mercredi 4 décembre 2024

En l'absence de désordre, le non-respect des normes qui ne sont rendues obligatoires ni par la loi ni par le contrat ne peut donner lieu à une mise en conformité à la charge du constructeur

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 novembre 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 623 F-D

Pourvoi n° Z 23-15.363




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 NOVEMBRE 2024

La société Architecture et techniques construction (Arteco), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 23-15.363 contre l'arrêt rendu le 16 février 2023 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige l'opposant à M. [U] [E], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Architecture et techniques construction, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [E], après débats en l'audience publique du 15 octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 février 2023), par contrat du 30 mars 2012, M. [E] a confié à la société Architecture et techniques construction (la société Arteco) la construction d'une maison individuelle.

2. Les travaux ont été réceptionnés le 9 août 2013.

3. Se plaignant d'une non-conformité de l'étanchéité des salles de bains, M. [E] a, après expertise judiciaire, assigné le constructeur aux fins d'indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Arteco fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [E] une certaine somme au titre des travaux de reprise, alors « qu'en l'absence de désordre, le non-respect des normes qui ne sont rendues obligatoires ni par la loi ni par le contrat ne peut donner lieu à une mise en conformité à la charge du constructeur ; que, pour retenir que la responsabilité de la société Arteco était engagée, la cour d'appel a relevé la non-conformité de l'ouvrage au DTU 52.2, au cahier du CSTB, et à la fiche technique du produit utilisé ; qu'en statuant ainsi, sans constater, en l'absence de désordre constaté, que le marché conclu était contractuellement soumis à ces normes, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, pris en sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

5. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

6. Selon le second, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes, qu'en l'absence de désordre, le non-respect des normes qui ne sont rendues obligatoires ni par la loi ni par le contrat ne peut donner lieu à une mise en conformité à la charge du constructeur (3e Civ., 10 juin 2021, pourvois n° 20-15.277, 20-15.349, 20-17.033, publié).

8. Pour condamner la société Arteco à indemniser M. [E] du coût de la mise en conformité de l'étanchéité des deux salles de bains aux règles de l'art, l'arrêt relève que le contrat stipule que « la construction projetée est conforme aux règles de construction prescrites par le code de la construction et de l'habitation, notamment dans son livre 1er et à celles prescrites par le code de l'urbanisme et plus généralement aux règles de l'art », puis retient que l'étanchéité n'a pas été mise en oeuvre conformément au document technique unifié (DTU) 52.2, au cahier du centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et à la fiche technique du produit appliqué et en déduit que les règles de l'art n'ont pas été respectées.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, en l'absence de désordre affectant la salle de bains du premier étage si le DTU 52.2, le cahier CSTB et la fiche technique du produit appliqué avaient été contractualisés par les parties, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Architecture et techniques construction à payer à M. [E] la somme de 16 873,88 euros TTC, actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 10 décembre 2018 et l'indice le plus proche de la date du présent arrêt, et en ce qu'il statue sur les dépens d'appel et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;

Condamne M. [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300623

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