Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 23-14.536
- ECLI:FR:CCASS:2024:C201136
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 28 novembre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 02 février 2023- Président
- Mme Martinel (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 novembre 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1136 F-D
Pourvoi n° A 23-14.536
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 NOVEMBRE 2024
M. [M] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 23-14.536 contre l'arrêt rendu le 2 février 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société In'li, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], venant aux droits de la société Les Résidences de la région parisienne (RRP) suite à la fusion-absorption intervenue le 1er octobre 2017,
2°/ à la société SMA, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommée Sagena, prise en qualité d'assureur de la société RRP,
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. [T], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société SMA, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 février 2023), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 9 décembre 2021, pourvoi n° 19-25.300), le 24 juillet 2014, alors qu'il effectuait un déménagement, M. [T], chef d'équipe déménageur, a été victime d'une chute à la suite de la rupture d'un garde-corps de l'immeuble au moment de passer, par la fenêtre, un cadre de lit.
2. Contestant le refus de garantie qui lui était opposé au motif que la chute était due à son imprudence, M. [T] a assigné devant un tribunal de grande instance en indemnisation de ses préjudices la société In'li, venant aux droits de la société Les Résidences de la région parisienne, propriétaire de l'immeuble, et la société SMA (l'assureur), en présence de la caisse primaire assurance maladie de l'Essonne.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. M. [T] fait grief à l'arrêt de déclarer la société In'li responsable à hauteur de 50 % des conséquences dommageables de la chute survenue le 24 octobre 2014 dont il a été victime, alors « que la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; qu'en considérant que les prétentions et moyens relatifs à la responsabilité au titre de la ruine ne pouvaient plus être invoqués devant elle dans la mesure où le principe de la responsabilité du fait des choses, retenu par l'arrêt partiellement cassé, n'avait pas été remis en cause et qu'elle n'était saisie que de la question d'une faute alléguée de la victime de nature à exonérer partiellement le responsable, cependant que son précédent arrêt, partiellement cassé, du 8 octobre 2019, ne comportait pas, dans son dispositif, de chefs spécifiques relatifs à la responsabilité au titre de la ruine et que la cassation de cet arrêt dans sa disposition déclarant la société In'li responsable à 50 % des conséquences dommageables de la chute survenue M. [T] a été victime, avait investi la juridiction de renvoi de la connaissance du chef du litige tranché par cette disposition, dans tous ses éléments de fait et de droit, la cour d'appel a violé les articles 623, 625 et 638 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. L'assureur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est irrecevable faute d'intérêt à agir de M. [T].
5. Cependant, le demandeur au pourvoi a intérêt à contester l'arrêt de la cour d'appel en ce qu'il a déterminé la portée de la cassation prononcée par le précédent arrêt de la Cour de cassation.
6. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
7. La responsabilité du gardien du fait des choses, sur le fondement de laquelle la responsabilité de la société In'li a été retenue, admettant l'exonération totale ou partielle du gardien en cas de faute de la victime, ce qui est également le cas du régime de responsabilité du propriétaire d'un bâtiment en ruine, le moyen est inopérant.
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. M. [T] fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge a l'interdiction de dénaturer les documents de la cause ; qu'en considérant qu'il s'évinçait de l'attestation de M. [K] que « le passage du lit par la fenêtre, au moyen de sangles, ne visait pas simplement à faire descendre le meuble devant l'immeuble, mais à le faire passer latéralement jusqu'à l'échelle électrique située devant une autre pièce », cependant que, dans cette attestation, M. [K] avait indiqué que l'accident était survenu lorsque « le sommier sanglé était presque arrivé au sol », ce dont il se déduisait nécessairement que M. [T] avait fait le choix de faire passer le cadre de lit par la fenêtre puis de le descendre verticalement jusqu'au sol à l'aide de sangles, la cour d'appel a dénaturé l'attestation de M. [K] du 27 septembre 2018 en violation du principe selon lequel le juge a l'interdiction de dénaturer les documents de la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
9. Pour retenir une imprudence fautive de M. [T] ayant contribué au dommage, de nature à exonérer le propriétaire de l'immeuble de sa responsabilité à hauteur de 50 %, l'arrêt retient qu'il s'évince de l'attestation de M. [K] déménageur, présent lors des faits, qui indique « M. [T] s'apprêtait à faire un passage par fenêtre d'un cadre de lit en bois d'une personne d'un poids maximum de 12 kilos car celui-ci ne passait pas par la porte afin de rejoindre l'échelle électrique positionnée dans la pièce d'à côté », que le passage du lit par la fenêtre, au moyen de sangles, ne visait pas simplement à faire descendre le meuble devant l'immeuble mais à le faire passer latéralement jusqu'à l'échelle électrique située devant une autre pièce, plutôt que de déplacer ladite échelle devant la pièce où se trouvait effectivement le meuble.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui ne s'est fondée que sur une partie de l'attestation alors que la suite en donnait l'exacte portée, en a dénaturé les termes clairs et précis et a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation du chef de dispositif déclarant la société In'li responsable à hauteur de 50 % des conséquences dommageables de la chute de M. [T] emporte celle des autres chefs de dispositif de l'arrêt, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société SMA et la société In'li aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SMA et la condamne avec la société In'li in solidum à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du vingt-huit novembre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Cathala, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.ECLI:FR:CCASS:2024:C201136
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 novembre 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1136 F-D
Pourvoi n° A 23-14.536
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 NOVEMBRE 2024
M. [M] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 23-14.536 contre l'arrêt rendu le 2 février 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société In'li, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], venant aux droits de la société Les Résidences de la région parisienne (RRP) suite à la fusion-absorption intervenue le 1er octobre 2017,
2°/ à la société SMA, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommée Sagena, prise en qualité d'assureur de la société RRP,
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. [T], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société SMA, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 octobre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 février 2023), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 9 décembre 2021, pourvoi n° 19-25.300), le 24 juillet 2014, alors qu'il effectuait un déménagement, M. [T], chef d'équipe déménageur, a été victime d'une chute à la suite de la rupture d'un garde-corps de l'immeuble au moment de passer, par la fenêtre, un cadre de lit.
