Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 24-10.318
- ECLI:FR:CCASS:2025:C300373
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 04 septembre 2025
Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, du 09 novembre 2023- Président
- Mme Teiller (présidente)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 4 septembre 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, présidente
Arrêt n° 373 F-D
Pourvoi n° M 24-10.318
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 SEPTEMBRE 2025
Le syndicat des copropriétaires du domaine du Cap Liouquet, dont le siège est [Adresse 15], représenté par son syndic la société Carnoux immobilier, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 24-10.318 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [D] [M], domicilié [Adresse 16],
2°/ à Mme [I] [M], épouse [W], domiciliée [Adresse 14],
3°/ à Mme [Z] [M], épouse [F], domiciliée [Adresse 3],
4°/ à Mme [P] [M], épouse [A], domiciliée [Adresse 11],
5°/ à la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Alpes Méditerranée (Groupama Méditerrannée), société de réassurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 10],
6°/ à Mme [Y] [U], veuve [M], domiciliée [Adresse 4],
7°/ à Mme [G] [M], épouse [N], domiciliée [Adresse 12],
8°/ à Mme [L] [M], domiciliée [Adresse 2],
toutes trois prises en leur qualité d'héritières de [R] [M],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat du syndicat des copropriétaires du domaine du Cap Liouquet, de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de M. [D] [M], de Mmes [I], [Z] et [P] [M] et de Mmes [Y], [L] et [G] [M], ès qualités, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Alpes Méditerranée, après débats en l'audience publique du 3 juin 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseillère doyenne, et Mme Letourneur, greffière de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 novembre 2023), [R] [M], aux droits duquel sont venues Mmes [Y] et [L] [M] et Mme [N], M. [D] [M], Mmes [W], [F] et [A] (les consorts [M]) étaient propriétaires indivis d'une maison d'habitation avec terrain constituant le lot n° 46 au sein d'un lotissement soumis au régime de la copropriété, dont la limite côté sud-ouest est constituée d'une crête de falaise.
2. Le 28 février 2011, une partie de cette crête s'est effondrée, emportant une partie du jardin des consorts [M].
3. Soutenant que la falaise constituait une partie commune, les consorts [M] ont assigné le syndicat des copropriétaires et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Alpes Méditerranée (la société Groupama Méditerranée), en sa qualité d'assureur de la copropriété, en réalisation de travaux de confortement et en indemnisation de leurs préjudices.
4. Le syndicat des copropriétaires a demandé la garantie de la société Groupama Méditerranée pour toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité pour défaut d'entretien de la partie de la falaise située à la limite du terrain appartenant aux consorts [M], alors :
« 1°/ que la nature de partie commune ou de partie privative est fixée par le règlement de copropriété, complété par l'état descriptif de division, et ne peut être modifiée du seul fait de l'évolution de la configuration matérielle des lieux ; qu'en décidant néanmoins que s'il ressortait effectivement du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division que la partie de la falaise litigieuse était bien située sur le fonds privatif de l'indivision [M], constitué selon cet acte par les parcelles cadastrées BP [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9], formant le lot n° 46, cette situation ne résultait en réalité que d'un phénomène d'érosion de la falaise, qui avait reculé par la suite, depuis la parcelle mitoyenne cadastrée BP [Cadastre 13], partie commune selon ces mêmes actes, sur le fonds privatif des consorts [M], ce qui ne remettait pas en cause l'intention initiale des copropriétaires d'inclure la falaise dans les parties communes, de sorte qu'il devait être retenu que la partie de la falaise effondrée, située à la limite du terrain de l'indivision [M], constituait une partie commune de la copropriété, dont l'entretien relevait de la responsabilité du syndicat des copropriétaires, la cour d'appel a violé les articles 14 et 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, l'article 71-1 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ que la nature de partie commune ou de partie privative est fixée par le règlement de copropriété, complété par l'état descriptif de division ; qu'en décidant néanmoins, pour retenir la responsabilité du syndicat des copropriétaires au titre de l'entretien des parties communes, que la nature de partie commune ou de partie privative du lot ayant subi le dommage devait être déterminée au regard du lieu où la cause du dommage s'était manifestée, la cour d'appel a violé les articles 2, 3, 8 et 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, l'article 71-1 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
