mardi 17 décembre 2024

Amiante - diagnostic erroné - vente immobilière - le juge ne peut refuser d'indemniser un préjudice dont il constate l'existence en son principe

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 décembre 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 668 F-D

Pourvoi n° M 23-12.407



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 DÉCEMBRE 2024

1°/ Mme [Y] [C],

2°/ M. [P] [E],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° M 23-12.407 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2022 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile), dans le litige les opposant à la société AC environnement, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [C] et de M. [E], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société AC environnement, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 24 juin 2022), par acte authentique du 8 février 2013, M. [E] et Mme [C] (les acquéreurs) ont fait l'acquisition en indivision d'une maison d'habitation.

2. Un diagnostic de repérage d'amiante réalisé le 26 mars 2012 par la société AC environnement (le diagnostiqueur) a été joint à l'acte.

3. Ayant découvert de l'amiante dans leur immeuble, les acquéreurs ont assigné le diagnostiqueur en responsabilité.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de leurs demandes, alors « que le juge ne peut refuser d'indemniser un préjudice dont il a constaté l'existence en son principe ; qu'en retenant, pour refuser d'indemniser le préjudice subi par les consorts [C]-[E] résultant de la présence d'amiante dans les combles de leur maison que le diagnostiqueur avait omis de signaler dans son rapport, que ces derniers ne produisaient aucun devis relatif aux travaux de désamiantage de ces plaques de menuiserie, la cour d'appel, qui a refusé d'indemniser un préjudice dont elle avait pourtant constaté l'existence, a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

5. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser d'indemniser un préjudice dont il constate l'existence en son principe.

6. Pour rejeter la demande indemnitaire présentée par les acquéreurs au titre du préjudice résultant de la présence d'amiante non détectée dans les combles de la maison, l'arrêt, après avoir retenu que le diagnostiqueur avait commis une faute contractuelle de nature à engager sa responsabilité civile délictuelle à leur égard, pour ne pas avoir contrôlé les greniers de l'habitation, alors que ceux-ci étaient accessibles par des trappes vissées, et qu'un diagnostic ultérieur a révélé la présence d'amiante sur des revêtements durs de plaques de menuiserie des murs et cloisons des combles, énonce que les acquéreurs ne produisent, au titre du dommage matériel qu'ils invoquent, aucun devis de désamiantage de ces plaques.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a refusé d'indemniser un préjudice, en lien direct avec la faute du diagnostiqueur, dont elle a reconnu l'existence en son principe, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation de M. [E] et de Mme [C] au titre du préjudice résultant de la présence d'amiante dans les combles de leur habitation et en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 24 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée ;

Condamne la société AC environnement aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société AC environnement et la condamne à payer à M. [E] et à Mme [C] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300668

Norme NF P 03-001 et acceptation irréfragable du décompte de l'entreprise

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 décembre 2024




Cassation partielle
sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 665 F-D

Pourvoi n° Q 23-13.790




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 DÉCEMBRE 2024

La société civile de construction vente Les Jardins secrets, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 23-13.790 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2023 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile - 1re section), dans le litige l'opposant à la société Savoie chauffage sanitaire (SCS), dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La société Savoie chauffage sanitaire a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société civile de construction vente Les Jardins secrets, de la SCP Duhamel, avocat de la société Savoie chauffage sanitaire, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 24 janvier 2023), la société civile de construction vente Les Jardins secrets (la SCCV) a confié à la société Savoie chauffage sanitaire (la société SCS) le lot chauffage-VMC-plomberie d'une opération de construction immobilière, réalisée sous la maîtrise d'oeuvre de la société Immobilier Savoie Lémona.

2. La réception est intervenue le 11 octobre 2018 avec réserves.

3. Le 4 décembre 2018, la société SCS a établi son mémoire définitif que le maître d'oeuvre a reçu le 10 décembre suivant.

4. Se prévalant d'un décompte définitif établi par ce dernier le 18 avril 2019 faisant apparaître un solde débiteur à la charge de la société SCS, la SCCV a assigné celle-ci en paiement, laquelle a formé, à titre reconventionnel, une demande en paiement du solde figurant sur son mémoire définitif.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. La SCCV fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société SCS une certaine somme, alors « qu'il résulte des articles 19.5.1, 19.6.1 et 19.6.2 de la norme NF P 03 001, applicables au marché conclu entre les sociétés Les Jardins secrets et SCS, que ce n'est qu'en l'absence de contestation du mémoire définitif établi par l'entrepreneur que le maître de l'ouvrage, lorsqu'il n'a pas notifié à ce dernier le décompte définitif dans les 45 jours suivant la réception de ce document par le maître d'oeuvre, est réputé l'avoir tacitement accepté ; que le maître de l'ouvrage ne peut ainsi être réputé avoir accepté le mémoire définitif de l'entrepreneur s'il a indiqué, à réception de ce mémoire, qu'il refusait de le traiter compte tenu de malfaçons ou d'inexécutions dans la réalisation des travaux ; que la cour d'appel a relevé qu'après l'envoi par la société SCS d'un mémoire définitif au maître d'oeuvre, par courrier du 7 décembre 2018 réceptionné le 10 décembre suivant, la société Les jardins secrets avait, par courrier du 4 janvier 2019, indiqué qu'elle ne pouvait traiter ce mémoire « au regard des malfaçons constatées et avérées, ainsi qu'au fait que [les] travaux [de la société SCS] [n'étaient] pas terminés » ; qu'en jugeant néanmoins que ce refus par la société Les Jardins secrets d'examiner le mémoire de la société SCS ne constituait pas une contestation dudit mémoire, qui ne pourrait consister qu'en la notification d'un décompte définitif établi par le maître d'oeuvre, et que faute d'avoir établi un tel décompte définitif, la société Les jardins secrets était présumée de manière irréfragable avoir accepté le mémoire définitif de la société SCS, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 19.6.2 de la norme NF P 03-001, alors applicable. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel, qui a relevé que les parties avaient choisi de soumettre les modalités d'établissement du décompte général définitif aux dispositions de la norme NF P 03-001 de décembre 2000, a exactement retenu que la contestation, au sens des dispositions de l'article 19.6.2 de cette norme, consistait pour le maître de l'ouvrage à notifier à l'entrepreneur le décompte définitif établi par le maître d'oeuvre dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la réception par celui-ci du mémoire de l'entreprise.

