Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 22-22.998
- ECLI:FR:CCASS:2024:C300649
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 05 décembre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, du 15 septembre 2022- Président
- Mme Teiller (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 décembre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 649 F-D
Pourvoi n° C 22-22.998
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 DÉCEMBRE 2024
M. [Z] [F], domicilié [Adresse 10], a formé le pourvoi n° C 22-22.998 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [P] [O], domicilié [Adresse 2],
2°/ à M. [V] [U], domicilié [Adresse 5], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Oikos,
3°/ à M. [V] [G], domicilié [Adresse 8],
4°/ à la Mutuelle des architectes français (MAF), société d'assurance, dont le siège est [Adresse 4],
5°/ à la société Areas dommages, société d'assurance, dont le siège est [Adresse 7],
6°/ à la société Actif finance patrimoine conseil et développement, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en tant que de besoin en son établissement principal situé [Adresse 9],
7°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
8°/ à M. [P] [D], domicilié [Adresse 6], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Sun constructions,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller doyen, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. [F], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la Mutuelle des architectes français, de la SCP Duhamel, avocat de la société Allianz IARD, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, constituée aux lieu et place de la SCP Duhamel, avocat de la société Areas dommages, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller doyen rapporteur, Mme Abgrall, conseiller, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 15 septembre 2022), M. [O] a acquis, par l'intermédiaire de la société Stratus finance, conseil en gestion de patrimoine, aux droits de laquelle vient la société Oikos, désormais en liquidation judiciaire, un bien immobilier à rénover susceptible de bénéficier d'un dispositif de défiscalisation.
2. Il a conclu un contrat d'architecte avec M. [G], assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), et a confié les opérations de rénovation à la société Sun constructions, désormais en liquidation judiciaire, assurée successivement auprès des sociétés Areas dommages, Allianz IARD et Axa France IARD.
3. La société Actif patrimoine finance, désormais dénommée Actif finance patrimoine conseil et développement (la société Actif finance), ayant pour gérant M. [F], s'est vu confier une mission de maîtrise d'ouvrage délégué.
4. Se plaignant, après réception, de désordres et malfaçons, M. [O] a, après expertise, assigné en réparation les intervenants à l'opération et leurs assureurs.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. M. [F] fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité, alors :
« 1°/ que M. [F] faisait valoir que la société AFP n'était pas tenue de souscrire une garantie décennale et que pour retenir l'existence d'une faute détachable qui lui serait imputable, il conviendrait de mettre à sa charge « l'obligation de qualifier en droit la maîtrise d'ouvrage déléguée, non pas en un mandat comme le retient la jurisprudence mais à un acte de construction au sens des articles 1792 et suivants du code civil » ; que pour retenir la responsabilité personnelle de M. [F], gérant de la société AFP, la cour d'appel a retenu que « le gérant d'une société qui ne souscrit pas au nom de celle-ci l'assurance de responsabilité décennale obligatoire commet une faute intentionnelle constituant le délit prévu par l'article L. 243-3 du code des assurances et engage sa responsabilité personnelle à l'égard des tiers auxquels cette infraction a porté préjudice, quand bien même elle aurait été commise dans le cadre de ses fonctions de dirigeant social », a ajouté que « la société AFP, qui avait la qualité de locateur d'ouvrage, était tenue de souscrire une assurance de responsabilité décennale obligatoire » et en a déduit qu' « en s'abstenant de souscrire cette assurance, M. [F] a commis une faute séparable de ses fonctions sociales et engagé sa responsabilité personnelle » ; qu'en se prononçant ainsi, sans répondre au moyen péremptoire de M. [F] qui soutenait qu'aucune carence et donc aucune faute ne pouvait lui être imputée puisqu'il ne lui appartenait pas de qualifier juridiquement l'activité de la société AFP, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions qui lui soit imputable personnellement ; que constitue une faute séparable des fonctions de dirigeant, une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales ; que pour retenir la responsabilité personnelle de M. [F], gérant de la société AFP, la cour d'appel a retenu que « le gérant d'une société qui ne souscrit pas au nom de celle-ci l'assurance de responsabilité décennale obligatoire commet une faute intentionnelle