vendredi 12 février 2021

L'assurance dommages-ouvrage ne couvre que les seuls désordres de nature décennale

 Note JP Karila, RGDA 2021-3, p.  36.

Note Charbonneau, RDI 2021, p. 235.


Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 janvier 2021




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 134 F-D

Pourvoi n° P 19-17.499




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021

La société [...], société civile immobilière, dont le siège est [...] , prise en la personne de sa gérante la société Art promotion, a formé le pourvoi n° P 19-17.499 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MGB, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [...] ,

4°/ à la société Bureau Veritas construction, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.
La société MGB a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société [...], de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Bureau Veritas construction, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société MGB, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 mars 2019), la société civile immobilière [...] (la SCI), qui a entrepris la construction d'un immeuble d'habitation comportant plusieurs logements destinés à la vente, a confié les travaux de fondations et de terrassement à la société MGB, assurée auprès de la société Axa France IARD, et une mission de contrôle technique à la société Bureau Veritas construction. Une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la SMABTP.

2. Ayant constaté, en cours de chantier, un phénomène de fissurations de certains éléments de gros oeuvre, des plafonds et des carrelages, la SCI a mis en demeure les entreprises concernées de reprendre les désordres, puis a résilié les marchés des entreprises en cause, parmi lesquelles la société MGB, avant de déclarer le sinistre à la SMABTP, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage.

3. Celle-ci a notifié au maître de l'ouvrage un refus de garantie.

4. Invoquant notamment le préjudice résultant du retard de livraison des appartements aux acquéreurs, la SCI a assigné en responsabilité et réparation la SMABTP, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, les intervenants à l'acte de construire, ainsi que leurs assureurs. La SMABTP a exercé ses recours contre les sociétés MGB et Bureau Veritas construction.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et cinquième branches, et sur le deuxième moyen du pourvoi principal, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre de la SMABTP fondées sur la responsabilité contractuelle, alors :

« 1°/ qu'engage sa responsabilité contractuelle de droit commun l'assureur dommages ouvrage qui, du fait de sa déloyauté dans le cadre de l'exécution de la convention d'assurance dommages ouvrage, est directement à l'origine des préjudices immatériels invoqués par le maître de l'ouvrage ; qu'en énonçant, pour débouter la SCI [...] de sa demande en réparation, que l'indemnisation des préjudices immatériels ne relève pas de l'assurance dommages-ouvrage, quand la société SMABTP était tenue de réparer, au titre de la responsabilité contractuelle de droit commun, l'ensemble des préjudices en relation causale directe avec son comportement déloyal ou fautif, y compris les préjudices immatériels, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016,

2°/ qu'engage sa responsabilité contractuelle de droit commun, l'assureur dommages ouvrage qui, du fait de sa déloyauté dans le cadre de l'exécution de la convention d'assurance dommages-ouvrage, est directement à l'origine des préjudices immatériels invoqués par le maître de l'ouvrage ; qu'en ne recherchant pas, bien qu'y ayant été invitée, si la société SMABTP n'avait pas manqué à son obligation de loyauté en ne prenant pas en considération les préconisations de l'expert qu'elle avait elle-même mandaté à la suite de la déclaration de sinistre intervenue le 25 octobre 2010, qui demandait à procéder à un nombre important d'essais et de sondages permettant de déterminer les causes des désordres et d'identifier les remèdes qu'il convenait d'y apporter, ce refus ayant eu pour conséquence de contraindre la SCI [...] à solliciter une expertise judiciaire pour qu'il soit procédé à ces sondages et essais, de sorte que la société SMABTP devait réparer les préjudices immatériels générés en particulier par les retards de livraison des logements vendus en l'état futur d'achèvement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieur à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ qu'engage sa responsabilité contractuelle de droit commun, l'assureur dommages ouvrage qui, du fait de sa déloyauté dans le cadre de l'exécution de la convention d'assurance dommages-ouvrage, est directement à l'origine des préjudices immatériels invoqués par le maître de l'ouvrage ; qu'en ne recherchant pas, bien qu'y ayant été invitée, si la société SMABTP n'avait pas manqué à son obligation de loyauté en notifiant tardivement, le 11 janvier 2011, à la SCI [...] un refus de garantie alors qu'elle était pleinement informée, par la déclaration de sinistre, de ce que, à la suite des mises en demeure qui avaient été adressées le 22 septembre 2010 aux entreprises concernées par les désordres constatés et qui étaient demeurées sans effet, les marchés conclus avec celles-ci avaient été résiliés avant toute réception des travaux, de sorte qu'en refusant de préfinancer avec célérité les travaux de reprise des désordres et d'en faciliter par conséquent l'exécution la société SMABTP avait agi avec déloyauté et mauvaise foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieur à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