7. Ayant constaté qu'à la suite de la réception par le maître d'oeuvre du mémoire définitif de la société SCS, la SCCV avait fait connaître, par lettre du 4 janvier 2019, qu'elle refusait de l'examiner eu égard aux malfaçons et inachèvements affectant les travaux réalisés, elle en a déduit, à bon droit, qu'en l'absence de notification de son propre décompte conformément à la procédure contractuelle de vérification des comptes et dans le délai imparti, la société Les Jardins secrets était présumée de manière irréfragable avoir accepté ce mémoire définitif.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

9. La SCCV fait le même grief à l'arrêt, alors « que les surcoûts engendrés par le retard dans l'exécution de travaux ayant fait l'objet d'un marché à forfait ne peuvent donner lieu à indemnisation de l'entrepreneur que s'ils sont imputables au maître de l'ouvrage ; que pour juger que la société Les Jardins secrets devait régler à la société SCS les surcoûts engendrés par le retard du chantier, évalués à 156 885 euros HT, la cour d'appel a retenu que ces frais supplémentaires figuraient dans le mémoire définitif établi par l'entrepreneur, lequel était réputé avoir été accepté par le maître de l'ouvrage en application de l'article 19.6.2 de la norme NF P 03-001 applicable au marché ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le retard dans l'exécution du chantier n'était pas imputable à la société SCS, et non à la société Les Jardins secrets, la cour d'appel a violé l'article 1793 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 19.6.2 de la norme NF P 03-001, alors applicable. »

Réponse de la Cour

10. La cour d'appel a énoncé, à bon droit, que, pour l'application de l'article 19.6.2 de la norme NF P 03-001, les réclamations, autres que celles portant sur des travaux supplémentaires non autorisés, ni régularisés par le maître de l'ouvrage, lorsqu'elles sont mentionnées dans le mémoire définitif de l'entreprise, sont, en l'absence de contestation de celui-ci conformément à la procédure contractuelle de clôture des comptes, réputées acceptées par le maître de l'ouvrage.

11. Ayant constaté que, dans son mémoire définitif, l'entreprise avait intégré des dépenses supplémentaires résultant de la prolongation du chantier de quarante-trois semaines et calculé les surcoûts engendrés par ce retard en les évaluant poste par poste, faisant ainsi ressortir que le maître de l'ouvrage était en mesure d'en contester tant le principe que le montant, et relevé que celui-ci s'était abstenu de notifier le décompte général définitif dans le délai contractuel imparti, elle en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à d'autres recherches, qu'il devait être condamné au paiement des dépenses supplémentaires ainsi réclamées.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

13. La société SCS fait grief à l'arrêt de ne condamner la SCCV à lui payer des intérêts à compter du 23 avril 2019 qu'au taux légal, alors « que l'article 2.15.3 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), conclu entre les sociétés SCS et Les Jardins secrets, stipule qu'« après mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception, les retards de paiement ouvrent droit, pour l'entrepreneur, au paiement d'intérêts moratoires à un taux qui sera le taux d'intérêt légal augmenté de 7 points » ; que la société Savoie chauffage sanitaire demandait à la cour d'appel de « condamner la société Les Jardins secrets à payer à la société SCS la somme de 253 170,07 euros, outre intérêts moratoires au taux d'intérêt légal augmenté de 7 points à compter du 23 avril 2019 » ; que la cour d'appel a constaté que l'article 2.15.3 du CCAP prévoyait des intérêts moratoires au taux d'intérêt légal augmenté de sept points ; qu'en condamnant néanmoins la société Les Jardins secrets à payer à la société SCS des intérêts seulement au taux légal à compter du 23 avril 2019 sur la somme de 253 170,07 euros, au lieu du taux d'intérêt légal augmenté de sept points, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

14. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

15. L'arrêt assortit la créance de la société SCS de l'intérêt au taux légal.

16. En statuant ainsi, après avoir constaté que la société SCS avait mis en demeure le maître de l'ouvrage de procéder au règlement des sommes dues par lettre du 3 avril 2019 et que l'article 2.15.3 du CCAP prévoyait des intérêts moratoires au taux d'intérêt légal augmenté de sept points, la cour d'appel violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

17. Tel que suggéré par le mémoire du pourvoi incident, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, l'article 2.15.3 du CCAP énonce qu'après mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, les retards de paiement ouvrent droit, pour l'entrepreneur, au paiement des intérêts moratoires à un taux qui sera le taux d'intérêt légal augmenté de sept points.

