pas.

8. Ayant relevé que Mme B... produisait une copie du livret de famille sur lequel elle figurait comme enfant unique d'K... et L... B... et retenu à bon droit que la renonciation à une succession ne se présume pas, la cour d'appel en a souverainement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que sa qualité d'héritière de son père était établie et qu'elle était devenue à ce titre titulaire du droit au bail.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCI Tridoubec aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCI Tridoubec et la condamne à payer à la SCP Gouz-Fitoussi la somme de 3 000 euros ;

Bonne foi et obligation de la victime de minimiser son dommage ?

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 octobre 2020




Cassation partielle


Mme VAISSETTE, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président



Arrêt n° 561 F-D

Pourvoi n° E 19-10.338




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020

La société O... et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° E 19-10.338 contre l'arrêt rendu le 11 octobre 2018 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [...], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Acteïs, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société O... et associés, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [...], de la SCP Ortscheidt, avocat des sociétés Acteïs et Allianz IARD, après débats en l'audience publique du 15 juillet 2020 où étaient présentes Mme Vaissette, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 11 octobre 2018), par un contrat du 20 mai 2009, la société Acteïs, assurée par la société Allianz IARD (la société Allianz), a fourni à la société d'avocats O... et associés (la société O...) un équipement informatique comprenant un serveur, cinq ordinateurs, une installation en réseau, une licence Dragon et un logiciel, dénommé Héliaste, édité par la société [...] (la société [...]), pour le prix de 13 371 euros. Le matériel a été livré et installé en septembre 2009.

2. Alléguant des désordres affectant le fonctionnement de la messagerie, la société O... a obtenu, en référé, la désignation d'un expert.

3. Après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire, la société O... a assigné les sociétés Acteïs, Allianz et [...] en réparation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société O... fait grief à l'arrêt de limiter à 14 260,92 euros le montant de l'indemnisation à laquelle ont été condamnées solidairement, à son profit, les sociétés Acteïs, Allianz et [...], et de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; que la cour d'appel a relevé qu' "il ne peut être sérieusement contesté que les dysfonctionnements du logiciel ont eu pour conséquence de contraindre les avocats du cabinet à accomplir des tâches matérielles qu'ils n'auraient pas eu à faire si le logiciel avait fonctionné de manière satisfaisante" et qu'il existe "un « temps perdu », qui représente un coût pour le cabinet" ; que pour débouter néanmoins la société O... de ses demandes tendant à l'indemnisation du temps perdu par les avocats en raison des dysfonctionnements du logiciel, la cour d'appel a estimé que "le mode d'évaluation du préjudice tel que retenu par l'expert est [
] critiquable" ; qu'en refusant ainsi d'évaluer le montant d'un dommage dont elle avait constaté l'existence en son principe, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

5. Le juge ne peut refuser d'indemniser un préjudice dont il constate l'existence en son principe en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.

6. Pour rejeter l'indemnisation demandée par la société O... au titre d'une perte de facturation horaire des avocats, l'arrêt retient que, s'il ne peut être sérieusement contesté que les dysfonctionnements du logiciel ont eu pour conséquence de contraindre les avocats de la société O... à accomplir des tâches matérielles qu'ils n'auraient pas eu à faire si le logiciel avait fonctionné de manière satisfaisante, le mode d'évaluation du préjudice tel que retenu par l'expert est cependant critiquable, qu'il existe certes un « temps perdu » qui représente un coût pour le cabinet, mais que cette perte n'est pas équivalente au coût de facturation horaire des honoraires des avocats.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait le principe d'un préjudice résultant d'une perte de temps liée aux dysfonctionnements imputables aux fautes retenues contre les sociétés Acteïs et [...], la cour d'appel, qui a refusé d'évaluer ce préjudice, a violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. La société O... fait grief à l'arrêt de dire que, vu la solution technique préconisée par l'expert dès le 17 février 2011, elle ne peut solliciter l'indemnisation d'un préjudice au-delà de cette date, eu égard à sa propre volonté de ne pas y remédier, et, en conséquence, de limiter à 14 260,92 euros le montant de l'indemnisation à laquelle ont été condamnées solidairement, à son profit, les sociétés Acteïs, Allianz et [...] et de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; que, pour débouter la société O... d'une partie de ses demandes, la cour d'appel a retenu que celle-ci aurait dû faire appel à un prestataire extérieur pour mettre en oeuvre les préconisations de l'expert judiciaire, en faisant l'avance du coût de cette prestation qui serait susceptible d'être remboursé dans le cadre d'une action en responsabilité ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et le principe de la réparation intégrale :

