Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 23-22.555
- ECLI:FR:CCASS:2025:C300400
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 11 septembre 2025
Décision attaquée : Cour d'appel de Noumea, du 31 juillet 2023- Président
- Mme Teiller (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CC
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 11 septembre 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, présidente
Arrêt n° 400 FS-B
Pourvoi n° S 23-22.555
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 SEPTEMBRE 2025
M. [O] [F], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 23-22.555 contre l'arrêt rendu le 31 juillet 2023 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Henkel France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseillère, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [F], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Henkel France, et l'avis de Mme Delpey-Corbaux, avocate générale, après débats en l'audience publique du 11 juin 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, Mme Foucher-Gros, conseillère rapporteure, M. Boyer conseiller doyen, Mme Abgrall, MM. Pety, Brillet, Mme Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffière de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, de la présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 31 juillet 2023) et les productions, M. [F] (l'entrepreneur) a procédé à la rénovation de l'étanchéité de la toiture terrasse et des façades d'un immeuble en copropriété. Il a utilisé à cette fin un produit fabriqué par la société Henkel France (le fabricant).
2. Après rapport d'expertise déposé le 20 septembre 2013, le syndicat des copropriétaires, se plaignant d'infiltrations, a déposé une requête en indemnisation de ses préjudices, signifiée le 10 décembre 2014 à l'entrepreneur.
3. Par jugement du 23 octobre 2017, confirmé par arrêt du 2 août 2019, l'entrepreneur a été reconnu exclusivement responsable du préjudice du syndicat des copropriétaires et condamné au paiement d'une certaine somme.
4. Le 29 novembre 2019, l'entrepreneur, se plaignant du dommage que lui causait cette condamnation, a déposé contre le fabricant une requête en paiement d'une indemnité réparant son préjudice.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. L'entrepreneur fait grief à l'arrêt de constater la prescription de son action engagée à l'encontre du fabricant et, en conséquence, de déclarer ses demandes irrecevables, alors « que le délai de prescription de l'action en responsabilité délictuelle engagée contre un tiers en réparation du dommage résultant, pour le demandeur, de sa condamnation à indemniser son propre cocontractant, ne saurait courir tant que le demandeur n'a pas lui-même fait l'objet d'une action en réparation par son propre contractant et ainsi eu connaissance de la réalisation probable de son préjudice ; que dès lors, en retenant, pour dire prescrite l'action en responsabilité introduite par M. [F] contre la société Henkel France le 29 novembre 2019, que le délai de prescription quinquennale avait commencé à courir le 20 septembre 2013, date à laquelle l'expert judiciaire avait déposé son rapport indiquant que les désordres résultaient de l'utilisation par M. [F] du produit Rubson SP 360, quand ce n'est que par une requête en date du 8 décembre 2014 que le syndicat des copropriétaires de la résidence [3] a engagé une action en responsabilité contractuelle contre M. [F] afin de le voir condamner à l'indemniser du fait des désordres résultant de l'utilisation du produit précité, la cour d'appel, qui a fixé le point de départ du délai de prescription à une date antérieure à celle à laquelle M. [F] avait pu avoir connaissance de la réalisation probable de son dommage, a violé l'article 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2224 du code civil, applicable en Nouvelle-Calédonie, 54-3-3 et 757 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie :
7. Aux termes du premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
8. En matière d'action récursoire, il est jugé que la prescription applicable au recours d'une personne assignée en responsabilité contre un tiers qu'elle estime coauteur du même dommage a pour point de départ l'assignation qui lui a été délivrée, même en référé, si elle est accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, sauf si elle établit qu'elle n'était pas, à cette date, en mesure d'identifier ce responsable (Ch. mixte., 19 juillet 2024, pourvoi n° 22-18.729, publié).
9. Selon le troisième, le demandeur saisit le tribunal par requête remise au greffe, cette remise fixant la date de saisine de la juridiction.
10. Selon le deuxième, les requêtes sont signifiées aux parties intéressées à la diligence du greffier dans les vingt-quatre heures du dépôt ou de la régularisation, cette signification faisant courir les délais.
11. Il en résulte, en droit applicable à la Nouvelle-Calédonie, que la prescription du recours d'une personne assignée en responsabilité contre un tiers qu'elle estime coauteur du même dommage a pour point de départ la date à laquelle lui a été signifiée par le greffe la requête du demandeur à l'action principale et que ce délai est interrompu par la remise au greffe de sa requête à l'encontre de ce tiers, laquelle saisit la juridiction de son action récursoire.
12. Pour déclarer irrecevables les demandes de l'entrepreneur, l'arrêt relève que celui-ci avait connaissance, au jour du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, du dommage dont il se prévaut.
