lundi 29 mars 2021

Le bruit des grenouilles voisines et la tierce-opposition...

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 mars 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 237 FS-P

Pourvoi n° T 20-14.195




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

L'association Sepanso Dordogne, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° T 20-14.195 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. O... P...,

2°/ à Mme C... L..., épouse P...,

3°/ à Mme U... T..., épouse F...,

4°/ à M. Q... F...,

tous quatre domiciliés [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de l'association Sepanso Dordogne, de Me Haas, avocat de M. et Mme P..., et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Jobert, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre ;

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 17 décembre 2019), M. et Mme P... ont assigné M. et Mme F... en cessation d'un trouble anormal du voisinage résultant de la présence de batraciens introduits dans une mare créée au pied de leur immeuble.

2. Un arrêt du 2 juin 2016 a ordonné à M. et Mme F... de combler leur mare située à moins de dix mètres de l'habitation P... dans un délai de quatre mois après le prononcé de l'arrêt, sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard pendant un délai de deux mois.

3. Par acte du 17 mai 2018, la Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le Sud-Ouest (Sepanso Dordogne), association agréée pour la protection de la nature, a assigné M. et Mme P... et M. et Mme F... en tierce opposition à l'arrêt du 2 juin 2016.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'association Sepanso Dordogne fait grief à l'arrêt de rejeter la tierce opposition, alors :

« 1°/ que dans le dispositif de son assignation, l'association Sepanso Dordogne avait demandé de « dire que les époux F... seront tenus de procéder au déplacement des espèces protégées amphibiens se trouvant dans la mare située à 10 mètres de l'habitation P... dans un site permettant le repos et la reproduction des dites espèces protégées » ; que cette demande, présentée au visa des articles 582 et suivants du code de procédure civile et fondée sur les dispositions du code de l'environnement et celles de l'arrêté du 19 novembre 2007 fixant les listes des amphibiens et des reptiles protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection interdisant la destruction d'animaux des espèces protégées et la destruction, la dégradation ou l'altération du site de reproduction que la mare litigieuse constituait, avait pour objet de substituer à la mesure de comblement de la mare ordonnée par l'arrêt du 2 juin 2016 une mesure préservant les batraciens et la mare litigieuse ; qu'en retenant que le seul objet de la demande de l'association était de s'assurer que lorsque les époux F... procéderont à l'exécution de l'arrêt devenu définitif, ils veilleraient à déplacer au préalable dans les conditions requises les espèces protégées, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation des articles 4 et 954 du code de procédure civile ;

2°/ que sont interdites sur les parties du territoire métropolitain où les espèces d'amphibiens protégés sont présentes ainsi que dans l'aire de déplacement naturel des noyaux de populations existants, la destruction, l'altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux ; qu'en refusant de rétracter l'arrêt du 2 juin 2016 en ce qu'il ordonnait le comblement de la mare située sur la parcelle appartenant aux époux F..., sans rechercher si, comme le soutenait l'association exposante, le comblement de la mare litigieuse ne conduisait pas « à porter atteinte au site de repos ou de reproduction d'une espèce protégée », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-1 du code de l'environnement et l'article 2 de l'arrêté du 19 novembre 2007 fixant les listes des amphibiens et des reptiles protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.

6. La cour d'appel a constaté qu'il résultait du dispositif de l'assignation délivrée par l'association Sepanso Dordogne que la seule et unique demande y figurant était de « dire que les époux F... seront tenus de procéder au déplacement des espèces protégées amphibiens se trouvant dans la mare située à 10 mètres de l'habitation P... dans un site permettant le repos et la reproduction des dites espèces protégées. »

7. Ayant rappelé que l'effet dévolutif de la tierce opposition était limité à la remise en question, relativement à son auteur, des points jugés qu'elle critiquait, elle en a déduit à bon droit qu'une telle règle n'autorisait pas à instaurer un nouveau litige devant la juridiction saisie du recours.

