jeudi 12 décembre 2024

Obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 novembre 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1079 F-D


Pourvois n°
G 22-14.723
K 22-20.153 JONCTION



Pourvoi n° G 22-14.723

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [H].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 février 2022.

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [M].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 4 juillet 2022.

Pourvoi n° K 22-20.153

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [H].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 27 juin 2022.

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [M].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 30 septembre 2022.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 NOVEMBRE 2024

M. [G] [H], domicilié [Adresse 3], [Localité 1], a formé le pourvoi n° G 22-14.723 contre l'arrêt n° RG : 19/18025 rendu le 2 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-4), et le pourvoi n° K 22-20.153 contre l'arrêt n° RG : 19/18758 rendu à la même date par la même cour d'appel, dans les litiges l'opposant à Mme [C] [M], domiciliée [Adresse 2], [Localité 1], défenderesse à la cassation.

Mme [M] a formé un pourvoi incident contre l'arrêt n° RG : 19/18025.

M. [H], demandeur au pourvoi principal n° G 22-14.723 et au pourvoi n° K 22-20.153, invoque, à l'appui de chacun de ses recours, un moyen unique de cassation.

Mme [M], demanderesse au pourvoi incident n° G 22-14.723, invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Waguette, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [H], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [M], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 octobre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Waguette, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° G 22-14.723 et K 22-20.153 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 2 juin 2021) rendus sur renvoi après cassation (2e Civ., 19 septembre 2019, pourvoi n° 18-16.679), un jugement a prononcé le divorce de M. [H] et de Mme [M]. Des difficultés sont survenues pour le règlement de leurs intérêts patrimoniaux.

3. Par un arrêt du 22 juin 2016, réformant un jugement du 30 juillet 2012 d'un tribunal de grande instance, une cour d'appel a statué sur les points en litige entre les parties.

4. La Cour de cassation a cassé et annulé partiellement cet arrêt.

5. Mme [M] et M. [H] ont chacun saisi la cour d'appel par une déclaration.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal n° G 22-14.723

Enoncé du moyen

6. M. [H] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les conclusions d'appel qu'il a déposées les 18 février 2020, 24 juin 2020 et 16 mars 2021, de fixer l'indemnité d'occupation dont il est débiteur envers l'indivision [H]-[M], à la somme de 97 804,704 euros, à parfaire au jour du partage et d'écarter sa demande pour voir condamner Mme [M] à payer une soulte de 18 294,02 euros, alors « que la partie qui a saisi la cour de renvoi doit, dans les deux mois de l'acte de saisine, déposer et notifier ses conclusions, tandis que la partie adverse doit, dans les deux mois de cette notification, déposer et notifier ses propres conclusions ; qu'en énonçant que M. [G] [H] a notifié le 18 février 2020, ses conclusions en réponse à celles de Mme [C] [M] en date du 16 décembre 2019 soit en dehors du délai légal de deux mois, de sorte que toutes ses conclusions au fond postérieures sont [?] irrecevables, la cour d'appel, qui méconnaît que le délai dans lequel la partie adverse doit déposer et notifier ses conclusions court à compter de la notification des conclusions de la partie qui a saisi la cour de renvoi, c'est-à-dire dans l'espèce : le 18 décembre 2019, a violé l'article 1037-1, alinéa 4, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1037-1, alinéas 3 et 4, du code de procédure civile :

7. Selon ce texte, devant la cour d'appel de renvoi, les conclusions de l'auteur de la déclaration de saisine sont remises au greffe et notifiées dans le délai de deux mois suivant cette déclaration. Les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'auteur de la déclaration.

8. Pour déclarer irrecevables les conclusions de M. [H] déposées le 18 février 2020 et celles postérieures, l'arrêt retient que celui-ci a notifié le 18 février 2020 ses conclusions en réponse à celles de Mme [M] en date du 16 décembre 2019, soit en dehors du délai légal de deux mois.

9. En statuant ainsi, alors que les conclusions de Mme [M] avaient été signifiées le 18 décembre 2019 à M. [H], qui n'avait pas encore constitué avocat, et que cette date constituait le point de départ de son délai pour conclure, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le moyen du pourvoi incident n° G 22-14.723, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. Mme [M] fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'une soulte, alors « qu'à l'appui de sa demande en paiement d'une soulte, Mme [M] se prévalait des calculs opérés par l'expert [R], dont elle produisait le rapport, en sollicitant la rectification d'une erreur de soustraction dans ces calculs, la prise en compte d'aides personnalisées au logement perçues par M. [H] et l'augmentation de la valeur proposée par l'expert de l'immeuble attribué à M. [H] au titre des dégradations causées par celui-ci ; que Mme [M] demandait également, en se fondant sur le rapport de M. [R] et sur des pièces produites par M. [H], que la soulte intègre des loyers perçus par lui et dissimulés à l'indivision ; qu'en retenant que Mme [M] n'avait, contrairement à l'obligation posée par l'article 954 du code de procédure civile, visé aucune pièce au soutien de ses calculs concernant l'établissement de la soulte, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de Mme [M], en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

11. Pour déclarer irrecevable la demande de Mme [M] en paiement d'une soulte, l'arrêt relève que celle-ci sollicite la condamnation de M. [H] au versement d'une soulte de 107 657,35 euros à titre principal et à la somme de 103 407,79 euros à titre subsidiaire. Il retient ensuite que, contrairement à l'obligation imposée par l'article 954, alinéa 1er, du code de procédure civile, Mme [M] ne vise, dans ses écritures, aucune pièce au soutien de ses calculs concernant l'établissement de la soulte et ne revendique pas, dans son dispositif, des demandes chiffrées pour les différentes créances sollicitées contre l'indivision. Il en déduit qu'en l'absence de demandes déterminées, la cour d'appel ne peut pas statuer sur la soulte qui en résulte qui ne peut pas être calculée compte tenu des écritures insuffisantes des parties.

12. En statuant ainsi, alors que les demandes de Mme [M] étaient déterminées par le dispositif de ses conclusions et se fondaient expressément sur les calculs précis résultant du rapport de l'expert judiciaire, sous réserve des rectifications détaillées qu'elle entendait y apporter, la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions de Mme [M], a violé le principe susvisé.

Et sur le moyen du pourvoi n° K 22-20.153

Enoncé du moyen

13. M. [H] fait grief à l'arrêt (RG 19/18758), statuant sur renvoi de cassation, de déclarer irrecevables les conclusions d'appel qu'il a déposées le 18 février 2020, et de dire qu'il n'y a lieu de statuer sur les demandes qu'elles formulent, alors « que la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation de l'arrêt rendu, le 2 juin 2021, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (RG 19/18025) sur le pourvoi n° G 22-14.723, entraînera celle de l'arrêt attaqué, lequel se rattache à lui par un lien de dépendance nécessaire, puisque les conclusions déposées le 18 février 2020 ne peuvent pas être à la fois recevables et irrecevables ; qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué sera annulé par application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 625, alinéas 1 et 2, du code de procédure civile :

14. Il résulte de ce texte que, sur les points qu'elle atteint, la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

15. La cassation de l'arrêt du 2 juin 2021 (RG n° 19/18025) entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 2 juin 2021 (RG n° 19/18758) qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables les conclusions notifiées par Mme [M] et M. [H] le 2 avril 2021 adressées au conseiller de la mise en état, l'arrêt rendu le 2 juin 2021 (RG n° 19/18025), entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

ANNULE, par voie de conséquence, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juin 2021 (RG n° 19/18758) entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé (RG n° 19/18025) et de l'arrêt annulé (RG n° 19/18758) ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C201079

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