3°/ que tout jugement ou arrêt doit être motivé, à peine de nullité ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en affirmant, d'une part, que la cause de l'effondrement de la falaise résidait dans des érosions se manifestant au pied de la falaise, situé sur la parcelle BP n° [Cadastre 13], partie commune, et d'autre part, que l'origine de l'effondrement de la falaise résidait dans des érosions se manifestant au pied de la falaise, situé au droit des parcelles formant le lot n° 46, partie privative de l'indivision [M], la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes ; que la nature de partie commune ou de partie privative est fixée par le règlement de copropriété, complété par l'état descriptif de division ; qu'en décidant néanmoins que le syndicat des copropriétaires avait manqué à son obligation d'entretien des parties communes, ayant entraîné l'effondrement d'une partie de la falaise, après avoir pourtant constaté que l'origine de l'effondrement de la falaise résidait dans des érosions se manifestant au pied de la falaise, situé au droit des parcelles formant le lot n° 46, partie privative de l'indivision [M], ce dont il résultait que l'entretien de la partie de la falaise litigieuse, située sur la parcelle privative de l'indivision [M], n'incombait pas au syndicat des copropriétaires, la cour d'appel a violé les articles 2, 3, 8 et 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et 71-1 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a relevé qu'il résultait de l'annexe de l'acte rectificatif au règlement de copropriété du 27 juin 1975 que la parcelle cadastrée section BP n° [Cadastre 13], séparant du domaine public maritime celles, constituant le lot n° 46, appartenant aux consorts [M], correspondait en totalité à la falaise située en limite sud de ce lot, et que les plans des parties communes établis en 1992 par un géomètre expert et les photographies produites confirmaient, en l'absence de relevé topographique précis de la crête de la falaise, que les copropriétaires avaient exprimé l'intention d'inclure toute la falaise dans les parties communes.
7. Elle a, ensuite, retenu, sans se contredire, que, si la crête de falaise avait, sous l'effet de phénomènes d'érosion naturelle, progressivement reculé sur la propriété des consorts [M], l'effondrement survenu en 2011, au droit du lot n° 46, trouvait sa cause dans une partie commune.
8. Elle a, enfin, estimé, notamment au regard des conclusions d'expertise judiciaire, que le dommage aurait pu être évité par une surveillance régulière de la falaise et des travaux confortatifs préventifs, et en a exactement déduit que la responsabilité du syndicat des copropriétaires était engagée.
9. Le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
10. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande dirigée contre la société Groupama Méditerranée, alors « qu'en décidant que le contrat d'assurance responsabilité civile de la copropriété, souscrit par le syndicat des copropriétaires du domaine du Cap Liouquet le 11 février 2010, au bénéfice de la copropriété et des copropriétaires, ne couvrait pas les dommages causés par la copropriété aux consorts [M], dès lors que ces derniers avaient la qualité de copropriétaires, motif pris que seuls entraient dans le champ de la garantie les dommages causés aux tiers, définis comme toute personne autre que « l'assuré lui-même » et que les copropriétaires avaient la qualité d'assurés, bien qu'il soit seulement résulté de ces stipulations contractuelles qu'était exclu de la définition de tiers l'assuré auteur du dommage, et non les autres assurés, étrangers à la réalisation du dommage, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
11. Il est jugé que, sauf disposition contractuelle contraire, dans un contrat d'assurance de responsabilité civile comportant plusieurs assurés, l'assuré victime d'un dommage causé par un autre assuré a la qualité de tiers lésé (2e Civ., 15 mai 2008, pourvoi n° 06-22.171, Bull. 2008, II, n° 108).
12. Pour rejeter la demande du syndicat des copropriétaires, l'arrêt énonce qu'il ressort des conditions générales du contrat d'assurance que la garantie offerte par le contrat porte sur les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à l'assuré en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés par lui à un tiers, et qu'ont la qualité d'assuré le syndicat des copropriétaires et le copropriétaire, le tiers étant défini comme toute personne autre que l'assuré lui-même.
13. Il en déduit qu'en l'absence de conditions expresses du contrat d'assurance, les copropriétaires n'ont pas la qualité de tiers lésé par rapport à la copropriété, pour les dommages causés à leurs parties privatives par les biens dépendant des parties communes assurées.