constituant le délit prévu par l'article L. 243-3 du code des assurances et engage sa responsabilité personnelle à l'égard des tiers auxquels cette infraction a porté préjudice, quand bien même elle aurait été commise dans le cadre de ses fonctions de dirigeant social », a ajouté que « la société AFP, qui avait la qualité de locateur d'ouvrage, était tenue de souscrire une assurance de responsabilité décennale obligatoire » et en a déduit qu' « en s'abstenant de souscrire cette assurance, M. [F] a commis une faute séparable de ses fonctions sociales et engagé sa responsabilité personnelle » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si étaient réunis les éléments requis pour que la faute du dirigeant soit qualifiée de faute détachable de ses fonctions et spécialement si la faute commise présentait un caractère intentionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, l'article 1792-1 du même code, ensemble les articles L. 241-1 et L. 243-3 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
6. Ayant exactement énoncé, d'une part, que le gérant d'une société, qui ne souscrit pas au nom de celle-ci l'assurance de responsabilité décennale obligatoire, commet une faute intentionnelle constituant le délit prévu par l'article L. 243-3 du code des assurances et engage sa responsabilité personnelle à l'égard des tiers auxquels cette infraction a porté préjudice, d'autre part, que, selon l'article 1792-1, 3°, du code civil, est réputé constructeur de l'ouvrage toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage, la cour d'appel a relevé que la société Actif finance, dont M. [F] était le gérant, s'était vu confier, par contrat, moyennant la somme de 145 000 euros, la mission, notamment, de superviser le travail de l'architecte et de veiller à la bonne réalisation des travaux selon les descriptifs et marchés de travaux passés, ce dont elle a déduit qu'appelée à intervenir sur le chantier en qualité de locateur d'ouvrage, elle avait la qualité de constructeur assujetti à l'assurance décennale obligatoire.
7. Elle a pu en déduire, sans être tenue de répondre à des conclusions ni de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que, faute pour M. [F] d'avoir souscrit une assurance de responsabilité décennale pour le chantier considéré, sa responsabilité personnelle, au titre de la faute séparable de ses fonctions, était engagée.
8. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
9. M. [F] fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec d'autres, à payer à M. [O] une certaine somme au titre des malfaçons et inachèvements et de fixer le partage de responsabilité entre coobligés in solidum sur cette somme, alors « que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu la responsabilité personnelle de M. [F], gérant de la société AFP, pour ne pas avoir souscrit une assurance garantie décennale obligatoire et l'a condamné à indemniser M. [O] au titre des malfaçons et inachèvements en se bornant à affirmer que « les manquements de l'ensemble de ces intervenants (ont) conduit à la réalisation de l'entier préjudice du maître de l'ouvrage » ; qu'en se prononçant ainsi, lorsque le préjudice en cause ne résultait pas de la faute imputée au dirigeant, la cour d'appel, qui n'a donc pas établi le lien de causalité entre la faute retenue et le préjudice indemnisé, a violé l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
10. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.
11. Pour condamner M. [F], in solidum avec d'autres, à payer à M. [O] une certaine somme au titre des malfaçons et inachèvements et fixer le partage de responsabilité entre coobligés in solidum sur cette somme, l'arrêt retient que les manquements de l'ensemble des intervenants ont conduit à la réalisation de l'entier préjudice.
12. En statuant ainsi, alors que la faute personnelle de M. [F], tirée de l'absence de souscription d'une assurance décennale obligatoire, était sans lien de causalité avec le préjudice résultant des malfaçons et inachèvements dont elle avait retenu qu'ils engageaient la responsabilité contractuelle de droit commun des locateurs d'ouvrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
13. M. [F] fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec d'autres, à payer à M. [O] une certaine somme au titre des pertes locatives et de fixer le partage de responsabilité entre coobligés in solidum sur cette somme, alors « que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu la responsabilité personnelle de M. [F], gérant de la société AFP, pour ne pas avoir souscrit une assurance garantie décennale obligatoire et l'a condamné à indemniser M. [O] des pertes de revenus locatifs ; qu'en se prononçant ainsi, lorsque le préjudice en cause ne procédait pas de la faute imputée au dirigeant, la cour d'appel, qui n'a donc pas établi le lien de causalité entre la faute retenue et le préjudice indemnisé, a violé l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil :
14. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.