8. Ayant relevé que l'arrêt du 2 juin 2016 s'était borné à ordonner à M. et Mme F... de combler leur mare dans un délai de quatre mois et que la présence d'espèces protégées, comme l'interdiction à M. et Mme F... de procéder au déplacement de ces espèces, n'avaient été évoquées ni par le dispositif de l'arrêt ni par ses motifs, elle en a exactement déduit que la prétention de l'association Sepanso Dordogne, qui ne comportait pas de demande de rétractation ou de réformation d'un chef de dispositif de l'arrêt, n'avait pas pour objet la remise en cause de points jugés qu'elle critiquait, mais seulement de s'assurer que, lorsqu'ils procéderaient à l'exécution de l'arrêt, M. et Mme F... veilleraient à déplacer, au préalable, les espèces protégées, ce qui constituait un objet distinct de celui jugé par l'arrêt.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Sepanso aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Sepanso Dordogne et la condamne à payer à M. et Mme P... la somme de 3 000 euros ;

L'action directe suppose seulement que le tiers lésé établisse l’existence du contrat d’assurance souscrit et la responsabilité de l’assuré

 

Arrêt n°206 du 10 mars 2021 (19-12.825 ; 19-17.066 ) - Cour de cassation - Chambre commerciale, financière et économique - ECLI:FR:CCASS:2021:CO00206

Rejet

Demandeur(s) : La société Aig Europe, société anonyme et autre(s) ;

Défendeur(s) : M. Q...  F... et autre(s) ;


Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° G 19-12.825 et T 19-17.066 sont joints.


Faits et procédure


2. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 15 janvier 2019), la société ACE et trois de ses filiales, les sociétés Airwell FranceAirwell industrie France et Wesper industrie France ont été mises en redressement puis liquidation judiciaires les 1er avril et 15 juillet 2014, la société ML Conseils étant désignée liquidateur dans chacune des procédures.

3. Le liquidateur a assigné M. F... , dirigeant des sociétés, et la société Aig Europe limited aux droits de laquelle vient la société Aig Europe (la société Aig Europ), auprès de laquelle la société ACE avait souscrit au profit de son dirigeant une assurance - responsabilité, en condamnation solidaire au paiement de l’insuffisance d’actif des sociétés sur le fondement des articles L. 651-2 du code de commerce et L. 124-3 du code des assurances.


Examen des moyens


Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° G 19-12.825 et sur les trois moyens du pourvoi n° T 19-17.066 , ci-après annexés

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le premier moyen du pourvoi n° G 19-12.825

Enoncé du moyen


5. La société Aig fait grief à l’arrêt de déclarer recevable l’action directe exercée contre elle par le liquidateur, alors :


«  1°/ que le liquidateur, qui agit contre un dirigeant dans le cadre d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif, exerce une action attitrée dont l’objet est le prononcé d’une sanction patrimoniale du dirigeant de droit ou de fait, et ne peut, dans le cadre de cette action, exercer contre l’assureur du dirigeant l’action directe, laquelle tend à poursuivre l’exécution de l’obligation de l’assureur en application du contrat d’assurance ; qu’en retenant néanmoins que la société ML Conseils était recevable à exercer, ès qualités de liquidateur de la société ACE SAS et de ses filiales, l’action directe de l’article L. 124-3 du code des assurances à l’encontre de la société Aig Europe, motif pris que cette action suppose seulement que le tiers lésé établisse l’existence du contrat d’assurance souscrit et la responsabilité de l’assuré, et qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose au liquidateur d’agir dans le cadre d’une action distincte de celle exercée contre le dirigeant, la cour d’appel a violé les articles L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce, ensemble l’article L. 124-3 du code des assurances ;

2°/ que les sommes versées par le dirigeant condamné au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif entrent dans le patrimoine du débiteur ; que le liquidateur, qui agit à la fois dans l’intérêt collectif des créanciers et en tant que représentant du débiteur, pour les droits et actions concernant son patrimoine, ne peut exercer l’action directe en qualité de représentant de ce dernier, lorsqu’il est à la fois le souscripteur du contrat d’assurance de responsabilité des dirigeants et tiers lésé ; qu’en considérant que la société ML Conseils, prise en la personne de M. G... , ès qualités de liquidateur de la société ACE SAS et de ses filiales, avait agi dans le cadre de l’action directe formée par le tiers lésé, sans prendre en compte la circonstance qu’elle intervenait également dans l’intérêt patrimonial de la société ACE SAS, souscripteur du contrat d’assurance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce, ensemble l’article L. 124-3 du code des assurances. »


