lundi 29 août 2022

L'annulation d'un contrat d'assurance en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré

 Note B. Waltz-Teracol, SJ G 2022, p. 1514.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 juin 2022




Cassation partielle sans renvoi


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 668 F-B

Pourvoi n° N 20-20.745








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUIN 2022


1°/ M. [J] [E], domicilié [Adresse 1],

2°/ la société Espérance rénovation et négociation, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° N 20-20.745 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige les opposant à la société Covéa protection juridique, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits des sociétés Das assurances mutuelles et Das SA, défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [E] et de la société Espérance rénovation et négociation, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Covéa protection juridique, venant aux droits des sociétés Das assurances mutuelles et Das SA, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2020), rendu sur renvoi après cassation (2e civ., 7 février 2019, pourvoi n° 18-10.658) et les productions, la société Espérance rénovation et négociation (la société assurée), qui avait donné à bail un pavillon à usage d'habitation à Mmes [M] et [B] à compter du 1er septembre 2010, a conclu, conformément aux dispositions légales relatives à la « garantie des risques locatifs », un contrat d'assurance, à effet du 15 septembre 2010, couvrant les loyers impayés, les dégradations locatives et la prise en charge des frais de contentieux, auprès des sociétés Das assurances mutuelles et Das SA (les assureurs), aux droits desquelles se trouve la société Covéa protection juridique (l'assureur). La société assurée ayant déclaré un sinistre résultant de loyers demeurés impayés entre le 1er septembre 2011 et le 31 décembre 2013 pour un montant de 45 617 euros, les assureurs lui ont versé une indemnité correspondant à cette somme.

2. Exposant avoir découvert, à l'occasion d'un litige opposant la société assurée à Mmes [M] et [B], qu'un second contrat de location portant sur le même bien avait été consenti à titre personnel par M. [E], gérant de la société assurée, le 15 septembre 2010 à Mme [M] et M. [O], contrat dont ils n'avaient pas été informés, les assureurs ont assigné la société assurée et M. [E] en annulation du contrat d'assurance et en restitution de l'indemnité indûment versée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le second moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui, pour le premier, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et, pour le second, est irrecevable.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. M. [E] et la société assurée font grief à l'arrêt de prononcer la nullité du contrat d'assurance du 15 septembre 2010 conclu entre la société assurée et l'assureur et de les condamner in solidum [lire solidairement] à payer à cette dernière la somme de 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015, et la somme de 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la société assurée à ses premières locataires, alors « qu'en toute hypothèse, l'annulation du contrat implique que l'assuré n'ait pas déclaré la modification du risque de mauvaise foi, avec la volonté, en diminuant l'opinion du risque par l'assureur, de causer le dommage constitué par l'obligation pour celui-ci de garantir ce risque ; qu'en jugeant, pour annuler le contrat, que l'absence de déclaration du second bail s'apparentait à une réticence intentionnelle, que M. [E] s'était abstenu « volontairement » de le porter à la connaissance de l'assureur quand bien même il l'aurait conclu « pour rendre service » à Mme [M] et M. [O], sans établir qu'il avait eu pour mobile de causer le dommage constitué par l'obligation pour l'assureur de garantir ce risque, en la tenant pour indifférente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-8 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

5. C'est, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que la cour d'appel a estimé que l'absence volontaire de déclaration par le représentant légal de la société assurée à l'assureur d'un second bail, 15 jours après la signature du premier, portant sur le même bien mais au profit de locataires différents, constituait une réticence intentionnelle et que celle-ci, en raison de la modification des revenus des locataires, avait changé l'objet du risque pour l'assureur, sans avoir à rechercher si son représentant légal avait eu l'intention de causer un dommage à l'assureur.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. M. [E] fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum [lire solidairement], avec la société assurée à payer à l'assureur la somme de 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015, et la somme de 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la société à ses premières locataires, alors « que seul l'assuré est tenu à restitution des sommes payées par l'assureur en exécution d'un contrat d'assurance nul ; qu'en condamnant M. [E], in solidum [lire solidairement] avec la société assurée, à la restitution des sommes exposées par l'assureur en exécution du contrat annulé auquel, pourtant, seule la société assurée était partie, la cour d'appel a violé l'article 1165 devenu 1199 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

8. L'assureur conteste la recevabilité du moyen comme nouveau, mélangé de fait et de droit. Il fait valoir qu'il existe, avec la seconde branche, un lien explicité par les termes « en toute hypothèse » imposant de comprendre cette première branche comme signifiant que l'associé d'une société civile immobilière n'est pas partie au contrat conclu par celle-ci et que, dans leurs conclusions d'appel, la société assurée et M. [E] ne déduisaient aucune conséquence de la qualité d'associé de M. [E], laquelle se réfère à une constatation de fait qui ne résulte pas des énonciations des juges du fond.