15. Pour condamner M. [F], in solidum avec d'autres, à payer à M. [O] une certaine somme au titre des pertes locatives et fixer la partage de responsabilité entre coobligés in solidum sur cette somme, l'arrêt retient que M. [F] a commis une faute personnnelle en s'étant abstenu de souscrire une assurance de responsabilité décennale obligatoire pour le compte de la société dont il était le gérant.
16. En statuant ainsi, alors que, l'assurance de responsabilité décennale obligatoire ne couvrant pas les dommages immatériels, la faute personnelle retenue à la charge de M. [F], tirée de l'absence de souscription d'une telle assurance, était sans lien de causalité avec le préjudice résultant des pertes locatives subies par le maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Mise hors de cause
17. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la MAF et la société Areas dommages, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
18. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Allianz IARD, qui ne la sollicite que sur le deuxième moyen.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [F], in solidum avec la société Actif finance patrimoine conseil et développement, et M. [G], à payer à M. [O] la somme de 34 160,59 euros au titre des malfaçons et inachèvements et dit que, dans les rapports entre coresponsables, la contribution des coauteurs dans la réparation des dommages sera fixée dans les proportions de 60 % pour l'entrepreneur, 30 % pour l'architecte, 5 % pour la société Actif finance patrimoine conseil et développement et M. [F], et 5 % pour la société Oikos, en ce qu'il condamne M. [F], in solidum avec la société Allianz IARD, la société finance patrimoine conseil et développement et M. [V] [G] à payer à M. [O] la somme de 105 964 euros et dit que, dans les rapports entre coresponsables, la contribution des coauteurs dans la réparation des dommages sera fixée à hauteur de 20 % pour la société Allianz IARD 40 % pour M. [G], 20 % pour la société Actif finance patrimoine conseil et développement et pour M. [F], et 20 % pour la société Oikos, en ce qu'il condamne M. [F], in solidum avec d'autres, aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire et les dépens de référé et en ce qu'il condamne M. [F], in solidum avec d'autres, à payer à M. [O] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 15 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Met hors de cause la Mutuelle des architectes français et la société Areas dommages ;
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Allianz IARD ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. [O] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300649
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 décembre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 649 F-D
Pourvoi n° C 22-22.998
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 DÉCEMBRE 2024
M. [Z] [F], domicilié [Adresse 10], a formé le pourvoi n° C 22-22.998 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [P] [O], domicilié [Adresse 2],
2°/ à M. [V] [U], domicilié [Adresse 5], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Oikos,
3°/ à M. [V] [G], domicilié [Adresse 8],
4°/ à la Mutuelle des architectes français (MAF), société d'assurance, dont le siège est [Adresse 4],
5°/ à la société Areas dommages, société d'assurance, dont le siège est [Adresse 7],
6°/ à la société Actif finance patrimoine conseil et développement, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en tant que de besoin en son établissement principal situé [Adresse 9],
7°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
8°/ à M. [P] [D], domicilié [Adresse 6], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Sun constructions,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller doyen, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. [F], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la Mutuelle des architectes français, de la SCP Duhamel, avocat de la société Allianz IARD, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, constituée aux lieu et place de la SCP Duhamel, avocat de la société Areas dommages, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller doyen rapporteur, Mme Abgrall, conseiller, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 15 septembre 2022), M. [O] a acquis, par l'intermédiaire de la société Stratus finance, conseil en gestion de patrimoine, aux droits de laquelle vient la société Oikos, désormais en liquidation judiciaire, un bien immobilier à rénover susceptible de bénéficier d'un dispositif de défiscalisation.
2. Il a conclu un contrat d'architecte avec M. [G], assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), et a confié les opérations de rénovation à la société Sun constructions, désormais en liquidation judiciaire, assurée successivement auprès des sociétés Areas dommages, Allianz IARD et Axa France IARD.
3. La société Actif patrimoine finance, désormais dénommée Actif finance patrimoine conseil et développement (la société Actif finance), ayant pour gérant M. [F], s'est vu confier une mission de maîtrise d'ouvrage délégué.