Réponse de la Cour

6. N’ayant pas à relever d’office l’incompétence du tribunal saisi de la procédure de liquidation judiciaire pour connaître de l’action directe exercée contre l’assureur, par application des dispositions de l’article R. 662-3 du code de commerce, c’est à bon droit qu’après avoir énoncé que l’article L. 124-3 du code des assurances prévoit que le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe contre l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, et relevé que cette action suppose seulement que le tiers lésé établisse l’existence du contrat d’assurance souscrit et la responsabilité de l’assuré, l’arrêt retient que, la garantie des conséquences de la responsabilité pour insuffisance d’actif des dirigeants n’étant pas exclue par le contrat, les conditions sont réunies pour que l’action directe exercée par le liquidateur contre l’assureur soit recevable sans qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’interdise au liquidateur de joindre, dans la même instance, à sa demande de condamnation du dirigeant, celle de l’assureur.

7. Ayant exactement retenu que le liquidateur des sociétés avait agi en qualité d’organe de chacune des procédures et en représentation de l’intérêt collectif des créanciers aux fins de réparation de leur préjudice et non en représentation des sociétés et pour leur compte, la cour d’appel n’avait pas à prendre en considération la personnalité de la société ACE, souscripteur du contrat d’assurance pour examiner la recevabilité de l’action du liquidateur.

8. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n’est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;


Président : Mme Mouillard
Rapporteur : Mme Vallansan
avocat général : Mme Henry
Avocat(s) : SARL Meir-Bourdeau, Lécuyer et associés - SCP Ortscheidt - SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

mercredi 24 mars 2021

Droit de l'urbanisme et de la construction, 12ème édition (2021) et toujours ouvrage de référence !

 Vient de paraitre la 12ème édition de cette "bible" de 1288 pages, aux éditions LGDJ Lextenso (46€).

Parfaitement à jour, elle est indispensable à tous praticiens (ou "consommateurs"...) de ces branches du droit. La partie "urbanisme" est due à Mme Rozen Noguellou et à M. Jean-Bernard Auby. Celle consacrée au droit de la construction a été rédigée par M. Hugues Périnet-Marquet, tous auteurs qu'il est inutile de présenter ici...

mardi 23 mars 2021

Toute personne sollicitant un conseil juridique doit pouvoir se confier à son avocat, sans craindre que ses confidences ne soient un jour utilisées contre elle

 

23 mars 2021

FLASH INFO

Communiqué du Conseil de l'Ordre

 

 

 Le Garde des Sceaux a souhaité réaffirmer le secret professionnel de l'avocat, pour endiguer son délitement, en proposant d’instaurer un « secret de la défense » renforcé.

Le Bâtonnier et le Conseil de l’Ordre de Paris prennent acte de cette avancée, tant le secret est malmené en matière de défense pénale.

 

Ils s’inquiètent, en revanche, que cette terminologie puisse être comprise ou perçue comme une limitation du secret professionnel de l’avocat au seul exercice des droits de la défense, lorsqu’une personne est formellement mise en cause.

 

Toute personne sollicitant un conseil juridique doit pouvoir se confier à son avocat, sans craindre que ses confidences ne soient un jour utilisées contre elle. Cette sécurité de l’échange entre le client et son avocat est la condition sine qua non d’un conseil éclairé et de qualité et donc d’une meilleure application de la règle de droit dans la société. Tels sont la lettre et l’esprit de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, qui consacre sans ambiguïté le secret dans le domaine du conseil, au même titre que dans celui de la défense.

 

Le Barreau de Paris réaffirme son attachement indéfectible à l’unité et au caractère indivisible du secret professionnel tant en défense qu’en conseil, conformément à l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971.

 

 
 

FLASH INFO

lundi 22 mars 2021

« Les droits de l’homme ne sont rien sans le regard que nous portons sur l’autre »


CNB - FLASH INFO 

 

Lundi 22 mars 2021

Jérôme Gavaudan : « Les droits de l’homme ne sont rien sans le regard que nous portons sur l’autre »

 
 
 

Retrouvez dès à présent le discours du président Jérôme Gavaudan lors du Concours de plaidoiries des avocats qui s'est tenu le 21 mars au Mémorial de Caen.

 

Le président du CNB a notamment rappelé que « Les droits de l'homme ne sont rien sans le regard que nous portons sur l'autre [...] sur la personne humaine dans sa dignité ».