2. Contestant le refus de garantie qui lui était opposé au motif que la chute était due à son imprudence, M. [T] a assigné devant un tribunal de grande instance en indemnisation de ses préjudices la société In'li, venant aux droits de la société Les Résidences de la région parisienne, propriétaire de l'immeuble, et la société SMA (l'assureur), en présence de la caisse primaire assurance maladie de l'Essonne.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. M. [T] fait grief à l'arrêt de déclarer la société In'li responsable à hauteur de 50 % des conséquences dommageables de la chute survenue le 24 octobre 2014 dont il a été victime, alors « que la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; qu'en considérant que les prétentions et moyens relatifs à la responsabilité au titre de la ruine ne pouvaient plus être invoqués devant elle dans la mesure où le principe de la responsabilité du fait des choses, retenu par l'arrêt partiellement cassé, n'avait pas été remis en cause et qu'elle n'était saisie que de la question d'une faute alléguée de la victime de nature à exonérer partiellement le responsable, cependant que son précédent arrêt, partiellement cassé, du 8 octobre 2019, ne comportait pas, dans son dispositif, de chefs spécifiques relatifs à la responsabilité au titre de la ruine et que la cassation de cet arrêt dans sa disposition déclarant la société In'li responsable à 50 % des conséquences dommageables de la chute survenue M. [T] a été victime, avait investi la juridiction de renvoi de la connaissance du chef du litige tranché par cette disposition, dans tous ses éléments de fait et de droit, la cour d'appel a violé les articles 623, 625 et 638 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. L'assureur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est irrecevable faute d'intérêt à agir de M. [T].
5. Cependant, le demandeur au pourvoi a intérêt à contester l'arrêt de la cour d'appel en ce qu'il a déterminé la portée de la cassation prononcée par le précédent arrêt de la Cour de cassation.
6. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
7. La responsabilité du gardien du fait des choses, sur le fondement de laquelle la responsabilité de la société In'li a été retenue, admettant l'exonération totale ou partielle du gardien en cas de faute de la victime, ce qui est également le cas du régime de responsabilité du propriétaire d'un bâtiment en ruine, le moyen est inopérant.
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. M. [T] fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge a l'interdiction de dénaturer les documents de la cause ; qu'en considérant qu'il s'évinçait de l'attestation de M. [K] que « le passage du lit par la fenêtre, au moyen de sangles, ne visait pas simplement à faire descendre le meuble devant l'immeuble, mais à le faire passer latéralement jusqu'à l'échelle électrique située devant une autre pièce », cependant que, dans cette attestation, M. [K] avait indiqué que l'accident était survenu lorsque « le sommier sanglé était presque arrivé au sol », ce dont il se déduisait nécessairement que M. [T] avait fait le choix de faire passer le cadre de lit par la fenêtre puis de le descendre verticalement jusqu'au sol à l'aide de sangles, la cour d'appel a dénaturé l'attestation de M. [K] du 27 septembre 2018 en violation du principe selon lequel le juge a l'interdiction de dénaturer les documents de la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
9. Pour retenir une imprudence fautive de M. [T] ayant contribué au dommage, de nature à exonérer le propriétaire de l'immeuble de sa responsabilité à hauteur de 50 %, l'arrêt retient qu'il s'évince de l'attestation de M. [K] déménageur, présent lors des faits, qui indique « M. [T] s'apprêtait à faire un passage par fenêtre d'un cadre de lit en bois d'une personne d'un poids maximum de 12 kilos car celui-ci ne passait pas par la porte afin de rejoindre l'échelle électrique positionnée dans la pièce d'à côté », que le passage du lit par la fenêtre, au moyen de sangles, ne visait pas simplement à faire descendre le meuble devant l'immeuble mais à le faire passer latéralement jusqu'à l'échelle électrique située devant une autre pièce, plutôt que de déplacer ladite échelle devant la pièce où se trouvait effectivement le meuble.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui ne s'est fondée que sur une partie de l'attestation alors que la suite en donnait l'exacte portée, en a dénaturé les termes clairs et précis et a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation du chef de dispositif déclarant la société In'li responsable à hauteur de 50 % des conséquences dommageables de la chute de M. [T] emporte celle des autres chefs de dispositif de l'arrêt, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société SMA et la société In'li aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SMA et la condamne avec la société In'li in solidum à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du vingt-huit novembre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Cathala, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
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