4. Se plaignant, après réception, de désordres et malfaçons, M. [O] a, après expertise, assigné en réparation les intervenants à l'opération et leurs assureurs.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. M. [F] fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité, alors :
« 1°/ que M. [F] faisait valoir que la société AFP n'était pas tenue de souscrire une garantie décennale et que pour retenir l'existence d'une faute détachable qui lui serait imputable, il conviendrait de mettre à sa charge « l'obligation de qualifier en droit la maîtrise d'ouvrage déléguée, non pas en un mandat comme le retient la jurisprudence mais à un acte de construction au sens des articles 1792 et suivants du code civil » ; que pour retenir la responsabilité personnelle de M. [F], gérant de la société AFP, la cour d'appel a retenu que « le gérant d'une société qui ne souscrit pas au nom de celle-ci l'assurance de responsabilité décennale obligatoire commet une faute intentionnelle constituant le délit prévu par l'article L. 243-3 du code des assurances et engage sa responsabilité personnelle à l'égard des tiers auxquels cette infraction a porté préjudice, quand bien même elle aurait été commise dans le cadre de ses fonctions de dirigeant social », a ajouté que « la société AFP, qui avait la qualité de locateur d'ouvrage, était tenue de souscrire une assurance de responsabilité décennale obligatoire » et en a déduit qu' « en s'abstenant de souscrire cette assurance, M. [F] a commis une faute séparable de ses fonctions sociales et engagé sa responsabilité personnelle » ; qu'en se prononçant ainsi, sans répondre au moyen péremptoire de M. [F] qui soutenait qu'aucune carence et donc aucune faute ne pouvait lui être imputée puisqu'il ne lui appartenait pas de qualifier juridiquement l'activité de la société AFP, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions qui lui soit imputable personnellement ; que constitue une faute séparable des fonctions de dirigeant, une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales ; que pour retenir la responsabilité personnelle de M. [F], gérant de la société AFP, la cour d'appel a retenu que « le gérant d'une société qui ne souscrit pas au nom de celle-ci l'assurance de responsabilité décennale obligatoire commet une faute intentionnelle constituant le délit prévu par l'article L. 243-3 du code des assurances et engage sa responsabilité personnelle à l'égard des tiers auxquels cette infraction a porté préjudice, quand bien même elle aurait été commise dans le cadre de ses fonctions de dirigeant social », a ajouté que « la société AFP, qui avait la qualité de locateur d'ouvrage, était tenue de souscrire une assurance de responsabilité décennale obligatoire » et en a déduit qu' « en s'abstenant de souscrire cette assurance, M. [F] a commis une faute séparable de ses fonctions sociales et engagé sa responsabilité personnelle » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si étaient réunis les éléments requis pour que la faute du dirigeant soit qualifiée de faute détachable de ses fonctions et spécialement si la faute commise présentait un caractère intentionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, l'article 1792-1 du même code, ensemble les articles L. 241-1 et L. 243-3 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
6. Ayant exactement énoncé, d'une part, que le gérant d'une société, qui ne souscrit pas au nom de celle-ci l'assurance de responsabilité décennale obligatoire, commet une faute intentionnelle constituant le délit prévu par l'article L. 243-3 du code des assurances et engage sa responsabilité personnelle à l'égard des tiers auxquels cette infraction a porté préjudice, d'autre part, que, selon l'article 1792-1, 3°, du code civil, est réputé constructeur de l'ouvrage toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage, la cour d'appel a relevé que la société Actif finance, dont M. [F] était le gérant, s'était vu confier, par contrat, moyennant la somme de 145 000 euros, la mission, notamment, de superviser le travail de l'architecte et de veiller à la bonne réalisation des travaux selon les descriptifs et marchés de travaux passés, ce dont elle a déduit qu'appelée à intervenir sur le chantier en qualité de locateur d'ouvrage, elle avait la qualité de constructeur assujetti à l'assurance décennale obligatoire.
7. Elle a pu en déduire, sans être tenue de répondre à des conclusions ni de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que, faute pour M. [F] d'avoir souscrit une assurance de responsabilité décennale pour le chantier considéré, sa responsabilité personnelle, au titre de la faute séparable de ses fonctions, était engagée.
8. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
9. M. [F] fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec d'autres, à payer à M. [O] une certaine somme au titre des malfaçons et inachèvements et de fixer le partage de responsabilité entre coobligés in solidum sur cette somme, alors « que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu la responsabilité personnelle de M. [F], gérant de la société AFP, pour ne pas avoir souscrit une assurance garantie décennale obligatoire et l'a condamné à indemniser M. [O] au titre des malfaçons et inachèvements en se bornant à affirmer que « les manquements de l'ensemble de ces intervenants (ont) conduit à la réalisation de l'entier préjudice du maître de l'ouvrage » ; qu'en se prononçant ainsi, lorsque le préjudice en cause ne résultait pas de la faute imputée au dirigeant, la cour d'appel, qui n'a donc pas établi le lien de causalité entre la faute retenue et le préjudice indemnisé, a violé l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
10. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.
11. Pour condamner M. [F], in solidum avec d'autres, à payer à M. [O] une certaine somme au titre des malfaçons et inachèvements et fixer le partage de responsabilité entre coobligés in solidum sur cette somme, l'arrêt retient que les manquements de l'ensemble des intervenants ont conduit à la réalisation de l'entier préjudice.
12. En statuant ainsi, alors que la faute personnelle de M. [F], tirée de l'absence de souscription d'une assurance décennale obligatoire, était sans lien de causalité avec le préjudice résultant des malfaçons et inachèvements dont elle avait retenu qu'ils engageaient la responsabilité contractuelle de droit commun des locateurs d'ouvrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
13. M. [F] fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec d'autres, à payer à M. [O] une certaine somme au titre des pertes locatives et de fixer le partage de responsabilité entre coobligés in solidum sur cette somme, alors « que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu la responsabilité personnelle de M. [F], gérant de la société AFP, pour ne pas avoir souscrit une assurance garantie décennale obligatoire et l'a condamné à indemniser M. [O] des pertes de revenus locatifs ; qu'en se prononçant ainsi, lorsque le préjudice en cause ne procédait pas de la faute imputée au dirigeant, la cour d'appel, qui n'a donc pas établi le lien de causalité entre la faute retenue et le préjudice indemnisé, a violé l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil :
14. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.
15. Pour condamner M. [F], in solidum avec d'autres, à payer à M. [O] une certaine somme au titre des pertes locatives et fixer la partage de responsabilité entre coobligés in solidum sur cette somme, l'arrêt retient que M. [F] a commis une faute personnnelle en s'étant abstenu de souscrire une assurance de responsabilité décennale obligatoire pour le compte de la société dont il était le gérant.
16. En statuant ainsi, alors que, l'assurance de responsabilité décennale obligatoire ne couvrant pas les dommages immatériels, la faute personnelle retenue à la charge de M. [F], tirée de l'absence de souscription d'une telle assurance, était sans lien de causalité avec le préjudice résultant des pertes locatives subies par le maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Mise hors de cause
17. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la MAF et la société Areas dommages, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
18. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Allianz IARD, qui ne la sollicite que sur le deuxième moyen.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [F], in solidum avec la société Actif finance patrimoine conseil et développement, et M. [G], à payer à M. [O] la somme de 34 160,59 euros au titre des malfaçons et inachèvements et dit que, dans les rapports entre coresponsables, la contribution des coauteurs dans la réparation des dommages sera fixée dans les proportions de 60 % pour l'entrepreneur, 30 % pour l'architecte, 5 % pour la société Actif finance patrimoine conseil et développement et M. [F], et 5 % pour la société Oikos, en ce qu'il condamne M. [F], in solidum avec la société Allianz IARD, la société finance patrimoine conseil et développement et M. [V] [G] à payer à M. [O] la somme de 105 964 euros et dit que, dans les rapports entre coresponsables, la contribution des coauteurs dans la réparation des dommages sera fixée à hauteur de 20 % pour la société Allianz IARD 40 % pour M. [G], 20 % pour la société Actif finance patrimoine conseil et développement et pour M. [F], et 20 % pour la société Oikos, en ce qu'il condamne M. [F], in solidum avec d'autres, aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire et les dépens de référé et en ce qu'il condamne M. [F], in solidum avec d'autres, à payer à M. [O] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 15 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Met hors de cause la Mutuelle des architectes français et la société Areas dommages ;
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Allianz IARD ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. [O] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-quatre.
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