 

Visionnez l'intégralité du discours en accédant au replay ci-dessous :

 
► Accéder au replay
 

Découvrez en vidéo les lauréates du 

concours de plaidoiries au Mémorial de Caen

 
 

🏆 Prix du Mémorial de Caen

 

Me Laura Temin (barreau du Val-de-Marne) pour sa plaidoirie sur les « mules » jugés au tribunal de Créteil.

 

Un grand bravo à elle !

🏆 Prix du barreau de Caen

 

Me Océane Mahé (barreau des Ardennes) pour sa plaidoirie sur la justice prisonnière des algorithmes.

 

Toutes nos félicitations !

 

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Responsabilité des constructeurs et développement durable

 Etude Dessuet, RGDA 2021-3, p. 6.

Panorama de procédure civile (janvier 2020 à janvier 2021)

 Par N. Fricero, D 2021, p. 543

Urbanisme, vie privée, proportionnalité et obligation de démolir

 Note P. Cornille, constr.-urb. 2021-5, p. 23

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 mars 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 170 FS-P

Pourvoi n° J 20-11.726




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

M. U... P..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° J 20-11.726 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre, section A), dans le litige l'opposant à la commune de Cabrières, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité [...], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. P..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de la commune de Cabrières, et après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, Mme Abgrall, M. Jobert, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 novembre 2019), M. P... est propriétaire d'un mas situé sur la commune de Cabrières, en zone agricole du plan local d'urbanisme où ne sont autorisées que les constructions nécessaires à l'activité agricole.

2. Lui reprochant d'avoir aménagé dans les lieux plusieurs appartements à usage d'habitation, qu'il a donnés à bail, la commune de Cabrières l'a assigné en remise en état.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. M. P... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors :

« 1°/ que la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage porte atteinte au droit au domicile des personnes y demeurant ; qu'il appartient au juge de s'assurer que l'ingérence dans ce droit est nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi ; qu'en retenant, pour ordonner la remise en état des logements n° 7, 8, 9, 10 et 11, que seuls les locataires des logements de M. P..., concernés par la mesure de démolition, pouvaient invoquer les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, quand la remise en état des logements destinés à l'habitation en locaux destinés à l'exploitation agricole, qui a pour effet de contraindre les locataires à quitter leur domicile, ne peut être ordonnée qu'après un examen de tous les intérêts en présence, la cour d'appel a violé l'article 480-14 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

2°/ que la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage porte atteinte au droit au domicile des personnes y demeurant ; qu'il appartient au juge de s'assurer que l'ingérence dans ce droit est nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi ; qu'en retenant que, répondant à l'intérêt général, la mesure sollicitée était proportionnée, sans rechercher si, la mise en conformité de logements occupés par des familles toutes composées de jeunes enfants âgés entre six mois et cinq ans, n'avait pas pour effet de porter une atteinte disproportionnée au droit au domicile des locataires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 480-14 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

6. Il résulte de cette disposition que celui qui invoque la violation du droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile, garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention), doit justifier d'un intérêt personnel à agir, en démontrant qu'il est victime de la violation alléguée.

7. Cette condition rejoint celle découlant de l'article 34 de la Convention. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, pour pouvoir introduire une requête en vertu de ce texte, un individu doit pouvoir se prétendre victime d'une violation des droits reconnus dans la Convention, ce qui suppose qu'il ait été personnellement touché par la violation alléguée (CEDH, décision du 12 novembre 2013, Occhetto c. Italie, n° 14507/07, § 37).

8. Ayant relevé que le logement de M. P... n'était pas concerné par le litige et exactement retenu que seuls ses locataires étaient à même d'invoquer les dispositions de l'article 8 de la Convention, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à un contrôle de proportionnalité que ses constatations rendaient inopérant, a légalement justifié sa décision d'ordonner la remise en état des bâtiments modifiés en méconnaissance des règles d'urbanisme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. P... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. P... et le condamne à payer à la commune de Cabrières la somme de 3 000 euros ;

L'extension incontrôlée de la responsabilité civile du syndicat des copropriétaires (ordonnance du 30/10/19 et nouvel art. 14 de la loi de 1965)

 Etude Poumarède, Loyers et copropriété 5021-3, p. 9.