20. La société SCS a, par lettre recommandée avec avis de réception du 3 avril 2019, mis la SCCV en demeure de lui payer, dans un délai de quinze jours, la somme de 253 480,07 euros TTC, prévue dans son mémoire définitif.

21. En l'absence de demande, les intérêts moratoires ne peuvent pas produire d'intérêts, de sorte que les intérêts de retard déjà intégrés dans le mémoire définitif d'un montant de 3 168,61 euros TTC doivent être déduits de l'assiette du calcul des intérêts applicables après la mise en demeure demeurée infructueuse.

22. Par conséquent, il convient de condamner la SCCV à payer à la société SCS la somme de 253 170,07 euros TTC, outre les intérêts au taux légal augmenté de sept points sur la somme de 250 001,46 euros, à compter du 23 avril 2019, comme elle en forme la demande.

23. La cassation du chef dispositif condamnant la SCCV au paiement des intérêts au taux légal n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt la condamnant aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à son encontre et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société civile de construction vente Les Jardins secrets au paiement des intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2019, l'arrêt rendu le 24 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société civile de construction vente Les Jardins secrets à payer à la société Savoie chauffage sanitaire la somme de 253 170,03 euros TTC, outre les intérêts au taux légal augmenté de sept points sur la somme de 250 001,46 euros à compter du 23 avril 2019 ;

Condamne la société civile de construction vente Les Jardins secrets aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300665

Vente immobilière - article 1792 du code civil et principe de la réparation intégrale

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 décembre 2024




Cassation partielle sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 662 F-D

Pourvoi n° D 20-16.712




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 DÉCEMBRE 2024

Mme [M] [B], veuve [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 20-16.712 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2019 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [J] [Z],

2°/ à Mme [H] [K], épouse [Z],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

3°/ à M. [V] [W],

4°/ à Mme [O] [S], épouse [W],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de Mme [E], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. et Mme [Z], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. et Mme [W], après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 17 décembre 2019), en 2006, Mme [E] a fait construire une maison d'habitation qu'elle a vendue le 3 avril 2008 à M. et Mme [Z].

2. Se plaignant d'un affaissement de la maison, M. et Mme [Z] ont, après une expertise judiciaire, assigné Mme [E] en indemnisation de leurs préjudices.

3. Ils ont revendu la maison à M. et Mme [W] en cours d'instance. Les acquéreurs sont intervenus volontairement à celle-ci.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. Mme [E] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. et Mme [W] la somme de 82 585,81 euros au titre des travaux de reprise à réaliser, avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2012, alors « que les acquéreurs successifs d'un immeuble ne sont fondés à agir contre les constructeurs sur le fondement de la garantie décennale qui accompagne, en tant qu'accessoire, l'immeuble, nonobstant la connaissance, par les acquéreurs, des vices de celui-ci lors de la signature de l'acte de vente et l'absence, dans ce dernier cas, de clause leur réservant un tel recours, qu'à la condition de justifier de l'existence d'un préjudice ; qu'en décidant néanmoins que M. et Mme [W] étaient fondés à obtenir la réparation de leur préjudice au titre des travaux de reprise des désordres, après avoir pourtant constaté qu'ils avaient bénéficié auprès de M. et Mme [Z] d'une diminution du prix de vente de l'immeuble en raison de l'existence de ces mêmes désordres, ce dont il résultait que le préjudice de M. et Mme [W] résultant de l'existence de ces désordres avait d'ores et déjà été réparé par l'octroi d'une diminution du prix de vente de l'immeuble, la cour d'appel, qui a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1792 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. M. et Mme [W] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit, voire contraire à la thèse défendue en appel.

7. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

8. Par ailleurs, le moyen ne se fonde pas sur une thèse contraire à celle soutenue en appel mais reproche à l'arrêt d'accueillir la thèse combattue par Mme [E] sans en tirer les conséquences légales.

9. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1792 du code civil et le principe de la réparation intégrale :

10. Il résulte de ce texte et de ce principe que les dommages-intérêts alloués en réparation des dommages dont sont responsables de plein droit les constructeurs doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage ni perte ni profit.

11. Pour allouer à M. et Mme [W] l'entier montant des travaux de réparation, l'arrêt retient que les sous-acquéreurs sont bien fondés à rechercher la garantie décennale de Mme [E], au titre des travaux de réfection de la maison dont ils auront à supporter la charge comme actuels propriétaires.

12. En statuant ainsi, après avoir retenu que M. et Mme [W] avaient bénéficié d'une réduction du prix de vente, consentie par les premiers acquéreurs, M. et Mme [Z], en considération des désordres affectant la maison vendue et dont Mme [E] était responsable, de sorte que les sous-acquéreurs avaient déjà été indemnisés, au moins partiellement, de leur préjudice matériel, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

15. Compte tenu de la réduction du prix de vente qui leur a été consentie par M. et Mme [Z] en considération des désordres affectant l'ouvrage et dont est responsable de plein droit Mme [E], M. et Mme [W] ont été partiellement indemnisés du préjudice matériel correspondant au coût de la remise en état de l'ouvrage.

16. Les indemnités dues par Mme [E] au titre de cette remise doivent, ainsi, être diminuées du montant de cette réduction de prix. Le coût des réparations pouvant être évalué, à dire d'expert, à 82 585,81 euros et le montant de la réduction de prix s'élevant à 67 000 euros, Mme [E] sera condamnée à payer à M. et Mme [W] la somme résiduelle de 15 585,81 euros.