9. Cependant, ce moyen qui ne se réfère pas à la qualité d'associé de M. [E] et invoque un vice résultant de l'arrêt lui-même ne pouvant être décelé avant que celui-ci ne soit rendu, n'est pas nouveau.

10. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1165 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, et l'article L. 113-8 du code des assurances :

11. Il résulte du second de ces textes que l'annulation d'un contrat d'assurance en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, entraîne la restitution, par l'assuré, des indemnités versées par l'assureur en exécution du contrat annulé.

12. Il résulte du premier de ces textes que seul l'assuré auquel ont été versées les indemnités est tenu de les restituer.

13. Pour condamner M. [E], solidairement avec la société assurée, à payer à l'assureur la somme de 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015, et la somme de 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la société à ses premières locataires, l'arrêt retient qu'en l'absence de tout débat sur ce point, la condamnation prononcée sera solidaire entre la société assurée et M. [E] son représentant légal.

14. En statuant ainsi, alors que M. [E] était un tiers au contrat annulé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

17. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 12 à 14 qu'il y a lieu de rejeter la demande de condamnation de M. [E] solidairement avec la société Espérance rénovation et négociation au paiement de la somme de 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015, et de celle de 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la société à ses premières locataires.

18. En outre, la cassation prononcée des chefs de l'arrêt ci-dessus s'étend également aux chefs de l'arrêt condamnant M. [E] solidairement avec la société Espérance rénovation et négociation à la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, d'une part, il déboute M. [E] de toutes ses demandes, en ce comprise celle formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, d'autre part, il condamne M. [E] solidairement avec la Sci Espérance rénovation et négociation à payer à la société Covéa protection juridique les sommes suivantes :

- 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015 ;
- 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la Sci précitée à ses premières locataires ;
- 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

et enfin, il condamne M. [E] solidairement avec la Sci Espérance rénovation et négociation aux entiers dépens de 1re instance et d'appel, l'arrêt rendu le 16 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉBOUTE la société Covéa protection juridique de sa demande tendant à ce que M. [E] soit condamné solidairement avec la société Espérance rénovation et négociation au paiement de la somme de 45 617 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2015, et de la somme de 1 215,23 euros au titre des frais de procédure exposés dans la procédure opposant la société Espérance rénovation et négociation à ses premières locataires.

CONDAMNE la société Espérance rénovation et négociation aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Paris sur renvoi après cassation ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Espérance rénovation et négociation, la société Covéa protection juridique et M. [E] devant la Cour de cassation et condamne la société Espérance rénovation et négociation à payer à la société Covéa protection juridique, au titre de la procédure suivie devant la cour d'appel de Paris sur renvoi après cassation, la somme de 2 500 euros ;

mercredi 10 août 2022

CNB : Déclaration d'appel : ce qui change à la suite de l'avis rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation

 

À LA UNE

 
 

Déclaration d'appel : ce qui change à la suite de l'avis rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation

 

Dans une demande d’avis, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a estimé que même en l’absence d’empêchement d’ordre technique (ex. limitation du nombre de caractères), les avocats ont la possibilité de joindre une annexe comportant les chefs du jugement critiqués à leur déclaration d’appel. Cet avis de la Cour de cassation, rendu le 8 juillet dernier, est l’occasion de faire le point sur la déclaration d’appel transmise par voie électronique et uniquement dans le cas où la procédure est avec représentation obligatoire.

 

Dans une demande d’avis, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a estimé que même en l’absence d’empêchement d’ordre technique (ex. limitation du nombre de caractères), les avocats ont la possibilité de joindre une annexe comportant les chefs du jugement critiqués à leur déclaration d’appel.

Cet avis de la Cour de cassation, rendu le 8 juillet dernier, est l’occasion de faire le point sur la déclaration d’appel transmise par voie électronique et uniquement dans le cas où la procédure est avec représentation obligatoire.

