dimanche 7 février 2021

1) Assurance construction et activité déclarée; 2) Mission de l'architecte

 Note Charbonneau, RDI 2021, p. 170.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 janvier 2021




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 90 F-D

Pourvoi n° K 19-22.694




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 JANVIER 2021

M. L... C..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° K 19-22.694 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. W... F..., domicilié [...] ,

2°/ à la société Caribéenne de coordination et d'étude technique, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société Mutuelle des architectes français (MAF), société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [...] ,

4°/ à Mme U... O..., domiciliée [...] , prise en qualité de liquidateur de la société Guadeloupéenne de Travaux (Guatra),

5°/ à Mme U... O..., domiciliée [...] , prise en qualité de liquidateur de la société [...],

6°/ à la société l'Auxiliaire, dont le siège est [...] ,

7°/ à la société Mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. C..., de la SCP Boulloche, avocat de M. F..., de la société Caribéenne de coordination et d'étude technique et de la société Mutuelle des architectes français, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société l'Auxiliaire, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 20 mai 2019), M. C... a confié, en vue de la construction d'une maison, une mission d'assistance au maître d'ouvrage à M. F..., architecte d'intérieur, et une mission de suivi et d'étude béton, ainsi qu'une mission d'ordonnancement, pilotage et coordination à la société Caribéenne de coordination et d'études techniques (la société CCET), tous deux assurés auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la Société guadeloupéenne de travaux, désormais en liquidation judiciaire, assurée auprès de la SMABTP, étant chargée du lot gros oeuvre et la société [...], désormais en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société L'Auxiliaire, du lot charpente-couverture.

2. Se plaignant, après réception, de désordres, M. C... a, après expertise, assigné en réparation les intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

4. M. C... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre la société L'Auxilaire, alors « que la garantie de l'assureur est due pour tout dommage résultant de l'activité professionnelle déclarée par le constructeur ; qu'en écartant la garantie de l'Auxiliaire au motif inopérant que le désordre avait pour origine "essentiellement" la pose de gouttières, après avoir cependant constaté qu'il résultait également de la faible pente de la toiture, laquelle était en lien avec l'activité de "fabrication de charpente traditionnelle" déclarée par la société [...] à son assureur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 241-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel, qui a relevé que l'expert n'avait pas préconisé la reprise des pentes de la toiture au titre des travaux réparatoires, a souverainement retenu que le désordre affectant la récupération des eaux de pluie trouvait essentiellement sa cause dans la pose défectueuse des gouttières.

6. Elle en a exactement déduit que, le désordre étant sans lien avec l'activité déclarée de fabrication et de vente de charpentes et de fermettes de charpente, l'assureur de l'entreprise était fondé à opposer une absence de garantie au maître de l'ouvrage.

7. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. M. C... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre M. F... et la MAF au titre des désordres affectant le revêtement carrelé de la terrasse, alors « que l'architecte, chargé par le maître de l'ouvrage d'une mission d'assistance consistant notamment dans le suivi des travaux et le contrôle des situations, est responsable de plein droit envers lui des dommages, compromettant la solidité de l'ouvrage ou sa destination, qui résultent de la mauvaise exécution des travaux, dont il devait assurer le suivi et le contrôle, réalisés par une entreprise en méconnaissance des règles du DTU ; qu'en affirmant, pour juger le contraire, l'absence de lien entre les dommages et cette mission, sans préciser en quoi le suivi des travaux n'impliquait pas l'obligation pour l'architecte de s'assurer de leur réalisation conforme aux règles de l'art, la cour d'appel a violé les articles 1792 et 1792-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792 du code civil :

9. Selon ce texte, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination, une telle responsabilité n'ayant point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

10. Pour rejeter les demandes au titre des désordres de fissuration affectant la terrasse, dont il a retenu le caractère décennal, l'arrêt énonce que M. C... de prouve pas le lien entre les dommages et la mission confiée à M. F....

11. En statuant ainsi, après avoir relevé que M. C... avait confié à M. F... une mission d'assistance au maître de l'ouvrage incluant le suivi des travaux, d'où il ressortait que les désordres n'étaient pas étrangers à son domaine d'intervention, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

12. M. C... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre M. F... et la MAF au titre du désordre affectant la récupération des eaux à l'égout du toit, alors « que commet une faute à l'égard du maître de l'ouvrage l'architecte chargé d'une mission d'assistance comprenant le suivi des travaux, le contrôle des situations et la réception des travaux qui laisse installer des gouttières tardivement, après la réalisation d'une partie de la couverture, ce qui rend impossible le respect des règles de l'art, sans émettre aucune observation ni réserve ; qu'en estimant toutefois que la faute de M. F... n'est pas démontrée, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

13. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

14. Pour rejeter les demandes contre M. F... et la MAF au titre du désordre affectant la récupération des eaux à l'égout du toit et ayant pour origine l'installation tardive de gouttières au cours des travaux de pose de la couverture en tuiles, ce qui ne permettait plus d'assurer la continuité de l'étanchéité entre celles-ci et la toiture, l'arrêt retient que la faute de M. F... n'est pas démontrée.

15. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, en ne formulant aucune réserve ni observation lors de la décision de substituer à la couverture en tôle, initialement envisagée, une couverture en tuiles, sans que soit alors prévue la pose de gouttières, M. F... n'avait pas commis une faute dans la mission d'assistance du maître de l'ouvrage dans le suivi des travaux qui lui avait été confiée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

16. M. C... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre la société CCET et contre la MAF au titre du désordre affectant la récupération des eaux à l'égout du toit, alors « que le contrat de louage d'ouvrage est un contrat consensuel ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il lui était demandé, si la mission initialement confiée au BET dans le contrat du 1er janvier 2010 n'avait pas été étendue à une mission de conception et de maîtrise d'oeuvre que la société Caribéenne de coordination et d'études techniques avait dans les faits effectivement assumée, ainsi qu'il résultait des constatations de l'expert, de sorte qu'en n'exécutant pas son devoir de conseil envers le maître de l'ouvrage à l'occasion du changement du matériau de couverture et de l'installation tardive des gouttières, elle a engagé sa responsabilité à son égard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 anciens du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

17. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

18. Pour rejeter les demandes formées contre la société CCET et la MAF, l'arrêt retient que la première était chargée d'une mission d'ordonnancement pilotage et coordination et non d'une mission de maîtrise d'oeuvre et qu'en l'absence de faute, les demandes fondées sur la responsabilité contractuelle de droit commun de l'entreprise ne peuvent être accueillies.

19. En statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, au-delà de la mission qui lui avait été confiée, la société CCET n'avait pas accepté d'accomplir une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution de fait, à raison de laquelle elle se trouvait tenue d'un devoir de conseil, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Demande de mise hors de cause

20. Il y a lieu de mettre hors de cause la société L'Auxiliaire, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. C... contre M. F... et la Mutuelle des architectes français au titre des désordres relatifs aux fissures du revêtement carrelé de la terrasse et en ce qu'il rejette les demandes de M. C... contre M. F..., la société Caribéenne de coordination et d'études techniques et la Mutuelle des architectes français au titre des désordres affectant la récupération des eaux à l'égout du toit, l'arrêt rendu le 20 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Met hors de cause la société L'Auxiliaire ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;

Condamne M. F..., la société Caribéenne de coordination et d'études techniques et la Mutuelle des architectes français aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. F..., la société Caribéenne de coordination et d'études techniques et la Mutuelle des architectes français à payer à M. C..., la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

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