14. En statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'une disposition contractuelle expresse déniant la qualité de tiers lésé à l'assuré victime d'un dommage causé par un autre assuré, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt rejetant la demande du syndicat des copropriétaires dirigée contre la société Groupama Méditerranée entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant la demande de garantie des consorts [M] dirigée contre ce même assureur.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande du syndicat des copropriétaires du domaine du Cap Liouquet et la demande des consorts [M] dirigée contre la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Alpes Méditerranée tendant à être relevé et garanti de toute condamnation, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile entre le syndicat des copropriétaires du domaine du Cap Liouquet et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Alpes Méditerranée, l'arrêt rendu le 9 novembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Alpes Méditerranée aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le quatre septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300373
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 4 septembre 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, présidente
Arrêt n° 373 F-D
Pourvoi n° M 24-10.318
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 SEPTEMBRE 2025
Le syndicat des copropriétaires du domaine du Cap Liouquet, dont le siège est [Adresse 15], représenté par son syndic la société Carnoux immobilier, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 24-10.318 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [D] [M], domicilié [Adresse 16],
2°/ à Mme [I] [M], épouse [W], domiciliée [Adresse 14],
3°/ à Mme [Z] [M], épouse [F], domiciliée [Adresse 3],
4°/ à Mme [P] [M], épouse [A], domiciliée [Adresse 11],
5°/ à la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Alpes Méditerranée (Groupama Méditerrannée), société de réassurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 10],
6°/ à Mme [Y] [U], veuve [M], domiciliée [Adresse 4],
7°/ à Mme [G] [M], épouse [N], domiciliée [Adresse 12],
8°/ à Mme [L] [M], domiciliée [Adresse 2],
toutes trois prises en leur qualité d'héritières de [R] [M],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat du syndicat des copropriétaires du domaine du Cap Liouquet, de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de M. [D] [M], de Mmes [I], [Z] et [P] [M] et de Mmes [Y], [L] et [G] [M], ès qualités, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Alpes Méditerranée, après débats en l'audience publique du 3 juin 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseillère doyenne, et Mme Letourneur, greffière de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 novembre 2023), [R] [M], aux droits duquel sont venues Mmes [Y] et [L] [M] et Mme [N], M. [D] [M], Mmes [W], [F] et [A] (les consorts [M]) étaient propriétaires indivis d'une maison d'habitation avec terrain constituant le lot n° 46 au sein d'un lotissement soumis au régime de la copropriété, dont la limite côté sud-ouest est constituée d'une crête de falaise.
2. Le 28 février 2011, une partie de cette crête s'est effondrée, emportant une partie du jardin des consorts [M].
3. Soutenant que la falaise constituait une partie commune, les consorts [M] ont assigné le syndicat des copropriétaires et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Alpes Méditerranée (la société Groupama Méditerranée), en sa qualité d'assureur de la copropriété, en réalisation de travaux de confortement et en indemnisation de leurs préjudices.
4. Le syndicat des copropriétaires a demandé la garantie de la société Groupama Méditerranée pour toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité pour défaut d'entretien de la partie de la falaise située à la limite du terrain appartenant aux consorts [M], alors :
« 1°/ que la nature de partie commune ou de partie privative est fixée par le règlement de copropriété, complété par l'état descriptif de division, et ne peut être modifiée du seul fait de l'évolution de la configuration matérielle des lieux ; qu'en décidant néanmoins que s'il ressortait effectivement du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division que la partie de la falaise litigieuse était bien située sur le fonds privatif de l'indivision [M], constitué selon cet acte par les parcelles cadastrées BP [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9], formant le lot n° 46, cette situation ne résultait en réalité que d'un phénomène d'érosion de la falaise, qui avait reculé par la suite, depuis la parcelle mitoyenne cadastrée BP [Cadastre 13], partie commune selon ces mêmes actes, sur le fonds privatif des consorts [M], ce qui ne remettait pas en cause l'intention initiale des copropriétaires d'inclure la falaise dans les parties communes, de sorte qu'il devait être retenu que la partie de la falaise effondrée, située à la limite du terrain de l'indivision [M], constituait une partie commune de la copropriété, dont l'entretien relevait de la responsabilité du syndicat des copropriétaires, la cour d'appel a violé les articles 14 et 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, l'article 71-1 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ que la nature de partie commune ou de partie privative est fixée par le règlement de copropriété, complété par l'état descriptif de division ; qu'en décidant néanmoins, pour retenir la responsabilité du syndicat des copropriétaires au titre de l'entretien des parties communes, que la nature de partie commune ou de partie privative du lot ayant subi le dommage devait être déterminée au regard du lieu où la cause du dommage s'était manifestée, la cour d'appel a violé les articles 2, 3, 8 et 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, l'article 71-1 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
