mercredi 24 septembre 2025

L'assuré et la déclaration du risque

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CH10



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 18 septembre 2025




Cassation


Mme MARTINEL, présidente



Arrêt n° 845 F-B

Pourvoi n° V 23-21.201


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 SEPTEMBRE 2025

La société MIC Insurance Company, société anonyme à conseil d'administration, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Millenium Insurance Company Ltd, société étrangère, dont le siège social est situé [Adresse 2] Gibraltar, a formé le pourvoi n° V 23-21.201 contre l'arrêt rendu le 21 juin 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4-chambre 8), dans le litige l'opposant à la société 123 JM, société civile, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de la société MIC Insurance Company, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société 123 JM, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 juin 2025 où étaient présents Mme Martinel, présidente, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseillère doyenne, et Mme Cathala, greffière de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 juin 2023), la société 123 JM (l'assuré) est propriétaire d'un immeuble à usage d'entrepôt, divisé en différents lots, qu'elle a, par contrat du 20 décembre 2011 à effet rétroactif au 15 décembre 2011, assuré auprès de la société Millenium Insurance Company Limited, aux droits de laquelle se trouve la société MIC Insurance Company (l'assureur).

2. Le 17 mai 2014, un incendie, survenu dans le lot pris à bail, le 15 février 2014, par la société Distri clim, a détruit l'immeuble.

3. Après avoir vainement demandé à l'assureur de garantir le sinistre, l'assuré l'a assigné devant un tribunal de commerce.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'assureur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de nullité de la police d'assurance et de le condamner à payer à l'assuré les sommes de 1 303 167,37 euros HT au titre des dommages immobiliers, 93 600 TTC au titre de la perte de loyers et de 15 181,32 euros HT au titre des frais de gardiennage, alors « que s'il procède d'une réticence intentionnelle, le non-respect de l'obligation de l'assuré de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l'assureur, est de nature à justifier l'annulation du contrat d'assurances ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Distri clim avait exercé, dans les locaux assurés, à compter du 1er mars 2014, une activité de vente en gros de tout appareil de climatisation, qui, distincte de l'activité initiale de stockage de vêtements, aurait dû être déclarée en cours de contrat ; que, pour écarter le moyen de nullité de l'assureur, la cour d'appel a considéré qu'il n'était pas établi que la présence de bouteilles de gaz, d'oxygène et d'acétylène dans les locaux loués à la société Distri clim avait été à l'origine de l'incendie ou de la plus grande rapidité de sa propagation ; qu'en se déterminant ainsi alors qu'il lui appartenait de rechercher objectivement si la nouvelle activité, non déclarée, avait pour effet d'augmenter le risque ou d'en créer de nouveaux et non pas si, dans les faits, si cette activité avait été à l'origine du sinistre ou de son ampleur, la cour d'appel a violé les articles L. 113-2, 3° et L. 113-8 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 113-2, 2°, L. 113-2, 3°, et L. 113-8 du code des assurances :

5. Selon le premier de ces textes, l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge.

6. Selon le deuxième, l'assuré est obligé de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes les réponses faites à l'assureur, notamment dans le formulaire mentionné au 2° ci-dessus.

7. Selon le troisième, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.

8. Pour débouter l'assureur de sa demande de nullité du contrat d'assurance et le condamner à payer diverses sommes à l'assuré, l'arrêt relève, d'abord, que le questionnaire soumis par l'assureur à l'assuré préalablement à la conclusion du contrat ne lui demandait que de déclarer son activité principale, en précisant la proportion de la surface des locaux à assurer qui y était consacrée, ce qui a été fait par l'assuré qui a mentionné « stockage de vêtements » et précisé que cela occupait « plus de 25 % de la surface développée totale ».

9. L'arrêt relève, ensuite, que le questionnaire ne posait aucune question sur les activités accessoires, voire dangereuses, exercées dans les locaux à assurer et qu'il ne peut être déduit de l'absence de toute mention d'une activité « autre » dans la rubrique afférente du questionnaire, que seule l'activité principale déclarée y était exercée.

10. L'arrêt, après avoir ajouté que si l'assuré a autorisé, en cours de contrat, un locataire à exercer une activité de « vente en gros de tout appareil de climatisation » et le stockage afférent à cette activité, cette nouvelle activité annexe demeurait accessoire dès lors qu'elle occupait à peine plus de 5 % de la surface totale assurée, relève qu'il ressort des « dispositions personnelles multirisque professionnelle » du contrat que l'assuré a déclaré, lors de sa souscription, être propriétaire non occupant d'un immeuble comportant un entrepôt de stockage de vêtements, sur une superficie de 7 500 m².

11. Il en déduit que, si l'activité nouvelle exercée dans les locaux constituait une circonstance nouvelle qui n'avait pu être déclarée initialement, de sorte qu'elle aurait dû l'être par la suite, il n'est pas démontré par l'assureur que cette activité a eu pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux dès lors qu'il reconnaît que la présence, dans les locaux, mais qui n'est pas certaine, de bouteilles de gaz, d'oxygène et d'acétylène, qui serait liée à l'exercice de cette nouvelle activité, n'est pas à l'origine de l'incendie et qu'il n'est pas démontré, sauf à dénaturer les termes du rapport d'expertise judiciaire, qu'elle est à l'origine de sa propagation très rapide, et donc de l'ampleur du sinistre.

12. En statuant ainsi, alors que les circonstances nouvelles qui doivent être déclarées en cours de contrat par l'assuré ne dépendent ni de l'origine du sinistre dont la garantie est demandée, ni du rôle qu'elles ont joué dans son ampleur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société 123 JM aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le dix-huit septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C200845

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