Contexte

En matière civile, les déclarations d’appel sont remises à la cour d’appel par la voie électronique sous peine d’irrecevabilité relevée d’office (art. 930-1 CPC). Elles sont transmises sous la forme d’un fichier au format XML dont le nombre de caractères est limité.

L’effet dévolutif de la déclaration d’appel opère pour le tout lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. Dans tous autres cas, la dévolution ne joue que dans la mesure où les chefs du jugement critiqués sont mentionnés dans la déclaration d’appel.

Le 13 janvier 2022, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation avait rendu une importante décision relative à la déclaration d’appel. Les juges ont considéré qu’une annexe pouvait être jointe à la déclaration d’appel uniquement en cas d’empêchement technique. De ce fait, les avocats ne pouvaient pas joindre une annexe à la déclaration d’appel transmise par la voie électronique si la limitation technique des 4.080 caractères n’avait pas été atteinte.

La réforme de la déclaration d’appel

La forme de la déclaration d’appel a été clarifiée par le décret n°2022-245 du 25 février 2022 qui a modifié l’article 901 du CPC, accompagné par un arrêté du même jour qui a modifié l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication électronique civile devant les cours d’appel.

L’objectif de cette réforme pour le Ministère de la justice était de laisser la possibilité aux avocats de joindre une annexe à leur déclaration d’appel alors même que la limite de caractères n’aurait pas été atteinte.

L’alinéa premier de l’article 901 a été assoupli de telle sorte que désormais, la déclaration d’appel peut s’accompagner d’une annexe.

Les articles 3 et 4 de l’arrêté du 20 mai 2020 qui précisent les modalités d’application de l’article 901 du CPC en matière de communication électronique ont été modifiés :

  • L’article 3 de l’arrêté ne rend pas obligatoire, dans la déclaration d’appel, la mention des chefs du jugement expressément critiqués qui peuvent n’apparaître que dans l’annexe (exigence formulée à l’alinéa 5 de l’article 901) ;
  • Dans le cas où une annexe est jointe à la déclaration d’appel, l’article 4 de l’arrêté du 20 mai 2020, modifié par l’arrêté du 25 février 2022, prévoit que pour que l’annexe fasse corps avec la déclaration d’appel au format XML, cette dernière doit comporter un renvoi exprès à l’annexe contenant les chefs de jugement critiqués. En l’absence de renvoi, l’annexe ne fait pas corps avec la déclaration d’appel et l’effet dévolutif de l’appel ne joue pas.

En parallèle, pour répondre aux difficultés soulevées par l’arrêt du 13 janvier 2022, le Ministère de la justice et le CNB ont quasiment doublé la limitation du nombre de caractères pouvant être renseignés dans la déclaration d’appel au format XML, passant de 4.080 à 8.000.

Les incertitudes entourant cette réforme

Cependant, et ainsi que certains processualistes l’avaient anticipé, le décret du 25 février 2022 n’a pas réglé toutes les difficultés.

Plusieurs arrêts ont été rendus en matière de déclaration d’appel et dans des sens divergents.

Par exemple, dans un arrêt du 14 mars 2022, la cour d’appel de Rennes a estimé que l’annexe ne pouvait être ajouté à la déclaration d’appel au format XML qu’en cas d’empêchement technique. Dès lors, dans l’hypothèse où les chefs du jugement critiqués représenteraient moins de 4.080 caractères, ils devraient être mentionnés, à peine d’irrégularité dans la déclaration d’appel au format XML et uniquement là.

Apport de l’avis

L’avis rendu par la Cour de cassation lève les incertitudes liées à l’ajout d’une annexe à la déclaration d’appel par la voie électronique.

Conformément à l’article 901 du CPC, il est possible de joindre à la déclaration d’appel une annexe comportant les chefs du jugement critiqués même en l’absence d’empêchement technique.