La réparation du dommage est définitivement fixée à la date à laquelle une transaction est intervenue

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 mars 2021




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 171 F-P

Pourvoi n° T 19-16.859




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

La société MAAF assurances, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° T 19-16.859 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2019 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant à Mme D... T..., domiciliée [...] , assistée de sa curatrice Mme R... T..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société MAAF assurances, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme D... T..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 janvier 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 26 mars 2019), Mme T... a été victime, le 18 novembre 1979, d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule assuré par la société MAAF assurances (l'assureur).

2. Les préjudices de la victime ont été indemnisés suivant plusieurs protocoles transactionnels successifs, dont celui signé en 2007 qui prévoit l'indemnisation de son besoin d'assistance par une tierce personne.

3. Invoquant une aggravation de son état de santé et son projet de changement de lieu de vie, Mme T..., assistée de sa curatrice, a assigné l'assureur pour solliciter l'indemnisation de ses préjudices non inclus dans la transaction de 2007.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à Mme T..., au titre de la rente tierce personne, en lieu et place des sommes versées au titre du procès-verbal de transaction des 15 février et 17 mars 2007, une rente mensuelle de 17 877 euros à compter du 1er août 2016, indexée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et dont le service sera suspendu en cas de placement de Mme T... dans une structure hospitalière et/ou dispensant des soins et/ou assurant un accueil total ou partiel de type occupationnel ou non, à partir du 46e jour de cette prise en charge, alors « que les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ; qu'une transaction conclue en 2007 entre Mme T... et la société MAAF assurances prévoyait, en réparation du poste de préjudice lié à l'assistance par tierce personne rendue nécessaire par l'accident survenu en 1979, le paiement, d'une part, d'une rente mensuelle de 3 420 euros au titre des frais d'assistance humaine à la structure collective qu'elle occupait alors et, d'autre part, d'une rente trimestrielle de 625 euros, au titre des frais d'assistance lors des retours au domicile ; qu'en allouant à Mme T..., qui souhaitait regagner son domicile, une rente mensuelle de 17 877 euros sur la base d'un besoin de 24 heures par jour en tierce personne, la cour d'appel, qui a refusé de limiter aux seuls nouveaux besoins de la victime l'indemnisation qu'elle allouait, et a ainsi procédé à une nouvelle évaluation des besoins antérieurs en tierce personne qui avaient pourtant été définitivement évalués et liquidés en 2007, a méconnu l'autorité attachée à cette transaction, violant les articles 1134, devenu 1103, et 2052 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1103 et 2052 du code civil :

5. Selon ces textes, la réparation du dommage est définitivement fixée à la date à laquelle une transaction est intervenue, celle-ci faisant obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.

6. Pour condamner l'assureur à verser à Mme T..., en lieu et place des sommes versées au titre du procès-verbal de transaction des 15 février et 17 mars 2007, une rente mensuelle de 17 877 euros à compter du 1er août 2016, l'arrêt retient que le coût de la tierce personne doit être calculé sur la base d'une intervention de 24h/ 24, sans référence à la somme mentionnée dans le procès verbal de transaction de 2007 dès lors qu'est intervenue une modification substantielle du fait du départ de Mme T... de la maison familiale, rendant caduc le protocole transactionnel, conditionné à sa présence dans cet établissement.

7. En statuant ainsi, en procédant à une nouvelle évaluation des besoins au titre de la tierce personne de Mme T..., sans tenir compte, pour évaluer ses nouveaux besoins liés à un changement de situation, de ceux déjà définitivement évalués et indemnisés par la transaction de 2007, laquelle prévoyait la possibilité d'analyser les nouveaux besoins éventuels de la victime seulement en cas de modifications de sa situation, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée y étant attachée et violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la SA MAAF assurances à payer à Mme T..., assistée de sa curatrice, au titre de la rente tierce personne, en lieu et place des sommes versées au titre du procès-verbal de transaction des 15 février et 17 mars 2007, une rente mensuelle de 17 877 euros à compter du 1er août 2016, indexée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et dont le service sera suspendu en cas de placement de Mme T... dans une structure hospitalière et/ou dispensant des soins et/ou assurant un accueil total ou partiel de type occupationnel ou non, à partir du 46ème jour de cette prise en charge, l'arrêt rendu le 26 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne Mme T... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;