mercredi 4 décembre 2024

La disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, qui constitue une perte de chance, est un préjudice réparable.

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 novembre 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 628 F-D

Pourvoi n° F 24-10.934



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 NOVEMBRE 2024

1°/ Mme [H] [R], domiciliée [Adresse 3],

2°/ Mme [T] [K], épouse [Z], domiciliée [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° F 24-10.934 contre l'arrêt rendu le 9 janvier 2024 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [G] [J], domicilié [Adresse 1],

2°/ à la société [V] [F], [G] [O], [A] [I], [B] [W], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mmes [R] et [Z], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [V] [F], [G] [O], [A] [I], [B] [W], de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 15 octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 9 janvier 2024), par acte sous seing privé du 1er août 2017 reçu par M. [F], notaire au sein de la société civile professionnelle [V] [F], [G] [O], [A] [I], [B] [W] (la SCP), Mme [R] et Mme [Z] (les venderesses) ont vendu à M. [J] (l'acquéreur) une parcelle cadastrée section [Cadastre 6] moyennant le prix de 60 000 euros, la vente devant être réitérée le 29 septembre 2017.

2. Cette parcelle comporte en sous-sol la fosse septique assurant l'assainissement de la maison d'habitation des venderesses située sur la parcelle voisine cadastrée section [Cadastre 5].

3. L'acte comporte la mention selon laquelle la constitution d'une servitude n'est pas nécessaire, les venderesses s'obligeant expressément à remplacer
ce système d'assainissement par un autre système individuel de type station d'épuration ou micro station d'épuration sur leur parcelle cadastrée section [Cadastre 5].

4. Les venderesses ayant refusé de réitérer la vente après avoir appris que l'autorisation nécessaire à cette installation ne pourrait être obtenue, la parcelle étant située en zone d'assainissement collectif, l'acquéreur les a assignées en vente forcée.

5. Les venderesses ont appelé en cause la SCP.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et troisième moyens

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.



Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Mmes [R] et [Z] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes formées contre la SCP tendant à sa condamnation à des dommages-intérêts et à les garantir contre toute condamnation prononcée à leur encontre, alors « que toute perte de chance ouvre droit à réparation ; que pour soutenir que « le notaire [leur] a fait perdre une chance [?] de ne pas signer à des conditions défavorables », Mmes [R] et [Z] affirmaient « [qu'étant] privées de la vente de la parcelle [Cadastre 6] dans les conditions initialement prévues à savoir un coût de raccordement à une microstation limité à 5 500 euros et non quelques 15 500 euros [?] elles auraient alors pu négocier une vente à 70 000 euros au lieu des 60 000 euros » ; qu'ainsi, Mmes [R] et [Z] demandaient la réparation de la perte d'une chance de négocier à un meilleur prix la vente de la parcelle [Cadastre 6] ; que cependant, l'arrêt se borne à retenir « qu'il n'est nullement établi [que Mmes [R] et [Z]] auraient pu, comme elles le soutiennent, négocier la vente au prix de 70 000 euros, alors que selon les explications de la SCP [V] [F], qui ne sont pas remises en question, un accord sur le prix de 60 000 euros était déjà intervenu du vivant de [N] [K] » ; qu'en se prononçant de la sorte, par des motifs impropres à démontrer l'absence de toute probabilité d'une vente de la parcelle [Cadastre 6] à un meilleur prix, la cour d'appel a violé les articles 1240 et 1241 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1240 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice :

8. Il résulte de ce texte et de ce principe que lL

9. Pour rejeter la demande des venderesses tendant à l'indemnisation de leur préjudice résultant de la perte de chance de négocier la vente au prix de 70 000 euros, l'arrêt retient qu'il n'est nullement établi qu'elles auraient pu procéder à cette négociation, dès lors qu'un accord sur le prix de 60 000 euros était déjà intervenu du vivant de [N] [K].

10. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter toute chance de mieux négocier le prix de vente de l'immeuble, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.

Mise hors de cause

11. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause M. [J], dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande indemnitaire de Mmes [R] et [Z] formée contre la société civile professionnelle [V] [F], [G] [O], [A] [I], [B] [W], en ce qu'il rejette leur demande tendant à la condamnation de la société civile professionnelle [V] [F], [G] [O], [A] [I], [B] [W], à les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 9 janvier 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Met hors de cause M. [J] ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Riom, autrement composée ;

Condamne la société civile professionnelle [V] [F], [G] [O], [A] [I], [B] [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile :
- rejette la demande formée par la société civile professionnelle [V] [F], [G] [O], [A] [I], [B] [W] et la condamne à payer à Mmes [U] et [Z] la somme globale de 3 000 euros,
- condamne Mmes [U] et [Z] in solidum à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300628

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