jeudi 12 décembre 2024

Conditions de la responsabilité, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par un incendie d'immeuble

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 novembre 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1141 F-D

Pourvoi n° N 23-15.674





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 NOVEMBRE 2024


La société Enedis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 23-15.674 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2023 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société SMACL assurances, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la commune de [Localité 4], prise en la personne de son maire en exercice, domicilié en cette qualité mairie, [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Riuné, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Enedis, de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société SMACL assurances et de la commune de Vassieux-en-Vercors, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Riuné, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 14 mars 2023), le 1er février 2007, un incendie s'est déclaré dans un immeuble à usage de chaufferie appartenant à la commune de Vassieux-en-Vercors (la commune), assurée auprès de la société SMACL assurances (l'assureur).

2. À la suite d'une expertise, la commune et l'assureur ont assigné la société Enedis, gestionnaire du réseau public national de distribution d'électricité, devant un tribunal de grande instance à fin d'indemnisation de leur préjudice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société Enedis fait grief à l'arrêt de la condamner à indemniser la commune et l'assureur, alors « que celui qui détient à un titre quelconque tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance n'est responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable ; que, pour admettre la responsabilité du gestionnaire du réseau, l'arrêt attaqué a énoncé que la cause de l'incendie était due à la dégradation, par usure des isolants, d'un câble électrique de branchement particulier lui appartenant et alimentant la chaufferie de la commune, de sorte que se trouvait engagée sa responsabilité sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ; qu'en statuant de la sorte sans attribuer à une faute de l'exposante l'incendie de l'élément litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1384, 2e alinéa, ancien du code civil (devenu 1242, 2e alinéa). »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1384, alinéa 2, devenu 1242, alinéa 2, du code civil :

4. Aux termes de ce texte, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.

5. Pour condamner la société Enedis à verser certaines sommes à la commune et à l'assureur, l'arrêt relève que l'expert a constaté, d'une part, que les câbles d'alimentation en électricité appartenant à cette société étaient en contact direct avec une pièce métallique et, d'autre part, que l'usure des isolants, la mise à nu des conducteurs et leur mise en contact avec cette pièce métallique avaient provoqué un court-circuit à l'origine de l'inflammation des isolants, qui s'était propagée au bardage de la chaufferie de la commune, le câble y étant fixé.

6. L'arrêt retient que la cause de l'incendie est l'inflammation anormale de ce câble, pour en déduire que la responsabilité de la société Enedis est engagée, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle retenait que le dommage causé à la commune était dû à l'incendie ayant pris naissance dans le câble électrique détenu par la société Enedis, qui s'était ensuite propagé à l'immeuble, la cour d'appel, qui ne pouvait retenir la responsabilité de cette dernière sans caractériser sa faute, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Enedis à verser des sommes à la commune et à l'assureur à titre de dommages et intérêts entraîne la cassation des chefs de dispositif déclarant la commune et l'assureur recevables et bien fondés en leurs demandes et rejetant toute prétention plus ample ou contraire des parties, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la société Enedis irrecevable en sa demande de nullité de l'assignation et en ce qu'il la déboute de ses fins de non-recevoir, l'arrêt rendu le 14 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la commune de [Localité 4] et la société SMACL assurances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du vingt-huit novembre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Cathala, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.ECLI:FR:CCASS:2024:C201141 

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