3°/ que tout jugement ou arrêt doit être motivé, à peine de nullité ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en affirmant, d'une part, que la cause de l'effondrement de la falaise résidait dans des érosions se manifestant au pied de la falaise, situé sur la parcelle BP n° [Cadastre 13], partie commune, et d'autre part, que l'origine de l'effondrement de la falaise résidait dans des érosions se manifestant au pied de la falaise, situé au droit des parcelles formant le lot n° 46, partie privative de l'indivision [M], la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes ; que la nature de partie commune ou de partie privative est fixée par le règlement de copropriété, complété par l'état descriptif de division ; qu'en décidant néanmoins que le syndicat des copropriétaires avait manqué à son obligation d'entretien des parties communes, ayant entraîné l'effondrement d'une partie de la falaise, après avoir pourtant constaté que l'origine de l'effondrement de la falaise résidait dans des érosions se manifestant au pied de la falaise, situé au droit des parcelles formant le lot n° 46, partie privative de l'indivision [M], ce dont il résultait que l'entretien de la partie de la falaise litigieuse, située sur la parcelle privative de l'indivision [M], n'incombait pas au syndicat des copropriétaires, la cour d'appel a violé les articles 2, 3, 8 et 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et 71-1 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a relevé qu'il résultait de l'annexe de l'acte rectificatif au règlement de copropriété du 27 juin 1975 que la parcelle cadastrée section BP n° [Cadastre 13], séparant du domaine public maritime celles, constituant le lot n° 46, appartenant aux consorts [M], correspondait en totalité à la falaise située en limite sud de ce lot, et que les plans des parties communes établis en 1992 par un géomètre expert et les photographies produites confirmaient, en l'absence de relevé topographique précis de la crête de la falaise, que les copropriétaires avaient exprimé l'intention d'inclure toute la falaise dans les parties communes.
7. Elle a, ensuite, retenu, sans se contredire, que, si la crête de falaise avait, sous l'effet de phénomènes d'érosion naturelle, progressivement reculé sur la propriété des consorts [M], l'effondrement survenu en 2011, au droit du lot n° 46, trouvait sa cause dans une partie commune.
8. Elle a, enfin, estimé, notamment au regard des conclusions d'expertise judiciaire, que le dommage aurait pu être évité par une surveillance régulière de la falaise et des travaux confortatifs préventifs, et en a exactement déduit que la responsabilité du syndicat des copropriétaires était engagée.
9. Le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
10. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande dirigée contre la société Groupama Méditerranée, alors « qu'en décidant que le contrat d'assurance responsabilité civile de la copropriété, souscrit par le syndicat des copropriétaires du domaine du Cap Liouquet le 11 février 2010, au bénéfice de la copropriété et des copropriétaires, ne couvrait pas les dommages causés par la copropriété aux consorts [M], dès lors que ces derniers avaient la qualité de copropriétaires, motif pris que seuls entraient dans le champ de la garantie les dommages causés aux tiers, définis comme toute personne autre que « l'assuré lui-même » et que les copropriétaires avaient la qualité d'assurés, bien qu'il soit seulement résulté de ces stipulations contractuelles qu'était exclu de la définition de tiers l'assuré auteur du dommage, et non les autres assurés, étrangers à la réalisation du dommage, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
11. Il est jugé que, sauf disposition contractuelle contraire, dans un contrat d'assurance de responsabilité civile comportant plusieurs assurés, l'assuré victime d'un dommage causé par un autre assuré a la qualité de tiers lésé (2e Civ., 15 mai 2008, pourvoi n° 06-22.171, Bull. 2008, II, n° 108).
12. Pour rejeter la demande du syndicat des copropriétaires, l'arrêt énonce qu'il ressort des conditions générales du contrat d'assurance que la garantie offerte par le contrat porte sur les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à l'assuré en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés par lui à un tiers, et qu'ont la qualité d'assuré le syndicat des copropriétaires et le copropriétaire, le tiers étant défini comme toute personne autre que l'assuré lui-même.
13. Il en déduit qu'en l'absence de conditions expresses du contrat d'assurance, les copropriétaires n'ont pas la qualité de tiers lésé par rapport à la copropriété, pour les dommages causés à leurs parties privatives par les biens dépendant des parties communes assurées.
14. En statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'une disposition contractuelle expresse déniant la qualité de tiers lésé à l'assuré victime d'un dommage causé par un autre assuré, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt rejetant la demande du syndicat des copropriétaires dirigée contre la société Groupama Méditerranée entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant la demande de garantie des consorts [M] dirigée contre ce même assureur.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande du syndicat des copropriétaires du domaine du Cap Liouquet et la demande des consorts [M] dirigée contre la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Alpes Méditerranée tendant à être relevé et garanti de toute condamnation, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile entre le syndicat des copropriétaires du domaine du Cap Liouquet et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Alpes Méditerranée, l'arrêt rendu le 9 novembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Alpes Méditerranée aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le quatre septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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