7. L'assurance dommages-ouvrage, prévue par l'article L. 242-1 du code des assurances, ne couvre, avant la réception des travaux et dans le cas où, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution par celui-ci de ses obligations, que les seuls désordres de nature décennale.

8. La cour d'appel, ayant constaté, par motifs adoptés, que la décision de non-garantie notifiée par la SMABTP, prise au vu des conclusions de l'expert dommages-ouvrage, était fondée sur l'absence de désordre de nature décennale, ce que l'expertise judiciaire avait confirmé, en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu'il ne pouvait être reproché à l'assureur dommages-ouvrage de ne pas avoir entrepris des investigations supplémentaires de quelque ordre que ce soit.

9. Elle a, par ailleurs, énoncé à bon droit que le non-respect des délais prévus par l'article L. 242-1 du code des assurances ne peut entraîner d'autre sanction que celles prévues par ce texte.

10. Elle a, par ces seuls motifs, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, légalement justifié sa décision.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

11. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre de la société Bureau Veritas construction, alors :

« 1°/ que le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes ; que le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage, à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil ; que dans ses conclusions d'appel, la SCI [...] faisait valoir que la société Bureau Veritas s'était vue confier contractuellement un contrôle étendu, que le contrat précisait page 24 que la mission LP relative à la solidité des ouvrages et éléments d'équipement, dissociables ou non, portait sur les ouvrages de réseaux divers et de voiries, sur les ouvrages de fondation, sur les ouvrages d'ossature (
), que le contrat stipulait en outre que les aléas techniques relatifs à la solidité qu'il incombait au contrôleur technique de prévenir étaient les suivants : la mauvaise adaptation du mode de fondation à la nature des ouvrages et des terrains rencontrés, le défaut de stabilité ou de résistance mécanique des ouvrages sous l'effet des charges permanentes ou variables, la déformation excessive des ouvrages par rapport aux limites fixées par la réglementation technique en vigueur, que le contrat conclu avec la société Bureau Veritas spécifiait également, y compris pour le contrôle de solidité, l'accomplissement de différentes obligations dont, s'agissant de la phase 3, le contrôle sur chantier des ouvrages et éléments d'équipement réalisé lors des visites inopinées sur le chantier, pouvant être associées ou non à l'assistance de réunions de chantier faisant l'objet le cas échéant d'un avis écrit, et, s'agissant de la phase 4, l'examen avant réception avec assistance partielle aux vérifications, essais et mesures faites par les entreprises et vérification de la cohérence des résultats obtenus par celles-ci dans le cadre de leur auto-contrôle, et établissement du rapport final de contrôle technique avant réception, la convention stipulant en outre que le contrat s'achevait avec la remise du rapport final de contrôle technique ; qu'en ne recherchant pas, au regard de ces stipulations contractuelles si la société Bureau Veritas construction n'avait pas manqué à ses obligations tant légales que contractuelles ainsi définies très précisément en commettant d'emblée une erreur de diagnostic le 16 juin 2010 en s'en tenant de manière erronée à la seule hypothèse d'une impropriété des fondations et du sol, en ne procédant ensuite, durant la « phase 3 » des travaux, à aucune visite inopinée durant l'exécution du chantier pour vérifier si la mise en oeuvre du béton était en adéquation avec la température extérieure et ne portait pas atteinte à la solidité future du béton et de la structure, et enfin en intervenant tardivement au mois de septembre 2010, ce à la demande expresse du gérant de la SCI [...] par ailleurs maître d'oeuvre d'exécution, alors que le processus de fissuration était à cette période déjà engagé et parfaitement visible et que réception aurait dû intervenir dès le 30 juin 2010 pour permettre la livraison des logements aux acquéreurs aux dates contractuellement convenues, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-23 et L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, ensemble les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