Cette décision invite à distinguer deux cas de figure :

  • La déclaration d’appel sans annexe : l’intégralité des chefs du jugement critiqués doivent être mentionnés dans la limite de 8.000 caractères
  • La déclaration d’appel avec annexe : elle est valide, aux termes de l’avis, même si le fichier XML de la DA peut techniquement contenir l’intégralité des chefs du jugement critiqués (8.000 signes ou moins)
  • Néanmoins, un renvoi exprès à l’annexe doit être fait dans la déclaration d’appel

Application des textes dans le temps

Par ailleurs, la Cour de cassation rappelle que le décret n°2022-245 du 25 février 2022 et l’arrêté du 25 février 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication électronique en matière civile devant la cour d’appel sont immédiatement applicables aux instances en cours dès lors que les déclarations d’appel ont été formées antérieurement à l’entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires et à condition qu’elles n’aient pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n’a pas fait l’objet d’un déféré dans le délai requis, ou pas l’arrêt d’une cour d’appel statuant sur déféré.


mardi 9 août 2022

Implantation d'un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée et libre exercice de son droit de propriété - Compétence administrative

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juillet 2022




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 584 F-B

Pourvoi n° N 21-13.550




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022

Mme [X] [M], domiciliée [Adresse 2]), a formé le pourvoi n° N 21-13.550 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2021 par la cour d'appel de [Localité 4] (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Enedis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme [M], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Enedis, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 4], 18 janvier 2021), suivant acte authentique du 26 octobre 2006, Mme [M] a acquis un bien immobilier à [Localité 3].

2. Soutenant qu'un transformateur électrique avait été installé sans autorisation sur sa propriété, Mme [M] a assigné la société Enedis devant la juridiction judiciaire en paiement de dommages-intérêts et d'une indemnité d'occupation jusqu'à son déplacement ou sa suppression. En appel, la société Enedis a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [M] fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire incompétente et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, alors :

« 1°/ que le paiement d'une indemnité d'occupation ne constitue pas une mesure de nature à porter atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public, de sorte que la juridiction judiciaire est compétente pour connaître d'une telle demande, dirigée contre une personne privée ; qu'en subordonnant la compétence du juge judiciaire pour connaître d'une demande en paiement d'indemnité d'occupation dirigée contre la société Enedis, personne morale de droit privé, à l'existence d'une voie de fait, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble l'article 7 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;

2°/ que Mme [M] faisait valoir que le déplacement du poste électrique s'avérait impossible dès lors qu'il servait à alimenter en électricité toute la commune d'[Localité 3] de sorte que l'implantation irrégulière du transformateur électrique comportait extinction de son droit de propriété ; qu'en retenant que la demande de Mme [M] portait sur l'indemnisation de la privation de jouissance de 11 m2 de sa propriété résultant de l'existence d'un relais électrique, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en se bornant à retenir que l'implantation sans titre de l'ouvrage litigieux ne constituait pas une voie de fait sans rechercher si, comme le soutenait l'exposante, elle ne constituait pas une emprise irrégulière qui, entraînant une dépossession définitive, avait pour effet l'extinction de son droit de propriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790. »

Réponse de la Cour

4. Si la décision d'une personne publique d'implanter un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée porte atteinte au libre exercice de son droit de propriété, elle n'a pas pour effet l'extinction de ce droit, de sorte que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur le recours en annulation de cette décision ainsi que sur la réparation de ses conséquences dommageables.

5. La cour d'appel a relevé que Mme [M] invoquait l'irrégularité de l'installation du transformateur électrique et demandait l'indemnisation des préjudices qui en résultait.

6. Il en résulte que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur les conclusions de Mme [M] tendant à la réparation des conséquences de l'atteinte portée à sa propriété, laquelle n'a pas pour effet l'extinction de son droit de propriété.

7. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Assurance - Absence de clause d'exclusion et non-garantie

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juillet 2022




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 570 F-D

Pourvoi n° A 21-17.610




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022

M. [K] [Y], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° A 21-17.610 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2021 par la cour d'appel de Montpellier (5e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [F] [T], épouse [Z], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à la société Mapa, mutuelle d'assurance, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à la société Pacifica, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [Y], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Pacifica, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme [T], de la société Mapa, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 mars 2021), le 23 juillet 2013, une caravane appartenant à Mme [T] et confiée par un contrat conclu à titre onéreux à M. [Y] a été volée.

2. Le 19 septembre 2016, Mme [T] et son assureur, la société Mapa, subrogée dans ses droits après le versement d'une indemnité, ont assigné M. [Y] en paiement, respectivement, de la franchise et de l'indemnité versée. M. [Y] a appelé en garantie son assureur de responsabilité au titre de son activité de dépositaire de matériels, la société Pacifica.