9. L'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable.

10. Pour arrêter l'indemnisation du préjudice de la société O... au 17 février 2011 et, en conséquence, limiter le montant des dommages-intérêts alloués à cette société à 14 260,92 euros, l'arrêt retient que, s'il peut être admis que la société O... n'ait pas souhaité que les préconisations suggérées par l'expert judiciaire pour remédier aux désordres soient mises en oeuvre par ses cocontractantes, compte tenu d'une rupture du lien de confiance, aucun élément sérieux ne justifie cependant le fait que cette société n'ait pas accepté de faire appel à un prestataire extérieur pour mettre fin aux dysfonctionnements, ou au moins tenter d'y mettre fin, selon les modalités proposées par l'expert, le coût des prestations, d'un montant modeste, étant susceptible d'être remboursé par la suite dans le cadre d'une action en responsabilité. L'arrêt en déduit qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte le préjudice subi postérieurement au mois de février 2011.

11. En se déterminant ainsi, sans caractériser la faute de la société O... ayant causé l'aggravation de son préjudice, qui ne pouvait résulter de l'absence de mise en oeuvre, à ses frais avancés, de la solution technique préconisée par l'expert judiciaire pour mettre un terme aux dysfonctionnements de l'installation informatique qui résultaient des fautes commises par les sociétés Acteïs et [...], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

12. La société O... fait grief à l'arrêt de limiter à 14 260,92 euros le montant de la condamnation solidaire prononcée, à son profit, contre les sociétés Acteïs, Allianz et [...] en réparation de son préjudice, et de rejeter le surplus de ses demandes, dont sa demande d'indemnisation au titre du remplacement du logiciel, alors « que pour demander l'indemnisation du préjudice lié au coût du remplacement des logiciels, la société O... se fondait non seulement sur la faute constituée par le refus de vente d'un nouveau logiciel mais aussi sur le fait « que les très nombreux dysfonctionnements rencontrés avec le logiciel Héliaste ont contraint la SELARL O... et associés à changer de logiciel de gestion » ; qu'en rejetant les demandes de la société O... relatives au coût de remplacement des logiciels en considération du rejet de toute faute au titre du refus de vente, sans rechercher, comme il lui était demandé, si ce préjudice n'était pas imputable aux fautes retenues à l'encontre des sociétés Acteïs et [...], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

13. Aux termes du texte précité, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

14. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par la société O... au titre du remplacement du logiciel, l'arrêt, après avoir retenu la responsabilité des sociétés Actéis et [...] dans les dysfonctionnements de l'installation informatique, relève, d'abord, que la société O... reproche à la société [...] d'avoir refusé, malgré une demande du 22 septembre 2011, de lui fournir une licence supplémentaire destinée à une nouvelle secrétaire, ce qui avait créé une situation de blocage l'ayant contrainte à changer de logiciel et de matériel informatique. L'arrêt retient, ensuite, que compte tenu du contexte des opérations d'expertise en cours, qui justifiait de faire preuve de prudence, il ne peut être reproché à la société [...] de ne pas avoir satisfait immédiatement à la demande de la société O... qui, au surplus, ne justifie pas avoir réitéré sa demande ou mis en demeure sa cocontractante afin d'obtenir gain de cause. L'arrêt en déduit que la société [...] n'a pas engagé sa responsabilité au titre du refus de vente invoqué.

15. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si le préjudice consistant en la nécessité de remplacer le logiciel n'était pas lié aux dysfonctionnements de l'installation informatique imputables aux fautes retenues contre les sociétés Actéis et [...], la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement entrepris, il dit que les sociétés Acteïs et [...] ont commis chacune une faute dans la réalisation de leurs prestations engageant leur responsabilité à l'égard de la société O..., l'arrêt rendu le 11 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne les sociétés Acteïs, Allianz IARD et [...] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Acteïs, Allianz IARD et [...], et les condamne à payer à la société O... et associés la somme globale de 3 000 euros ;

lundi 15 février 2021

Le dispositif des conclusions : entre simplicité et écueils

 Etude Gerbay, GP 2021-6, p.13.

L'avenir de la réparation du préjudice

 Etude Fériel, RCA 2021-2, p. 5.

Les quasi-contrats administratifs

 Etude, AJDA 2021, p. 313 :

  • droit public et droit privé,
  • gestion d'affaires,
  • répétition de l'indû,
  • enrichissement sans cause.