13. En statuant ainsi, alors que, par motifs propres et adoptés, elle avait constaté que l'entrepreneur avait saisi le tribunal de première instance, moins de cinq ans après la signification de la requête du syndicat des copropriétaires aux fins d'indemnisation de ses préjudices, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de M. [F], l'arrêt rendu le 31 juillet 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée ;
Condamne la société Henkel France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Henkel France et la condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le onze septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300400
CIV. 3
CC
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 11 septembre 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, présidente
Arrêt n° 400 FS-B
Pourvoi n° S 23-22.555
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 SEPTEMBRE 2025
M. [O] [F], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 23-22.555 contre l'arrêt rendu le 31 juillet 2023 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Henkel France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseillère, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [F], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Henkel France, et l'avis de Mme Delpey-Corbaux, avocate générale, après débats en l'audience publique du 11 juin 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, Mme Foucher-Gros, conseillère rapporteure, M. Boyer conseiller doyen, Mme Abgrall, MM. Pety, Brillet, Mme Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffière de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, de la présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 31 juillet 2023) et les productions, M. [F] (l'entrepreneur) a procédé à la rénovation de l'étanchéité de la toiture terrasse et des façades d'un immeuble en copropriété. Il a utilisé à cette fin un produit fabriqué par la société Henkel France (le fabricant).
2. Après rapport d'expertise déposé le 20 septembre 2013, le syndicat des copropriétaires, se plaignant d'infiltrations, a déposé une requête en indemnisation de ses préjudices, signifiée le 10 décembre 2014 à l'entrepreneur.
3. Par jugement du 23 octobre 2017, confirmé par arrêt du 2 août 2019, l'entrepreneur a été reconnu exclusivement responsable du préjudice du syndicat des copropriétaires et condamné au paiement d'une certaine somme.
4. Le 29 novembre 2019, l'entrepreneur, se plaignant du dommage que lui causait cette condamnation, a déposé contre le fabricant une requête en paiement d'une indemnité réparant son préjudice.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. L'entrepreneur fait grief à l'arrêt de constater la prescription de son action engagée à l'encontre du fabricant et, en conséquence, de déclarer ses demandes irrecevables, alors « que le délai de prescription de l'action en responsabilité délictuelle engagée contre un tiers en réparation du dommage résultant, pour le demandeur, de sa condamnation à indemniser son propre cocontractant, ne saurait courir tant que le demandeur n'a pas lui-même fait l'objet d'une action en réparation par son propre contractant et ainsi eu connaissance de la réalisation probable de son préjudice ; que dès lors, en retenant, pour dire prescrite l'action en responsabilité introduite par M. [F] contre la société Henkel France le 29 novembre 2019, que le délai de prescription quinquennale avait commencé à courir le 20 septembre 2013, date à laquelle l'expert judiciaire avait déposé son rapport indiquant que les désordres résultaient de l'utilisation par M. [F] du produit Rubson SP 360, quand ce n'est que par une requête en date du 8 décembre 2014 que le syndicat des copropriétaires de la résidence [3] a engagé une action en responsabilité contractuelle contre M. [F] afin de le voir condamner à l'indemniser du fait des désordres résultant de l'utilisation du produit précité, la cour d'appel, qui a fixé le point de départ du délai de prescription à une date antérieure à celle à laquelle M. [F] avait pu avoir connaissance de la réalisation probable de son dommage, a violé l'article 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2224 du code civil, applicable en Nouvelle-Calédonie, 54-3-3 et 757 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie :
7. Aux termes du premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
8. En matière d'action récursoire, il est jugé que la prescription applicable au recours d'une personne assignée en responsabilité contre un tiers qu'elle estime coauteur du même dommage a pour point de départ l'assignation qui lui a été délivrée, même en référé, si elle est accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, sauf si elle établit qu'elle n'était pas, à cette date, en mesure d'identifier ce responsable (Ch. mixte., 19 juillet 2024, pourvoi n° 22-18.729, publié).
9. Selon le troisième, le demandeur saisit le tribunal par requête remise au greffe, cette remise fixant la date de saisine de la juridiction.
10. Selon le deuxième, les requêtes sont signifiées aux parties intéressées à la diligence du greffier dans les vingt-quatre heures du dépôt ou de la régularisation, cette signification faisant courir les délais.
11. Il en résulte, en droit applicable à la Nouvelle-Calédonie, que la prescription du recours d'une personne assignée en responsabilité contre un tiers qu'elle estime coauteur du même dommage a pour point de départ la date à laquelle lui a été signifiée par le greffe la requête du demandeur à l'action principale et que ce délai est interrompu par la remise au greffe de sa requête à l'encontre de ce tiers, laquelle saisit la juridiction de son action récursoire.
12. Pour déclarer irrecevables les demandes de l'entrepreneur, l'arrêt relève que celui-ci avait connaissance, au jour du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, du dommage dont il se prévaut.
13. En statuant ainsi, alors que, par motifs propres et adoptés, elle avait constaté que l'entrepreneur avait saisi le tribunal de première instance, moins de cinq ans après la signification de la requête du syndicat des copropriétaires aux fins d'indemnisation de ses préjudices, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de M. [F], l'arrêt rendu le 31 juillet 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée ;
Condamne la société Henkel France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Henkel France et la condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le onze septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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