Note S. Amrani-Mekki, SJ G 2022, n° 29-33, p. 1446.
Note M. Barba, D. 2022, p. 1498.
Note M. Bencimon, GP 2022-28, p. 17.
8 juillet 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-70.005
Autre - Formation de section
PUBLIÉ AU BULLETIN
ECLI:FR:CCASS:2022:AV15008
Titre
Sommaire
Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 modifiant l'article 901 du code de procédure civile et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent, qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l' arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré. Une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, même en l'absence d'empêchement techniqueTexte de la décision
Demande d'avis
n°X 22-70.005
Juridiction : la cour d'appel de Paris
DC5
Avis du 8 juillet 2022
n° 15008 B
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
COUR DE CASSATION
_________________________
Deuxième chambre civile
Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile :
La Cour de cassation a reçu le 13 avril 2022 une demande d'avis formée le même jour par la cour d'appel de Paris, dans une instance opposant M. [K] aux sociétés GPSI et LBC.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, et les observations écrites et orales de M. Aparisi, avocat général.
Énoncé de la demande d'avis
1. La demande est ainsi formulée :
« 1 - Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel sont-ils immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires ?
2 - Dans l'affirmative, une déclaration, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue-t-elle l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, dès lors que la déclaration d'appel mentionne expressément l'existence d'une annexe, et ce même en l'absence d'empêchement technique ? »
2. La présidente de la Conférence nationale des premiers présidents de cour d'appel, le président du Conseil national des Barreaux, le président de la Conférence des bâtonniers et la bâtonnière de l'ordre des avocats au barreau de Paris, ont, en application des articles L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire et 1015-2 du code de procédure civile, déposé chacun une note écrite et ont été entendus en audience publique les 14 et 16 juin 2022.
Examen de la demande d'avis
Sur la première question
3. Pour répondre à la première question, il convient de se demander si les règles édictées par le décret n° 2022-245 du 25 février 2022, modifiant, en son article 1er, 16°, l'article 901 du code de procédure civile, et par l'arrêté du même jour, modifiant l'arrêté du 20 mai 2020, sont applicables immédiatement aux instances d'appel en cours introduites par une déclaration d'appel antérieure à leur entrée en vigueur, ou si elles ont un effet rétroactif.
4. L'application dans le temps des textes législatifs ou réglementaires, en matière civile, est régie par l'article 2 du code civil, qui énonce : « la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif ». En droit civil, ce principe a valeur législative.
5. En procédure civile, il résulte des principes généraux du droit transitoire, tels que dégagés par la jurisprudence de la Cour de cassation, qu'en l'absence de disposition spéciale, les lois relatives à la procédure et aux voies d'exécution sont d'application immédiate aux instances en cours ( Avis de la Cour de cassation, 22 mars 1999, n° 09-90.005, Bull. 1999, avis, n° 2). Cependant, si ces lois sont applicables aux instances en cours, elles n'ont pas pour conséquence de priver d'effet les actes qui ont été régulièrement accomplis sous l'empire de la loi ancienne (en ce sens, 2e Civ., 30 avril 2003, pourvoi n° 00-14.333, Bull. 2003, II, n° 123 ; Com., 27 janvier 1998, pourvoi n° 94-15.063, Bull. 1998, IV, n° 46).
6. Cette règle d'interdiction de remise en cause d'un acte régulièrement accompli découle tant du principe de non rétroactivité de la loi que de l'exigence de protection des droits acquis, liée au principe de sécurité juridique. La loi ne peut remettre en cause des situations définitivement fixées dans le passé. Elle est, en revanche, immédiatement applicable à des situations qui, ayant leur origine dans le passé, ne sont pas définitivement acquises.
7. Le décret du 25 février 2022 a modifié l'article 901, 4°, du code de procédure civile en tant qu'il prévoit que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, en ajoutant dans ce texte, après les mots : « faite par acte », les mots : « , comportant le cas échéant une annexe, ». L'article 6 du décret précise que cette disposition est applicable aux instances en cours.
8. L'arrêté du 25 février 2022 a modifié celui du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel. L'article 3 de ce texte prévoit qu'il entre en vigueur le lendemain de sa publication et qu'il est applicable aux instances en cours.
9. En application des principes ci-dessus, si ces textes réglementaires ne peuvent remettre en cause des actes régulièrement accomplis sous l'empire de textes antérieurs, ils peuvent, en revanche, conférer validité à des actes antérieurs, pour autant qu'ils n'ont pas, à la suite d'une exception de nullité, été annulés par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l' arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.
10. Cette interprétation donne son plein effet aux dispositions transitoires précitées des deux textes, toutes les instances en cours au jour de la publication de ceux-ci ayant été introduites pas des actes d'appel qui leur sont nécessairement antérieurs.
11. Il résulte de ce qui précède, qu' à la première question, il convient de répondre que les nouvelles dispositions régissent, dans les instances en cours, les déclarations d'appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur et qu'elles ont pour effet de conférer validité aux déclarations d'appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.
Sur la seconde question
12. La seconde question posée par la demande d'avis est celle de savoir comment doit être interprété l'ajout, opéré par le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 à l'article 901 du code de procédure civile, des termes : « comportant le cas échéant une annexe » après la phrase : « la déclaration d'appel est faite par acte » et quelles sont ses conséquences sur la régularité de la déclaration d'appel.
13. Préalablement, il y a lieu de préciser que le présupposé introduit dans la formulation de la question, telle que posée par la cour d'appel de Paris, par la locution « dès lors que la déclaration d'appel mentionne expressément l'existence d'une annexe », doit être regardé comme une simple donnée du litige à l'occasion duquel a été formulée la demande d' avis.
14. L'expression « le cas échéant » figurant à l'article 901 modifié par le décret du 25 février 2022, qui n'est pas dénuée d'ambiguïté, pourrait renvoyer à une condition d'utilisation de l'annexe, tel l'empêchement technique, notamment le dépassement du nombre de caractères maximum prévus par le Réseau privé virtuel justice.
15. Cependant, une interprétation téléologique du décret aboutit à considérer que cet ajout vise à permettre l'usage de l'annexe, même en l'absence d'empêchement technique.
16. Il résulte de ce qui précède qu'à la seconde question, il convient de répondre qu'une déclaration d'appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l'absence d'empêchement technique.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
EST D'AVIS QUE
1 - Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l' arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.
2 - Une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, même en l'absence d'empêchement technique.
DIT que, par application de l'article 1031-6 du code de procédure civile, le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française ;
Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 8 juillet 2022, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 5 juillet 2022 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Kermina, M. Delbano, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Dumas, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général, M. Carrasco, greffier de chambre ;
Le présent avis est signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre.
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.