Lorsqu'une demande est dirigée contre un assureur au titre de la garantie décennale souscrite par un constructeur, la prescription n'est interrompue qu'à la condition que cette demande précise en quelle qualité il est mis en cause, (CE)

 Note Maupin, AJDA 2021, p. 304

Note S. Deygas, Procédures, 2021-4, p. 30.

Note H. Hoepffner, RDI 2021, p. 232.

Note A. Tréca et A. Monin, GP 2021, n° 19, p. 64.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La communauté de communes du Haut-Jura a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon de prescrire une expertise aux fins de se prononcer sur l'origine et l'étendue des désordres affectant la toiture terrasse en forme de dôme de la médiathèque communautaire de Saint-Claude, de déterminer les travaux pour y remédier et de fournir les éléments permettant d'établir les responsabilités encourues. Par une ordonnance n° 1802244 du 11 juin 2019, le juge des référés a fait droit à sa demande.

La société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) a demandé au juge du référé d'étendre les opérations d'expertise prescrites par son ordonnance du 11 juin 2019 à d'autres personnes que les parties initialement désignées et de compléter les missions de l'expert. Par une ordonnance n° 1901307 du 24 octobre 2019, rectifiée par une ordonnance du 3 décembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a fait partiellement droit à sa demande.

Par une ordonnance n° 19NC03247 du 26 mai 2020, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête d'appel de la SMABTP.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 16 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SMABTP demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de prononcer l'extension des opérations d'expertise à la mutuelle des architectes français (MAF) et à la société Axa Iard ;

3°) de mettre à la charge solidaire des défendeurs la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des assurances ;
- le code civil ;
- la loi n°2008-661 du 17 juin 2008 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme G... F..., rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la SMABTP, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de la société AXA France Iard et de la société Broissiat Dequerer, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la compagnie L'Auxiliaire et de la société CVF Structures et à la SCP Boulloche, avocat de la MAF.



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la communauté de communes du Haut-Jura Saint-Claude a fait procéder à compter de l'année 2014 à des travaux en vue de l'aménagement d'une médiathèque. Des désordres étant apparus, elle a saisi, le 18 décembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon d'une demande d'expertise aux fins de se prononcer sur l'origine et l'étendue des désordres affectant la toiture terrasse en forme de dôme de la médiathèque, de déterminer les travaux à effectuer pour y remédier et de fournir les éléments permettant d'établir les responsabilités encourues. Par une ordonnance du 11 juin 2019, le juge des référés a fait droit à sa demande. La SMABTP, appelée en la cause en qualité d'assureur dommages-ouvrage du maître d'ouvrage, a demandé au juge du référé d'étendre les opérations d'expertise à d'autres personnes que les parties initialement désignées et de compléter les missions de l'expert. Par une ordonnance du 24 octobre 2019, rectifiée par une ordonnance du 3 décembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a fait partiellement droit à sa demande mais a rejeté le surplus de ses conclusions, tendant à la mise en cause, d'une part, de la société Axa France Iard, en qualité d'assureur des sociétés ECB, société anonyme de transactions et courtage et Socotec construction et, d'autre part, de la MAF en qualité d'assureur de la société Etamine. La SMABTP se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 26 mai 2020 par laquelle la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel.

Sur le cadre juridique :

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". Aux termes de l'article R. 532-3 du même code : " Le juge des référés peut, à la demande de l'une des parties formée dans le délai de deux mois qui suit la première réunion d'expertise, ou à la demande de l'expert formée à tout moment, étendre l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance, ou mettre hors de cause une ou plusieurs des parties ainsi désignées. / Il peut, dans les mêmes conditions, étendre la mission de l'expertise à l'examen de questions techniques qui se révélerait indispensable à la bonne exécution de cette mission, ou, à l'inverse, réduire l'étendue de la mission si certaines des recherches envisagées apparaissent inutiles ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il est saisi d'une demande d'une partie ou de l'expert tendant à l'extension de la mission de l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance ou à l'examen de questions techniques qui se révélerait indispensable à la bonne exécution de cette mission, le juge des référés ne peut ordonner cette extension qu'à la condition qu'elle présente un caractère utile. Cette utilité doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2241 du code civil : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (...) ". Alors même que l'article 2244 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 réservait un effet interruptif aux actes "signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire", termes qui n'ont pas été repris par le législateur aux nouveaux articles 2239 et 2241 de ce code, il ne résulte ni des dispositions de la loi du 17 juin 2008 ni de ses travaux préparatoires que la réforme des règles de prescription résultant de cette loi aurait eu pour effet d'étendre le bénéfice de la suspension ou de l'interruption du délai de prescription à d'autres personnes que le demandeur à l'action. Il en résulte qu'une citation en justice, au fond ou en référé, n'interrompt la prescription qu'à la double condition d'émaner de celui qui a la qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait.