17. Il n'y a pas lieu, dans ces conditions, d'étendre la cassation aux chefs de dispositif fixant le point de départ des intérêts légaux et statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme [E] à payer à M. et Mme [W] la somme de 82 585,81 euros au titre des travaux de reprise à réaliser, l'arrêt rendu le 17 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne Mme [E] à payer à M. et Mme [W] la somme de 15 585,81 euros au titre des travaux de réparation de l'ouvrage ;

Condamne M. et Mme [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées devant la Cour de cassation ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300662

Il appartenait aux maîtres d'oeuvre de se renseigner sur la finalité des travaux de construction qu'ils acceptaient de concevoir et diriger, pour conseiller au maître de l'ouvrage les aménagements adaptés à son projet

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 décembre 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 660 F-D

Pourvoi n° G 23-11.668




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 DÉCEMBRE 2024

1°/ la société Perfezou, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6],

2°/ la société AMG, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° G 23-11.668 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2022 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Archi 3A, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7],

2°/ à la société Silicium, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée G5 construction, et plus anciennement 3A réalisation,

3°/ à M. [X] [F], domicilié [Adresse 2],

4°/ à la Société d'études construction bâtiments (Secoba), dont le siège est [Adresse 13], anciennement dénommée Altais ingénierie,

5°/ à la société [Adresse 8], dont le siège est [Adresse 3],

6°/ à la société CMF structures, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 11],

7°/ à la société Adec, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

8°/ à la société IGC, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10], anciennement dénommée Alpha BTP Sud,

9°/ à la société Socotec, dont le siège est [Adresse 9],

10°/ à la société Soredal, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 12],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat des sociétés Perfezou et AMG, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat des sociétés Archi 3A, Silicium, de M. [F], de la Société d'études contruction bâtiments, de
la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la société Soredal, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société [Adresse 8], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société CMF structures, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 6 décembre 2022), en 2010, la société Perfezou a confié à la société Archi 3A la maîtrise d'oeuvre de conception de la construction d'un bâtiment industriel. La maîtrise d'oeuvre d'exécution a été confiée à la société 3A réalisation, aujourd'hui dénommée Silicium.

2. L'exécution des travaux a, notamment, été confiée aux sociétés Eiffage travaux publics Rhône-Alpes-Auvergne, aujourd'hui dénommée [Adresse 8], CMF structures, Alpha BTP Sud, aujourd'hui dénommée IGC, Adec et Soredal.

3. Une mission d'économiste de la construction a été confiée à M. [F].

4. La société Altais ingénierie, aujourd'hui dénommée Société d'études construction bâtiments (la Secoba), a réalisé des études techniques.

5. Le contrôle technique a été confié à la société Socotec.

6. Le maître de l'ouvrage se plaignant de non-conformités et malfaçons, les travaux ont été interrompus avant l'achèvement de l'ouvrage.

7. Après une expertise judiciaire, les sociétés Archi 3A et 3A réalisation ont assigné le maître de l'ouvrage en paiement de leurs honoraires.

8. La société Perfezou a appelé en intervention forcée la société AMG, locataire de l'ouvrage, ainsi que les constructeurs.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

9. La société Perfezou fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir déclarer la Secoba responsable des désordres affectant le bâtiment industriel, à voir condamner cette société à lui rembourser l'ensemble des rémunérations qu'elle lui a versé et à voir ordonner une expertise avec mission notamment de décrire et chiffrer les travaux nécessaires à la réparation de ses préjudices, alors « que la société exposante avait fait valoir qu'en sa qualité de Bureau d'études structures chargée d'effectuer les calculs permettant d'assurer la stabilité du bâtiment, la société Secoba aurait nécessairement du se préoccuper de la qualité du sol et tenir compte du rapport géotechnique d'Alpha BTP Sud réalisé le 21 juin 2010 dont il ressortait que « les sols superficiels sont sensibles à l'eau (retrait/gonflement). Toutes mesures doivent donc être prises pour éviter les variations de teneur en eau des sols de fondation des ouvrages fondés superficiellement (structures et dallages)", ce qui aurait dû la conduire à préconiser un dallage d'une parfaite stabilité eu égard à sa destination ; qu'en retenant que les effets des mouvements provenant du sol naturel n'apparaissent pas devoir être imputés aux sociétés Archi 3A, Silicium, Adec (lot gros oeuvre) Soredal (lot dallage), CMF (lot charpente métallique) et Eiffage (lot terrassement et VRD), sans nullement rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la responsabilité de la société Secoba bureau d'études structures n'était pas engagée à ce titre, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige. »

Réponse de la Cour

10. La cour d'appel ne s'est pas expliquée, dans ses motifs, sur les demandes formées contre la Secoba et ne les a pas rejetées dans son dispositif.

11. Sous le couvert d'un grief de manque de base légale, le moyen dénonce, en réalité, des omissions de statuer qui, pouvant être réparées selon la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donnent pas lieu à ouverture à cassation.

