jeudi 4 août 2022

Le plafond de garantie ne s'applique qu'à la prestation mise à la charge de l'assureur en vertu du contrat d'assurance de responsabilité et non aux intérêts de retard

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 juillet 2022




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 782 F-D

Pourvoi n° T 20-13.804



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUILLET 2022

La société Marto et fils, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 20-13.804 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Marto et fils, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 novembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 7 février 2019, pourvoi n° 18-10.003), et les productions, la société Marto et fils (la société Marto), entreprise du bâtiment assurée auprès de la société UAP, aux droits de laquelle vient la société Axa France IARD (l'assureur), a été condamnée par jugement d'un tribunal de grande instance à garantir la société Edimbourg Madrid assurée par la société Allianz devenue AGF, à la suite d'un sinistre.

2. L'assureur a réglé diverses sommes aux créanciers de la société Marto, en exécution de cette décision avant de leur opposer que la limite de sa garantie était atteinte.

3. L'assureur de la société Edimbourg Madrid, maître d'ouvrage, n'ayant pas été intégralement désintéressé par l'assureur des sommes dont il avait fait l'avance, à l'égard des propriétaires lésés, a fait signifier à la société Marto, le 2 septembre 2013, un commandement de payer la somme de 412 902,63 euros, avant saisie-vente, dont la société Marto a apuré les causes d'une façon échelonnée.

4. La société Marto estimant que l'assureur n'avait pas réglé la totalité de ce qu'il devait, au titre de sa garantie, l'a assigné devant un tribunal de commerce en paiement de la somme de 343 372,22 euros, qui a été portée, en cours de procédure, à celle de 412 902,63 euros.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, le deuxième moyen et le troisième moyen, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. La société Marto fait grief à l'arrêt de dire que l'assureur était redevable de la somme de 20 525,08 euros au titre du solde de sa garantie, outre intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2010 et d'inviter les parties à faire les comptes entre elles, s'agissant du trop-versé par l'assureur à hauteur de la somme de 581,75 euros et des intérêts dus par celui-ci entre le 17 mars 2010 et le 23 février 2016 et de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que la cour d'appel a rappelé que les intérêts relatifs aux condamnations prononcées à l'encontre des sociétés Edimbourg Madrid et AGF, garanties par les sociétés Marto et Axa, étaient dus « à compter du 16 décembre 2008, ainsi qu'en a décidé la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 28 janvier 2011 » puis a relevé que les intérêts étaient « finalement dus entre le 16 décembre 2008 et le règlement du 15 mars 2010 » ; qu'en retenant néanmoins que le montant des intérêts n'était pas défini et qu'il n'était pas démontré que la société Axa ait eu à le régler, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1254 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1254 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article L. 113-5 du code des assurances :

7. Aux termes du premier de ces textes, le débiteur d'une dette qui porte intérêt ou produit des arrérages, ne peut point, sans le consentement du créancier, imputer le paiement qu'il fait sur le capital par préférence aux arrérages ou intérêts : le paiement fait sur le capital et intérêts, mais qui n'est point intégral, s'impute, d'abord, sur les intérêts.

8. Selon le second, lors de la réalisation du risque ou à l'échéance du contrat, l'assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat et ne peut être tenu au-delà.

9. Il en résulte que le plafond de garantie ne s'applique qu'à la prestation mise à la charge de l'assureur en vertu du contrat d'assurance de responsabilité et non aux intérêts de retard y afférents.

10. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt rappelle que l'assureur admet le principe selon lequel les intérêts réglés doivent être déduits du plafond de garantie.

11. Il ajoute qu'il est constant que l'assureur a réglé, le 15 mars 2010, à la société AGF une somme totale de 494 618,50 euros comprenant 336 168 euros d'intérêts, calculés sur la période du 29 juin 1999 au 30 juin 2009.

12. L'arrêt constate ensuite, qu'en réalité, ces intérêts n'étaient dus que depuis le 16 décembre 2008, et en déduit qu'ils s'analysent tous comme un indu.

13. L'arrêt considère, dès lors, qu'il n'est nullement établi que l'assureur a réglé une quelconque somme au titre des intérêts devant venir en déduction du plafond de garantie.

14. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'assureur avait réglé des intérêts qui étaient dus, pour la période du 16 décembre 2008 au 30 juin 2009, de sorte que ces derniers ne devaient pas être pris en compte pour apprécier si le plafond de garantie avait été atteint, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate que la société Axa France IARD était redevable de la somme de 20 525,08 euros au titre du solde de sa garantie, outre intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2010, et invite les parties à faire les comptes entre elles, s'agissant du trop-versé à hauteur de 581,75 euros et des intérêts dus par celle-ci entre le 17 mars 2010 et le 23 février 2016, l'arrêt rendu le 21 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Axa France IARD et la condamne à payer à la société Marto et fils la somme de 3 000 euros ;

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