jeudi 11 mars 2021

Absence de souscription de l'assurance obligatoire par l'architecte

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 septembre 2020




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 551 F-D

Pourvoi n° Q 19-15.430







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020

La société Mapi, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-15.430 contre l'arrêt rendu le 27 février 2019 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. W... P..., domicilié [...] ,

2°/ à la société W... P... architecture, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

3°/ à M. V... S..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur de la société W... P... architecture,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Mapi, après débats en l'audience publique du 9 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 27 février 2019), la société Mapi a confié à la société W... P... architecture (la société P...), ayant pour gérant M. P..., la construction d'un groupe d'immeubles. La société Mapi a payé à la société P... la somme de 23 800 euros à titre d'honoraires pour l'établissement des études d'esquisse, de l'avant-projet sommaire, de l'avant-projet détaillé et du dossier de demande de permis de construire.

2. Par décision du 23 janvier 2014, l'ordre des architectes a décidé la radiation de la société P... pour défaut de justification d'assurance.

3. La société Mapi a assigné la société P... et M. P... pour obtenir la résolution du contrat conclu avec la société, le remboursement de la somme payée et l'indemnisation de divers préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Mapi fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que soit inscrite au passif de la société P... la somme payée à titre d'acompte, alors « que, en ne recherchant pas, comme cela lui était pourtant demandé, si les différentes prestations confiées à la société W... P... architecture, bien qu'échelonnées dans le temps, étaient indissociables et l'obligeaient à restituer l'ensemble les honoraires qu'elle avait perçus, quand la résolution du contrat à exécution échelonnée dont les différentes phases d'exécution forment un tout indivisible entraîne sa disparition rétroactive, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016. »



Réponse de la Cour

Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

5. Selon ce texte, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisferait pas à son engagement.

6. Pour rejeter la demande de la société Mapi d'inscription de la somme de 23 800 euros au passif de la société P... au titre du remboursement de l'acompte versé sur ses honoraires, l'arrêt retient que la société P... a accompli partiellement la mission qui lui avait été confiée, jusqu'à l'obtention du permis de construire, et qu'aucun élément ne permet d'affirmer que sa défaillance empêchait de mener à bien la construction qu'elle avait conçue et pour laquelle une autorisation administrative avait été donnée.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les parties n'avaient pas entendu conclure une convention indivisible, de sorte que les prestations confiées à l'architecte, échelonnées dans le temps, étaient indissociables, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La société Mapi fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce qu'il soit mis au passif de la société P... une somme à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et préjudice commercial et que M. P... soit condamné au paiement de la même somme, alors « que, en jugeant que la société Mapi ne justifiait pas avoir subi de préjudice tout en constatant que le chantier avait été ouvert et que la société W... P... architecture n'était plus couverte à compter du 1er juillet 2013 quand la perte de l'assurance de responsabilité obligatoire de l'architecte cause un préjudice certain au maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article L. 241-1 du code des assurances dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 241-1 du code des assurances, dans sa rédaction applicable à la cause :


9. Selon ce texte, toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption de responsabilité établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.

10. Pour rejeter la demande indemnitaire de la société Mapi, l'arrêt retient qu'elle ne verse aux débats aucun élément permettant de démontrer l'existence d'un préjudice moral ou d'un préjudice commercial qui serait la conséquence de la résolution du contrat conclu avec la société P....

11. En statuant ainsi, tout en relevant que la société P... n'était plus couverte par une assurance de responsabilité obligatoire à compter du 1er juillet 2013, ce dont il résultait que la société Mapi avait subi un préjudice certain, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

12. La société Mapi fait le même grief à l'arrêt, alors « que, en jugeant que la responsabilité personnelle de M. W... P... n'était pas engagée à l'égard de la société Mapi tout en constatant qu'il n'avait pas renouvelé l'assurance de responsabilité de la société W... P... architecture dont il était le gérant, quand la perte de l'assurance de responsabilité obligatoire d'une société à responsabilité limitée d'architecte engage la responsabilité personnelle de son gérant, la cour d'appel a violé l'article L. 223-22 du code de commerce, ensemble les articles L. 231-1 et L. 241-8 du code de la construction et de l'habitation et L. 241-1, dans sa rédaction applicable en la cause, et L. 243-3 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 223-22 du code de commerce, L. 231-1 et L. 241-8 du code de la construction et de l'habitation et L. 241-1, dans sa rédaction applicable à la cause, et L. 243-3 du code des assurances :

13. Pour rejeter la demande indemnitaire de la société Mapi contre M. P..., l'arrêt retient que, pour la période postérieure au 30 juin 2013, il n'est pas justifié d'actes accomplis par M. P... ou par la société P... et susceptibles d'avoir engagé leur responsabilité au titre des risques pour lesquels une assurance est obligatoire et que la preuve de la commission d'un délit par M. P... n'est donc pas rapportée.


14. En statuant ainsi, alors que commet une faute séparable de ses fonctions sociales, engageant sa responsabilité personnelle, le gérant d'une société de maîtrise d'oeuvre qui omet de souscrire une assurance de responsabilité décennale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il prononce la résolution du contrat conclu le 29 octobre 2012 entre les sociétés Mapi et W... P... architecture et qu'il rejette la demande contre M. P... au titre des honoraires, l'arrêt rendu le 27 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société W... P... architecture et M. P... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Mapi ; 

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