12. Le moyen n'est donc pas recevable.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

13. La société AMG fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites toutes ses demandes alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; Qu'en se bornant à énoncer, pour dire prescrites les demandes de l'exposante, que l'inadaptation de la dalle à ses machines ne pouvait être ignorée d'elle dès le début de son exploitation industrielle, sans répondre au chef péremptoire des conclusions de la société AMG qui faisait valoir que si les difficultés d'exploitation qu'elle a rencontrées dès la prise de possession des lieux étaient de nature à justifier la mise en cause de la responsabilité contractuelle de son bailleur, tenu de lui assurer une jouissance paisible du bien, en revanche ce n'est qu'en l'état du dépôt du rapport d'expertise de M. [T], le 20 janvier 2022, qu'elle a pu se convaincre de ce que la cause de ces difficultés résidait dans des désordres procédant d'un défaut de conception de la dalle de nature à justifier la mise en cause de la responsabilité de l'architecte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

14. Répondant aux conclusions prétendument délaissées, la cour d'appel a retenu qu'ayant pris livraison d'un bâtiment neuf et ne pouvant ignorer dès le début de son exploitation l'identification des sources vibratoires, la société AMG ne pouvait sérieusement affirmer qu'elle n'avait pas de raisons de penser, avant le dépôt du rapport de l'expert, que ses difficultés d'exploitation étaient dues à des fautes des constructeurs.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur les premier et deuxièmes moyens, pris en leur première branche, rédigés en termes similaires, réunis

Enoncé des moyens

16. Par son premier moyen, la société Perfezou fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir déclarer la société Archi 3A responsable des désordres affectant le bâtiment industriel, à voir condamner cette société à lui rembourser l'ensemble des rémunérations qu'elle lui a versé, à voir ordonner une expertise avec mission notamment de décrire et chiffrer les travaux nécessaires à la réparation de ses préjudices et de la condamner à régler à la société Archi 3A la somme de 31 096 euros TTC au titre de ses honoraires contractuels, avec intérêts de retard au taux légal et capitalisation des intérêts, alors « que dans le cadre de son devoir de conseil, l'architecte doit se renseigner sur les souhaits du maître d'ouvrage, même en cas de silence de ce dernier, et doit notamment, à cet égard, se soucier de la destination de l'ouvrage ; Qu'en l'espèce, pour débouter l'exposante de ses demandes tendant à mettre en cause la responsabilité de la société Archi 3A, s'agissant notamment de l'inadéquation de la dalle à l'activité industrielle à laquelle l'ouvrage était destiné, la cour d'appel a relevé d'une part, que la partie rez-de-chaussée du bâtiment industriel a été conçue et construite en vue d'une utilisation ordinaire ou standard, et était conforme à cet usage, et non en vue d'une utilisation spécifique comprenant l'installation de machines lourdes à fortes charges dynamiques d'usinage et à émissions vibratoires importantes, d'autre part, qu'aucun des documents contractuels ne spécifie que la construction projetée a pour finalité une activité spécifique de production industrielle de mécanique générale de précision, de sorte qu'en cet état, il n'apparaît pas anormal que le choix d'épaisseur de la dalle du rez-de-chaussée ait été conçu en vue d'une utilisation standard ordinaire moyennant une épaisseur de dallage de l'ordre de 15 à 18/19 cm au lieu d'une épaisseur de dallage de l'ordre de 25 à 30 cm telle que spécifiquement
prévue et recommandée pour la réception de machines lourdes à effets dynamiques et que la société Perfezou ne rapporte pas la preuve que les maîtres d'oeuvre de conception et d'exécution des travaux litigieux aient été dûment informés de l'exacte finalité d'utilisation du bâtiment à construire ; Qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à l'architecte, sans se borner aux déclarations du maître de l'ouvrage, ni limiter son examen aux seuls documents contractuels, de se renseigner auprès de l'exposante sur la destination de l'ouvrage et notamment sur la configuration requise à cet égard en ce qui concerne la résistance de la dalle, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige. »

17. Par son deuxième moyen, la société Perfezou fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir déclarer la société 3A réalisation, devenue Silicium, responsable des désordres affectant le bâtiment industriel, à voir condamner cette société à lui rembourser l'ensemble des rémunérations qu'elle lui a versé, à voir ordonner une expertise avec mission notamment de décrire et chiffrer les travaux nécessaires à la réparation de ses préjudices et de la condamner à régler à la société Silicium la somme de 46 644 euros TTC au titre de ses honoraires contractuels, alors « que dans le cadre de son devoir de conseil, le maître d'oeuvre, en sa qualité de professionnel de la construction, doit se renseigner sur les souhaits du maître d'ouvrage, même en cas de silence de ce dernier, et doit notamment, à cet égard, se soucier de la destination de l'ouvrage ; Qu'en l'espèce, pour débouter l'exposante de ses demandes tendant à mettre en cause la responsabilité de la société Silicium, maître d'oeuvre, s'agissant notamment de l'inadéquation de la dalle à l'activité industrielle à laquelle l'ouvrage était destiné, la cour d'appel a relevé d'une part que la partie rez-de-chaussée du bâtiment industriel a été conçue et construite en vue d'une utilisation ordinaire ou standard, et était conforme à cet usage, et non en vue d'une utilisation spécifique comprenant l'installation de machines lourdes à fortes charges dynamiques d'usinage et à émissions vibratoires importantes, d'autre part qu'aucun des documents contractuels ne spécifie que la construction projetée a pour finalité une activité spécifique de production industrielle de mécanique générale de précision, de sorte qu'en cet état il n'apparaît pas anormal que le choix d'épaisseur de la dalle du rez-de-chaussée ait été conçu en vue d'une utilisation standard ordinaire moyennant une épaisseur de dallage de l'ordre de 15 à 18/19 cm au lieu d'une épaisseur de dallage de l'ordre de 25 à 30 cm telle que spécifiquement prévue et recommandée pour la réception de machines lourdes à effets dynamiques et que la société Perfezou ne rapporte pas la preuve que les maîtres d'oeuvre de conception et d'exécution des travaux litigieux aient été dûment informés de l'exacte finalité d'utilisation du bâtiment à construire ; Qu'en statuant ainsi, quand il appartenait au maître d'oeuvre, sans se borner aux déclarations du maître de l'ouvrage ni limiter son examen aux seuls documents contractuels, de se renseigner auprès de l'exposante sur la destination de l'ouvrage et notamment sur la configuration requise à cet égard en ce qui concerne la résistance de la dalle, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige ;

