Note C. Bohnert, D. 2024, p. 2129.
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 22-18.573
- ECLI:FR:CCASS:2024:C201088
- Non publié au bulletin
- Solution : Annulation
Audience publique du jeudi 21 novembre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, du 05 mai 2022- Président
- Mme Martinel (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 novembre 2024
Annulation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1088 F-D
Pourvoi n° T 22-18.573
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 NOVEMBRE 2024
La caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Alpes Provence, société coopérative de crédit, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 1], a formé le pourvoi n° T 22-18.573 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-3), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [L] [C],
2°/ à M. [K] [C],
3°/ à M. [T] [C],
tous trois domiciliés [Adresse 4], [Localité 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boucard-Maman, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [L] [C], M. [K] [C] et M. [T] [C] et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 octobre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 mai 2022), par déclaration d'appel du 13 novembre 2017, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence (la banque) a relevé appel d'un jugement d'un tribunal de grande instance dans un litige l'opposant à MM. [L], [K] et [T] [C] (les consorts [C]).
2. Un conseiller de la mise en état a constaté la péremption de l'instance, par ordonnance du 16 septembre 2021 que la banque a déférée à la cour d'appel.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer l'instance périmée, et de rappeler que la péremption confère la force de la chose jugée au jugement du 14 septembre 2017, alors « que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement dans un délai raisonnable ; que même dans les systèmes juridiques consacrant le principe de la conduite du procès par les parties, leur attitude ne dispense pas les juges d'assurer la célérité du procès voulue par l'article 6§1 ; que pour dire l'instance périmée, la cour d'appel a indiqué, par motifs propres, que « l'argumentation selon laquelle le conseiller de la mise en état n'attend en réalité aucune diligence particulière de l'appelant qui est en état et ne peut d'ailleurs intervenir de quelconque manière pour la fixation de l'affaire, laquelle est retardée non pas du fait de l'absence de diligence de l'appelant mais du défaut de disponibilité de fixation de la juridiction que ce dernier est dans l'impossibilité d'accélérer, est inopérante au regard des dispositions de l'article 386 qui ne concerne que les parties », que l'article 912 ne peut être considéré comme retirant expressément la direction de la procédure aux parties au profit du seul conseiller de la mise en état et ne peut faire obstacle aux dispositions relatives à la péremption, et par motifs éventuellement adoptés, que la désignation d'un conseiller de la mise en état ne les prive pas de solliciter la fixation de l'affaire précisément aux fins d'écarter toute possibilité de péremption ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser toute la charge de la célérité du procès sur l'exposante, a violé les articles 912 et 386 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, §1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. Les consorts [C] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le moyen est irrecevable comme nouveau.
5. Cependant, ce moyen qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.
6. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 2, 386, 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile, ces quatre derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :
7. Aux termes du troisième de ces textes, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.
8. Aux termes du deuxième, les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.
9. Selon le quatrième de ces textes, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe. Selon le cinquième, l'intimé dispose d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
10. Selon le sixième, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
11. Selon le dernier de ces textes, le conseiller de la mise en état examine l'affaire dans les quinze jours suivant l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries. Toutefois, si l'affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, sans préjudice de l'article 910-4, il en fixe le calendrier, après avoir recueilli l'avis des avocats.
12. Il résulte de la combinaison de ces textes, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière (2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-19.475, n° 21-20.719, n° 21-23.230 et n° 21-19.761, publiés).
13. L'arrêt relève qu'aucune diligence n'a été accomplie par l'une ou l'autre des parties durant deux années à compter du 20 septembre 2018, date de l'ordonnance d'incident donnant acte aux consorts [C] de leur renonciation à leur demande de radiation.