4. S'agissant en particulier de la responsabilité décennale des constructeurs, il en résulte que, lorsqu'une demande est dirigée contre un constructeur, la prescription n'est pas interrompue à l'égard de son assureur s'il n'a pas été également cité en justice. Lorsqu'une demande est dirigée contre un assureur au titre de la garantie décennale souscrite par un constructeur, la prescription n'est interrompue qu'à la condition que cette demande précise en quelle qualité il est mis en cause, en mentionnant l'identité du constructeur qu'il assure. A cet égard n'a pas d'effet interruptif de la prescription au profit d'une partie la circonstance que les opérations d'expertise ont déjà été étendues à cet assureur par le juge, d'office ou à la demande d'une autre partie. De son côté, l'assureur du maître de l'ouvrage, susceptible d'être subrogé dans ses droits, bénéficie de l'effet interruptif d'une citation en justice à laquelle le maître d'ouvrage a procédé dans le délai de garantie décennale.

Sur le pourvoi :

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy que la SMABTP lui demandait d'étendre et de rendre communes et opposables les opérations d'expertise prescrites par l'ordonnance du juge des référés du 11 juin 2019 à la MAF, en sa qualité d'assureur de la société Etamine, et à la société AXA France Iard, en sa qualité d'assureur des sociétés ECB, société analyse de transactions et de courtage et Socotec construction. La SMABTP soutenait devant la cour que sa demande tendant à la mise en cause aux opérations d'expertise de ces deux assureurs en ces qualités était utile dans la perspective d'un litige éventuel, dès lors que seule cette demande permettait d'interrompre à son bénéfice le délai de son action contre ces assureurs, son assuré, la communauté de communes du Haut-Jura Saint-Claude, n'ayant pas demandé leur mise en cause, en ces qualités, à l'expertise.

6. La présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté les conclusions de la SMABTP au motif que, par application des dispositions de l'article 2241 du code civil, la demande en référé présentée par la communauté de communes du Haut-Jura Saint-Claude, maître d'ouvrage public, avait aussi pour effet d'interrompre la prescription au bénéfice de son assureur, la SMABTP, à l'encontre de tous les assureurs des constructeurs. En statuant ainsi, alors que ces assureurs n'avaient pas été mis en cause au titre des constructeurs concernés, la présidente de la cour a commis une erreur de droit. Il suit de là que la SMABTP est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.

Sur la mise en cause de la société Axa France Iard :

8. Il résulte de l'instruction que, dans son ordonnance du 11 juin 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a étendu les opérations d'expertise, à la demande de l'expert qu'il avait désigné, à la société Axa France Iard. Toutefois, les conclusions de la SMABTP, assureur de la communauté de communes, tendant à ce que les opérations d'expertise soient déclarées communes et opposables à la société Axa France Iard en qualité d'assureur de la société ECB, de la société anonyme de transactions et courtage et de la société Socotec construction conservent une utilité, dans la perspective d'un litige éventuel, dès lors que la commune n'avait pas demandé la mise en cause de la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de ces trois constructeurs, si bien que, ainsi qu'il a été dit au point 4, la prescription n'était pas interrompue au bénéfice de la SMABTP, la circonstance que la société Axa France Iard avait été spontanément mise en cause à l'expertise par le tribunal étant sans incidence.



Sur la mise en cause de la MAF :

9. Aux termes de l'annexe I de l'article A 243-1 du code des assurances : " Le contrat couvre, pour la durée de la responsabilité pesant sur l'assuré en vertu des articles 1792 et 2270 du code civil, les travaux ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier pendant la période de validité fixée aux conditions particulières ". Il résulte de ces dispositions que l'assurance couvre les travaux confiés à l'assuré qui ont effectivement commencé pendant sa période de validité.

10. Il résulte de l'instruction que la société Etamine a résilié le contrat d'assurance qu'elle avait conclu avec la MAF à compter du 31 décembre 2013 et que les travaux litigieux n'ont effectivement commencé qu'en 2014. Par suite, alors même que l'acte d'engagement de la société Etamine date de 2011, la responsabilité de la MAF n'est pas susceptible d'être engagée pour des désordres consécutifs aux travaux auxquels cette société a participé. L'extension de la mission de l'expertise à la MAF, en sa qualité d'assureur de la société Etamine, n'est donc pas utile dans la perspective d'un litige auquel elle est susceptible de se rattacher.