Réponse de la Cour

Recevabilité du premier moyen

18. La société Archi 3A conteste la recevabilité du premier moyen, pris en sa première branche. Elle soutient qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.

19. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

20. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé des moyens

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

21. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'inexécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait eu aucune mauvaise foi de sa part.

22. Pour rejeter les demandes du maître de l'ouvrage et le condamner à payer les honoraires des maîtres d'oeuvre, l'arrêt constate que les contrats de maîtrise d'oeuvre ne précisent pas que la construction projetée a pour finalité une activité spécifique de production industrielle de mécanique générale de précision et retient qu'il était aisément loisible à la société Perfezou, qui se réservait, en qualité de maître de l'ouvrage, la définition du programme de construction, d'inclure précisément dans la définition de ce programme les contraintes constructives spécifiques à l'activité industrielle devant être exercée par la société AMG et notamment celle relative à la surépaisseur de la dalle porteuse sur l'ensemble de sa surface de manière à pouvoir changer les machines de place au fil du temps.

23. Il retient que la société Perfezou ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que les maîtres d'oeuvre ont été dûment informés dans les documents contractuels de l'exacte finalité d'utilisation du bâtiment à construire et en déduit que l'inadéquation des caractéristiques mécaniques du dallage à l'activité industrielle particulière qu'y exerce l'exploitant industriel ne leur est pas imputable.

24. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait aux maîtres d'oeuvre de se renseigner sur la finalité des travaux de construction qu'ils acceptaient de concevoir et diriger, pour conseiller au maître de l'ouvrage les aménagements adaptés à son projet, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

25. La cassation des chefs de dispositif rejetant les demandes de la société Perfezou formées contre les maîtres d'oeuvre et la condamnant à payer leurs honoraires n'emporte celle des chefs de dispositif de l'arrêt statuant sur les dépens et les frais irrépétibles que dans les rapports entre ces parties.

Mise hors de cause

26. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause M. [F] et les sociétés Secoba, [Adresse 8], CMF structures et Soredal, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Perfezou tendant à voir déclarer les sociétés Archi 3A et Silicium responsables des désordres affectant l'ouvrage, à voir ordonner une expertise et à voir condamner les sociétés Archi 3A et Silicium à lui payer une indemnité pour frais irrépétibles, en ce qu'il condamne la société Perfezou à payer à la société 3A réalisation, aujourd'hui dénommée Silicium, la somme de 46 644 euros au titre de ses honoraires avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, en ce qu'il condamne la société Perfezou à payer à la société Archi 3A la somme de 31 096 euros au titre de ses honoraires avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts et en ce qu'il statue sur les dépens de l'instance entre la société Perfezou et les sociétés Archi 3A et Silicium, l'arrêt rendu le 6 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Met hors de cause M. [F] et les sociétés Secoba, [Adresse 8], CMF structures et Soredal ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne les sociétés Archi 3A et Silicium aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300660

Le point de départ du délai de recours d'un constructeur contre un autre constructeur et l'effet interruptif d'une demande de reconnaissance d'un droit, même par provision

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 décembre 2024

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 656 F-D

Pourvoi n° S 23-15.701

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 DÉCEMBRE 2024

1°/ la société Axa France IARD, société anonyme, agissant en sa qualité d'assureur des sociétés AMS et JSFG,

2°/ la société Axa France IARD, société anonyme, agissant en sa qualité d'assureur de la société Métalu du Livradois,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° S 23-15.701 contre l'arrêt rendu le 28 février 2023 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], prise en sa qualité d'assureur de la société JSFG,

2°/ à la société Ambertoise, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 6],

3°/ à la société Pil architecture, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

4°/ à la société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 2], prise en sa qualité d'assureur de la société Pil architecture,

5°/ à la société Métalu du Livradois, société à responsabilité limitée, dont le siège est chez Mme [M] [P], [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Les sociétés Pil architecture et Mutuelle des architectes français ont formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt.

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, trois moyens de cassation.

Les demanderesses au pourvoi provoqué invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Brillet, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, ès qualités, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat des sociétés Pil architecture et Mutuelle des architectes français, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Gan assurances, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société civile immobilière Ambertoise, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Brillet, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 28 février 2023), la société civile immobilière Ambertoise (la SCI) a confié à M. [Y], gérant de la société [C] [Y], devenue la société Pil architecture, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), une mission générale de maîtrise d'oeuvre de réhabilitation d'un bâtiment à destination commerciale.

