Note N. Rias, SJ G 2024, p. 1766.
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 23-10.638
- ECLI:FR:CCASS:2024:C200786
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 19 septembre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, du 15 novembre 2022- Président
- Mme Martinel
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 19 septembre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 786 F-B
Pourvoi n° P 23-10.638
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 SEPTEMBRE 2024
M. [G] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 23-10.638 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [S] [U], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société AWP P et C, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à La caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [O], de la SCP Duhamel, avocat de M. [U] et de la société AWP P et C, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [O] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 novembre 2022), le 24 janvier 2010, lors d'une compétition internationale de ski cross organisée par la [5] à [Localité 6] (Etats-Unis) à laquelle ils avaient pris part, M. [O] et M. [U] ont chuté alors qu'ils se trouvaient côte à côte.
3. Victime d'une fracture du rachis cervical, M. [O] a été atteint de tétraplégie.
4. Estimant que sa chute avait été provoquée par un choc de ses skis avec ceux de M. [U], M. [O] l'a assigné, ainsi que la société Gras Savoie Rhône-Alpes Auvergne et la société anonyme AGA international, désormais dénommée AWP P et C, venant aux droits de la société Mondial assistance international, en tant qu'assureur de M. [U], devant un tribunal de grande instance, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes, à fins d'expertise et d'indemnisation.
5. M. [O] s'est désisté, en cours de procédure, de son action en ce qu'elle était dirigée contre la société Gras Savoie Rhône-Alpes Auvergne.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. M. [O] fait grief à l'arrêt de dire que son comportement a revêtu les caractères d'un cas de force majeure exonérant M. [U] de toute responsabilité et de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors que « l'irrésistibilité et l'imprévisibilité constitutifs de la force majeure s'apprécient au regard des circonstances particulières de la cause ; que dans une compétition sportive de haut niveau de ski cross, n'est pas imprévisible le simple positionnement non rectiligne d'un concurrent lors d'une course jalonnée d'obstacles ; qu'en considérant que le positionnement de M. [O] sur la piste de ski cross était imprévisible pour M. [U], autre compétiteur participant à la course, après avoir pourtant écarté la faute de M. [O] en relevant qu'il n'avait pas brutalement coupé la trajectoire de M. [U], mais qu'il avait simplement atterri, à la fin du cinquième saut, en chevauchant partiellement sa trajectoire, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, devenu l'article 1242, alinéa 1er, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil :
7. Un événement n'est constitutif de la force majeure permettant de s'exonérer de la responsabilité prévue par ce texte que s'il est imprévisible, irrésistible et extérieur.
8. Pour débouter M. [O] de toutes ses demandes, l'arrêt retient que les skis de M. [U] ont nécessairement joué un rôle causal dans l'accident de M. [O], mais que, si ce dernier n'a pas commis de faute, son positionnement n'en a pas moins constitué, par son imprévisibilité, son extériorité et son irrésistibilité, liée à l'impossibilité qui était celle de M. [U] de pouvoir manoeuvrer lorsqu'il était en l'air pendant le saut, une cause étrangère revêtant les caractères de la force majeure.
9. Il en déduit que ces circonstances exonèrent M. [U] de la responsabilité lui incombant en qualité de gardien de ses skis.
10. En statuant ainsi, alors que la simple modification de sa trajectoire par un skieur engagé dans une épreuve de ski-cross, ne constitue pas un événement imprévisible pour un autre concurrent la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel et infirme le jugement en ce qu'il a dit que M. [O] a commis une faute dans la survenance de l'accident, l'arrêt rendu le 15 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. [U] et la société AWP P et C aux dépens ;
En application de l'article700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société AWP P et C et condamne cette dernière et M. [U], in solidum, à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C200786
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 19 septembre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 786 F-B
Pourvoi n° P 23-10.638
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 SEPTEMBRE 2024
M. [G] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 23-10.638 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [S] [U], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société AWP P et C, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à La caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [O], de la SCP Duhamel, avocat de M. [U] et de la société AWP P et C, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [O] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 novembre 2022), le 24 janvier 2010, lors d'une compétition internationale de ski cross organisée par la [5] à [Localité 6] (Etats-Unis) à laquelle ils avaient pris part, M. [O] et M. [U] ont chuté alors qu'ils se trouvaient côte à côte.
3. Victime d'une fracture du rachis cervical, M. [O] a été atteint de tétraplégie.
4. Estimant que sa chute avait été provoquée par un choc de ses skis avec ceux de M. [U], M. [O] l'a assigné, ainsi que la société Gras Savoie Rhône-Alpes Auvergne et la société anonyme AGA international, désormais dénommée AWP P et C, venant aux droits de la société Mondial assistance international, en tant qu'assureur de M. [U], devant un tribunal de grande instance, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes, à fins d'expertise et d'indemnisation.
5. M. [O] s'est désisté, en cours de procédure, de son action en ce qu'elle était dirigée contre la société Gras Savoie Rhône-Alpes Auvergne.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. M. [O] fait grief à l'arrêt de dire que son comportement a revêtu les caractères d'un cas de force majeure exonérant M. [U] de toute responsabilité et de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors que « l'irrésistibilité et l'imprévisibilité constitutifs de la force majeure s'apprécient au regard des circonstances particulières de la cause ; que dans une compétition sportive de haut niveau de ski cross, n'est pas imprévisible le simple positionnement non rectiligne d'un concurrent lors d'une course jalonnée d'obstacles ; qu'en considérant que le positionnement de M. [O] sur la piste de ski cross était imprévisible pour M. [U], autre compétiteur participant à la course, après avoir pourtant écarté la faute de M. [O] en relevant qu'il n'avait pas brutalement coupé la trajectoire de M. [U], mais qu'il avait simplement atterri, à la fin du cinquième saut, en chevauchant partiellement sa trajectoire, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, devenu l'article 1242, alinéa 1er, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil :
7. Un événement n'est constitutif de la force majeure permettant de s'exonérer de la responsabilité prévue par ce texte que s'il est imprévisible, irrésistible et extérieur.
8. Pour débouter M. [O] de toutes ses demandes, l'arrêt retient que les skis de M. [U] ont nécessairement joué un rôle causal dans l'accident de M. [O], mais que, si ce dernier n'a pas commis de faute, son positionnement n'en a pas moins constitué, par son imprévisibilité, son extériorité et son irrésistibilité, liée à l'impossibilité qui était celle de M. [U] de pouvoir manoeuvrer lorsqu'il était en l'air pendant le saut, une cause étrangère revêtant les caractères de la force majeure.
9. Il en déduit que ces circonstances exonèrent M. [U] de la responsabilité lui incombant en qualité de gardien de ses skis.
10. En statuant ainsi, alors que la simple modification de sa trajectoire par un skieur engagé dans une épreuve de ski-cross, ne constitue pas un événement imprévisible pour un autre concurrent la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel et infirme le jugement en ce qu'il a dit que M. [O] a commis une faute dans la survenance de l'accident, l'arrêt rendu le 15 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. [U] et la société AWP P et C aux dépens ;
En application de l'article700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société AWP P et C et condamne cette dernière et M. [U], in solidum, à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille vingt-quatre.
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