11. Il résulte de ce qui précède que la société SMABTP n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon n'a pas fait droit à sa demande d'extension de l'expertise en ce qui concerne la MAF. Elle est en revanche fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés a refusé d'étendre, à sa demande, à la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur de la société ECB, de la société anonyme de transactions et courtage et de la société Socotec construction, les opérations d'expertise prescrites par l'ordonnance du 11 juin 2019.

Sur les frais du litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SMABTP, qui n'est pas la partie perdante dans le litige l'opposant à la société Axa France Iard, lui verse la somme qu'elle demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'une part, de mettre à la charge de la société Axa France Iard la somme de 1 500 euros à verser à la SMABTP au même titre et, d'autre part, de mettre à la charge de la SMABTP la somme de 1 500 euros à verser à la MAF. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes du Haut-Jura Saint-Claude la somme que demande la SMABTP.



D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 26 mai 2020 de la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy est annulée.
Article 2 : L'ordonnance du 24 octobre 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon est annulée en tant qu'elle rejette les conclusions de la SMABTP tendant à la mise en cause à l'expertise de la société Axa France Iard.
Article 3 : Les opérations d'expertise sont étendues, à la demande de la SMABTP, à la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société ECB, de la société anonyme de transactions et courtage et de la société Socotec construction.
Article 4 : La société Axa France Iard versera la somme de 1 500 euros à la SMABTP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La SMABTP versera la somme de 1 500 euros à la MAF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la SMABTP et les conclusions des autres parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), à la Mutuelle des architectes français (MAF), à la société Axa France Iard, à la compagnie L'Auxiliaire et à la société CVF Structures.
Copie en sera adressée à la communauté de communes du Haut-Jura Saint-Claude, à la société Eda éclairement désenfumage aération, à la société Souchier Boullet, à Me A... I..., mandataire liquidateur de la société ECB, à la société anonyme de transactions et courtage, au cabinet Architecture Patrick Mauger, à M. B... J..., à la société Etamine, à la société Broissiat Dequerer, à la société Synacoustique, à la société Socotec construction, à Me D... E..., mandataire liquidateur de la société Puget, à la société Pateu et Robert, à la société Bejean, à la société SMA et à M. H... C..., expert.

ECLI:FR:CECHR:2021:441593.20210204

Marché privé de travaux et gestion des déchets (clause)

Etude Zalewski-Sicard, Constr.-urb.; 2021-2, P. 31.

Le BIM : un processus collaboratif appelant une gouvernance contractuelle

 Etude Winfield et Richard, Constr.-urb. 2021-2, p. 8.

vendredi 12 février 2021

Une apparence de motivation pouvant faire peser un doute sur l'impartialité de la juridiction

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 janvier 2021




Cassation


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 114 F-D

Pourvoi n° H 19-19.172


Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. et Mme D....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
en date du 18 mars 2020



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021

M. H... P..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° H 19-19.172 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-7), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. B... D..., domicilié [...] , adresse complémentaire, [...] ,

2°/ à Mme O... Q... , épouse D..., domiciliée [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. P..., de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. et Mme D..., après débats en l'audience publique du 8 décembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 janvier 2019), M. P..., propriétaire d'un logement qu'il a donné à bail à M. et Mme D..., les a assignés, après la résiliation du bail, en paiement d'une certaine somme au titre d'un arriéré de loyers et de charges, et d'une majoration contractuellement prévue de 10 %.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. M. P... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « qu'en statuant comme elle l'a fait sans aucune motivation propre mais en se bornant à reproduire, sur tous les points en litige, à l'exception de quelques adaptations de style, les conclusions d'appel des époux D..., la cour d'appel se serait ainsi déterminée par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute sur l'impartialité de la juridiction et aurait violé l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 455 du code de procédure civile :

3. Selon le premier de ces textes, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial.

4. Selon le second, tout jugement doit être motivé.

5. Pour rejeter les demandes de M. P..., l'arrêt se borne à reproduire, sans aucune autre motivation, à l'exception de quelques adaptations de style, les conclusions d'appel de M. et Mme D....

6. En statuant ainsi, par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute sur l'impartialité de la juridiction, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. M. P... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. et Mme D... une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors « que la cassation à intervenir sur le fondement du deuxième moyen de cassation du chef de l'arrêt ayant rejeté les demandes de M. P... entraînera par voie de conséquence celle du chef de l'arrêt le condamnant au paiement d'une indemnité pour procédure abusive, en l'état du lien de dépendance nécessaire existant entre eux, en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

6. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il condamne M. P... au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. et Mme D... aux dépens ;