2. Sont également intervenues à l'opération, notamment :
- la société Ambert maçonnerie serre (la société AMS) au titre des lots terrassement et VRD, fondations spéciales, gros-oeuvre et béton préfabriqué, à qui a succédé la société JSFG, toutes deux assurées auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), la société JSFG étant également assurée auprès de la société Gan assurances ;
- la société Métalu du Livradois, au titre des lots bardage et panneaux sandwich ainsi que menuiseries aluminium, vitrerie et portes sectionnelles, également assurée par la société Axa.

3. Après réception des travaux, des désordres liés à des défauts d'étanchéité sont apparus.

4. Après expertise judiciaire, la SCI, par actes des 13, 17 et 28 juillet 2017, a assigné les sociétés Pil architecture, Métalu du Livradois, Axa, en sa triple qualité d'assureur des sociétés Métalu du Livradois, AMS et JSFG, et la MAF en indemnisation de son préjudice.

5. Le 24 janvier 2019, la société Axa a assigné la société Gan assurances en garantie.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen du pourvoi principal de la société Axa, prise en sa qualité d'assureur de la société Métalu du Livradois

Enoncé du moyen

6. La société Axa, prise en sa qualité d'assureur de la société Métalu du Livradois, fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en garantie formée à l'encontre de la société Gan assurances, sauf à préciser que cette demande est constitutive d'une fin de non-recevoir et que celle-ci est donc jugée irrecevable pour cause de prescription, alors « que l'assignation, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir l'action en garantie tendant à obtenir le remboursement de sommes mises à la charge du défendeur en vertu de condamnations ultérieures ; qu'en retenant que le point de départ de la prescription quinquennale de l'action en garantie de la société Axa à l'encontre de la société Gan assurances devait être fixé au 23 janvier 2013, date de l'assignation de la société Axa aux fins d'extension de l'expertise judiciaire précédemment ordonnée par ordonnance de référé du 20 avril 2011 sur l'assignation en référé expertise de la SCI pour la raison qu'elle était à cette date suffisamment informée des faits susceptibles d'engager sa responsabilité civile au titre de la mobilisation de sa garantie contractuelle, sans constater que l'assignation du 23 janvier 2013 comportait une reconnaissance d'un droit ne serait-ce que par provision à l'encontre de la société Axa, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 2219 et 2224 du code civil et l'article L. 110-4, I du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen examinée d'office

7. Après avis donné aux parties conformément à l'article 16 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 du même code.

Vu l'article 609 du code de procédure civile :

8. Le pourvoi en cassation n'est recevable que si le demandeur a intérêt à agir.

9. La société Axa, prise en sa qualité d'assureur de la société Métalu du Livradois, n'ayant, en cette qualité, formé aucune demande en garantie contre la société Gan assurances, ne justifie d'aucun intérêt à contester le chef de dispositif de l'arrêt qui a déclaré irrecevable le recours en garantie, qu'elle a formée en sa qualité d'assureur des sociétés AMS et JSFG, contre la société Gan assurances.

10. Le moyen est, dès lors, irrecevable de ce chef.

Sur les premier et deuxième moyens, pris en leurs première et deuxième branches, du pourvoi principal, et sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi provoqué

11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur les premier et deuxième moyens, pris en leur troisième branche, du pourvoi principal, et sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi provoqué, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé des moyens

12. Par leur moyen, la société Axa, prise en ses qualités d'assureur des sociétés AMS et JSFG, d'une part, et de la société Métalu du Livradois, d'autre part, fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum à payer à la SCI une certaine somme en réparation de son préjudice immatériel consécutif aux désordres de construction ayant affecté l'exploitation commerciale de l'ensemble immobilier et de dire qu'elle supportera, en ses deux qualités respectives, un tiers de ladite condamnation, et la société Pil architecture et la MAF font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum avec la société Métalu du Livradois, sous la garantie de la société Axa, et la société Axa, en qualité d'assureur des sociétés AMS et JSFG, à payer à la SCI une certaine somme en réparation de son préjudice immatériel consécutif aux désordres de construction ayant affecté l'exploitation commerciale de l'ensemble immobilier et de dire qu'elles supporteront un tiers de ladite condamnation, alors « que hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties ; que dès lors, viole l'article 16 du code de procédure civile, la cour d'appel qui, pour statuer comme elle l'a fait au titre de l'appréciation de l'existence et du quantum du préjudice immatériel, s'est fondée exclusivement sur le rapport d'expertise comptable de la société in extenso résultant d'une consultation privée demandée par la SCI, retenant que « cette appréciation chiffrée apparaît par ailleurs suffisamment réaliste et sérieuse en ce qui concerne l'écart de situation réelle de 1 661 873,00 euros » et que « ce chiffrage peut en conséquence servir de base d'indemnisation de ce préjudice de perte de jouissance et de revenus locatifs sur une partie de l'ouvrage litigieux », toutes considérations qui résultaient uniquement du rapport in extenso, quand la société Axa faisait valoir que cette étude n'avait pas été réalisée contradictoirement et lui était inopposable. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