3. M. [Y] a été condamné au paiement des sommes réclamées par Mme [T] et la société Mapa.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. [Y] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre la société Pacifica, alors « que, sauf à ce qu'ils fassent l'objet d'une clause d'exclusion prévue au contrat ou qu'ils soient le résultat d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré, les dommages qui entrent dans le champ du contrat d'assurance doivent, lors de leur survenance, déclencher la garantie de l'assureur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [Y] avait souscrit auprès de la société Pacifica une police d'assurance multirisque couvrant sa responsabilité civile dans le cadre de son activité de dépositaire de matériels ; qu'en retenant que la société Pacifica était fondée à refuser sa garantie à M. [Y], dont la responsabilité civile était engagée à raison du vol de la caravane qu'il avait reçue en dépôt de Mme [T], sans constater ni l'existence d'une clause d'exclusion prévue au contrat, ni que le vol de la caravane litigieuse était le résultat d'une faute intentionnelle ou dolosive de M. [Y], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 113-1 et L. 113-5 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

6. Aux termes de ce texte, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police et l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.

7. Pour rejeter les demandes de M. [Y], l'arrêt retient que la société Pacifica est fondée à refuser sa garantie qui suppose un exercice de I'activité de dépositaire assuré conforme à la loi et au contrat de dépôt, sans qu'il soit nécessaire de justifier d'une clause précise d'exclusion, en ayant constaté que le dépositaire n'avait pas respecté son obligation légale de bons soins dans la garde de la chose.

8. En se déterminant ainsi, sans constater ni l'existence d'une clause d'exclusion en cas de non-respect par le dépositaire de son obligation légale de bons soins dans la garde de la chose ni une faute intentionnelle ou dolosive ayant occasionné le vol, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Demande de mise hors de cause

9. Il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, la société Mapa et Mme [T], dont la présence devant la cour d'appel de renvoi n'est pas nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. [Y] à l'encontre de la société Pacifica, l'arrêt rendu le 9 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Met hors de cause la société Mapa et Mme [T] ;

Condamne in solidum M. [Y] et la société Pacifica aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. [Y] et la société Pacifica et condamne M. [Y] à payer à la société Mapa la somme de 3 000 euros ;

Lorsque le juge révoque l'ordonnance de clôture, cette décision, qui doit être motivée par une cause grave, doit intervenir avant la clôture des débats, ou, sinon, s'accompagner d'une réouverture de ceux-ci

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juillet 2022




Cassation


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 665 F-D

Pourvoi n° R 21-15.186

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [P].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 9 juin 2021.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022

M. [E] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-15.186 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-4), dans le litige l'opposant à Mme [S] [P], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Mme [P] a formé un pourvoi incident contre le même arret.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [N], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de Mme [P], après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 décembre 2020), un jugement du 13 septembre 2010 a prononcé le divorce de M. [N] et de Mme [P] qui, au cours de leur mariage, avaient adopté le régime de participation aux acquêts.

2. Des difficultés sont survenues lors des opérations de comptes, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des ex-époux.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. M. [N] fait grief à l'arrêt de révoquer l'ordonnance de clôture du 30 septembre 2020, fixer la nouvelle clôture au 20 octobre 2020 et statuer au fond, alors « que lorsque le juge révoque l'ordonnance de clôture, cette décision, motivée par une cause grave, doit intervenir avant la clôture des débats ou, sinon, s'accompagner d'une réouverture de ceux-ci ; qu'en révoquant l'ordonnance de clôture pour, dans le même arrêt, d'une part, fixer celle-ci à une date antérieure aux débats pour rendre recevable les éléments signifiés par Mme [P] postérieurement à l'ordonnance de clôture et, d'autre part, statuer au fond, sans procéder à la réouverture des débats, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 784 ancien du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 16 et 803 du code de procédure civile :

4. Selon ces textes, lorsque le juge révoque l'ordonnance de clôture, cette décision, qui doit être motivée par une cause grave, doit intervenir avant la clôture des débats, ou, sinon, s'accompagner d'une réouverture de ceux-ci.