14. Si c'est conformément à l'état du droit antérieur aux arrêts du 7 mars 2024 que la cour d'appel en a déduit que la péremption était acquise, le revirement de jurisprudence opéré par ces arrêts conduit à l'annulation de l'arrêt attaqué.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne MM. [L], [K] et [T] [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [L], [K] et [T] [C] et les condamne à payer à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C201088
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 novembre 2024
Annulation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1088 F-D
Pourvoi n° T 22-18.573
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 NOVEMBRE 2024
La caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Alpes Provence, société coopérative de crédit, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 1], a formé le pourvoi n° T 22-18.573 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-3), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [L] [C],
2°/ à M. [K] [C],
3°/ à M. [T] [C],
tous trois domiciliés [Adresse 4], [Localité 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boucard-Maman, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [L] [C], M. [K] [C] et M. [T] [C] et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 octobre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 mai 2022), par déclaration d'appel du 13 novembre 2017, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence (la banque) a relevé appel d'un jugement d'un tribunal de grande instance dans un litige l'opposant à MM. [L], [K] et [T] [C] (les consorts [C]).
2. Un conseiller de la mise en état a constaté la péremption de l'instance, par ordonnance du 16 septembre 2021 que la banque a déférée à la cour d'appel.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer l'instance périmée, et de rappeler que la péremption confère la force de la chose jugée au jugement du 14 septembre 2017, alors « que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement dans un délai raisonnable ; que même dans les systèmes juridiques consacrant le principe de la conduite du procès par les parties, leur attitude ne dispense pas les juges d'assurer la célérité du procès voulue par l'article 6§1 ; que pour dire l'instance périmée, la cour d'appel a indiqué, par motifs propres, que « l'argumentation selon laquelle le conseiller de la mise en état n'attend en réalité aucune diligence particulière de l'appelant qui est en état et ne peut d'ailleurs intervenir de quelconque manière pour la fixation de l'affaire, laquelle est retardée non pas du fait de l'absence de diligence de l'appelant mais du défaut de disponibilité de fixation de la juridiction que ce dernier est dans l'impossibilité d'accélérer, est inopérante au regard des dispositions de l'article 386 qui ne concerne que les parties », que l'article 912 ne peut être considéré comme retirant expressément la direction de la procédure aux parties au profit du seul conseiller de la mise en état et ne peut faire obstacle aux dispositions relatives à la péremption, et par motifs éventuellement adoptés, que la désignation d'un conseiller de la mise en état ne les prive pas de solliciter la fixation de l'affaire précisément aux fins d'écarter toute possibilité de péremption ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser toute la charge de la célérité du procès sur l'exposante, a violé les articles 912 et 386 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, §1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. Les consorts [C] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le moyen est irrecevable comme nouveau.
5. Cependant, ce moyen qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.
6. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 2, 386, 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile, ces quatre derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :
7. Aux termes du troisième de ces textes, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.
8. Aux termes du deuxième, les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.
9. Selon le quatrième de ces textes, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe. Selon le cinquième, l'intimé dispose d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
10. Selon le sixième, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
11. Selon le dernier de ces textes, le conseiller de la mise en état examine l'affaire dans les quinze jours suivant l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries. Toutefois, si l'affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, sans préjudice de l'article 910-4, il en fixe le calendrier, après avoir recueilli l'avis des avocats.
12. Il résulte de la combinaison de ces textes, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière (2e Civ., 7 mars 2024, pourvoi n° 21-19.475, n° 21-20.719, n° 21-23.230 et n° 21-19.761, publiés).
13. L'arrêt relève qu'aucune diligence n'a été accomplie par l'une ou l'autre des parties durant deux années à compter du 20 septembre 2018, date de l'ordonnance d'incident donnant acte aux consorts [C] de leur renonciation à leur demande de radiation.
14. Si c'est conformément à l'état du droit antérieur aux arrêts du 7 mars 2024 que la cour d'appel en a déduit que la péremption était acquise, le revirement de jurisprudence opéré par ces arrêts conduit à l'annulation de l'arrêt attaqué.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne MM. [L], [K] et [T] [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [L], [K] et [T] [C] et les condamne à payer à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-quatre.
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.