jeudi 4 août 2022

Ni l'article 11 du code de déontologie des architectes, ni aucune autre disposition de ce code, n'impose à l'architecte une obligation de prévoir une clause préalable de conciliation dans les contrats

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 juin 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 728 F-D

Pourvoi n° Y 21-12.502




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2022

La société Olivier Burte architecte, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-12.502 contre le jugement rendu le 10 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Soissons, dans le litige l'opposant à Mme [X] [Z], épouse [W], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations du SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Olivier Burte architecte, de la SCP Richard, avocat de Mme [Z], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Soissons, 10 novembre 2020), la société Olivier Burte architecte (la société), se prévalant d'un contrat conclu le 10 juillet 2017, a assigné Mme [Z] épouse [W] en paiement d'une certaine somme représentant le montant d'honoraires exposés en exécution de cette convention.

2. Mme [Z] épouse [W] a demandé la résolution du contrat et le rejet des demandes de la société.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

3. Selon l'article 64 du code de procédure civile, constitue une demande reconventionnelle, la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.

4. Mme [Z] épouse [W] invoque l'irrecevabilité du pourvoi au motif qu'en sollicitant la nullité du contrat du 10 juillet 2017, elle a formé une demande reconventionnelle par nature indéterminée, justifiant que le tribunal judiciaire, bien que saisi d'une demande principale inférieure au taux du ressort, statue par un jugement susceptible d'appel et non de pourvoi.

5. Toutefois, Mme [Z] épouse [W], qui n'a invoqué la nullité du contrat que pour faire obstacle à la demande en paiement de la société, sans tirer aucune autre conséquence de cette nullité, s'est bornée à articuler un moyen qui est sans incidence sur le taux du ressort déterminé par le montant de la seule demande principale.

6. Il s'ensuit que le pourvoi, formé contre un jugement rendu en dernier ressort, est recevable.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. La société fait grief au jugement de déclarer irrecevable la demande en paiement d'honoraires formée par la société contre Mme [Z] épouse [W], alors :

« 1°/ qu'à défaut de clause contractuelle prévoyant un préalable de conciliation, la recevabilité de la demande en paiement d'honoraires formée par un architecte contre le maître d'ouvrage n'est pas subordonnée au respect d'un préalable de conciliation ; qu'en l'espèce, le tribunal a jugé, après avoir admis que le contrat ne comportait pas le préalable de conciliation prévu dans les clauses types des contrats d'architecte, que la demande en paiement d'honoraires formée par la société Olivier Burte Architecte était irrecevable à défaut de préalable de conciliation ; qu'en statuant de la sorte, le tribunal a violé les articles 1103 du code civil et 122 du code de procédure civile ;

2°/ que si l'article 11 du code de déontologie des architectes dispose que le contrat d'architecte doit tenir compte des dispositions de ce code et contenir expressément les règles fondamentales qui définissent les rapports entre l'architecte et son client, il n'en résulte pas que l'architecte doit faire figurer une clause de conciliation préalable dans ledit contrat ; qu'en l'espèce, le tribunal a estimé que la société Olivier Burte Architecte avait méconnu ses obligations professionnelles énoncées à l'article 11 du code de déontologie des architectes en ne faisant pas figurer dans son contrat une clause de conciliation préalable, ce dont elle a déduit que sa demande en paiement d'honoraires était irrecevable ; qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé l'article 11 du code de déontologie des architectes issu du décret n° 80-217 du 25 mars 1980, ensemble l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 122 du code de procédure civile et l'article 11 du code de déontologie des architectes issu du décret n° 80-217 du 25 mars 1980 :

8. Il résulte du premier de ces textes que le non-respect des clauses contractuelles relatives aux modes de règlement alternatif des litiges constitue une fin de non-recevoir dès lors que le contrat édicte de manière expresse et non équivoque le recours à la conciliation comme un préalable obligatoire à la saisine de la juridiction.

9. Selon le second, tout engagement professionnel de l'architecte doit faire l'objet d'une convention écrite préalable, définissant la nature et l'étendue de ses missions ou de ses interventions ainsi que les modalités de sa rémunération. Cette convention doit tenir compte des dispositions du présent code et contenir explicitement les règles fondamentales qui définissent les rapports entre l'architecte et son client ou employeur.

10. Pour déclarer irrecevable la demande de paiement formée par la société, le jugement retient que l'article 11 du code de déontologie des architectes du 21 juin 1980 énonce que tout engagement professionnel de l'architecte doit faire l'objet d'une convention contenant explicitement les règles fondamentales qui définissent les rapports entre l'architecte et son client ou employeur, parmi lesquelles figure le préalable de conciliation prévu dans les clauses types élaborées par les ordres professionnels, et qu'en se dispensant de respecter cette obligation professionnelle dans le contrat litigieux, la société a commis une faute et sa demande en paiement doit être déclarée irrecevable.

11. En statuant ainsi, tout en constatant que le contrat relatif à la mission de relevé de plan conclu entre l'architecte et sa cliente ne comportait aucune clause préalable de conciliation, et alors que l'article 11 du code de déontologie des architectes, ni aucune autre disposition de ce code, n'impose à l'architecte une obligation de prévoir une clause préalable de conciliation dans les contrats qu'il conclut avec ses clients, le tribunal a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

DÉCLARE recevable le pourvoi ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 10 novembre 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Soissons ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Laon ;

Condamne Mme [Z], épouse [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z] épouse [W] et la condamne à payer à la société Olivier Burte architecte la somme de 3 000 euros ; 

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