mardi 23 septembre 2025

La contradiction entre les motifs et le dispositif du jugement équivaut à un défaut de motifs

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 4 septembre 2025




Cassation


Mme PROUST, conseillère doyenne
faisant fonction de présidente



Arrêt n° 376 F-D

Pourvoi n° B 24-10.493




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 SEPTEMBRE 2025


M. [B] [I], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 24-10.493 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2023 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [T] [G], épouse [L], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Davoine, conseillère référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [I], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de Mme [G], après débats en l'audience publique du 3 juin 2025 où étaient présentes Mme Proust, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, Mme Davoine, conseillère référendaire rapporteure, Mme Grandjean, conseillère, et Mme Letourneur, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 14 novembre 2023), par acte du 1er janvier 2007, M. [Z], aux droits duquel est venue Mme [G], a conclu avec M. [I] un contrat dénommé « convention pluriannuelle d'exploitation » pour une durée d'une année, tacitement reconductible.

2. Les 11 et 22 mai 2020, Mme [G] a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du contrat et en paiement des loyers.

3. M. [I] a sollicité, à titre reconventionnel, la reconnaissance d'un bail rural ou, à défaut, la requalification de la convention pluriannuelle d'exploitation conclue le 1er janvier 2007, tacitement renouvelée depuis d'année en année, en bail rural.

4. Mme [G] a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [I] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite l'action aux fins de requalification de la convention pluriannuelle d'exploitation en bail rural, alors « que tout jugement doit être motivé ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en examinant dans ses motifs le seul bien fondé de la demande de qualification de la relation contractuelle et de la demande de requalification de la convention pluriannuelle d'exploitation, jugeant ainsi ces demandes recevables, et en confirmant néanmoins dans son dispositif le jugement en ce qu'il avait déclaré prescrite l'action aux fins de requalification de la convention pluriannuelle d'exploitation, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs.

7. Après avoir, dans ses motifs, examiné uniquement au fond la demande en requalification et retenu qu'il était impossible de l'admettre, l'arrêt confirme, dans son dispositif, le jugement qui déclare irrecevable comme prescrite l'action aux fins de requalification de la convention pluriannuelle d'exploitation en bail rural.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. M. [I] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite l'action aux fins de requalification de la convention pluriannuelle d'exploitation en bail rural et de rejeter toutes demandes autres ou plus amples formées par les parties, alors « qu'une convention pluriannuelle d'exploitation agricole ou de pâturage ne peut avoir une durée inférieure à cinq ans ; que la convention pluriannuelle d'exploitation ne répondant pas aux conditions requises par l'article L. 481-1 du code rural et de la pêche maritime doit être requalifiée en bail rural ; qu'en l'espèce, la convention intitulée « convention pluriannuelle d'exploitation », a été conclue le 1er janvier 2007, pour une durée d'une année entière, renouvelable d'année en année par tacite reconduction ; que la cour d'appel a considéré que la convention initialement conclue le 1er janvier 2007, ne pouvait être requalifiée en bail rural même si, elle était prévue pour une durée d'une année seulement, et renouvelable par tacite reconduction pour une durée de seulement un an, dès lors qu'elle s'était poursuivie plus de cinq ans depuis le 1er janvier 2007 ; qu'en statuant ainsi quand, dès lors que la convention ne se renouvelait que pour une durée d'un an, elle ne répondait pas à la durée légale minimum de cinq ans d'une convention pluriannuelle d'exploitation agricole, la cour d'appel a violé l'article L. 481-1 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article L. 411-1 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 411-1, alinéa 1er, L. 411-2, et L. 481-1, dans sa version issue de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005, du code rural et de la pêche maritime :

10. Selon le premier de ces textes, toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime est régie par les dispositions du titre Ier, relatif au statut du fermage et du métayage, du livre IV du même code, sous les réserves énumérées à l'article L. 411-2. Cette disposition est d'ordre public.

11. Selon le deuxième, les dispositions de l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime ne sont pas applicables aux conventions conclues en application de dispositions législatives particulières.

12. Selon le dernier, les conventions pluriannuelles d'exploitation agricole ou de pâturage sont conclues pour une durée minimale de cinq ans et un loyer inclus dans les limites fixées pour les conventions de l'espèce par arrêté du représentant de l'Etat dans le département après avis de la chambre d'agriculture. En l'absence d'un tel arrêté, ces conventions sont conclues pour une durée de cinq ans et pour un loyer conforme aux maxima et minima exprimés en monnaie fixés selon les modalités prévues au troisième alinéa de l'article L. 411-11. Hors des zones de montagne, le représentant de l'Etat dans le département détermine, par arrêté pris après avis de la chambre d'agriculture, les espaces pour usage de pâturage extensif saisonnier ainsi que la durée et le loyer des conventions conclues conformément aux termes du b.

13. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'à défaut de respecter les conditions de durée et de prix posées à l'article L. 481-1 du code rural et de la pêche maritime, le contrat dénommé « convention pluriannuelle d'exploitation » est soumis au statut du fermage.

14. Pour rejeter la demande de requalification de la convention pluriannuelle d'exploitation en bail rural, l'arrêt retient que s'il est exact que, selon l'article L. 481-1 du code rural et de la pêche maritime, les conventions pluriannuelles d'exploitation sont conclues pour une durée minimale de cinq ans et que la convention du 1er janvier 2007 a été conclue pour une durée d'une année seulement, il a été convenu qu'elle se poursuivra d'année en année par tacite reconduction, ce dont il résulte que les dispositions légales sont nécessairement remplies si le contrat se poursuit pendant au moins cinq ans, ce qui est le cas en l'espèce.

15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la convention avait été conclue pour une durée inférieure à cinq ans, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 novembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne Mme [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [G] et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le quatre septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300376

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.