2°/ que le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes ; qu'il est tenu également d'une obligation générale de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage ; que dans ses conclusions d'appel, la SCI [...] faisait valoir que dans son rapport, l'expert judiciaire ingénierie-structure K... avait relevé que dès le premier accédit de janvier 2011, il avait pu se persuader visuellement , eu égard à la localisation des fissures, que les fondations et le sol ne pouvaient être la cause des désordres contrairement au diagnostic initialement effectué par le contrôleur technique et avait aussitôt préconisé puis pratiqué des essais et sondages ayant permis de déterminer que les désordres étaient dus à une mauvaise mise en oeuvre du béton ; qu'en ne recherchant pas si la société Bureau Veritas construction n'avait pas manqué à son obligation générale de conseil en s'abstenant de préconiser dès l'apparition des premiers désordres, les essais et sondages immédiatement réalisés à la demande de l'expert judiciaire, de sorte que la nature et l'étendue des travaux de reprise rendus nécessaires auraient pu être identifiés dès l'été 2010, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-23 et L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, ensemble les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;

3°/ que le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes ; que le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage, à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil ; qu'en énonçant que la société Bureau Veritas Construction n'était pas chargée de suivre l'exécution des travaux, notamment "la mise en oeuvre du béton puis en cas de désordres de poser un diagnostic complet et de déterminer l'ensemble des mesures à prendre en cours de chantier, ce qui reviendrait alors à se substituer au maître d'oeuvre" quand la société Bureau Veritas construction était tenue tant au regard de ses obligations légales que de ses obligations contractuelles telles que définies dans la convention conclue avec le maître de l'ouvrage, de vérifier la solidité des ouvrages, spécialement, les éléments d'ossature et de prévenir tous les aléas techniques nés d'un défaut de stabilité, d'une résistance mécanique des ouvrages sous l'effet des charges permanentes et variable ou bien de la déformation excessive des ouvrages par rapport aux limites fixées par la réglementation technique en vigueur, d'où il se déduisait que la vérification de la mise en oeuvre du béton participait de la mission du contrôleur technique, la cour d'appel a violé les articles L. 111-23 et L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, ensemble les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

12. La cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que les désordres résultaient d'un phénomène de retrait de béton lié aux conditions de sa mise en oeuvre, que le contrôleur technique, qui n'était pas chargé de suivre et de diriger l'exécution des travaux et qui ne disposait, aux termes de la convention, d'aucun pouvoir d'investigation autre que visuel et sans démontage ou sondage destructif, avait fait poser des témoins et jauges destinés à mesurer l'évolution des fissures, que s'il avait pu estimer qu'un problème de structures et de fondations se posait, il avait également préconisé de diffuser les résultats d'essais béton, de procéder à des carottages et de réaliser un diagnostic complémentaire, ayant ainsi délivré un avis technique qui n'avait pas été suivi par le maître d'oeuvre ni le maître de l'ouvrage, et que seules les investigations approfondies réalisées en cours d'expertise avaient permis de se prononcer sur l'origine des désordres.

13. En l'état de ces énonciations, elle a pu en déduire que la société Bureau Veritas construction n'avait commis aucun manquement à sa mission.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen unique du pourvoi incident

