mardi 16 mars 2021

Qualité pour agir en responsabilité décennale

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 mars 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 182 F-D

Pourvoi n° X 18-21.344






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

La société Le Pré du Berger, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° X 18-21.344 contre l'arrêt rendu le 29 mai 2018 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société P3C, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , prise en la personne de son administrateur provisoire M. W... E..., domicilié [...] ,

2°/ à la société L'Auxiliaire, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société Areas dommages, dont le siège est [...] ,

4°/ à la société compagnie d'assurance MMA IARD, dont le siège est [...] ,

5°/ à la société Ossabois, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

6°/ à la société SMABTP, dont le siège est [...] ,

7°/ à M. Y... S... , domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Georget, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Le Pré du Berger, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Areas dommages, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société compagnie d'assurance MMA IARD, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Ossabois, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société P3C, de M. E..., ès qualité et de la société L'Auxiliaire, après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Georget, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 29 mai 2018), la société civile immobilière le Pré du Berger (la SCI) a entrepris la construction d'une résidence de tourisme en vue de sa vente en l'état futur d'achèvement.

2. Le gel dans les canalisations a privé les chalets d'alimentation en eau potable.

3. Après expertise, la SCI a assigné, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, la société Ossabois, chargée des lots charpente, couverture, ossature bois, menuiseries extérieures, vitrerie et menuiseries intérieures, en indemnisation. Cette société a assigné en garantie son assureur, la SMABTP, ainsi que tous les autres intervenants et leurs assureurs.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables, alors :

« 1°/ que si, en principe, l'action en garantie décennale se transmet aux acquéreurs avec la propriété de l'immeuble, le maître de l'ouvrage ne perd pas la faculté de l'exercer dès lors qu'elle présente pour lui un intérêt direct et certain ; que tel est notamment le cas lorsque la responsabilité du maître de l'ouvrage est recherchée au titre des désordres relevant de l'action en garantie décennale ; qu'en énonçant que le maître de l'ouvrage n'établissait pas l'intérêt qu'il avait à agir à l'encontre des constructeurs, cependant que ce dernier démontrait avoir été mis en demeure par l'exploitant de la résidence de remédier aux désordres, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;

2°/ que si, en principe, l'action en garantie décennale se transmet aux acquéreurs avec la propriété de l'immeuble, le maître de l'ouvrage ne perd pas la faculté de l'exercer dès lors qu'elle présente pour lui un intérêt direct et certain et qu'il peut donc invoquer un préjudice personnel ; que tel est le cas lorsque le maître de l'ouvrage a avancé des fonds pour déterminer précisément l'origine des désordres relevant de la garantie décennale ; qu'en affirmant qu'il n'est pas établi par le maître de l'ouvrage qu'il aurait subi personnellement un préjudice quelconque du fait des désordres, à l'exception des frais de procédure qu'il a lui-même engagés, sans rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée par le maître de l'ouvrage dans ses conclusions d'appel, si ce dernier n'avait pas avancé les frais des sondages effectués durant les opérations d'expertise à hauteur de 6 435 euros, dépense qui n'était, au demeurant, contestée par aucune des parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. D'une part, la cour d'appel a retenu que, si la SCI, qui ne contestait pas ne plus être propriétaire de l'ouvrage, avait été sollicitée par l'exploitant de la résidence pour remédier aux désordres, celle-ci ne justifiait cependant d'aucun engagement pris à l'égard du syndicat des copropriétaires ou des copropriétaires concernés de réaliser les travaux nécessaires, ni d'avoir payé aucune somme au titre des désordres subis, ni d'avoir engagé elle-même des travaux pour y remédier.

6. Elle a relevé qu'aucun mandat n'avait été donné par les actuels propriétaires de l'ouvrage ou par le syndicat des copropriétaires pour agir en justice en leur nom et que la SCI ne prétendait pas avoir été poursuivie par le syndicat des copropriétaires, les copropriétaires ou l'exploitant de la résidence du fait de ces désordres.

7. Elle en a exactement déduit que les demandes de la SCI contre les constructeurs et leurs assureurs étaient irrecevables.

8. D'autre part, en retenant qu'il n'était pas établi par la SCI qu'elle aurait subi personnellement un préjudice quelconque du fait des désordres, à l'exception des frais de procédure qu'elle avait elle-même engagés, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise.

9. La cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCI Pré du Berger aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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