5. L'arrêt, après débats à l'audience du 28 octobre 2020, révoque l'ordonnance de clôture du 30 septembre 2020 pour admettre les conclusions de Mme [P] signifiées le 19 octobre 2020, fixe la nouvelle clôture au 20 octobre 2020, écarte du dossier les pièces communiquées par Mme [P] les 20 et 27 septembre 2020 et statue au fond.

6. En statuant ainsi, alors qu'une même décision ne peut simultanément révoquer l'ordonnance de clôture et statuer sur le fond du litige, la cour d'appel, qui ne pouvait révoquer l'ordonnance de clôture postérieurement à la clôture des débats sans en ordonner la réouverture, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal ni sur les moyens du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne Mme [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

S'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 juillet 2022




Cassation


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 593 F-D

Pourvoi n° V 20-13.553




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2022

Mme [T] [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-13.553 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [X] [F],

2°/ à Mme [J] [D] [R], épouse [F],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Antoine, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [H], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. et Mme [F], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Antoine, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 décembre 2019), rendu en référé, Mme [H], propriétaire d'une parcelle située sur un lotissement, se plaignant de l'enlèvement d'une clôture et de la réalisation de travaux d'aménagement créant un accès privatif sur une voie indivise entre les différents propriétaires de parcelles du lotissement, a assigné M. et Mme [F] en remise en état des lieux.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. Mme [H] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le juge ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées par les parties ; qu'elle avait déposé des conclusions le 22 octobre 2019, soit avant la clôture dans lesquelles elle sollicitait notamment du juge qu'il déclare irrecevables les prétentions nouvelles des consorts [F], et qu'il écarte des débats certaines pièces ; qu'en statuant au visa de conclusions qui auraient été déposées le 10 mai 2019 et sans répondre aux prétentions formulées par Mme [H] dans ses dernières écritures, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 455, alinéa 1er, et 954, alinéas 3 et 4, du code de procédure civile :

3. Il résulte de ces textes que, s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date.

4. Pour rejeter les demandes de Mme [H], la cour d'appel s'est prononcée au visa des conclusions déposées par celle-ci le 10 mai 2019.
5. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des productions que Mme [H] avait déposé le 22 octobre 2019 des conclusions comportant une nouvelle demande tendant à voir écarter des pièces adverses, la cour d'appel, qui n'a pas visé ces écritures et qui s'est prononcée par des motifs dont il ne résulte pas qu'elle les aurait prises en considération, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens autrement composée ;

Condamne M. et Mme [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

lundi 8 août 2022

Notion d'objet du litige

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 juillet 2022




Cassation partielle sans renvoi


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 604 F-D

Pourvoi n° Q 20-17.458

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [O].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 mai 2020.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2022

Mme [B] [O], épouse [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 20-17.458 contre l'arrêt rendu le 3 septembre 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [H] [X], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

M. [X] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [O], de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de M. [X], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 3 septembre 2019), un jugement du 12 juin 2017 a prononcé le divorce de Mme [O] et de M. [X].

Examen des moyens

Sur le premier et le deuxième moyen du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal qui est irrecevable et sur le premier moyen, pris en ses autres branches, et sur le deuxième moyen du pourvoi principal, ainsi que sur le moyen du pourvoi incident, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. Mme [O] fait grief à l'arrêt de supprimer la contribution de M. [X] à l'entretien des deux enfants aînés majeures à compter de son prononcé, alors « que le juge ne peut modifier l'objet du litige ; qu'en supprimant la contribution du père à l'entretien et à l'éducation des deux filles aînées du couple, quand M. [X] ne formulait aucune demande en ce sens, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

5. Après avoir réduit la contribution paternelle à l'entretien des deux enfants aînés majeures, [M] et [C], à la somme de 180 euros par mois à compter du mois de septembre 2017, l'arrêt dit que cette pension cessera d'être due à compter de son prononcé.

6. En statuant ainsi, alors qu'aucune des parties n'avait demandé la suppression de cette contribution, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

Rejette le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il dit que la contribution paternelle à l'entretien et à l'éducation de [M] et de [C] cessera d'être due à compter de son prononcé, l'arrêt rendu le 3 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne M. [X] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Bordeaux ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

En statuant par simple affirmation, sans analyser, fût-ce sommairement, ni même mentionner les éléments de preuve sur lesquels elle fondait sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile :

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 juillet 2022




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 605 F-D

Pourvoi n° Y 21-11.329




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2022

M. [N] [U], domicilié chez Mme [L] [S], [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-11.329 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [R] [X], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [U], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [X], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 30 novembre 2020), un jugement du 28 juillet 2009 a prononcé le divorce de M. [U] et de Mme [X], mariés sans contrat en 1978.

