mercredi 24 septembre 2025

L'article 1147 (responsabilité contractuelle) est un moyen subsidiaire de l'article 1792 (responsabilité décennale) et non une prétention nouvelle

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CH10



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 11 septembre 2025




Rejet


Mme MARTINEL, présidente



Arrêt n° 820 F-D

Pourvoi n° J 22-24.269




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 SEPTEMBRE 2025

La société Périgord génie civil, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° J 22-24.269 contre l'arrêt rendu le 6 octobre 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [G] [F], épouse [J], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à M. [E] [J], domicilié [Adresse 2], Mexique,

3°/ à la société Smabtp, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Mme [J] et M. [J] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principale invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandemange, conseillère, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société Périgord génie civil, de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [J] et M. [J], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 juin 2025 où étaient présentes Mme Martinel, présidente, Mme Grandemange, conseillère rapporteure, Mme Durin-Karsenty, conseillère doyenne, et Mme Sara, greffière de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 6 octobre 2022), M. [J], propriétaire d'une maison d'habitation occupée par sa mère Mme [J] (les consorts [J]), a confié la réalisation de travaux à la société Périgord génie civil (la société).

2. Le 6 juin 2013, les consorts [J] ont assigné la société en responsabilité et indemnisation des préjudices subis. La société a appelé en cause la SMABTP en sa qualité d'assureur décennal.

3. Le 30 novembre 2018, les consorts [J] ont relevé appel de deux jugements ayant notamment ordonné une expertise et les ayant déboutés de l'intégralité de leurs prétentions à l'encontre de la société Périgord génie civil et de la compagnie SMABTP à défaut de réception tacite des travaux.

Examen du moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux consorts [J] des sommes au titre de la démolition et de la reconstruction du garage, des mesures réparatoires du mur de soutènement, du préjudice de jouissance, alors « que nul ne peut se prévaloir en appel d'un moyen auquel il a expressément renoncé devant les premiers juges ; que pour examiner la demande des consorts [J] fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun de la société Périgord génie civil et y faire droit, l'arrêt, après avoir rappelé que dans leurs dernières conclusions devant le tribunal de grande instance de Périgueux du 9 février 2018 les consorts [J] ne fondaient leurs demandes que sur la responsabilité décennale de la SARL Périgord génie civil, le tribunal n'étant tenu de répondre que sur ce moyen par application de l'article 753 du code de procédure civile, retient qu'en formant les mêmes demandes à titre subsidiaire devant la cour sur le fondement de l'article 1147 du code civil (?) les consorts [J] développent un moyen nouveau mais non un prétention nouvelle, seule interdite par l'article 564 du code de procédure civile, l'article 565 précisant que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent et qu'il ne peut être considéré que les consorts [J] qui sont réputés avoir abandonné le moyen tiré de la responsabilité contractuelle par application de l'article 753 du code de procédure civile ont violé le principe de concentration des moyens par l'utilisation d'un fondement juridique nouveau en appel, celui-ci étant expressément admis par l'article 565 du code de procédure civile ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que dans leurs dernières conclusions devant le tribunal de grande instance de Périgueux du 9 février 2018 les consorts [J] ne fondaient leurs demandes que sur la responsabilité décennale de la SARL Périgord Génie Civil et qu'ils étaient ainsi réputés avoir abandonné le moyen tiré de la responsabilité contractuelle par application de l'article 753 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé l'article 563 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article 563 du code de procédure civile, que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, sauf renonciation expresse devant les premiers juges.

6. La seule circonstance qu'un moyen invoqué par une partie dans des conclusions ait été omis dans ses dernières conclusions devant les premiers juges, ne suffit pas à caractériser une renonciation expresse à s'en prévaloir devant la cour d'appel.

7. Après avoir retenu qu'en l'absence de réception des travaux, la garantie décennale ne pouvait être mise en oeuvre, l'arrêt constate que dans leurs dernières conclusions devant le tribunal de grande instance, les consorts [J] ne fondaient leurs demandes que sur la responsabilité décennale de la société. Il relève qu'ils étaient réputés avoir abandonné le moyen tiré de la responsabilité contractuelle par application de l'article 753 du code de procédure civile.

8. Il ajoute que les consorts [J], en formant les mêmes demandes à titre subsidiaire devant la cour d'appel sur le fondement de l'article 1147 du civil, dans sa rédaction applicable, développent un moyen nouveau mais non une prétention nouvelle et que l'utilisation d'un fondement juridique nouveau en appel, expressément admise par l'article 565 du code de procédure civile, ne contrevient pas au principe de concentration des moyens.

9. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel a exactement déduit
qu'elle devait examiner la demande des consorts [J], présentée devant elle sur le fondement du moyen pris de la responsabilité contractuelle de droit commun.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

Condamne la société Périgord génie civil aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Périgord génie civil et la condamne à payer à Mme [J] et M. [J] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le onze septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C200820

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