13. En application de ce texte, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties.

14. Pour condamner in solidum la société Pil architecture, sous la garantie de la MAF, la société Axa, prise en sa qualité d'assureur des sociétés AMS et JSFG, et la société Métalu du Livradois, sous la garantie de la société Axa, à payer une certaine somme au profit de la SCI en réparation de son préjudice immatériel consécutif aux désordres de construction ayant affecté l'exploitation commerciale de l'ensemble immobilier et dire que la répartition définitive de cette condamnation doit intervenir par tiers entre, d'une part, la société Pil architecture, sous la garantie de la MAF, d'autre part, la société Axa, prise en sa qualité d'assureur des sociétés AMS et JSFG, enfin, la société Métalu du Livradois, sous la garantie de la société Axa, l'arrêt constate qu'est produit un rapport d'expertise comptable, fruit d'une consultation privée, chiffrant un préjudice intégrant à la fois des pertes de résultat liées aux déficits locatifs et des surcoûts financiers destinés à renforcer sa trésorerie.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui, pour évaluer le préjudice immatériel de la SCI, s'est fondée exclusivement sur l'analyse chiffrée du rapport d'expertise amiable établi à la demande de cette société, sans relever l'existence d'autres éléments de preuve la corroborant, a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal de la société Axa agissant en sa qualité d'assureur des sociétés AMS et JSFG

Enoncé du moyen

16. La société Axa, prise en sa qualité d'assureur des sociétés AMS et JSFG, fait grief à l'arrêt de juger irrecevable sa demande en garantie formée contre la société Gan assurances pour cause de prescription, alors « que l'assignation, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir l'action en garantie tendant à obtenir le remboursement de sommes mises à la charge du défendeur en vertu de condamnations ultérieures ; qu'en retenant que le point de départ de la prescription quinquennale de l'action en garantie de la société Axa à l'encontre de la société Gan assurances devait être fixé au 23 janvier 2013, date de l'assignation de la société Axa aux fins d'extension de l'expertise judiciaire précédemment ordonnée par ordonnance de référé du 20 avril 2011 sur l'assignation en référé expertise de la SCI pour la raison qu'elle était à cette date suffisamment informée des faits susceptibles d'engager sa responsabilité civile au titre de la mobilisation de sa garantie contractuelle, sans constater que l'assignation du 23 janvier 2013 comportait une reconnaissance d'un droit ne serait-ce que par provision à l'encontre de la société Axa, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 2219 et 2224 du code civil et l'article L. 110-4, I du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce :

17. En application de ces textes, le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

18. S'il était jugé (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, publié) que le point de départ du délai de recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant était la date à laquelle l'entrepreneur principal avait été assigné en référé-expertise par le maître de l'ouvrage, la Cour de cassation a, par un arrêt ultérieur (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié), décidé qu'une assignation, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures.

19. Il en résulte qu'une assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l'ouvrage à un entrepreneur, non assortie d'une demande de reconnaissance d'un droit , fût-ce par provision, ne fait pas courir le délai de prescription de l'action en garantie de ce constructeur contre d'autres intervenants à l'acte de construire.

20. Pour déclarer irrecevable pour cause de prescription la demande en garantie formée par la société Axa, prise en ses qualités d'assureur des sociétés AMS et JSFG, à l'encontre de la société Gan assurances, l'arrêt constate qu'elle a été assignée les 22 et 23 janvier 2013 aux fins d'extension à son égard des opérations de la mesure d'expertise judiciaire précédemment ordonnée le 23 janvier 2013 constituant dès lors la date à laquelle elle était suffisamment informée, sans avoir à attendre son assignation au fond subséquemment intervenue, de l'ensemble des faits qui étaient d'ores et déjà susceptibles d'engager sa responsabilité civile au titre de la mobilisation de sa garantie contractuelle.

21. Il ajoute qu'une jurisprudence constante fixe comme point de départ des recours récursoires entre coobligés celle de l'assignation en référé-expertise chaque fois qu'une mesure d'expertise judiciaire précède les assignations au fond et retient qu'un délai de plus de cinq ans s'est écoulé, sans l'accomplissement d'un quelconque acte de procédure, entre le 23 janvier 2013 et le 24 janvier 2019, date de l'assignation afin de mise en cause de la société Gan assurances.

22. En se déterminant ainsi, sans constater que l'assignation du 23 janvier 2013 comportait une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, à l'encontre de la société Axa, prise en ses qualités d'assureur des sociétés AMS et JSFG, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Mise hors de cause

23. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la SCI, la société Pil architecture et la MAF, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.



PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal et du pourvoi provoqué, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum la société Pil architecture, sous la garantie de la Mutuelle des architectes français, la société Axa France IARD, assureur des sociétés Ambert maçonnerie serre et JSFG, et la société Métalu du Livradois, sous la garantie de la société Axa France IARD, à payer une certaine somme au profit de la société civile immobilière Ambertoise en réparation de son préjudice immatériel consécutif aux désordres de construction ayant affecté l'exploitation commerciale de l'ensemble immobilier, dit que la répartition définitive de cette condamnation doit intervenir par tiers entre, d'une part, la société Pil architecture, sous la garantie de la Mutuelle des architectes français, d'autre part, la société Axa France IARD, assureur des sociétés Ambert maçonnerie serre et JSFG, enfin, la société Métalu du Livradois, sous la garantie de la société Axa France IARD, et juge irrecevable pour cause de prescription la demande en garantie formée par la société Axa France IARD, assureur des sociétés Ambert maçonnerie serre et JSFG, à l'encontre de la société Gan assurances, l'arrêt rendu le 28 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société civile immobilière Ambertoise, la société Pil architecture et la Mutuelle des architectes français ;

Remet, sur ces point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société civile immobilière Ambertoise et la société Gan assurances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300656