2. Des difficultés sont survenues au cours des opérations de liquidation et de partage de leurs intérêts patrimoniaux.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et troisième moyens et sur le quatrième moyen, en ce qu'il est dirigé contre le chef de dispositif de l'arrêt ayant dit que le complément retraite union mutualiste était un bien propre de M. [U], ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier, deuxième et troisième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le quatrième moyen, en ce qu'il est dirigé contre le chef de dispositif de l'arrêt ayant dit que le complément retraite Union mutualiste était un bien propre de M. [U], qui est irrecevable.

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il est dirigé contre les chefs de dispositif ayant dit que la communauté détenait, à l'encontre de M. [U], une créance devant être fixée à la somme de 20 163,63 euros, à défaut pour lui de justifier au notaire liquidateur du montant des cotisations qu'il a réglées avant le mariage

Enoncé du moyen

4. M. [U] fait grief à l'arrêt de dire que la communauté détient à son encontre une créance équivalente aux cotisations que celle-ci a réglées pour son compte de 1978 à 2003 et de dire qu'à défaut pour lui de produire au notaire liquidateur les justificatifs des cotisations dont il s'est acquitté pour son complément retraite union mutualiste de 1974 à 1978, la créance détenue par la communauté à son encontre à ce titre sera fixée à la somme de 20 163,63 euros, alors « que les juges ne peuvent accueillir les demandes d'une partie par simple référence à des documents n'ayant fait l'objet d'aucune analyse sommaire ; qu'en s'étant bornée à énoncer, pour dire que la communauté détenait une créance à hauteur de 20 163,63 euros, qu'il ressortait des « pièces communiquées » par Mme [X] qu'à compter du mariage, les cotisations de ce complément retraite avaient été prélevées sur le compte joint des époux, sans préciser de quelles pièces il s'agissait et sans procéder à leur analyse, même sommaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

5. Tout jugement doit être motivé.

6. Pour dire, après avoir qualifié de propre de M. [U] le complément retraite Union mutualiste, que la communauté détient, à l'encontre de celui-ci, une « créance » équivalente aux cotisations que celle-ci a versées pour son compte de 1978 à 2003, l'arrêt retient qu'il ressort des pièces communiquées par Mme [X] qu'à compter du mariage les cotisations de ce complément retraite ont été prélevées sur le compte joint des époux.

7. En statuant ainsi, par simple affirmation, sans analyser, fût-ce sommairement, ni même mentionner les éléments de preuve sur lesquels elle fondait sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

8. M. [U] fait grief à l'arrêt de dire que le véhicule Volkswagen Polo doit être intégré à l'actif commun et qu'il lui appartiendra de justifier auprès du notaire liquidateur de sa valeur actualisée, alors « que le juge doit déterminer lui-même la valeur d'un bien litigieux ; qu'en renvoyant, sur la question du véhicule Volkswagen, M. [U] auprès du notaire sans trancher elle-même la question litigieuse, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 4 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code civil :

9. Il résulte de ce texte que le juge, auquel il incombe de trancher lui-même les contestations soulevées par les parties, ne peut se dessaisir et déléguer ses pouvoirs à un notaire liquidateur.

10. Après avoir qualifié le véhicule litigieux de bien de communauté devant être intégré à l'actif commun, l'arrêt retient qu'il appartiendra à M. [U], qui a récupéré ledit véhicule en 2006, de justifier de sa valeur actualisée auprès du notaire liquidateur.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du quatrième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la communauté détient une créance à l'encontre de M. [U] équivalente aux cotisations qu'elle a réglées pour son compte de 1978 à 2003, qu'à défaut pour M. [U] de produire au notaire liquidateur les justificatifs des cotisations dont il s'est acquitté pour son complément retraite union mutualiste de 1974 à 1978, la créance que détient la communauté à son encontre à ce titre sera fixée à la somme de 20 163,63 euros et qu'il appartiendra à M. [U] de justifier auprès du notaire liquidateur de la valeur actualisée du véhicule Volskwagen Polo, l'arrêt rendu le 30 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne Mme [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;