Enoncé du moyen

15. La société MGB fait grief à l'arrêt d'accueillir le recours de la SMABTP à son encontre et de la condamner à lui payer l'indemnité que celle-ci avait versée à son assurée, alors « que la subrogation légale prévue par l'article L. 121-12 du code des assurances suppose que l'indemnité ait été payée par l'assureur en application du contrat d'assurance ; que tel n'est pas le cas de l'assureur dommages-ouvrage qui, en l'état de désordres qui ne sont pas de la nature de ceux visés à l'article 1792 du code civil, est tenu d'indemniser l'assuré à titre de sanction pour n'avoir pas respecté les délais imposés par la loi ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que les désordres en cause n'étaient pas de nature décennale ; qu'en accueillant néanmoins le recours subrogatoire de cette société contre la société MGB, au titre du paiement à l'assuré des travaux de réparation de ces désordres, aux motifs que l'assureur dommages-ouvrage qui, comme en l'espèce, n'a pas respecté les délais de prise de position ne peut plus invoquer le caractère non décennal des désordres déclarés et que le dépassement des délais légaux ne rend pas impossible l'exercice d'un recours subrogatoire de cet assureur contre les auteurs les auteurs du dommage, quel que soit le fondement juridique donné à cette action, la cour d'appel a violé l'article L. 121-12 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

16. Le non-respect des délais légaux prévus par l'article L. 242-1 du code des assurances ne limitant pas le recours subrogatoire de l'assureur dommages-ouvrage à la seule responsabilité décennale du constructeur, la cour d'appel, qui a constaté que la SMABTP avait versé une indemnité au maître de l'ouvrage au titre des travaux réparatoires rendus nécessaires par la faute d'exécution de la société MGB a, à bon droit, retenu que son recours à l'encontre de celle-ci devait être accueilli.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

18. La SCI fait grief à l'arrêt de limiter son préjudice à la somme de 100 000 euros, alors « que s'agissant de la qualité des travaux et avant toute réception des travaux, l'entrepreneur est tenu à l'égard du maître de l'ouvrage d'une obligation de résultat lui imposant de réaliser un ouvrage exempt de vices ; qu'en énonçant qu'il incombait à la SCI [...], en sa qualité de maître d'ouvrage, de prendre en compte les différents risques d'une telle opération de construction, de donner toutes instructions utiles au maître d'oeuvre d'exécution, notamment quand des désordres surviennent en cours de chantier, de déterminer avec lui les modalités les plus appropriées de reprise de ces désordres, soit par les entreprises intervenues sur le chantier, soit par d'autres entreprises, puis en énonçant que la SCI [...] avait fait le choix de ne pas faire procéder aux sondages et essais pourtant nécessaires, laissant l'expert judiciaire y procéder quand, en l'absence de cause exonératoire, il incombait à la société MGB de réparer l'intégralité du préjudice subi avant toute réception de l'ouvrage du fait des manquements contractuels qui lui étaient imputés, ce en l'absence de toute faute du maître de l'ouvrage présentant les caractères d'une cause exonératoire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

19. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

20. Pour limiter la condamnation à réparation de la société MGB à la somme de 100 000 euros, l'arrêt retient que le préjudice allégué par la SCI est également la conséquence des choix du maître de l'ouvrage qui doit prendre en compte les différents risques d'une telle opération de construction, donner toutes instructions utiles au maître d'oeuvre d'exécution, notamment quand des désordres surviennent en cours de chantier, déterminer avec lui les modalités les plus appropriées de reprise de ces désordres, soit par les entreprises intervenues sur le chantier, soit par d'autres entreprises, et qu'il a fait, en l'espèce, le choix de ne pas faire procéder aux sondages et essais pourtant nécessaires, laissant l'expert judiciaire le soin d'y procéder.

21. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu qu'en présence de désordres dont la cause exacte n'était pas encore déterminée, qui n'avaient pas permis au maître de l'ouvrage de livrer les logements aux dates annoncées et qui avaient nécessité des recherches approfondies durant les opérations d'expertise, la société MGB, à laquelle les désordres étaient exclusivement imputables, n'était pas fondée à se prévaloir d'une cause exonératoire de responsabilité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations, a violé le texte susvisé.

Demande de mise hors de cause

22. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Bureau Veritas construction, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 100 000 euros la condamnation prononcée à l'encontre de la société MGB au profit de la société civile [...], l'arrêt rendu le 28 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Met hors de cause la société Bureau Veritas construction ;

Condamne la société MGB aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le

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